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Jazz in Marciac

Marciac est une bastide du Gers dont peu de gens auraient entendu parler s’il n’y avait le festival international de musique Jazz in Marciac. Revenons sur cette réussite.

Marciac est une bastide fondée en 1298

La bastide de Marciac - Restitution partielle duplan médiéval (plan S. Abadie)
La bastide de Marciac – Restitution partielle du plan médiéval (plan S. Abadie)

Marciac est fondée en 1298 en paréage entre l’abbé de La Case-Dieu, le comte de Pardiac et le sénéchal de Toulouse au nom du roi de France (Philippe IV le bel). Ce sénéchal s’appelle Guichard de Marzé,  et donne son nom à la nouvelle bastide. Qui sont ces personnages ?

L’abbé de La Casa-Diu. Avant Marciac, le comte de Bigorre et l’évêque d’Auch avaient fondé l’abbaye de La Casa-Diu en 1135. Elle se situe près de Beumarchés [Beaumarchès], au confluent du Boès [Bouès] et de l’Arròs. C’est une abbaye importante située sur la route des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. Outre Marciac où l’abbé possède une maison forte (elle jouxte l’actuelle mairie), l’abbaye fonde également Plaisance en 1322.

Le comte de Pardiac. Le comté de Pardiac est un démembrement du comté d’Astarac vers 1023. Sa capitale est Montlesun [Montlezun] situé à quelques kilomètres de Marciac. Aujourd’hui, il ne reste que des ruines du château des comtes de Pardiac.

Le sénéchal de Toulouse. Guichard de Marzé (vers 1260-1317) appartient à une riche et noble famille du Beaujolais où elle possède des vignes. Guichard est nommé sénéchal de Toulouse et d’Albi en 1296.

La bastide de Marciac

Marciac- la place principale
Marciac – la place principale

La bastide de Marciac occupe 27 hectares entourés d’une enceinte percée de huit portes et d’un fossé. D’ailleurs, on peut encore voir un bout de cette muraille côté nord. Récemment, un projet viserait à reconstruire une partie de la muraille et la porte du Houga.

La place centrale fait 1 hectare et devait comporter une halle pour le marché. C’est la plus grande place du Gers.

Marciac a des formes parfaites, régulières, symétriques, bref les concepteurs ont cherché la cité idéale. Ainsi, elle s’inscrit dans un rectangle de 7 ilots en longueur et 7 en largeur. Chaque ilot fait 90 mètres sur 60. Pourtant, les ilots qui jouxtent la place centrale son plus grands, conférant à la place un aspect monumental.

L’église à 5 flèches culmine à 87 mètres, ce qui en fait le plus haut clocher du Gers. Et cela fait dire aux mauvaises langues que Marciac compte 5 clochers et 400 cloches ! il faut naturellement comprendre 4 sans cloches. Aujourd’hui, il ne subsiste que le clocher et le portail du couvent des Augustins ; son cloitre se trouve aux Etats-Unis.

Marciac se réveille au son du jazz

Hélas, comme beaucoup de bastides, Marciac n’est plus qu’un bourg rural endormi. De plus, elle est loin des voies de communication. Bien malin qui pourrait dire où se trouve Marciac !

L'Astrada à Marciac
L’Astrada à Marciac

En 1978, le Foyer des jeunes et de l’éducation populaire de Marciac organise un festival d’un jour de Jazz New Orleans. L’année suivante, il passe à 3 jours avec la participation du saxophoniste Guy Lafitte (1927-1998) et le trompettiste Bill Coleman (1904-1981), tous deux résidant dans le Gers. En 1992, le festival dure 8 jours puis passe à 16 jours dès 2009. Le petit festival est devenu un grand ! D’ailleurs, Jazz in Marciac est le festival de jazz le plus couru d’Europe. Les plus grands s’y produisent : Dizzy Gillespie, Oscar Peterson, Stéphane Grappelli, Wynton Marsalis, Nina Simone, Ray Charles

Jean-Louis Guillaumon
Jean-Louis Guilhaumon

Depuis 1984, les concerts se jouent sous un grand chapiteau qui peut contenir jusqu’à 6 000 places assises. Puis, en 2011, on inaugure la salle de concert L’Astrada. Et des concerts gratuits se jouent sur la place centrale.

