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Le soldat gascon

On connait les Gascons et leurs ancêtres, Aquitains puis Vascons, pour être d’abord des guerriers. Mercenaires, mousquetaires ou soldats, fidèles à des rois ou indépendants, le Gascon est de toutes les guerres.

La guerre des Gaules

Publius Licinius Crassus
Publius Licinius Crassus (82 Av. J-C – 53 Av. JC) © Alchetron

L’Aquitaine est le pays le moins connu des Gaules. Dans Commentaires sur la guerre des Gaules, Jules César ne s’étale pas sur la conquête de l’Aquitaine par les Romains. Ce qui est normal, puisque ce n’est pas lui qui l’a conquise mais Publius Licinius Crassus (fils du triumvir Marcus Licinius Crassus). Toutefois, auparavant, en -78, les Aquitains avaient vaincu des légions romaines.

La conquête de l’Aquitaine s’articule en deux parties.

Des débuts classiques 

La première partie concerne les Romains et les Sotiates, peut-être des Celtes installés en Aquitaine. C’est contre ces Sotiates que Crassus se bat en premier lieu. Les Sotiates se battent comme les Gaulois – ce qui renforce l’idée qu’ils ne sont pas Aquitains mais Celtes. Ils ont une forte cavalerie, une garde royale fidèle et possèdent une ville fortifiée, comme les Gaulois. Mais ce système militaire se révèle insuffisant face aux Romains.

Durant le siège de leur capitale, César mentionne également que les Sotiates sont de bons « sapeurs ». Ils tentent de creuser des galeries jusque dans les positions romaines, sans succès. Au moment de la reddition de la cité, le roi Adcantuan tente une dernière sortie avec ses soldures, sa garde, sans succès également. Cette première partie de la campagne militaire en Aquitaine est semblable aux autres conquêtes sur la rive droite de la Garonne. Les peuples celtes, excellents guerriers et fidèles à leurs chefs, ne peuvent cependant pas lutter efficacement face au génie militaire romain.

Les Aquitains adaptent leur stratégie

La campagne contre les Aquitains
La campagne contre les Aquitains (56 Av. J-C) © Wikimedia

La deuxième partie est différente, les autres peuples d’Aquitaine se liguent et appellent à l’aide des chefs venant du Sud des Pyrénées, en Hispanie Citérieure. Ces hommes-là ont l’expérience de la guerre contre les Romains et se battent comme eux. Dans toute la guerre des Gaules c’est l’unique exemple d’un changement tactique face aux légions romaines. Les combats seront difficiles pour Rome. Les Aquitains refusent le combat frontal contre les légionnaires, un combat dans lequel les Gaulois se laissaient entrainer. Ils attaquent les lignes de ravitaillement de Crassus. Ce dernier est forcé d’attaquer le camp « romain » des Aquitains. Et ce n’est qu’en profitant d’un accès mal défendu que Publius Crassus peut vaincre l’armée des coalisés aquitains.

Après ces combats, l’Aquitaine sera vaincue, les peuples enverront des otages aux Romains pour garantir leur nouvelle allégeance. Toutefois, en -52, le roi celte Teutomatos, roi des Nitiobroges recrutera des mercenaires aquitains pour se joindre à l’armée de Vercingétorix.

Ce qu’il faut retenir c’est que dans les sept années de la guerre des Gaules, les Aquitains seront les seuls à adapter leur stratégie pour tenter de résister à l’invasion romaine.

Les Vascons

Combats contre les Sarrasins, Grandes Chroniques de France, XIVe s. (BNF, FR 2813) -copie pour le roi Charles V.
Les Sarrasins, Grandes Chroniques de France, XIVe s. (BNF, FR 2813) © Wikimedia

« Les Vascons, dévalant de leurs montagnes, descendent dans la plaine, dévastant vignes et champs, incendiant les maisons, emmenant en captivité plusieurs personnes avec leurs troupeaux. À plusieurs reprises le duc (franc) Austrovald marcha contre eux, mais il ne tira d’eux qu’une vengeance insuffisante. » C’est ainsi que Grégoire de Tours décrit les Vascons en 587. Ils sont les cousins des Aquitains et viennent des versants sud des Pyrénées. Peu christianisés, parlant toujours leur ancienne langue, ils sont le reflet non romanisé des Aquitains. D’ailleurs, l’arrivée des Vascons en Aquitaine n’entraine pas de troubles comme cela avait pu être le cas avec les Wisigoths.

Vers 630, la Novempopulanie devient la Vasconie. Pendant des siècles ils vont lutter pour maintenir leur indépendance. Ils se battent contre les Francs au nord et les Wisigoths au sud, puis contre les Arabes, comme le 9 juin 721 à Toulouse, première victoire majeure des peuples chrétiens d’Europe occidentale face aux Omeyyades.

Les cavaliers vascons

Eudes d’Aquitaine se fait nommer princeps Aquitaniae (prince d’Aquitaine), il est à la fois duc de Vasconie (de la Garonne aux Pyrénées) et duc d’Aquitaine (de la Loire à la Garonne). L’ironie de l’histoire ramène à l’Aquitaine étendue du temps des Romains. Et les Vascons ? Ils sont toujours là, et ils sont renommés dans l’art de la cavalerie et de l’infanterie légère. En 721, Eudes fait appel à eux. En 732, à Poitiers, ils sont encore là et prennent à revers les Arabes, englués face au mur de boucliers des Francs.

Louis le Pieux et ses envoyés Grandes Chroniques de France (BNF, FR 2813)
Louis le Pieux et ses envoyés, Grandes Chroniques de France (BNF, FR 2813) © Wikimedia

Les cavaliers vascons sont le symbole de leur indépendance. Ils sont si réputés que Charlemagne fait entrer son fils Louis le Pieux dans son nouveau royaume d’Aquitaine habillé comme un cavalier vascon. Plus tard, ce même Louis le Pieux rejoindra son père dans sa guerre contre les Saxons, habillé en vascon. La tactique de ces fameux cavaliers est d’attaquer l’ennemi en lançant des javelots sur lui, puis de simuler une retraite avant de revenir à l’assaut pour de nouveau harceler les lignes adverses.

L’infanterie des Vascons combat de façon similaire, une infanterie légère qui harcèle l’adversaire en lançant des javelots. Cette façon de combattre durera longtemps, et au début du XIIIe siècle, les dardiers ou dardassiers gascons sont reconnus dans les différentes armées des seigneurs de Gascogne ou quand ils sont recrutés par d’autres, comme les comtes de Toulouse.

Les Gascons sont des mercenaires recherchés

La défaite à la bataille de la Castelle (1063) du duc de Vasconie face au duc d’Aquitaine (entre la Garonne et la Loire) sonne la fin du temps des Vascons. À partir de là, ce qui sont nommés Gascons  se battront souvent pour des étrangers ou entre eux. Durant la croisade des albigeois, on retrouve ces fameux dardiers au service de Toulouse, mais également d’autres Gascons escaladant la falaise de Montségur pour prendre la forteresse rebelle.

Plus tard, durant le Moyen-âge tardif, les Gascons se font connaitre dans un autre type d’arme, l’arbalète. Les arbalétriers gascons sont, comme leurs homologues génois, des mercenaires de renom. On les retrouve chez les Anglais et les Français durant la guerre de cent ans. Jusqu’à ce que les armes à poudre se répandent, ces arbalétriers seront dans les rangs des rois de France.

La guerre de cent ans c’est aussi l’époque des routiers, ces Gascons du parti anglais qui ravagent les campagnes du parti français, en face d’autres cavaliers gascons, dont on connaissait leurs chevaux pour leur maniabilité. C’est aussi le temps de Lahire et de Xantrailles, les lieutenants, gascons, de Jeanne d’Arc. Dans le camp des Armagnacais ou avec Gaston Fébus, pour les Anglais ou pour les Français, les Gascons sont partout durant cette longue guerre.

Bible de Maciejowski, enluminure sur parchemin, ca 1245 © Wikimedia,
Bible de Maciejowski, enluminure sur parchemin, ca 1245 © Wikimedia,

Le temps des cadets et des mousquetaires

La création d’une armée régulière en 1445 en France puis la bataille de Castillon en 1453, changent la donne. Désormais, il faudra se battre pour les rois de France ou de Navarre. C’est le temps des capdèths, les fils cadets de la petite et nombreuse noblesse de Gascogne, sans le sou. Ils prennent la route vers le Nord et s’engagent dans les armées françaises au XVIe siècle. L’avocat et historien agenais Florimond de Raemond parle de la Gascogne comme « un magasin de soldats, la pépinière des armées ». D’autres choisissent la Navarre, au côté d’Ignazio Loiolakoa (Ignace de Loyola). De nombreux Gascons tomberont face à l’Espagne lors de la conquête de la Haute-Navarre entre 1512 et 1529.

Sous Henri IV, la mode à la cour est au gascon, le vert galant amène avec lui une suite d’hommes aux accents étrangers aux yeux de Paris. La cour se remplit de Gascons et avec elle les soldats de la maison militaire du roi. Plus précisément, c’est chez les mousquetaires où ils sont les plus nombreux. Le mousquetaire le plus connu est évidemment d’Artagnan, capitaine des mousquetaires du roi. Fidèle à Louis XIV, il meurt durant le siège de Maastricht en 1673.

Arrivée de Louis XIV au camp devant Maastricht (détail) par Adam François van der Meulen où Artagnan, soldat gascon, trouve la mort
Arrivée de Louis XIV au camp devant Maastricht par Adam François van der Meulen, 1673 © Wikimedia

D’Artagnan, celui de Dumas comme celui de l’histoire, représente le combattant gascon tel que l’on imagine : courageux, audacieux et fidèle. Et l’œuvre de Dumas amorce le début d’une série de livres de capes et d’épées où le héros est presque toujours gascon : Le bossu, Le capitaine Fracasse, Le capitan, ou encore Cyrano de Bergerac.

En fait, les soldats gascons seront appréciés dans les combats. D’ailleurs, jusqu’au XVIIe siècle, les Gascons seront différenciés des Français dans les armées car ils sont considérés comme des troupes d’élite.

Les différences s’estompent

J-B Bernadotte lieutenant au 36e régiment de ligne en 1792 (soldat gascon)
J-B Bernadotte, lieutenant au 36e régiment de ligne en 1792 © Wikimedia

Bien entendu les soldats gascons ne sont pas tous des nobles, ceux issus du peuple sont également nombreux dans les régiments de l’armée comme le régiment de Navarre, le régiment de Béarn, le régiment d’Aquitaine, le régiment d’Armagnac ou bien le régiment d’Auch. Mais, la grande enquête de Colbert sur la noblesse puis plus tard la Révolution Française changent une fois de plus le destin des soldats gascons. En effet, à partir de la chute de la monarchie, il est beaucoup moins aisé de situer les unités composées en partie ou intégralement d’hommes de Gascogne. Et l’on identifiera surtout des hommes comme, durant les guerres napoléoniennes, le maréchal Lannes, un Gascon, ou le Béarnais Bernadotte, qui fut roi de Suède. Peut-être, les temps de troubles favorisent l’audace gasconne !

Le XXe siècle et aujourd’hui

Depuis la Révolution et surtout depuis la IIIe république, les hommes sont de plus en plus mélangés dans des circonscriptions militaires, au lieu d’être recrutés au sein d’une même région. Manœuvre habile permettant de mélanger les hommes issus de milieux sociaux différents et surtout de pays historiques différents, et permettant de limiter l’usage des différentes langues de France au profit du seul français.

Insigne du 2° Bataillon de chasseurs Pyrénéens, héritiers des soldats gascons
Insigne du 2° Bataillon de chasseurs Pyrénéens

En 14-18, comme tous les autres, les soldats gascons verseront leur sang dans les tranchées. Il est difficile d’avoir le chiffre exact de nombre de Gascons morts dans cette guerre, en revanche on peut en faire une estimation : probablement plus de 71 000 morts.