En fait, on doit cette réussite à l’Oranais Jean-Louis Guilhaumon, enseignant affecté à Marciac en 1979 pour préfigurer la création d’un collège. C’est chose faite en 1982 et Jean-Louis Guilhaumon sera Principal jusqu’à sa retraite.

Adjoint au maire de Marciac depuis 1977, Jean-Louis Guilhaumon devient maire en 1995, conseiller régional, vice-président chargé du tourisme et du thermalisme au Conseil régional de 2004 à 2015, président de la communauté de communes et président de l’association qui gère le festival Jazz in Marciac.

Du jazz toute l’année

Classe de jazz au Collège de Marciac
Classe de jazz au Collège de Marciac

Jazz in Marciac n’est pas qu’un festival d’été. En effet, le jazz est ancré dans la vie de la bastide et contribue largement à son animation toute l’année.

Revenons au collège de Marciac. Jean-Louis Guilhaumon le met en place en 1982. Mais, le collège voit ses effectifs péricliter. Il va fermer en 1993 car à peine 93 élèves sont inscrits. Alors, il ouvre des ateliers d’initiation à la musique de jazz. C’est un succès : 118 élèves s’inscrivent et le collège retrouve son dynamisme. Aujourd’hui, plus de 200 élèves y sont inscrits, la moitié venant d’autres départements que le Gers. On réhabilite le collège, on ouvre un internat. Et, lors de chaque festival, les collégiens se produisent sur scène et dans les restaurants.

Le trompettiste et musicien américain Wynton Marsalis (1961- ), qui conduit des actions pédagogiques reconnues, dit du collège de Marciac : « Je voyage tout le temps, partout, jusqu’en Chine et je ne connais aucune école ailleurs comparable à ce collège de Marciac. C’est vraiment unique ».

Classe de jazz au collège

Émile Parisien
Émile Parisien, saxophoniste et ancien élève du Collège de Marciac

Le célèbre saxophoniste lotois Emile Parisien (1982- ) fait ses études au collège de Marciac. Il joue avec les plus grands pendant le festival Jazz in Marciac. Et c’est aujourd’hui une vedette internationale.

En fait, le jazz est présent toute l’année à Marciac. Un espace muséographique ouvre : Les Territoires du jazz. Des jazzmen de renommée internationale proposent des stages et Master classes tout au long de l’année.

La salle de l’Astrada propose des concerts mensuels d’octobre à juin. Sa directrice explique : « Nous sommes un lieu de diffusion avec 50 levers de rideaux par an, de création, de formation avec des artistes en résidence, et d’éducation artistique pour une dizaine d’établissements scolaires. »

Les retombées du festival Jazz in Marciac

Le festival Jazz in Marciac amène des retombées économiques importantes pour la bastide. En effet, il draine plus de 220 000 visiteurs chaque année. Pour les recevoir, plus de 1 000 bénévoles s’activent. Les candidatures viennent de toute l’Europe pour vivre cette aventure.

Son chiffre d’affaires se compte en millions : billetterie, mécénat, subventions, etc. Aussi, en 2015, la Chambre régionale des comptes s’intéresse à Jazz in Marciac et fait des propositions pour améliorer le fonctionnement de l’association et pérenniser le festival.

Jazz in Marciac 2005
Jazz in Marciac 2005

Tout comme le collège de Marciac qui évite la fermeture grâce au jazz, la ville entière profite du jazz. Il faut loger et nourrir bénévoles et festivaliers.

Ainsi, l’ancienne école devient un hôtel 5 étoiles. Un Village Vacances de 350 lits du groupe Pierre & Vacances s’installe. Le conseil régional labellise Marciac Grand site d’Occitanie.

La commune se développe : on crée des lotissements, une zone d’activité économique, une zone commerciale, une station d’épuration avec lagunage, un pôle culturel de 500 places, …

On réhabilite la place centrale de la bastide, restaure le patrimoine bâti ancien, les monuments historiques font l’objet de travaux. Des équipements modernes font aussi l’objet d’une grande attention : réhabilitation du groupe scolaire, création d’une maison de retraite, création d’un complexe sportif, … L’INSEE constate un développement de l’économie locale et une augmentation du nombre d’emplois.

C’est la démonstration qu’un festival de jazz peut avoir des retombées économiques importantes et permettre le développement d’une commune rurale de 1 300 habitants.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Marciac. La maison des abbés de La Casedieu –Stéphane Abadie  Bulletin Monumental Année 2016 174-2 pp. 195-200
Jazz in Marciac
Site de la mairie de Marciac
Le fabuleux destin de Marciac, J. Barnouin, P.-H. Ardonceau et B. Deubelbeiss, 2014




Insurrections royalistes en Gascogne

La chute de la monarchie et l’exécution de Louis XVI marquent le début d’une période d’insurrections. La contestation apparait dès 1791 en Toulousain. La crise fédéraliste de 1793 touche ensuite Bordeaux. Enfin, la Gascogne se soulève en 1799, an VII de la République.

La crise fédéraliste de 1793

L'arrestation des Girondins le 2 juin 1793
L’arrestation des Girondins le 2 juin 1793

Girondins et Montagnards s’affrontent à Paris. Robespierre met en accusation les 29 députés Girondins de la Convention. Certains s’enfuient pour rejoindre les départements qui protestent et forment des bataillons pour s’opposer à Paris.

Alors, soixante départements se soulèvent. Et l’insurrection touche la Normandie, la Bretagne, la Franche-Comté, la région lyonnaise et le Midi. En Gascogne, Bordeaux soutient les fédéralistes qui réclament la décentralisation des pouvoirs. Pour se renforcer, Bordeaux approche Toulouse qui refuse de rejoindre le mouvement. Ainsi, la jonction des Toulonnais et des Marseillais avec les Bordelais ne peut plus se faire.

La révolution menacée par les insurrections royalistes
La révolution menacée par les insurrections royalistes

L’armée républicaine repousse l’armée des Girondins de Bordeaux à Montauban. En juillet, les bataillons fédéralistes de l’Orléanais marchent sur Paris et les Gardes nationaux les arrêtent. Alors, les bataillons envoyés par Bordeaux rebroussent chemin. Ainsi, l’échec des départements fédéralistes en Vendée et dans le Midi, isole Bordeaux. Puis, le général Brune reprend la ville en octobre.

Immédiatement, les républicains répriment vivement les insurrections fédéralistes. La Terreur et le pouvoir central en sortent renforcés. La volonté décentralisatrice de la Constitution de 1792 ne peut plus s’exprimer.

Le soulèvement de 1799

Brèf du Pape en 1791
Réponse de la population au bref du Pape de 1791 condamnant la Constitution civile du clergé

La situation se tend. D’une part, la politique antireligieuse des républicains mécontente les campagnes. D’autre part, la situation aux frontières entraine l’emprunt forcé de 100 Millions et le vote de la loi Jourdan qui institue un service militaire obligatoire. Alors, les réfractaires s’organisent en maquis, menés par le comte de Paulo, royaliste toulousain. Des fonctionnaires zélés et des arbres de la liberté sont la cible des premières actions.

Les insurrections se développent localement dans toute la Gascogne. Des attroupements armés ont lieu à Saint-Gaudens contre la perception des impôts. À Labarthe-de-Rivière, on s’oppose à l’enrôlement des conscrits. À Molas (canton de L’Isle en Dodon), on brule la maison et les récoltes d’un républicain. Des bandes armées parcourent le pays et s’évanouissent à l’arrivée de soldats.

À Dax, on découvre 177 sabres cachés dans l’Adour.  On soupçonne une conspiration destinée à livrer la ville de Bayonne aux armées espagnoles. À Pau, on s’avise que les royalistes se préparent à remplacer la municipalité. Le commissaire du Directoire de Pau écrit au ministre de l’intérieur : On dit hautement que dans peu nous aurons un roi et que le massacre des républicains, fixé d’abord à la Saint-Jean, est définitivement renvoyé à la Saint-Barthélemy. Cette date nous dit ce que nous pouvons attendre.