Landes : 11 596 morts ; Hautes-Pyrénées : 6 194 morts ; Pyrénées-Atlantiques (Iparralde, le territoire basque situé en France y compris) : 14 075 morts ; Gers : 7 538 morts ; Ariège gasconne #3 800 morts (sur tout le département 7 652 morts) ; Gironde gasconne : #17 600 morts (sur tout le département 20 580 morts) ; Haute-Garonne gasconne : #6 000 morts (sur tout le département : 12 422 morts) ; Lot et Garonne gasconne : 2 500 morts (sur tout le département 7 568 morts) ; Tarn et Garonne gasconne : #2 000 morts (sur tout le département 5 463 morts).

Depuis, seront créés en Gascogne des bataillons de chasseurs pyrénéens (plus précisément les 6ème, 7ème et 8ème qui sont gascons et les 9ème et 10ème venant d’Iparralde) ou des unités de parachutistes (1er régiment de hussards parachutistes de Tarbes, 35ème régiment d’artillerie parachutiste de Tarbes, 1er régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Bayonne), ou encore l’école des troupes aéroportées de Pau. Mais les Gascons ne sont plus identifiés.

L’histoire militaire des Gascons reste toutefois exceptionnelle, tant par le nombre de ses exploits que par la qualité de ses hommes.

Lois Martèth

écrit en orthographe nouvelle

Références

Et l’Aquitaine devint romaine, Jean-Pierre Brèthes, 2012.
Armement et auxiliaires gaulois (IIe et Ier siècles avant notre ère), Lionel Pernet, 2013.
Géographie politique du Sud-Ouest de la Gaule pendant la domination romaine Jean-François Bladé, 1893.
Charles Martel. Poitiers. 732. Jean-Marie Borghino.
Les Aquitains et les Gascons au haut Moyen-Âge : genèse de deux peuples , Guilhem Pépin.
Les chevaux de guerre vascons et gascons Guilhem Pépin.
Des guerriers oubliés : les lanceurs de javelots basques et gascons ,
Guilhem Pépin.
Corporations et confréries d’archers et d’arbalétriers à la fin du Moyen Âge
, Valérie Serdon-Provost.
Les Cadets de Gascogne, toute une histoire 
De l’influence du gascon sur la langue française Maxime Lanusse
Erreinu zaharra, NAFARROA 1512.
Régiments français d’Ancien Régime, wikipédia.
4ème demi-brigade chasseurs pyrénéens, wikiMaginot.




Les enclaves de Bigorre en Béarn

Depuis le XIe siècle, la Bigorre possède deux enclaves dans le Béarn. Une histoire d’irréductibles Bigourdans.

Des petits bouts d’Ancien Régime

Carte du Béarn historique, montrant notamment le Montanérès, rattaché au XIe siècle.
Carte du Béarn historique, montrant notamment le Montanérès, rattaché au XIe siècle © Wikipedia

Il s’agit de deux enclaves à mi-chemin entre Tarbes et Pau. Celle du nord comprend trois communes (Escaunets, Séron et Villenave-près-Béarn), celle du sud, deux communes (Gardères et Luquet). Séparées d’à peine 200 mètres, elles comptent seulement 1 500 habitants sur 42 km².

Cette survivance d’Ancien Régime n’est pourtant pas la seule en France. On aime bien cultiver ses spécificités ! Le Nord a une enclave de trois communes dans le Pas de Calais ; la Côte d’Or a une enclave d’une seule commune située à cheval sur les deux départements de la Nièvre et de la Saône et Loire ; la Meurthe et Moselle a une enclave d’une seule commune dans le département de la Moselle et enfin le Vaucluse a une enclave de 4 communes situées dans la Drôme. C’est l’« Enclave des Papes ».

Pour être complet, n’oublions pas l’enclave espagnole de Llivia dans les Pyrénées-Orientales. Elle est le résultat d’un oubli des commissaires chargés de délimiter la frontière entre les deux pays lors du Traité des Pyrénées.

D’où viennent les enclaves ?

Gaston IV de Béarn dit le Croisé, portail de la Cathédrale Saint-Marie d'Oloron © Wikimedia Commons
Gaston IV de Béarn dit le Croisé, portail de la Cathédrale Saint-Marie d’Oloron © Wikimedia Commons

On sait peu de choses sur leur histoire. Cependant, la vicomté du Montanerès appartient au comte de Bigorre. Sa capitale est Montaner où il existe un château avant la construction de la forteresse de Gaston Febus. La vicomté existe en 970 lorsque son vicomte fonde le monastère de Larreule en Bigorre.

En 1085, Talèse d’Aragon en est la vicomtesse. Elle épouse Gaston de Béarn (1074-1130), futur Gaston IV dit le croisé. Néanmoins, le comte de Bigorre qui accepte le rattachement du Montanarès au Béarn, se réserve 5 communautés qui restent rattachées à la Bigorre. Certains disent que c’est parce que les troupeaux de Lourdes pacagent l’hiver sur les landes de ces communautés.

Bien que définitivement béarnais, le Montanerès n’en conserve pas moins des liens étroits avec la Bigorre puisque, jusqu’à la Révolution de 1789, il est rattaché à l’évêché de Tarbes.

La bande de 200 mètres qui sépare les deux enclaves serait, selon certains, voulue par Gaston Febus qui souhaitait accéder directement à sa forteresse de Montaner sans avoir à faire un grand détour.

Les difficultés des habitants

Le château de Montaner, siège de la vicomté du Montanerés
Le château de Montaner, siège de la vicomté du Montanerés © Wikimedia

Vivre enclavé dans un autre territoire n’est pas sans difficulté pour la population. Pour en avoir un aperçu, consultons, par exemple, le Cahier de doléances de Villenave.

La communauté se trouve « dans la plus grande gêne pour l’importation et exportation de ses denrées et vente de ses bestiaux a raison de la gabelle et foraine dont ils sont inquiétés ». En effet, pour aller au marché de Vic-Bigorre, il faut traverser une partie du Béarn et payer la foraine (droit de douane) en entrant en Bigorre. C’est un comble : des Bigourdans paient des droits de douane pour aller chez eux !

En matière de justice, la communauté explique que « l’éloignement du Parlement de Toulouse […] rend les frais de voyage très dispendieux ce qui est un obstacle pour obtenir prompte justice, […] demandent d’être arrondit au Parlement de Navarre qui par sa proximité nous offre prompte justice. Et les frais de procédure infiniment moins ruineux ». Villenave demande aussi « l’établissement d’un présidial à Tarbes établissement qui coupera la ruine a des appels ruineux pour des objets peu importants ». Pour les affaires peu importantes, le Présidial est à Auch.

Les difficultés administratives perdurent toujours. Un regroupement pédagogique intercommunal associe les élèves de deux Académies qui n’ont pas le même calendrier des vacances scolaires. L’eau potable est gérée par un syndicat spécifique aux deux enclaves. La route qui relie les deux enclaves est gérée par les Hautes-Pyrénées alors qu’elle se situe en Béarn. Bref, il faut s’adapter.

Les tentatives pour supprimer les enclaves

Bertrand Barère (1755 - 1841)
Bertrand Barère (1755-1841) © Wikimedia

La formation des départements en 1790 est une belle occasion pour supprimer les deux enclaves. C’est sans compter avec Bertrand Barère de Vieuzac qui veut absolument un département avec Tarbes pour chef-lieu.

Si le futur département des Basses-Pyrénées a déjà englobé les enclaves sans aucune difficulté, Bertrand Barrère s’y oppose fermement : « Si ce pays, la Bigorre, est trop petit pour former un département, il convient de l’agrandir. Mais il serait très inique de n’en faire que des districts dépendant d’une ville étrangère ; ce serait un meurtre politique que de faire de Tarbes le misérable chef-lieu d’un district ».

Qu’à cela ne tienne ! On lui propose d’échanger les deux enclaves contre 5 autres communautés qui touchent à la Bigorre. Cette fois-ci, ce sont les habitants unanimes de toutes les communautés concernées qui s’y opposent.

En 1946, un référendum est organisé dans l’enclave nord pour son rattachement au département des Pyrénées-Atlantiques. Encore une fois, les habitants d’Escaunets et de Villenave sont unanimes à refuser.

L’apport de l’intercommunalité

Les intercommunalités des Hautes-Pyrénées
Les intercommunalités des Hautes-Pyrénées

L’État favorise les regroupements intercommunaux.

Dans l’enclave nord, Escaunets et Villenave-près-Béarn rejoignent la Communauté de Communes de Vic-Montaner qui regroupe 15 communes des Hautes-Pyrénées et 11 des Pyrénées-Atlantiques. Regrouper des communes de deux départements sur deux régions ne pose pas de difficultés à priori, sauf qu’il faut tout faire en double !

Séron et les deux autres communes de l’enclave sud relèvent de la Communauté de Communes du Canton d’Ossun dont elles sont physiquement séparées.

Mais voilà, la nouvelle réforme de l’intercommunalité pose comme principe intangible, la continuité territoriale. Cela ne pose aucune difficulté pour Escaunets et Villenave. Ce n’est pas le cas des trois autres communes des enclaves qui sont séparées des 14 autres communes.

Gilles Nogues (maire de Luquet), Ginette Curbet (maire de Gardères), Jean Touya (maire de Séron), les trois mousquetaires des enclaves © République des Pyrénées
Gilles Nogues (maire de Luquet), Ginette Curbet (maire de Gardères), Jean Touya (maire de Séron), les trois mousquetaires des enclaves © République des Pyrénées

Il n’en faut pas plus pour que le préfet des Pyrénées-Atlantiques imagine de les rattacher à la nouvelle Communauté de Communes d’Ousse et de Morlaàs en Béarn.  Continuité territoriale ou pas, il n’est est pas question ! Les élus se mobilisent dans la presse, au Sénat…

Évidemment, la loi n’a pas prévu ce cas particulier. Une fois de plus, les habitants des enclaves ont eu gain de cause.

Mais quelle est donc la recette de la potion magique de ces irréductibles Bigourdans ?

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

enclaves bigourdanes, Wikipédia.
Archives départementales de Hautes-Pyrénées.
Origine et maintien des enclaves des Hautes-Pyrénées dans les Basses-Pyrénées, Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, Pierre TUCOO-CHALA, 1954, p. 52-58.




Astarac, le pays oublié qui renait de ses cendres

Gouverné pendant neuf siècles par ses comtes, l’Astarac a constitué une entité politique et administrative active jusqu’à la Révolution française avant d’être dissous dans les divisions administratives républicaines. Mais il faut croire que les braises sont encore chaudes, puisque l’Astarac renait aujourd’hui de ses cendres, porté par ses habitants, au travers de nouvelles entités.

Les origines : la Novempopulanie puis le duché de Vasconie

La Novempopulanie romaine
La Novempopulanie romaine

L’administration romaine avait au IIIe siècle divisé l’Aquitaine en 3 provinces, ou trois Aquitaines. L’Aquitaine troisième prit le nom de Novempopulanie, pays des neuf peuples. L’un de ces peuples, les Auscii, donna naissance à un pagus (division administrative romaine) autour d’une civitas (cité) Augusta Auscorum (Auch). Son territoire correspondait à une grosse partie centre et sud de l’actuel département du Gers. Il était prolongé au sud par une pointe qui s’avançait dans le nord-est de l’actuel département des Hautes-Pyrénées. Avec la christianisation, ce pagus devint un évêché, celui d’Auch.

 

Les comtes d’Astarac

L'Astarac au Xe siècle
L’Astarac au Xe siècle

À la suite d’un partage du duché de Gascogne en 920, Arnaud-Garsie, dit Nonnat, reçut le pagus d’Astarac. Ainsi, il est le premier comte d’Astarac attesté dans les sources écrites.

Le territoire comtal comprenait alors tout le sud de l’évêché d’Auch. Il fut même agrandi au milieu du Xe siècle du comté d’Aure au sud. Mais, au début du XIe siècle, une nouvelle division entre les fils du comte Arnaud II siècle aboutit au détachement définitif du comté d’Aure, auquel le Magnoac avait été rattaché. Le Pardiac, fut à son tour érigé en comté indépendant.