La garnison de Bordeaux est renforcée. Les troubles du 5 aout font 3 morts. Puis, le calme revient. Et l’insurrection d’Agen échoue aussi.

L’insurrection générale

Insurrections royalistes : zones contrôlées par les insurgés (en gris) et mouvement des troupes républicaines
Zones contrôlées par les insurgés (en gris) et mouvement des troupes républicaines

Pourtant, l’insurrection générale éclate dans la nuit du 5 au 6 aout autour de Toulouse, dans l’est du Gers et le canton d’Auvillar. Elle touche également l’Ariège, l’Aude et le Tarn. Les insurgés renversent les municipalités. Ils pillent les maisons des républicains.

Les royalistes prennent Muret, Carbonne et Saint-Lys. Cependant, le Mas-d’Azil, Daumazan, Sainte-Croix-Volvestre, Montesquieu-Volvestre et Rieux se regroupent et organisent un détachement armé pour résister aux royalistes. Mais cela n’empêche pas la prise de Rieux.

Dans le Gers, les cantons de Lombez, Samatan, l’Isle-en-Jourdain, Gimont, Cologne, Mauvezin, Montfort, Saint-Clar, Verdun sur-Garonne et de Saint-Nicolas-de-la-Grave se soulèvent (le Tarn et Garonne n’existe pas encore). Les royalistes d’Auvillar sont à la manœuvre.

Dans la nuit du 7 aout, 6 000 hommes se présentent sous les murs de Toulouse dans l’espoir de récupérer des armes à l’arsenal. Mais les royalistes ne peuvent y pénétrer. Alors, ils se postent sur la colline de Pech-David.

La porte Montoulieu de Toulouse par où devaient entrer les insurgés.
La porte Montoulieu de Toulouse par où devaient entrer les insurgés.

La répression des insurrections royalistes s’organise

Dès qu’il apprend la nouvelle de l’insurrection, le département du Tarn envoie des soldats qui prennent Caraman. Ainsi, l’insurrection ne peut plus s’étendre vers l’est de Toulouse.

Puis, les soldats républicains délogent les royalistes installés à Pech-David après deux jours de combat. Ils reprennent Colomiers. Et ils se dirigent vers l’Isle Jourdain, Lombez, Samatan et Gimont. Le 7 aout, une colonne royaliste qui se dirige sur Gimont est arrêtée.

L'infanterie de ligne française lutte contre les insurrections royalistes (1793)
L’infanterie de ligne française (1793)

Le Lot et le Lot et Garonne envoient des détachements qui reprennent Saint Nicolas de la Grave, Auvillar, Verdun sur Garonne, Beaumont de Lomagne, Cologne, Monfort, Mauvezin et Saint-Clar. Les troupes royalistes du Gers sont cernées de toute part. Le 19 août, elles subissent une défaite au château de Terride. Les pertes sont terribles. Le général Aubugeois qui commande les républicains dit : « Je fais comme les fondeurs de Bourges, je chôme faute de matières, les insurgés ayant complètement disparu ».

Les forces royalistes sont désormais coupées en deux. Celles qui occupent le Volvestre et le sud de Toulouse n’ont d’autre solution que de se replier sur Saint-Gaudens. Elles abandonnent Muret.

La fin des insurrections royalistes en Gascogne

Le 12 aout, entre Cazères et Carbonne, au château de la Terrasse, les royalistes battent les républicains qui s’enfuient verts Martres et Saint-Martory. Ils prennent la ville le 14 aout. Puis, le 15, les royalistes quittent Saint-Gaudens et se dirigent vers Montréjeau, talonnés par les troupes républicaines. À Montréjeau, une colonne venue de Lannemezan coupe la retraite. C’est la bataille du 20 aout.

Après un duel d’artillerie, des escarmouches ont lieu un peu partout. Le centre-ville est pris. La cavalerie royaliste avec le comte de Paulo s’enfuie vers Saint Bertrand de Comminges, Luchon, Saint-Béat et l’Espagne. C’est alors un sauve qui peut général. Les royalistes tentent de passer la Garonne et ils se font massacrer. En conséquence, l’armée royaliste, mal commandée et mal équipée, s’évapore.

Le Coup d'Etat du 18 Brumaire - le Général Bonaparte au Conseil des Cinq Cents
Le Coup d’Etat du 18 Brumaire – le Général Bonaparte au Conseil des Cinq Cents

Le général Commes fait son rapport : L’armée des brigands royaux a été détruite hier par les colonnes républicaines à Montréjeau. Mille rebelles tués, troiscents noyés dans la Garonne, douzecents prisonniers, sept pièces d’artillerie et deux drapeaux ont été le fruit de cette journée. Quatre ou cinqcents rebelles, qui ont échappé, vont se réunir à Saint-Béat ou à Bagnères-de-Luchon. Je suis à leur poursuite. Dans trois jours ils seront tous exterminés ou ils auront évacué le sol de la République…

On organise des battues pour retrouver des insurgés. L’armée arrête les déserteurs et les prêtres réfractaires.

Dans les environs de Bassoues, Marciac et Ladevèze, les hommes fouillent les bois tandis que les femmes armées de broches de cuisine assurent la défense des villes. On arrête cinq hommes.

Le calme revient avec le coup d’Etat du 18 Brumaire par le général Bonaparte. Et les insurgés sont amnistiés.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Bataille de Montréjeau – Wikipédia.
Histoire de l’insurrection royaliste de l’an VII : d’après les documents officiels existant dans les archives des départements insurgés et dans celles du ministère de la guerre par B. Lavigne, 1887




Larressingle, village fortifié

Larressingla, Larressingle en français, est un beau village fortifié du Gers. Certains disent que c’est une « réduction de Carcassonne ».

Le castrum de Larressingle

Le château de Larressingle
Le château de Larressingle

Au XIe siècle, l’abbé Hugues, fondateur de l’abbaye de Condom, et héritier des ducs de Gascogne, devient évêque d’Agen et de Bazas. En 1011, il laisse sa charge abbatiale de Condom et fait don à son successeur de ses terres de Larressingle. C’est ainsi que les abbés en deviennent propriétaires. Puis, ce seront les évêques de Condom à la création de l’évêché en 1317.

Le conflit en Aquitaine entre le roi d’Angleterre et le roi de France nécessite la fortification des bourgs et des villes. Ainsi, les abbés de Condom fortifient le village. En 1285, l’abbé de Condom et le roi d’Angleterre établissent un paréage. On rehausse les tours. La justice est partagée. Et la garnison est anglaise. Cependant, la guerre en Aquitaine ne semble pas avoir touché Larressingle.

Plus tard, en 1589, les Ligueurs s’en emparent et en font une base pour leurs opérations en agenais et en condomois. Mais, vite, Antoine-Arnaud de Pardaillan de Gondrin (1562-1624) fera sa soumission à Henri IV et rendra Larressingle en 1596.

À partir de 1610, Larressingle ne fait plus partie de Condom et devient communauté à part entière.

Château de Cassaigne
Le château de Cassaigne

Finalement, les évêques de Condom abandonnent le château de Larressingle pour le château de Cassanha (Cassaigne) tout proche et plus commode. Monseigneur d’Auterroches, dernier évêque de Condom (1763-1792) fait même enlever la toiture de l’église Saint Sigismond pour utiliser la charpente dans son château de Cassaigne.

À la Révolution, Larressingle est vendue comme bien national. Dépecé et vidé de ses plus belles pierres, le village est progressivement abandonné. Seules trois familles habitent dans l’enceinte. Les autres préfèrent s’établir à l’extérieur.

Larressingle est un village défensif

Église_Saint-Sigismond
Église Saint-Sigismond

Un rempart polygonal crènelé de 270 mètres, quasiment intact, entoure Larressingle. Les courtines font 14 mètres de haut. Sept contreforts carrés renforcent l’enceinte. Un fossé large de 10 mètres complète l’ensemble.