Pendant tout le XIIe siècle, la grande guerre méridionale fit rage entre le duc d’Aquitaine (qui était aussi duc de Gascogne) et le comte de Toulouse. Bien que vassaux du premier jusqu’à la fin du XIe siècle, les comtes d’Astarac restèrent à l’écart de ce conflit.

Influence commingeoise et toulousaine

La bataille de Muret le 12 septembre 1213
La bataille de Muret le 12 septembre 1213 © Wikipedia

Dès la fin du XIIe siècle, l’Astarac ressentit une forte influence commingeoise dans ses affaires. Le comte Centulle Ier est connu pour avoir participé à la bataille de las Navas de Tolosa (1212) en Espagne aux côtés du roi Pierre d’Aragon. Toutefois, il parvint à rester à l’écart de la bataille de Muret en 1213. Il évita ainsi la défaite du roi d’Aragon et du Comte de Toulouse face aux troupes croisées menées par Simon de Monfort. Et le comte d’Astarac finit par prêter hommage au comte de Toulouse en 1230, puis, en 1271. Il devint ainsi vassal direct du roi de France.

Les bastides royales et la perte de souveraineté

Mirande en Astarac
Mirande en Astarac © Wikipedia

La fin du XIIIe siècle fut la période de construction en Gascogne des premières bastides en paréage avec le roi de France. En Astarac on en trouve de nombreuses parmi lesquelles Masseube (1274), Mirande et Pavie (1280), ou Seissan (vers 1288). De plus, avec les bastides, la justice royale s’implantait durablement dans le comté. Ceci provoqua le détachement de plusieurs terres du domaine comtal dont Simorre et ses possessions, et la seigneurie de Sauveterre. Sous les coups de butoirs juridiques de la royauté, les comtes d’Astarac perdaient peu à peu leur souveraineté.

Avec les comtes de Foix contre Armagnac et les Anglais

Gaston Febus (1331-1391) © Livre de la Chasse – BNF

Dans la lutte entre les comtes d’Armagnac et ceux de Foix-Béarn les comtes d’Astarac prirent le parti de ces derniers. C’est ainsi que Centulle IV participa le 5 décembre 1362 à la fameuse bataille de Launac aux côtés de Gaston III de Foix. À cette occasion, l’alliance Armagnac-Comminges-Pardiac et Labarthe subit une défaite cuisante. La rupture entre les maisons d’Astarac et de Comminges était alors définitive.

Pendant la guerre de cent ans, les comtes d’Astarac suivirent leur Suzerain, le roi de France et leurs alliés les comtes de Foix. En 1355, une chevauchée du Prince Noir dévasta l’Astarac. Gouverneur de Gascogne, Jean III était aux côtés des comtes de Foix, d’Armagnac et de Comminges en 1434 pour soutenir Charles VII face aux Anglo-bourguignons. Et en 1442, il participa à la prise de Saint-Sever et de Dax. Puis, en 1449, il était présent lors de la conquête de Mauléon en Soule, une des dernières places fortes anglaises en Gascogne.

En 1446, le roi de France, Charles VIII, chargea son fidèle lieutenant, le comte Jean V, de confisquer les domaines du comte d’Armagnac, et de capturer celui-ci, tâche dont il s’acquitta avec zèle.

Fin de la maison d’Astarac

Jean-Louis de Nogaret de la Valette, futur duc d’Epernon (1581-1642) © Wikipedia

À partir de 1508, l’Astarac entrait par mariage dans la maison des Foix-Candale, puis en 1587 dans celle des ducs d’Epernon. Au milieu du XVIIe siècle, l’administration royale saisit les biens de la famille. Alors, le comté fut transféré à la maison de Roquelaure dans laquelle il resta jusqu’à la Révolution.

L’Élection d’Astarac et la Généralité d’Auch

Le pouvoir royal voulait maitriser la répartition des impôts, en particulier les tailles, et les soustraire au pouvoir des grands seigneurs féodaux. C’est ainsi que le royaume créa les « pays d’élection ». Ils devaient se substituer aux « pays d’états », lesquels décidaient librement de la levée et de la répartition de ces impôts.

En juin 1622, l’élection d’Astarac fut créée. Celle-ci comprenait alors non seulement le comté d’Astarac proprement dit, mais aussi la Perche de Mirande, le comté de Pardiac, les seigneuries des Affites et de Puydarrieux, Tournay et la baronnie d’Esparros en Bigorre, et même Sos en Condomois. On y inclut même plusieurs communautés relevant du comté de Fézensac autour de Montesquiou.

Les pays d’élection étaient regroupés dans les généralités et gouvernés par un intendant. L’élection d’Astarac fit partie de la généralité de Guyenne de sa création jusqu’en 1635. Elle intégra alors celle de Montauban jusqu’en 1716, puis la généralité d’Auch jusqu’en 1767, laquelle subit ensuite plusieurs modifications jusqu’à la révolution.

L’Election d’Astarac et ses divisions / La Généralité d’Auch entre 1717 et 1767 © E. Pène

La sénéchaussée d’Auch

D’un point de vue judiciaire, l’Astarac, situé dans le ressort du parlement de Toulouse, dépendait de la sénéchaussée d’Auch, créée en 1639. Les sénéchaussées recevaient les appels de nombreuses hautes justices royales et seigneuriales. Outre le comté d’Astarac, les comtés de Fézensac, Gaure, Pardiac, la vicomté de Fézenzaguet, et le pays des quatre vallées en faisaient partie. Toutefois, une partie de l’Astarac ne relevait pas de cette sénéchaussée. Les enclaves de Rivière-Verdun et la baronnie de Barbazan dépendaient de la sénéchaussée de Toulouse. Quant au bailliage ducal d’Antin (siégeant à Miélan), il avait gagné le privilège en 1711 de porter ses appels directement auprès du parlement de Toulouse… sans passer par la case sénéchaussée !

La Révolution, le département du Gers, et la fin de l’Astarac

La Révolution de 1789 mit fin à l’extrême complexité des droits de justice, fiscaux et autres privilèges issus de plusieurs siècles de féodalité. Il y eut de nombreux débats pour la constitution des départements. Le 16 février 1790, un décret fixa les contours du nouveau département du Gers. Il comprenait la quasi intégralité des élections d’Armagnac et d’Astarac (à l’exception de ses parties les plus méridionales intégrées aux Hautes-Pyrénées), une partie du Condomois, de la Lomagne et du Comminges (le Savès), et les enclaves de Rivière-Verdun qui étaient comprises dans le périmètre ainsi délimité.

Désormais intégré dans un département au nom d’une simple rivière (le Gers), et divisé en plusieurs cantons, l’Astarac disparut des cartes administratives jusqu’à la fin du XXe siècle.

La renaissance de l’Astarac ?

À la suite de la loi de 1996 sur la coopération intercommunale, les Gersois créèrent la communauté de communes de Cœur d’Astarac en Gascogne en 1999, et la CC Vals et villages en Astarac en 2001. Celle-ci fusionna en 2013 avec la CC des Hautes-Vallées de Gascogne pour former la Communauté de communes Astarac Arros en Gascogne.

La réforme territoriale de 2015 se traduisit par une refonte complète des cantons. Finis les cantons au nom des villes, Mirande, Miélan, Masseube… De nouveaux cantons furent créés, plus grands : Mirande-Astarac, et Astarac-Gimone.

Enfin, on peut citer le projet du Parc Naturel Régional (PNR) d’L’Astarac au Xè siècleAstarac, initié en 2017. Il regroupe les 3 communautés de commune de Cœur d’Astarac en Gascogne, Astarac Arros en Gascogne, et Val de Gers.
On observe toutefois que ces découpages administratifs s’éloignent parfois de manière importante de l’Astarac historique, que ce soit le comté ou l’élection.

Le projet de PNR est une très bonne initiative sur le papier, mais ses contours sont perfectibles. Ses limites à l’est correspondent quasi parfaitement au comté d’Astarac historique. Mais il est assez incompréhensible qu’il se soit étendu si loin au nord-ouest au cœur même du Fézensac historique.

Astarac - Cantons et Communautés de Communes
Astarac – Cantons et Communautés de Communes

 

Pour finir, nous proposons une carte moderne de l’Astarac, basée essentiellement sur des critères historiques.

Emmanuel Pène

écrit en orthographe nouvelle

Références

« L’intendant d’Etigny aux origines du département du Gers », Bulletin de la Société archéologique, historique littéraire & scientifique du Gers, 2e trimestre 1962, pp. 209-215, Maurice Bordes.
La famille d’Astarac et la gestion du territoire comtal entre le début du Xe siècle et le milieu du XVIe siècle, Nicolas Guinaudeau.
Fortifications seigneuriales et résidences aristocratiques gasconnes dans l’ancien comté d’Astarac entre le Xème et le XVIème siècle. Histoire. Université Michel de Montaigne – Bordeaux III, 2012, Nicolas Guinaudeau.
« Les ouvrages de terre fortifiés dans l’ancien comté d’Astarac (Gers) et ses marges entre le Xe et le XVIe siècle.. », Archéologie du Midi médiéval. Tome 25, 2007. pp. 59-72, Nicolas Guinaudeau.
« Entre Astarac et Bigorre, le Pardiac : sur l’éponyme du comté de même nom. », Nouvelle revue d’onomastique, n°49-50, 2008. pp. 115-139, Xavier Ravier.
Nouveau dénombrement du royaume, par généralitez, élections, paroisses et feux, P. Prault (Paris), 1735, Première Partie, pp. 296-299, Claude-Marin Saugrain.
Histoire de la ville d’Auch depuis les romains jusqu’en 1789, L.-A. Brun (Auch), 1851, Tome 2, pp. 375-377, P. Lafforgue.




Mégalithes et tumulus de Gascogne

Tout le monde connait les alignements de menhirs de Carnac en Bretagne. On connait moins les nombreux mégalithes et tumulus qui parsèment la Gascogne.

Les mégalithes gascons

Dolmen de Peyre Dusets à Loubajac (65)
Dolmen de Peyre Dusets à Loubajac (65)

La Gascogne est parsemée de menhirs isolés. Elle est très riche en mégalithes recouverts de terre, les tumulus (tumulus au singulier), témoins des civilisations du néolithique qui se sont développées entre -4500 et -2500 avant Jésus-Christ.

On les rencontre surtout sur le plateau de Lannemezan, le plateau de Ger, dans les vallées de Cauterets, d’Ossau, d’Aspe, de Soule, en Chalosse et dans le Tursan. Ce sont des tertres de terre pouvant mesurer jusqu’à 40 mètres de diamètre et 3,50 mètres de hauteur. Ils recouvrent des chambres funéraires.

À l’intérieur, on trouve des mégalithes (dolmens) avec des vases funéraires, des armes, des outils souvent en pierre. À cette époque, on brulait les corps avant leur enterrement comme en témoignent les charbons et restes d’os non calcinés trouvés dans la plupart des tumulus. Parfois, on retrouve des squelettes entiers. Cela montre l’existence de deux rites funéraires distincts.

Les tumulus des Landes, entre le Gave et l’Adour, sont plus petits que ceux du piémont. Leur diamètre ne dépasse pas 15 mètres et leur hauteur 2 mètres. Et ils ne contiennent pas de mégalithes. Leur mobilier est souvent en bronze, ce qui indique qu’ils sont construits à la fin du néolithique.

 

Les premières fouilles de tumulus

Dolmen - Fouilles du tertre du Pouy Mayou à Bartrès (Hautes-Pyrénées) durant l’hiver 1879-1880-1
Fouilles du tertre du Pouy Mayou à Bartrès (Hautes-Pyrénées) durant l’hiver 1879-1880

Les tumulus ont longtemps échappé à la curiosité. En effet, les premières fouilles n’auront lieu qu’à partir de 1823 sur le plateau de Ger qui compte 300 tumulus, puis sur le plateau de Lannemezan qui en compte une centaine.

Le premier témoignage écrit qui date de 1823 est celui de Marie-Armand de Davezac-Macaya (1800-1875), président de la Société Géographique. Le général de Nansouty (1815-1895), plus connu pour être à l’origine de l’observatoire du Pic du Midi, s’y intéresse. Mais, c’est au colonel de Reffye et surtout à son adjoint, le commandant Edgard Lucien Pothier, que l’on doit les découvertes faites entre 1869 et 1879 sur le plateau de Ger. En fait, si les militaires sont les premiers à s’y intéresser, c’est que le plateau de Ger comporte un vaste terrain militaire pour les manœuvres.