On y accède par une porte fortifiée ; un pont fixe remplace le pont-levis. Une quarantaine de maisons s’adossent aux courtines ; elles pouvaient abriter environ 300 personnes. Une seule rue polygonale fait le tour du donjon et de l’église.

Au centre, s’élève un château avec un donjon à quatre étages. L’intérieur est en ruine mais on y voit encore l’escalier à vis qui permettait d’accéder aux étages supérieurs éclairés par des fenêtres géminées.

Saint Sigismond
Saint Sigismond en Vercingétorix

Jouxtant le château, l’église romane Saint-Sigismond n’offre que des meurtrières pour toute ouverture. Elle est classée au titre des Monuments Historiques. Ce sont les ateliers Monna de Toulouse qui réalisent la statue qui orne l’église, dédiée à Saint Sigismond. Curieusement, ils livrent une statue de Vercingétorix, reproduction de celle de Millet, érigée en 1865 à Alésia. Et voilà Saint-Sigismond avec une remarquable moustache !

L’ensemble château et église constitue un élément de défense impressionnant pour servir de refuge aux habitants.

À proximité de Larressingle, le pont d’Artigues est classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en tant que passage des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle.

Enfin, Larressingle se classe parmi les Plus beaux villages de France.

Un sauvetage inespéré

Edouard Mortier duc de Trévise
Edouard Mortier, duc de Trévise (1883-1946)

Le château et l’église sont en ruines. Larressingle appartient à de nombreux propriétaires. Les maisons adossées aux remparts les protègent, ainsi que les contreforts.

Si Violet le Duc restaure la cité de Carcassonne, Larressingle doit son sauvetage à Édouard Mortier, duc de Trévise (1883-1946). En 1920, Édouard Mortier fait une randonnée à bicyclette ; il remarque la beauté du village. Un an plus tard, il fonde La Sauvegarde de l’Art Français dont il assure la présidence de 1921 à 1946.

Le duc de Trévise parcourt la France. Ses articles dans la presse attirent l’attention du public sur l’état pitoyable du patrimoine français. D’ailleurs, c’est un de ses articles qui empêche que la vache qui orne la porte de l’évêché d’Alan en Comminges ne soit vendue à un Américain par un antiquaire peu scrupuleux.

Un mécénat inattendu

Il a l’idée d’aller aux États-Unis pour sensibiliser les Américains à la sauvegarde du patrimoine français, non seulement en cessant d’en acheter des morceaux, mais surtout en finançant sa restauration. Son voyage dure 6 mois entre 1925 et 1926.

C’est un triomphe. « The Duke » (les Américains ont du mal à prononcer son nom) fonde 12 comités locaux réunissant chacun un capital dont les revenus iront aux restaurations d’un monument. Le comité de Saint-Louis s’intéresse aux monuments de Toulouse, celui de Saint-Paul à l’église d’Alan en Comminges, celui de New-York aux boiseries de la chambre du château de Bayonne dans laquelle fut payée la rançon de François 1er, celui de Boston à Larressingle.

Il fait adopter chaque maison du village par des dames de Boston. Les fonds recueillis permettent de restaurer quatre contreforts, l’enceinte et 12 maisons du castrum de Larressingle. Les petits-enfants de ces bienfaitrices viendront à la fin du XXe siècle visiter le village et découvrir ce que leurs grand-mères avaient permis de sauver.

Depuis, sous l’égide de la mairie et de l’association des Amis de Larressingle, les travaux de restauration se poursuivent.

Dessin de Pierre Bénouville dans "Larressingle en Condomois, description et histoire"
Dessin de Pierre Bénouville dans « Larressingle en Condomois, description et histoire »- 1892 (Gallica)

Un site touristique remarquable

Si l’on en croit la légende, le nom de Larressingle viendrait d’un siège de l’armée romaine. Le village leur aurait résisté et Crassus, lieutenant de César, aurait ordonné la retraite à ses soldats avec ces mots : Retro singuli, c’est-à-dire « en arrière un par un ». Les experts proposent diverses hypothèses pour sa toponymie.