Lucien Pothier, futur général, répertorie les tumulus et en fouille méthodiquement 62. Il publie le résultat de ses recherches en 1900. Mais, les objets trouvés encombrent les armoires de l’école d’artillerie qu’il commande à Tarbes. Aussi, il transfère ses collections au Musée des Antiquités Nationales à Saint-Germain en Laye, en 1886.

Mobilier retrouvé dans les tumulus d’Avezac (65).
Mobilier retrouvé dans les tumulus d’Avezac (65).

Parallèlement, Edouard Piette (1827-1906) et Julien Sacaze (1847-1889) entreprennent les fouilles sur le plateau de Lannemezan. Edouard Piette a aussi fouillé de nombreuses grottes et sites préhistoriques. En 1902, il donne sa collection au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain en Laye. Parmi les pièces, il y a fameuse statue de la dame de Brassempouy.

Près de 50 ans après ces premières fouilles, des spécialistes réalisent une nouvelle vague de découvertes en Gascogne. Aujourd’hui, c’est surtout le fait d’amateurs passionnés.

Répartition en Gascogne

Mégalithe de Guillay à Larrivière-Saint-Savin, Landes
Mégalithe de Guillay à Larrivière-Saint-Savin (Landes)

Comme nous l’avons vu, la plus grande concentration de mégalithes se trouve au pied des Pyrénées. Toutefois, on en rencontre dans toute la Gascogne, le long des anciennes voies de communication.

En Lot et Garonne, ils se concentrent autour de Villeneuve sur Lot et surtout de Nérac. Leur particularité est de comporter le plus souvent des allées couvertes. Mais, les fouilles entreprises n’ont pas fait l’objet de publications, si bien qu’on est très mal renseignés sur ces découvertes et leur contenu.

Plus à l’ouest, en Gironde, les sites sont peu nombreux. Ils sont aussi majoritairement à allées couvertes. On les trouve dans le nord du département où la pierre calcaire est abondante. Le sud de la Gironde étant sablonneux, on n’en connait aucun.

À l’est, en Haute-Garonne, où ils sont très peu nombreux, on les trouve surtout en Comminges, autour de Saint-Martory. La ville à d’ailleurs placé un menhir sur une place publique en 1962.

Enfin, dans le Gers, il ne reste plus que deux mégalithes visibles. Pourtant, Ludovic Mazeret (1859-1929) en a étudié plusieurs, tous situés au nord du département. Mais ils ont fait l’objet de dégradations liés à l’agriculture mécanisée ou pour servir de carrières. Il est vrai aussi qu’une fois fouillé, le tumulus est perdu. Et encore plus si les fouilles n’ont pas donné lieu à des publications.

Heureusement, on fait encore des découvertes. Par exemple, près de Grenade dans les Landes, lors d’un défrichement effectué en 1967, on trouve un menhir couché. On le relève et on découvre qu’il est gravé de signes néolithiques à son sommet.

Qu’est-ce qu’un tumulus ?

Un tumulus est une tombe. On construit un dolmen sous lequel on dépose des objets funéraires et les restes, calcinés ou pas, d’un défunt. Pour arriver à la chambre funéraire, on construit parfois une allée couverte, c’est à dire plusieurs dolmens mis bout à bout pour constituer un couloir. La chambre funéraire est parfois entourée d’un ou de plusieurs cercles de pierres.

On recouvre le tout de terre pour former un monticule qui peut faire plusieurs mètres de haut et plusieurs dizaines de mètres de diamètre.

Allée couverte de Barbehère et coupe du dolmen - Saint-Germain d'Esteuil(Gironde)
Allée couverte de Barbehère – Saint-Germain d’Esteuil (Gironde)

Néanmoins, on rencontre parfois des dolmens isolés. Bien souvent, le tumulus qui le recouvrait a été fouillé et il ne reste plus que les pierres.

Outre l’intérêt du tumulus lui-même, l’étude des objets funéraires nous renseigne sur le mode de vie des défunts et leurs rites funéraires.

Tumulus et mégalithes n’ont pu échapper aux Gascons qui vivaient autour d’eux. Curieusement, ils ne leur ont pas donné de noms particuliers. On les appelle pèiras (pierres) et on ajoute un qualificatif désignant leur aspect comme pèira quilhada, pèira hita (pierre levée, borne) ou simplement calhaus (cailloux). On appelle les tumulus tucs (tertres) ou tucs redons (tertres arrondis).

En revanche, les Gascons les associent à des saints locaux, et aussi à des géants, au Diable ou aux hadas ou encantadas (fées). Le savez-vous ? Les menhirs dansent en tournant sur eux-mêmes à minuit. Ils ont le pouvoir de rendre les femmes fécondes. Et même, dans le bordelais, ils peuvent signaler la proximité d’une source et guérir les maux liés aux yeux.

Autres formes de mégalithes

Tumulus, dolmens et menhirs se rencontrent dans le piémont pyrénéen et en plaine. Pourtant, d’autres formes de mégalithes existent, cette fois-ci en montagne. Ce sont les pasteurs qui pratiquent déjà la transhumance des troupeaux qui les érigent.

Cromlechs du plateau du Bénou en Vallée d'Ossau
Cromlechs du plateau du Bénou en Vallée d’Ossau

En vallée d’Ossau, par exemple, sur le plateau du Bénou, on trouve 80 cromlechs qui sont des cercles de pierre plantées dans le sol. La majorité ont un diamètre qui varie entre 3,5 et 5,5 mètres. Quelques-uns peuvent atteindre 11 mètres de diamètre. Ils sont tous construits sur des mamelons ou des replats qui offrent une vue dominante sur la vallée.

À la fin du XIXe siècle, l’abbé Châteauneuf, curé de Bielle, en donne une première description et fait des croquis. Il remarque que 16 cromlechs constituent une ligne droite et sont précédés d’un alignement de grandes dalles de 110 mètres de long. Il n’en subsiste plus que 50 mètres.

Leurs fouilles n’ont pas donné d’objets ou de restes funéraires. Si ce ne sont pas des tombes, à quoi pouvaient-ils servir ?

Sur le plan de Beret en val d’Aran, il y a de nombreuses traces d’habitat néolithique lié au pastoralisme. Le plus surprenant est un ensemble considérable de pétroglyphes (gravures sur la pierre) dont on ne connait pas la signification. Certains signes se retrouvent sur le menhir retrouvé près de Grenade dans les Landes. Isaure Gratacos s’y intéresse et publie un article très intéressant dans la Revue du Comminges (n°1, 2009).

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Poursuivre avec les stèles discoïdales de Gascogne.

Références

Les tumulus du plateau de Ger, Lucien Pothier, 1900, 5 volumes.
Les nécropoles du Premier âge du Fer dans les Landes de Gascogne, Bernard Gellibert, Jean-Claude Merlet, Sandrine Lenorzer, 9 février 2023.
Bulletins de la Société de Borda, de la Société Ramond, de la Société Archéologique du Gers, Société du Comminges




Figues et figuiers

Le figuier est associé à la Méditerranée, et pourtant, c’est un arbre, doté de pouvoirs, que l’on trouvait dans toutes les maisons de Gascogne.

Histoire succincte du figuier

Chapiteau de la nef, basilique de Vézelay, Yonne - Adam et Ėve cachent leur nudité avec une feuille de figuier
Adam et Ėve cachent leur nudité avec une feuille de figuier. Chapiteau de la nef de la basilique de Vézelay, Yonne.

Lo higuèr, le figuier en français, est un arbre fort ancien puisqu’il est cité dans la Bible. Souvenez-vous, Adam et Ève découvrant leur nudité cachent leur sexe sous des feuilles de figuier : Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures. (Genèse 3 v 7).

On sait aussi que l’on cultivait le figuier au Proche-Orient il y a plus de 10 000 ans. D’ailleurs, son nom latin, ficus carica, veut dire figuier de Carie, région du sud-ouest de l’Asie mineure dont serait originaire cet arbre. Un peu avant notre ère, les Carthaginois apportent le figuier dans tout le pourtour de la Méditerranée. Puis, les Phocéens et les Romains le propagent dans leurs territoires de conquête.

Ainsi, on le trouve aujourd’hui dans tout le sud de la France, et aussi dans des zones abritées en Ile de France, Bourgogne, Bretagne ou sur la Manche. Dans le sud-ouest, il laisse son nom à plusieurs lieux comme le col du Figuier à Belestar (Bélesta), en Ariège languedocienne. Les Béarnais ont Higuèra (Higuères) ou Labatut-Higuèra (Labatut-Figuières), les Commingeois Higaròu (Figarol), etc. Et les Basques Picomendy (la hauteur des figuiers) à Saint-Étienne-de-Baïgorry.

La culture du figuier autour de la Méditerranée - Source : Jacques Vidaud, Le Figuier.
La culture du figuier autour de la Méditerranée – Source : Jacques Vidaud, Le Figuier.

Le figuier est symbole de vie (il peut vivre 300 ans) ; il possède des fruits en forme de bourses et son latex qui évoque le liquide séminal. Il est d’ailleurs l’arbre de Dionysos, dieu de la fécondité. Et c’est au pied d’un figuier que la louve allaite Romulus et Rémus qui fondent Rome.

Le figuier des botanistes

Ficus Carica © Wikipedia
Ficus Carica, Trew,C..J. (1771) © Wikipedia

Le figuier (ficus carica) appartient à la famille des Moracées, comme le murier ou l’arbre à pain. Il n’est pas très grand, dans les 4 ou 5 m, il aime le soleil et pas du tout le vent. Mais il peut supporter des températures basses, de -15°C. Il en existe plus de 260 variétés et on les regroupe souvent selon la couleur de leur fruit : figue blanche (à peau verte), noire (à peau violette), figue grise (à peau mauve).

Une toute petite abeille nommée blastophage s’occupe de la pollinisation des fleurs femelles ; en contrepartie le figuier l’abrite et le nourrit. Toutefois, l’abeille ne pollinise pas toutes les figues qui vont alors murir plus tôt, fin juillet. Nos amis provençaux les appellent les « couilles du pape ».

Mais attention, le figuier n’est pas que sympathique : ses feuilles et ses tiges contiennent un latex photosensibilisant. Si vous en mettez sur votre peau et que vous allez au soleil, vous verrez apparaitre de jolies brulures.

Le figuier est dans chaque maison gasconne

Dans les plaines ou les collines de Gascogne, jusque fin XIXe siècle, on trouve des figuiers qui bordent les routes. En Lomanha / Lomagne, los broishs (les sorciers) les utilisent car on attribue à ses branches un pouvoir divinatoire. Dans les Landes, le figuier protège la maison. D’ailleurs, le Landais Isidore Salles (1821-1900) nous le rappelle dans sa poésie Lou higuè / Lo higuèr / Le figuier

Isodore Salles (1821 -1900)
Isidore Salles (1821 -1900)

Toute maysoun, grane ou petite,
A soun higué, petit ou gran.
Tota maison, grana o petita, / A son higuèr, petit o gran.
Toute maison grande ou petite, / A son figuier petit ou grand.

Sans aller jusqu’à le dire sacré, on ne touche pas à un figuier même devenu vieux :

Badut bielh e quent lou cap plegue,
Que herèn un pecat mourtau
De pourta le hapche ou le sègue,
Sus l’anyou gardien de l’oustau.

Vadut vielh e quan lo cap plega, / Que herén un pecat mortau / De portar la hacha o la sèga, / Sus l’anjo gardian de l’ostau.
Devenu vieux et quand sa tête plie, / Ce serait un péché mortel / De porter la hache ou la scie, / sur l’ange gardien de la maison.

Vous pouvez écouter, lu par Tederic Merger, le texte d’Isidore Salles extrait de Langue et chansons en pays de Gascogne d’Hubert Dutech aux Editions CPE.

      1. Lo higuer-V2

Le figuier dans la conversation

Plusieurs expressions gasconnes font référence à la figue ou au figuier comme gras com ua higa (gras comme une figue, équivalent français : gras comme un cochon) ou har la higa (faire la figue, eq. français faire la mijaurée), ou encore segotir lo higuèr (secouer le figuier, eq. français secouer les puces). Quelques proverbes s’en inspirent comme:
Eth laurèr, eth higuèr que deishan tostemps heretérs.
Le laurier et le figuier laissent toujours des héritiers (c’est-à-dire que ces arbres vous survivront).

Papire Masson note en 1611 dans son livre Descriptio Fluminvm Galliae (description des fleuves de France) le proverbe suivant qui est presque un virelangue :

Lo no es bon gasconet
Se non sabe dezi
Higue, Hogue, Haguasset

Lo non es bon gasconet
se non sap díser
Higa, Hoga, Hagasset

N’est pas bon petit gascon
Celui qui ne sait dire
Higa, Hoga, Hagasset
(en expirant fortement les h s’il vous plait ; higa : figue)

Diverses utilisations de la figue

Le figuier est généreux, il peut donner à l’âge adulte (après 10 ans) de 30 à 100 kg de fruits par an. Il n’est pas très exigeant et se développe facilement, aussi il est appelé l’arbre du pauvre. Son fruit peut être séché et il se conserve longtemps.

Rome et Carthage au début de la 2ème Guerre Punique (218 av. JC)
La proximité de Rome et Carthage, à l’époque de Caton, au début de la 2ème Guerre Punique (218 av. JC)

Déjà, la figue est à la base du régime des athlètes en période olympique. Et c’est le fruit préféré de Cléopâtre. En Gascogne, comme partout, on fait sécher la figue qui devient un aliment calorifique pour toute l’année.

Plus amusant, Caton (234-149) utilise la figue pour convaincre le Sénat des dangers que représente la puissance punique. Carthago delenda est (Il faut détruire Carthage) répète-t-il inlassablement.  Et celui-ci de se laisser convaincre grâce à une figue : Sachez qu’elle a été cueillie il y a trois jours à Carthage : voilà à quelle proximité nous sommes de l’ennemi ! 

La figue et le foie gras

Les Égyptiens remarquent que les anatidés (oies, cygnes, canards…) se gavent avant la migration. Et ils remarquent aussi que la chair de ces oiseaux en devient plus tendre.  Ils décident alors de reproduire ce gavage pour rendre les chairs plus savoureuses. La technique se transmet dans le pourtour méditerranéen.

Figues farcies au foie gras
Figues farcies au foie gras

À leur tour, les Romains s’y mettent. Horace (-35, -8) nous rappelle : Pinguibus et ficis pastum jecur anseris albi (le foie de l’oie blanche est nourri de graisse et de figues). Ce qui rend leur chair tendre et leur foie plus savoureux.  D’ailleurs, ils parlent de Jecur ficatum (foie aux figues). Le mot ficatum (figue) devient figido au VIIIe siècle puis hitge en gascon, fetge en languedocien, feie en français au XIIe et finalement foie.

Les Romains portent cette technique jusque chez nous en Gascogne. De là, des Juifs se déplacent vers le centre de l’Europe. Or, ils n’ont pas le droit d’utiliser du beurre avec la viande et ils ne trouvent pas d’huile dans ces régions, alors ils vont utiliser le gavage afin d’obtenir de la graisse d’oie. Ainsi, ils l’installent en Alsace, en Hongrie et en Bulgarie.

Recettes de figues

El llibre del coch
Llibre de doctrina per a ben servir, de tallar y del art de coch cs (ço es) de qualsevol manera, potatges y salses compost per lo diligent mestre Robert coch del Serenissimo senyor Don Ferrando Rey de Napols

Si les figues sont surtout mangées sèches, nos aïeux ne dédaignent pas de les cuisiner.  Et nous en trouvons trace dans le Llibre del Coch (Livre du cuisinier), premier livre de cuisine catalane, écrit vers 1490 par Robert de Nola, maitre queux de l’Aragonais Ferdinand 1er, roi de Naples.

Mestre Robert nous propose une bonne recette de préparation à partir de figues sèches.

Les figues seques pendras mes melades que pugues hauer negres e blanques e leuals lo capoll e apres rentales ab bon vin blanch que sia dolç: e quant sien netes pren vna panedera de terra e met les dins menant les vn poch: e apres posa aquella panadera sobre vnes brases e tapa les be de manera que se stufen alli e quant seran estufades ese hauran beguda la vapor menales vn poch e met hi salsa fina damunt e tornales amenar de manera que encorpora aquella salsa: e apres menja ton potatge eveuras gentil cosa e mengen se entrant de taula.

Les figues sèches, tu prendras aussi miellées que tu pourras, noires et blanches ; enlève la peau ; après rince-les avec du bon vin blanc qui doit être doux et quand elles sont propres, prends une casserole en terre et mets-les dedans, tout en les remuant un peu ; ensuite, pose la casserole sur des braises et couvrez-les pour qu’elles réduisent et quand elles sont réduites et qu’elles ont bu la vapeur, remue-les un peu et verse dessus une sauce fine ; remue-les à nouveau pour qu’elles incorporent cette sauce : et puis mange le potage ; jamais ne mange cette chose délicate en te mettant à table.

Depuis, la créativité contemporaine mêle la figue à la volaille et propose par exemple du poulet sur des feuilles de figuier ou du confit de figues. Sans oublie les savoureux desserts et les confitures.

Anne-Pierre Darrées

écrit en orthographe nouvelle

Références

Vousvoyezletopo, Du figuier, 2019
L’Amelier, Ydille du figuier et de son abeille
Secrets de jardin, le figuier
Recette du Llibre del coch, Roberto de Nola, 1520
Le foie gras, c’est toute une histoire




Mais d’où viennent les Gascons ?

Gascons ? Vascons ? Les Vascones sont connus des Romains au Ier siècle. Ils vivent au nord de l’Ibérie (Espagne). Tacite et Pline nous disent qu’ils sont ravageurs, malfaisants, voleurs, perfides, semeurs de trouble. Les revoilà au VIe siècle au nord des Pyrénées.

Des Aquitains aux Francs

Jules César envoie son lieutenant, Publius Crassus, soumettre les Aquitains
Jules César

Les Aquitains occupent les pays situés entre la Garonne et les Pyrénées. Ils sont très proches des Ibères comme le montre la main d’Irulegi récemment découverte.

Jules César conquiert la Gaule. En 56 avant J.-C., il envoie son lieutenant, Publius Crassus, soumettre les Aquitains. Mais, l’entreprise n’est pas facile et Jules César doit conduire deux légions en 51 avant J.-C. pour en venir presque à bout. Encore deux nouvelles campagnes sont nécessaires en 38 et en 27 avant J.-C.

Les Aquitains sont intégrés dans la grande province romaine d’Aquitaniae qui va de la Loire aux Pyrénées. Puis, au IIIe siècle, la Novempopulanie prend Eauze pour capitale.

ès 475, les Wisigoths contrôlent le territoire aquitain
Le Royaume Wisigoth © Wikipedia

En 418, les Romains installent les Wisigoths comme « peuple fédéré » sur la Garonne. Toutefois, dans leur territoire, les Wisigoths suivent leurs propres lois et les Romains les leurs. En contrepartie, les Wisigoths doivent fournir des soldats aux armées romaines. Dans l’histoire récente, on dirait « un pays, deux systèmes ».

Ainsi, dès 475, les Wisigoths contrôlent un territoire qui va de la Loire à l’Espagne. Toulouse devient leur capitale. D’ailleurs, on découvrira les vestiges du palais des rois Wisigoths près de l’église de la Daurade à Toulouse.

 

Clovis tue Alaric
Clovis tue Alaric à Vouillé

Les Francs font de fréquentes incursions au sud de la Loire. Par exemple, en 507, Clovis bat Alaric, roi des Wisigoths, à Vouillé, près de Poitiers. En conséquence, Clovis se rend à Bordeaux et à Toulouse mais l’Aquitaine au sud de la Garonne n’est pas totalement soumis.

Toutefois, les Wisigoths se réfugient en Espagne et conservent la Septimanie (région de Narbonne et de Montpellier). Ils perdent leurs territoires lors de l’invasion arabe de 711 et sont à l’origine de la résistance qui conduit à la Reconquista. 

Une conquête difficile

Après son entrée à Bordeaux et à Toulouse, Clovis repart mais doit encore engager des batailles à Poitiers et à Tours. À leur tour, Thierry, fils de Clovis, et Geisalic, fils d’Alaric, poursuivent la guerre.  Mais Thierry échoue à prendre la Septimanie. Geisalic se rend à Aire, dernière résidence de son père, et conduit la résistance jusqu’à sa mort en 511.

Les Francs s’installent et reprennent l’organisation administrative des Wisigoths, notamment les trois duchés de Bordeaux (il va jusqu’à Oviedo en Espagne), de Poitiers (future possession d’Aliénor d’Aquitaine), et d’Auvergne (Bourges en est la capitale).

Plusieurs conciles tentent de rapprocher les coutumes religieuses des deux populations. On étend la fête des Rogations à tout le royaume franc, le jeûne rituel de 50 jours passe à 40 jours et devient le Carême, on abandonne le remariage avec le frère ou la sœur, on interdit l’hérédité des fonctions sacerdotales, et on rétablit l’autorité des évêques. Le plus important concile est celui d’Eauze en 551.

Trois duchés

Aqquitaine et Wisigoths : Vestige du palais des rois Wisigoths à Toulouse, image INRAP, Wikipédia
Vestige du palais des rois Wisigoths à Toulouse, image INRAP, © Wikipédia

Après la mort de Clovis, ses fils se partagent son royaume. Chacun reçoit une part des trois duchés. À chaque succession, un partage est fait sans qu’on puisse déterminer quelle partie revient à chacun tant les limites changent. Conflits armés et assassinats sont nombreux. Les armées parcourent le pays. C’est une véritable guerre civile.

Le pays au sud de la Garonne est aux mains de Gontran, petit-fils de Clovis. Mais, son frère Chilpéric lui fait la guerre. Il envoie Bladaste, duc de Toulouse, qui est battu par Gontran. Au même moment, le roi Wisigoth, allié de Chilpéric, conquiert le sud du duché de Bordeaux (région d’Oviedo). Et il pousse les Vascons vers le nord. Mais, Chilpéric meurt en 584. Alors, Gondwald réclame son héritage et se fait proclamer roi à Brive. Bordeaux devient sa capitale. Il rétablit les usages Wisigoths, crée un nouvel évêché à Bayonne. Pourtant, abandonné de tous, il est assassiné en 586 lors du siège de Saint-Bertrand-de-Comminges où il s’est réfugié.

L’irruption des Vascons

Dagobert reçoit le royaume Franc par les évêques et les grands de Burgondie. Bibliothèque municipale de Castres. Grandes chroniques de France, XIVème siècle.© Wikipedia.
Dagobert reçoit le royaume Franc par les évêques et les grands de Burgondie. Bibliothèque municipale de Castres. Grandes chroniques de France, XIVème siècle.© Wikipedia.

Les Vascons sont signalés pour la première fois par Grégoire de Tours qui rédige les Dix livres de l’histoire des Francs. Pour l’année 587, il écrit : Alors les Vascons, jaillissant des montagnes, descendent dans la plaine, ravageant vignes et champs, incendiant les maisons, enlevant de nombreux captifs et des troupeaux. Le duc Austrowald fit de nombreuses sorties contre eux, sans grand résultat.

En effet, les armées franques ont peu de succès. Et les Vascons avancent progressivement jusqu’à la Garonne. Vers 630, le chroniqueur franc Frégédaire parle de la Wasconia, le pays des Vascons. Les habitants sont les Wascones.

Pour les populations locales restées wisigothes, ce ne sont pas des envahisseurs. Culturellement, ils sont proches.