Aujourd’hui, les Amis de Larressingle animent la « réduction de Carcassonne » ; ils reçoivent près de 130 000 visiteurs chaque année.

Outre les visites guidées du castrum, un camp médiéval permet de découvrir les techniques de l’art du siège d’un château avec des reconstitutions de machines de guerre et des démonstrations de tirs.

Grands et petits peuvent s’initier au tir à l’arc, à l’arbalète, frapper une monnaie, s’habiller en chevalier.

Un site gascon à découvrir, situé entre Condom et L’Arromiu (La Romieu).

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Wikipédia.
The extraordinary village of Larressingle in Gers.
Sauvegarde de l’art français, Larressingle et La Mothe-Chandeniers : un même modèle innovant et efficace de mécénat culturel.
Larressingle en Condomois, description et histoire, Georges Tholin et Joseph Gardère, Auch, 1892.
Visiter la petite Carcassonne du Gers




Faïences de Gascogne

Ordinairement, on mange dans de la vaisselle d’or ou d’argent, n’est-ce pas ? Pourtant, quand Louis XIV fait fondre sa vaisselle d’argent pour payer les frais de ses guerres, toute la noblesse l’imite. Désormais, il faut une nouvelle vaisselle. C’est l’âge d’or de la faïence.

Qu’est-ce que la faïence ?

La faïence est une poterie de terre cuite à 1 050°C pendant 8 heures, que l’on recouvre ensuite d’un émail blanc ou coloré à base d’étain. On l’appelle faïence stannifère. Il en existe plusieurs sortes selon les techniques utilisées.

Ainsi, elle est de « grand feu » lorsque on appose la couleur sur l’émail blanc après une précuisson. Ce sont des oxydes métalliques : cobalt pour le bleu, manganèse pour le brun-violet, cuivre pour le rouge et le vert, antimoine pour le jaune, fer pour le noir. Après la pose de la couleur, la faïence subit une cuisson définitive.

Faïence d’Auvillar au décor de levrette et bordure de l’assiette en douze « loves
Faïence d’Auvillar au décor de levrette et bordure de l’assiette en douze « loves

A contrario, elle est de « petit feu » lorsque la couleur est posée sur l’émail déjà cuit. La gamme de couleur est alors plus délicate. On y trouve du rose, du vert clair ou de l’or. On cuit chaque couleur séparément. Ainsi, certaines faïences très décorées nécessitent jusqu’à 60 cuissons à basse température.

Dans la « faïence fine », on pose le décor sur une pièce précuite et on le recouvre ensuite d’un vernis à base de plomb. Le vernis laisse apparaitre la pâte blanche. Les Faïences Vieillard de Bordeaux utilisent cette technique.

Le décor de la faïence se fait au pinceau ou par impression. On encre le décor sur du papier de soie posé sur la pâte. Lorsqu’elle a bu la couleur, on enlève le papier de soie et on émaille la faïence. Cette technique d’impression favorise leur production industrielle.

La faïence de Bordeaux

En 1714, Jacques Hustin, trésorier de la Marine à Bordeaux, obtient le monopole de la production et de la commercialisation de faïences dans un rayon de 10 Lieues autour de Bordeaux. Ce privilège est reconduit jusqu’en 1762.

Faïence fine - Manufacture J.Vieillard & Cie - Bordeaux, milieuXIXe - Service David_Johnston
Faïence fine – Manufacture J.Vieillard & Cie – Bordeaux, milieu XIXe – Service David_Johnston

La faïence de Bordeaux se caractérise par le décor de la levrette avec des contours et des filets de couleur violette à base de Manganèse. La bordure des assiettes est dite « mouvementée » par opposition aux bordures plates des assiettes.

Puis, à la fin du monopole de Jacques Hustin, huit autres faïenciers s’installent à Bordeaux mais leur qualité est bien moindre. Cependant, une faïencerie ouvre à Auvillar (Tarn et Garonne) qui reprend le décor de levrette déjà très populaire en Gascogne. On reconnait sa production aux douze « loves » sur le bord des assiettes.