Les chroniques des Francs parlent de nombreux combats menés contre les Vascons. Frégédaire nous dit du roi Dagobert : entre la Loire et la frontière d’Espagne, ce qui est la Gascogne, il est connu qu’il a concédé à son frère Caribert, pour transiger et lui permettre de vivre à l’instar de la coutume privée, les comtés des monts Pyrénées et les cités. Quant aux comtés de Toulouse, Cahors, Agen, Périgueux, Saintes, il les lui a donnés à gouverner, étant à part ce qui s’entend de là aux monts Pyrénées, en le liant par l’engagement d’un pacte. Caribert choisit Toulouse comme résidence, et de là il régna sur une partie de la province d’Aquitanique. Comme on le voit, la Wasconie est grande pour les Francs.

Finalement, on sait peu de choses sur les Vascons et sur la Vasconie en dehors de ce que nous disent les chroniques des Francs. Elles ne sont évidemment pas objectives.

Plusieurs expéditions militaires sont organisées contra Wascones. En 636, l’armée de Dagobert pénètre en Soule. Les Vascons font leur soumission au plaid de Clichy en 637.

Après la mort de Dagobert, les chroniques franques ne parlent plus des Vascons.

L’émergence d’une principauté gasconne

Trop occupés en Neustrie et en Austrasie, les Francs ne s’intéressent plus aux Gascons et à la Gascogne qui devient peu à peu indépendante.

Les Francs à Roncevaux affrontant des Sarrasins à la peau foncée, miniature des Grandes Chroniques de France, v. 1375-1380
Les Francs à Roncevaux affrontant des Sarrasins à la peau foncée, miniature des Grandes Chroniques de France, v. 1375-1380 © Wikipedia

Loup est issu d’une grande famille gasconne. Il est couronné duc de Gascogne en 672. Son fils Eudes arrête l’avancée des arabes lors de la bataille de Toulouse en 721. Le Pape Grégoire le surnomme « le héros sauveur de la Chrétienté ». En 731, Charles Martel attaque le royaume d’Eudes qui se défend. Les Arabes en profitent pour détruire Bordeaux en 732 et se porter sur Poitiers. L’armée d’Eudes met à mal les troupes arabes et écrase une seconde colonne à Brioude. Charles Martel n’a plus qu’à s’attribuer la victoire à Poitiers.

En 768, Waïfre est en guerre contre Pépin le Bref. Il divise la Vasconie en deux duchés : le duché d’Aquitaine entre la Loire et la Garonne et le duché de Gascogne entre la Garonne et les Pyrénées.

Le Duché d’Aquitaine revient sous la domination des Francs. La Vasconie se donne un nouveau duc, Loup II, fils de Eudes. En 778, Charlemagne perd une partie de son armée à Roncevaux. En 812, les Francs lancent une nouvelle expédition qui passe par Dax. Décidément, ces Vascons sont durs à soumettre !

À l’occasion d’une querelle successorale, le duché de Gascogne et le duché d’Aquitaine se réunissent en 1063. La Gascogne conserve longtemps encore ses propres institutions.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Wikipédia
Wascones in plana descendunt, Renée Goulard, 1997, p 257-281
Les Gascons (VIe-VIIe-VIIIe siècles), par Renée Mussot-Goulard, Editions Atlantica, 2001.




Histoire de gypaètes

Le gypaète barbu se rencontre dans les massifs alpins d’Afrique, d’Asie et d’Europe. En France, on le rencontre dans les Alpes, en Corse et dans les Pyrénées. C’est un vautour qui possède une petite touffe de plumes sous le bec, qui fait penser à une barbe. Et ce n’est pas le seul gypaète !

Le gypaète barbu, casseur d’os

Le gypaète barbu (Gypaetus barbatus) ou caparroi (tête rouge) pour les Gascons, a un régime spécifique puisqu’il ne mange que du cartilage, des tendons, des ligaments et de la moëlle des os de carcasses d’animaux. Lorsqu’il ne peut pas ingurgiter un os, il le prend dans son bec, prend de l’altitude et le laisse tomber sur des pierres. La légende raconte que le poète Eschyle serait mort en recevant une tortue sur la tête, un gypaète l’ayant prise pour un rocher. En tous cas, le gypaète est aussi appelé le casseur d’os. Regardez sa technique dans le film qui suit.

https://escolagastonfebus.com/wp-content/uploads/2023/07/Le-gypaete-barbu-se-nourrit-dos.mp4

Le gypaète barbu © NatGeoWildFr

Le plus grand rapace d’Europe.

Son envergure (longueur d’un bout d’une aile à l’autre) peut dépasser les 2,80 m. On le reconnait à ses ailes plutôt étroites, coudées et à sa longue queue en forme de losange. Malgré sa taille, il ne pèse que 5 à 7 kg. Contrairement aux autres vautours, le caparroi a des plumes sur la tête et le cou. Celles du ventre sont blanches mais il se baigne dans des sources ferrugineuses afin qu’elles deviennent roux orangé. On ne connait pas l’origine de ce comportement.

Le caparroi vit en haute montagne, dans les parois rocheuses. Il vit en couple et reste fidèle toute sa vie. Même s’il possède plusieurs nids, on le retrouve souvent sur le même.

Vers l’âge de 6 ou 7 ans, entre octobre et février, le caparroi forme un couple. Ensuite, la femelle pondra de 1 à 2 œufs tous les ans ou tous les deux ans, mais n’élève qu’un seul poussin. En effet, le plus fort repousse l’autre qui finit par mourir. Puis, l’envol s’effectue entre juillet et aout. Commence alors une période de vol sur toute la chaine des Pyrénées avant de revenir progressivement s’installer sur son lieu de naissance.

L’aigle des agneaux

Un gypaete attaque un enfant - © Dessin de Gustave Roue paru dans la Suisse Illustrée de 23 novembre 1872
Un gypaète attaque un enfant, dessin de Gustave Roue paru dans « La Suisse Illustrée » © de 23 novembre 1872

Selon la légende, le caparroi enlèverait des agneaux et des enfants. On l’appelle d’ailleurs l’aigle des agneaux. Et cela explique la chasse qu’on lui a faite.

Dans son livre, Leçons élémentaires sur l’histoire naturelle des oiseaux, publié en 1862, le médecin Jean-Charles Chenu dit que le gypaète attrape les Agneaux, les Chèvres, les Moutons, les Chamois, et même, s’il faut en croire certains récits, les hommes endormis et les enfants.

Dans la Revue germanique du 1er avril 1858, on peut même lire que C’est à tort qu’on a émis des doutes sur les enlèvements et les attaques d’enfants attribués aux gypaètes. L’auteur de l’article rapporte plusieurs enlèvements d’enfants en Suisse. Pas étonnant qu’on chasse le gypaète dans les Alpes !

Le même article rapporte comment on chasse le Gypaète : Les montagnards croient que le vautour aime la couleur rouge, et ils versent souvent du sang de bœuf sur la neige pour l’attirer à portée de fusil. On prépare des appâts avec du renard grillé, du chat rôti ou une carcasse déposée au fond d’un trou. Lorsque le gypaète a dévoré l’appât, rassasié, il ne peut reprendre le vol, et on l’assomme à coups de perche.

Dans les Pyrénées aussi

Le Journal L’indépendant des Basses-Pyrénées du 12 mars 1925, raconte la mésaventure d’un gypaète acheté à un chasseur par le consul britannique à Pau qui veut l’envoyer au jardin zoologique de Londres. L’oiseau aurait confondu un camion avec un mouton sur la route du Somport et se serait laissé prendre comme un inoffensif passereau. L’auteur conclut ironiquement : sur sa cage on lira qu’il vient des Pyrénées et il pensera peut-être qu’il a quelque mission, à accomplir auprès des Anglais ; ne serait-ce que leur donner envie de chasser le gypaète entre l’Amoulat et le Capéran du Ger, ce qui ne serait déjà pas si mal…

Ainsi, victime de sa mauvaise réputation, le gypaète disparait des Alpes en 1935. Et on ne le voit presque plus dans les Pyrénées à partir des années 1950.

Dernier gypaète abattu en 1913 dans le Val d'Aoste (Italie) - © Jules Brocherel Fonds Brocherel-Broggi
Dernier gypaète abattu en 1913 dans le Val d’Aoste (Italie) © Jules Brocherel Fonds Brocherel-Broggi

Le sauvetage du gypaète barbu

Gypaète dans le Parc National de Pyrénées © F. Luc
Gypaète dans le Parc National de Pyrénées © F. Luc

En 1985, un projet de réintroduction du gypaète barbu, basé sur la reproduction en captivité est lancé. Initié en Autriche, il permet de relâcher, dans les Alpes, 15 gypaètes entre 1993 et 2000. Des couples se sont formés et des naissances ont lieu. Ce succès permet la réintroduction du gypaète dans les Cévennes.

Cependant, en 2009, on comptait 130 couples dans toutes les Pyrénées. Les randonneurs attentifs en verront voler dans le ciel. De plus, le Parc national constitue une zone de sauvegarde. Dans les années 1950, on compte 3 couples de caparroi. Ils sont 14 en 2020 qui font l’objet d’un suivi scientifique et d’un plan national de restauration. On apporte un complément alimentaire en hiver pour aider à l’élevage des jeunes.

Des mesures de protection

Gypaète Barbu © Thomas Pierre
Gypaète Barbu © Thomas Pierre

De plus, une surveillance des gypaètes barbus est faite pour éviter l’abandon des nids suite aux survols en hélicoptère et aux autres dérangements à moins de 500 mètres d’un nid (ski de randonnée, grimpeurs, vol libre et parapente). D’ailleurs, un photographe amateur est condamné en 2008 par le tribunal de Saint-Gaudens pour le dérangement d’un caparroi. Il s’est approché d’un nid pour filmer la couvaison. Et le nid a été déserté.

Sur la zone du Parc national, le caparroi élève en moyenne un jeune tous les deux ans. Dans la zone de piémont, on compte très peu de naissances en raison des fréquents dérangements dus à l’activité humaine. Depuis 25 ans, on y récence 15 morts par poison, tir, route ou lignes électriques. Cette perte est pour le moment compensée par une bonne survie des jeunes en zone du Parc et par la venue d’Espagne de nouveaux oiseaux. Mais l’équilibre reste fragile.

La mouche gypaète

Thyreophora cynophila - Eugène Séguy (1890–1985)
Thyreophora cynophila, Eugène Séguy (1890-1985) © Wikipedia

La mouche gypaète (Thyreophora cynophila) est une espèce éteinte depuis 1850. Du moins, le croyait-on. Elle est redécouverte en Espagne en 2007 et en France en 2019. D’abord en Ariège puis dans tous les départements de la chaine des Pyrénées.

Le Bulletin de la Société entomologique de France de 1934 dit que ses habitudes sont fort lugubres. Il ne recherche que les ténèbres et les cadavres desséchés. À la sombre lumière de sa tête phosphorique, il se jette sur les ossements décharnés et se repait des derniers restes de l’animalité. Rien de très engageant.

Sa larve se nourrit de la moelle osseuse des carcasses d’animaux. Elle a une tête orange. Aussi, cette couleur et son alimentation la rapprochent du caparroi.

La population de la mouche gypaète diminue avec la disparition des grands prédateurs, notamment du caparroi. Les charognes sont alors éliminées dans les montagnes. Puis, avec la réintroduction des grands rapaces, on modifie les techniques agricoles. Et les charognes sont laissées dans les montagnes pour le plus grand bénéfice des prédateurs.

Le retour du caparroi et de la mouche Gypaète sont une excellente nouvelle pour la biodiversité des Pyrénées.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Wikipédia.
Parc national des Pyrénées, Gypaète barbu
Parc Pyrénées Ariégeoises, Le gypaète barbu et les autres grands rapaces des Pyrénées Ariégeoises
Leçons élémentaires sur l’histoire naturelle des oiseaux, JC Chenu, 1886
Revue des Clubs alpins.




Jacques Laffitte, un destin peu commun

Les Mansonniens (habitants de Maisons-Laffitte) doivent le nom de leur commune à Jacques Laffitte, banquier et homme politique français qui a pris une part importante dans la Révolution de 1830. Ce que l’on sait moins, c’est que Jacques Laffitte est un Gascon de Baiona (Bayonne).

A 21 ans, Jacques Laffitte quitte le pays

Jacques Laffitte
Jacques Laffitte (1767-1844) © Wikimedia

Jacques Laffitte (1767-1844) nait à Bayonne. Son père Pierre est maitre charpentier. Sa mère s’appelle Etiennette Rogère. La famille est modeste et nombreuse (10 enfants). Jacques fait peu d’études et devient apprenti charpentier chez son père, puis clerc chez un notaire et enfin commis chez un négociant.

En 1788, il a 21 ans. Le voilà qui « monte à Paris » muni d’une lettre de recommandation de son patron pour solliciter un emploi de commis dans les bureaux de la banque Perregaux. Rapidement, il gravit tous les échelons jusqu’à devenir associé de la banque qui s’appelle désormais Perregaux Laffitte et Cie.

De la charpente à la banque

Cependant, en janvier 1800, Napoléon Bonaparte crée la Banque de France sur la proposition de Jean-Frédéric Perregaux. Celui-ci en est le régent (administrateur) et installe son siège dans l’hôtel de Toulouse, rue de la Vrillière, en plein cœur de Paris. À sa mort, en 1808, c’est Jacques Laffitte qui prend cette fonction. Et il la gardera jusqu’en 1821.

En même temps, il devient juge au Tribunal de commerce de la Seine et Président de la Chambre de commerce. Napoléon lui aurait dit : « Je vous connais Monsieur Laffitte, je sais que vous n’aimez pas mon gouvernement, mais je vous tiens pour un honnête homme ».

En tous cas, à la chute de l’Empire, il est nommé Gouverneur de la Banque de France. Il souscrit sur ses fonds personnels une somme couvrant la contribution de guerre exigée par les Alliés. Après Waterloo, il s’oppose à ce que la Banque de France paie les arriérés de solde des soldats de l’Armée impériale et avance la somme nécessaire sur ses fonds propres. De plus, il avance la nouvelle contribution de guerre exigée par la Prusse. Et il évite une crise financière en achetant sur ses fonds des rentes qu’il paye.

En fait, Jacques Laffitte a une fortune considérable. D’ailleurs, il achète le château de Maisons (futur Maisons-Laffitte), le château de Meudon, le château de Breteuil-sur-Iton et un hôtel particulier à Paris.

De la banque à la politique

L’homme est très actif. Le 8 mai 1815, Jacques Laffitte est élu représentant du commerce à la Chambre. Puis réélu député de la Seine en 1816. Et il se spécialise dans les affaires financières. Sans oublier son pays, en 1827, il devient député de la circonscription de Bayonne.

Il prend une part active aux émeutes de 1830. Il transforme son hôtel particulier en quartier général de l’insurrection. Là, les députés constituent une commission municipale.

Les artisans de la victoire de Louis-Philippe en 1830 de gauche à droite. Jacques LAFITTE, Casimir, Périer, Général de La Fayette, Comte Gérard
Les artisans de la victoire de Louis-Philippe en 1830 de gauche à droite, Jacques Laffitte, Casimir Périer, Général de La Fayette, Comte Gérard © Wikimedia

Gérard - Lecture à l'hôtel de ville de la proclamation des Députés (31 juillet 1830).
Gérard – Lecture à l’hôtel de ville de la proclamation des Députés (31 juillet 1830) © Wikimedia

Ainsi, il est l’un des principaux artisans de la proclamation de Louis-Philippe, surnommé roi des Français (et non roi de France). Le 9 aout, il préside la Chambre devant laquelle Louis-Philippe prête serment. Alors, Jacques Laffitte est nommé Président du Conseil et forme le Gouvernement. Il est en même temps ministre des finances.

Mais, le climat politique est tendu. Le procès des ministres de Charles X provoque une émeute. Plusieurs lois sont décidées sans son accord : loi conférant au roi la nomination des municipalités, loi sur la presse, etc.

Perfidement, le roi lui dit : « Il n’y a qu’une chose impossible entre nous, c’est que nous ne soyons pas toujours ensemble ». Pourtant, en coulisses, il cherche à se débarrasser de Jacques Laffitte. L’intervention de l’Autriche en Italie lui en fournit l’occasion. Le roi interdit d’informer Jacques Laffitte de l’intervention militaire. Et celui-ci l’apprend en lisant le journal ! Jacques Laffitte présente en Conseil des ministres son plan d’intervention pour aider les insurgés italiens mais il est repoussé. Le roi a bien préparé le terrain. Aussi, Jacques Laffitte démissionne le 13 mars 1831.

Déçu, Jacques Laffitte retourne à la Chambre des Députés et devient un farouche opposant à la Monarchie de Juillet et à Louis-Philippe.

De la gloire à la ruine

Louis-Philippe observant la faillite de son ami Jacques Laffitte
Louis-Philippe observant la faillite de son « ami » Jacques Laffitte © Wikimedia

La politique entraine des dépenses importantes. De plus, sa banque prête à des industriels qui font faillite et qui ne remboursent pas. La situation devient critique. Il vend la forêt de Breteuil.

Lorsqu’il quitte le gouvernement, Jacques Laffitte est quasiment ruiné. Il doit liquider sa banque en 1831. Ses adversaires politiques l’appellent « Jacques La Faillite ».

Affiche pour le lotissement du parc du château de Maisons-Laffitte
Affiche pour le lotissement du parc du château de Maisons-Laffitte © Wikimedia

De fait, Jacques Laffitte vend son hôtel particulier de Paris et une partie de son domaine de Maisons. Toutefois, il garde le sens des affaires : sur le modèle des lotissements paysagers anglais, il crée une ville composée de maisons de campagne que les parisiens fortunés s’arrachent. Jacques Laffitte crée aussi les premières courses de chevaux. Et la ville de Maisons-sur-Seine prend le nom de Maisons-Laffitte en 1822.

Sa liquidation est terminée en 1836. Il fonde la Caisse Générale du Commerce et de l’Industrie, banque d’affaires destinée à financer les entreprises industrielles. Il en confie la direction à son frère Martin qui a fait carrière comme armateur à Rouen. La banque disparaitra à la mort de Jacques Laffitte. Plus de 20 000 personnes assistent à ses obsèques. Il repose au cimetière du Père Lachaise.

La famille de Jacques Laffitte

Sépulture de Jacques Laffitte au Père Lachaise
Sépulture de Jacques Laffitte au Cimetière du Père Lachaise © Wikimedia

Jacques Lafitte se marie en 1801 avec Marine Françoise Laeut, fille d’un négociant et capitaine de navire. Il a une fille unique qu’il marie à Joseph-Napoléon Ney, le fils du Maréchal Ney.

Un contemporain parisien, Charles comte de Rémusat dira de Jacques Laffitte : « S’il rappelle Necker par sa formation, son optimisme inébranlable et son ivresse de la popularité, Laffitte n’en a pas le recul et l’intelligence ».

Un long poème de dix pages, publié en 1845 sur la vie de Jacques Laffitte portera ces vers :
Pleurez, pleurez, vous tous, vous qui, dans la misère,
Avez reçu les dons de sa main tutélaire.
Pleure, pauvre peuple, maudis les coups du sort,
Tu as perdu ton père, Jacques Laffitte est mort ! 

Références

Wikipédia.
18 janvier 1800, naissance de la Banque de France, André Larané, 2020.
Napoléon.org, Laffitte Jacques, Marc Allégret, 2002.
Jacques Laffitte, poème de P.M. André, 1845. www.gallica.fr




Pau, so british

Tournant le dos aux Pyrénées, Pau, capitale du Béarn, vit repliée au pied de son château. Au XIXe, les Anglais en font un lieu de villégiature où l’on se presse. La ville change alors de physionomie.

L’arrivée des Anglais à Pau

Molyneux - Grammar & Vocabulary of the Language of Bearn
Molyneux – Grammar & Vocabulary of the Language of Bearn

En 1814, les Anglais pourchassent les armées de Napoléon jusqu’à Toulouse. À la fin de la guerre, quelques officiers anglais s’installent à Pau.

En Espagne, la première guerre Carliste commence en 1833. Il s’agit d’une guerre de succession au trône d’Espagne, entre Isabelle désignée pour lui succéder par le feu roi, et son frère Carlos. Alors, les Anglais envoient une « Légion auxiliaire » au pays basque pour soutenir Isabelle. Or, pour communiquer avec Madrid, soldats, diplomates et marchands utilisent le Somport. On fait donc étape à Pau.

Les Anglais installent leur famille à Pau plutôt qu’à Bayonne. La ville est agréable à vivre et surtout située près de la frontière et du Somport. Une colonie anglaise se constitue. Et ils apprennent même la langue locale pour pouvoir discuter avec les Béarnais.  Roger-Gordon Molyneux publie à Pau et à Londres la Grammar & Vocabulary of the language of Bearn (toujours publié).

Alexandre Taylor (1802-1879)
Alexandre Taylor (1802-1879)

Alexandre Taylor (1802-1879) est Écossais. Il est chirurgien de la Légion auxiliaire britannique. Or, il est atteint du typhus ; il passe sa convalescence à Pau. Rapidement guéri, il ouvre un cabinet de consultation, rue de la Préfecture.

En 1842, il publie On the curative influence of the climate of Pau and mineral waters of the Pyrenees on disease / Sur l’influence du climat de Pau et des eaux minérales des Pyrénées sur les maladies. Dès la parution de l’ouvrage, les Anglais se pressent en foule à Pau.

 

Pau s’anglicise rapidement

Si les Anglais constituent la majorité des curistes en villégiature, on compte aussi des Américains, des Espagnols, des Hollandais, des Russes, des Prussiens et des Français.

Pau - Église anglicane St Andews
Pau – Église anglicane St Andews

Toutefois, la colonie anglaise est la plus active. En particulier, elle s’organise pour occuper ses loisirs.

Ainsi, The English Literary Society / Société littéraire anglaise, ouvre en 1828. Elle devient The English Club en 1856. Ce club privé existe toujours. Il abrite une remarquable collection de tableaux et d’objets représentatifs de la vie des Anglais à Pau. On peut le visiter à l’occasion des journées du patrimoine.

Et le salut des âmes n’est pas oublié. La communauté fait construire l’église anglicane St Andrew en 1887. On se fait enterrer au cimetière protestant de Pau.

L’équitation, la chasse et le golf

Pau - l'hippodrome
Pau – l’hippodrome

De même, l’hippodrome de Pau ouvre en 1839. Les premières courses ont lieu en 1842. Il est aujourd’hui partenaire de celui de Chettenham en Angleterre. Et il est le second en France pour les courses d’obstacle. Bien sûr, les Anglais se pressent au Meeting de Pau organisé chaque hiver de décembre à février.

On sait les Anglais amateurs de chasse à courre au renard. En 1841, une meute de Fox Hounds est constituée et la Pau Hunts Drags est fondée l’année suivante. Les renards béarnais n’ont qu’à bien se tenir ! Facétieux, les Anglais rattachent leurs territoires de chasse à la couronne britannique : le canton de Morlàas devient le Leicestershire, celui de Pau le Old England, ceux de Thèze et d’Arthez le Hill District.

Pau Hunts - Aquarelle et gouache de E. Blocaille
Pau Hunts Drags – Aquarelle et gouache de E. Blocaille

En 1879, le comte de Barri, fils du roi Ferdinand II des Deux-Siciles, s’installe à Pau, fonde sa propre meute et organise des chasses qui concurrencent le Pau Hunts Drags. Toutefois, la société, en crise, se dissout. Mais, grâce au propriétaire du New-York Herald Tribune, un accord est trouvé, les deux sociétés fusionnent, donnant naissance au Pau Hunts. Son siège est à Berlanne et elle entretient toujours une meute.

Entre temps, en 1856, deux officiers écossais passionnés de golf découvrent la beauté de la plaine de Billère. Ainsi, nait le Pau Golf club. C’est le premier parcours construit en Europe continentale et il est toujours considéré comme un des plus beaux de France. Le Club-House est un musée intéressant, consacré à la riche histoire du club.

Les transformations de la ville de Pau

Pau - l'ancien Hôtel Gassion
Pau – l’ancien Hôtel Gassion

Pour recevoir la clientèle des curistes, Pau se transforme. Ainsi, l’Hôtel de France ouvre ses portes en 1837, l’Hôtel des Ambassadeurs en 1841. Dès cette année, on trouve du pain anglais dans la plupart des boulangeries, même du mince pie, une tarte sucrée, le jour de noël !

Pour les loisirs des curistes, on édifie un théâtre en 1860, on aménage le parc et les jardins du château pour la promenade. La vue sur les Pyrénées en fait des lieux très fréquentés.

La ville organise les services. Ainsi, elle crée le Service municipal des Eaux en 1862. Elle acquiert la source de l’Oeil du Neez à Rébénacq et installe un réseau d’adduction d’eau potable. Jusque-là, des porteurs acheminaient l’eau depuis les fontaines publiques, le Gave ou le Neez. Elle construit aussi un réseau d’égouts à partir de 1875 et le Hédas, autrefois Còsta de la Hont [Côte de la Fontaine], sert de collecteur.

Pau - le Palais Beaumont
Pau – le Palais Beaumont

À partir de 1893, la construction de la Promenade des Anglais, maintenant Boulevard des Pyrénées, permet d’aménager le sud de la ville. Les études sont confiées à Adolphe Alphand (1817-1891) qui est l’adjoint du Baron de Haussmann pour les travaux d’aménagement de Paris. Il a l’idée d’un boulevard soutenu par des arches pour tenir compte du relief accidenté. Son projet prévoit de joindre Pau et Billère. Seul un tiers est réalisé : le boulevard des Pyrénées mesure 980 mètres de long.

Des hôtels particuliers sont construits le long du boulevard. De grands hôtels voient le jour. Le Parc Beaumont, jardin paysager à l’anglaise est créé en 1898 sur la propriété cédée à la ville de Pau par l’écrivaine Anna de Noailles (1876-1933). L’année suivante, ouvre le Palais d’hiver, aujourd’hui Palais Beaumont, avec un casino et un restaurant.

Nouveaux quartiers, nouvelles activités

Pau - la Villa Beit Raha
Pau – la Villa Beit Raha

On se presse sur le Boulevard des Pyrénées pour se promener et se faire voir. En 1908, l’ouverture du funiculaire qui relie le boulevard à la gare facilite l’arrivée des voyageurs.

Les familles les plus fortunées se font construire des villas luxueuses. En particulier, c’est la création du quartier de Trespoey avec une centaine de villas : villa Ridgway, villa Sainte-Hélène, Palais Sorrento, villa Nitot, villa Beit Rahat, villa Saint Basil’s, villa Navarre, villa Malmaison, etc.

La famille Tissandier habite Jurançon. Gaston Tissandier (1843-1899) est un aérostier célèbre. Les expériences se multiplient à Pau. On vient du monde entier participer aux Coupes de l’Automobile Club du Béarn où se mesurent les aérostiers.

Pau et l’aviation

L'avion des Frères Wright devant le hangar
L’avion des Frères Wright devant le hangar

En 1908, le maire propose la création d’un champ d’aviation sur le Pont-Long et aide à la construction d’un hangar. Très vite, les frères Wright y ouvrent une école de pilotage. Après sa traversée de la Manche, Louis Blériot ouvre sa propre école.

Les constructeurs d’avions s’intéressent aussi à Pau pour des expérimentations. De nombreux records sont battus. On crée même une école militaire d’aviation qui forme plus de 6 000 pilotes pendant la Grande Guerre. Entre les deux guerres, une escadre de reconnaissance est basée à Pau. Aujourd’hui, l’Ecole des Troupes Aéroportées et par un Régiment d’Hélicoptères de combat occupent les terrains.

Le sergent Joseph Barbé, affecté à l’école d’aviation de Pau en 1915, arrive avec la photo-mitrailleuse qu’il a inventée alors qu’il était à l’école Photographe à Orthez, il donne un prototype sans optique à l’amicale de la chapelle Mémorial de l’aviation de Pau.

Cette aventure de l’aviation fait du bassin de l’Adour un pôle aéronautique important : Bréguet, Fouga, Messier, Turboméca, Moranne-Saulnier…

Après la Grande Guerre, la mode vient aux bains de mer. On délaisse Pau pour Biarritz. Mais le livre d’Alexandre Taylor a mis Pau sur la voie de la modernité.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Détours en France, Découvrir Pau et son influence anglo-saxonne
espace aviation, Pau
Les écoles militaires de pilotage de 1911 à 1918, Pau
Ils aiment la ville de Pau et le disent




Le Canal des Pyrénées

Comment poursuivre le Canal du Midi au-delà de Toulouse pour rejoindre l’Océan Atlantique ? Les premières études de Louis Galabert portaient sur un canal qui relierait, depuis Toulouse, le canal du Midi au port de Bayonne. Son cout exorbitant lui fait préférer le canal de Garonne qui relie Toulouse à Bordeaux.

Qui est Louis Galabert ?

Grande Armée - Colonel de l'Infanterie de Ligne
Grande Armée – Colonel de l’Infanterie de Ligne

Louis Galabert (1773-1841) nait à Castelnaudary. Son père est négociant, le voilà destiné aux affaires.

À 16 ans, il s’embarque pour Saint-Domingue et échappe de peu au massacre de la révolte des esclaves. En 1792, on l’arrête et on l’emprisonne à Paris comme « suspect »; il s’évade. Il s’engage à Lille au 13ème chasseur à cheval. Hélas, dénoncé, il s’enfuit en Angleterre puis en Espagne. On le considère comme un émigré.

Alors, Louis Galabert part pour les Philippines, la Chine et le Mexique. Puis, il revient à Castelnaudary et s’engage dans l’armée impériale. Chef de bataillon, puis colonel, décoré de la Légion d’honneur, il participe à la bataille de Toulouse en 1814. Démobilisé, demi-solde, il part aux États-Unis en 1817. On le retrouve colonel dans l’armée espagnole en 1820. Enfin, il rentre en France en 1823.

Le projet de Galabert

Le projet du Canal des Pyrénées (édition de 1830)
Le projet du Canal des Pyrénées (édition de 1830) soutenu par la Chambre de Commerce de Toulouse et les maires

Louis Galabert s’engage alors dans le grand projet de réaliser un canal passant par les Pyrénées et reliant l’Atlantique à la Méditerranée.

Le projet n’est pas nouveau puisqu’il apparait la première fois en 1785, revient en 1808, est présenté à l’Empereur puis abandonné. Louis Galabert reprend le projet, il propose de le financer entièrement à ses frais. Il a le soutien de la Chambre de commerce de Toulouse et de 132 maires des communes pyrénéennes qui veulent ce canal.

En 1832, Louis Galabert obtient la concession du Canal Royal des Pyrénées. Malheureusement, il est à court d’argent et les travaux ne peuvent commencer ; alors, la concession est annulée l’année suivante. Pour obtenir de l’argent, Louis Galabert propose à Louis-Philippe la création d’une ville nouvelle située à 20 km de Bayonne au confluent du futur canal des Pyrénées, du Gave de Pau, de l’Adour et de la Midouze. Il l’appelle « Ville de Louis-Philippe ». Mais le projet ne séduit pas.

Il sollicite un emprunt auprès de la Chambre de commerce de Toulouse, fonde une société par actions. C’est un nouvel échec. Louis Galabert est désespéré, il meurt en 1841.

Toutefois, ses plans serviront pour le tracé de la ligne de chemin de fer entre Toulouse et Bayonne.

L’idée de Louis Galabert

Le canal des Pyrénées devait partir de Toulouse, remonter la Garonne par Saint-Gaudens et Montréjeau. Arrivé à Izaux sur la Neste, il devait franchir le point de partage des eaux en souterrain jusqu’à Avezac, descendre ensuite l’Arros en rive droite, puis l’Adour jusqu’au Bec des Gaves où l’Adour devient navigable jusqu’à Bayonne.

Louis Galabert, n’a aucun doute sur la rentabilité du canal des Pyrénées. Les péages, quel qu’en soit le montant, ne dissuaderont pas les armateurs qui doivent faire le tour de l’Espagne par le détroit de Gibraltar avec tous les dangers que cela comporte. L’irrigation permise par le canal augmenterait la production de grains qui seraient ensuite transportés sur le canal. De même, le transport par bateau sur le canal faciliterait l’exploitation du bois, des ardoisières et du marbre de la vallée d’Aure. Bref, un énorme bénéfice à la clé.

Le canal des Pyrénées doit aussi permettre l’envoi des troupes sur la frontière espagnole et leur ravitaillement.

Le Canal Royal des Pyrénées - partie centrale de Saint-Gaudens à Aire sur Adour (projet de 1829)
Le Canal Royal des Pyrénées – partie centrale de Saint-Gaudens à Aire sur Adour (projet de 1829)

Le projet de Louis Galabert

Le canal des Pyrénées doit avoir 22 mètres de large et 3 de profondeur. Il nécessite la construction de 274 écluses pour un trajet de 23 heures de Toulouse à Bayonne. L’ouvrage est alimenté par la Neste. Finalement, une partie de ses eaux sera dérivée dans le canal de la Neste qui alimente les rivières du Gers.

Projet de passage en tunnel sous le plateau de Lannemezan

Le cout de construction du canal des Pyrénées serait de 30 Millions de Francs. Un peu moins que ce qui avait été présenté au roi en 1820.

À raison de 80 centimes du kilomètre, Louis Galabert estime que le péage pour le transport des marchandises se monterait à plus de 5 Millions de Francs chaque année. Avec le transport et l’approvisionnement des troupes en temps de guerre, le revenu grimperait à 7 Millions de Francs.

Avec le projet du canal des Landes entre Lavardac et Mont de Marsan et le projet du canal de la grande Lande qui relie les étangs des Landes entre Bordeaux et Peyrehorade, le projet de canal des Pyrénées doterait la Gascogne d’un réseau de voies navigables.

L’échec du projet de Canal des Pyrénées

S’il est vrai que 132 communes des Pyrénées et les départements de la Haute-Garonne, du Gers, des Hautes-Pyrénées, des Basses-Pyrénées et des Landes soutiennent le projet du canal des Pyrénées, il a aussi beaucoup de détracteurs du côté de la Garonne.

Pourtant, Louis Galabert pense avoir gagné la partie face au projet concurrent du canal de la Garonne. Le concessionnaire connait de graves difficultés financières et les travaux prennent du retard. Mais lorsque l’État reprend à son compte le projet de Canal de Garonne, c’en est fini des espoirs de Louis Galabert.

Le Journal politique et littéraire de Toulouse et de la Haute Garonne, dans son numéro du 9 janvier 1840 met en avant les arguments qui s’opposent à la construction du Canal des Pyrénées et les contre-arguments de Louis Galabert.

En premier lieu, le canal a une longueur de 340 km, contre seulement 190 km pour celui de Garonne. La chute d’eau à rattraper par des écluses est de 967 mètres contre à peine 125 mètres pour le canal de Garonne.

En second lieu, les études de Galabert minorent les couts de la construction. Le seul cout du canal souterrain sous le plateau de Lannemezan rend le projet économiquement irréalisable.

Enfin, le temps de trajet est inférieur par le canal de Garonne et on voit mal un bateau payer plus cher un péage pour le transport des marchandises. Enfin, Bordeaux est un grand port de marchandises. Sans le dire, on comprend bien que Bayonne ne tient pas la comparaison…

Bordeaux Sur le quai des Chartrons - Pierre Lacour-1
Vue d’une partie du port et des quais de Bordeaux dits des Chartrons et de Bacalan (1804-1806), Pierre Lacour, musée des Beaux-Arts de Bordeaux

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Wikipédia
Louis Galabert, Canal royal des Pyrénées, 1827, www.gallica.fr
La vie aventureuse de Louis Galabert, Robert Tauriac et Louis Audebaud, L’Auta, février 2009.
Le projet non réalisé de Louis Galabert, canaldumidi.com
Lettre de la Ligue du Canal Royal des Pyrénées