Enfin, en 1835, un Anglais, David Johnston, ouvre une faïencerie à Bacalan, au nord de Bordeaux. Elle compte jusqu’à 700 ouvriers. Jules Vieillard lui succède en 1845. Il développe plusieurs décors, dont un d’inspiration orientale dénommé « au chinois » très recherché. Et aussi une gamme d’inspiration régionaliste, en particulier avec les pièces délicates de Marie Gadou.  La faïencerie ferme en 1895.

On peut l’admirer au musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux.

La faïence de Samadet

En 1732, l’abbé du Bouzet de Roquépine, baron de Samadet (Landes) obtient l’autorisation d’ouvrir un atelier avec un monopole reconduit jusqu’en 1782. La manufacture est une manufacture royale.

Plat à la palombe en camaïeu vert de Samadet
Plat à la palombe en camaïeu vert de Samadet

Pour lancer son affaire, il débauche un ouvrier spécialisé de la faïencerie Hustin de Bordeaux. Celui-ci amène son savoir-faire et quelques secrets de fabrication. Peu après, devenu directeur de la faïencerie, il est assassiné en 1758 par ses ouvriers pour des affaires galantes !

Très vite, la faïence de Samadet connait le succès. Aussi, des boutiques ouvrent à Toulouse, Montauban, Bayonne, Auch et Pau. La faïence s’exporte par galupes entières (barques à fond plat) jusqu’au port de Bayonne et vers les Antilles. La faïencerie de Samadet cesse son activité en 1840.

On reconnait la faïence de Samadet par ses décors polychromes qui utilisent le mauve, le bleu, le jaune et le vert. Les motifs floraux (œillets, myosotis) sont les plus fréquents.

Le Musée départemental de la faïence et des arts de la table ouvre à Samadet en 1968. Il devient propriété du département des Landes en 1998. Il présente l’évolution historique de la céramique, les techniques utilisées pour sa fabrication et une collection de 200 pièces issues des fours de Samadet.

La Maison de la céramique expose des créations contemporaines des ateliers qui perpétuent le savoir-faire de la faïencerie de Samadet.

Différents décors de Samadet
Différents décors de Samadet

La faïence de Martres-Tolosane

Soupière de Martres-Tolosane (31)
Soupière de Martres-Tolosane (31)

La première faïencerie de Martres est fondée en 1737. Vers 1762, Rémy Leclerc, faïencier de Lunéville (Meurthe et Moselle) s’installe et produit des carreaux décorés au pochoir, surtout destinés à décorer les dessus d’éviers. On les trouve aussi posés au sol, sur des murs ou dans les cuisines. La faïencerie ferme en 1899.

Martres connait un fort développement. De plus, contrairement aux faïenciers de Bordeaux et de Samadet qui produisent pour la noblesse et la bourgeoise, Martres se spécialise dans la production pour clients ruraux.

Des ateliers ouvrent à Martres et dans les communes des alentours : Mauran, Marsoulas, Salies du Salat, Montclar de Comminges, Mancioux, Mane, Alan, Sainte-Croix Volvestre, ….

Martres produit des objets au décor peints à la touche. Les ateliers utilisent beaucoup de rouge de Thiviers (rouge vif) obtenu à partir de pierres silico-ferrugineuses. Les décors sont des fleurs seules ou en bouquet, des oiseaux et des scènes romantiques et bucoliques.

Une dizaine de faïenciers sont connus à Martres mais en 1790, il n’en reste que deux. Aujourd’hui, cinq ateliers perpétuent le savoir-faire de Martres.

Depuis 2001, le Salon des Arts et du Feu a lieu chaque année, à la Toussaint, à Martres-Tolosane. Il réunit une centaine d’exposants et reçoit 12 000 visiteurs. Un véritable succès !

Faïences de Martres-Tolosane (31)
Faïences de Martres-Tolosane (31)

Les autres faïenceries et la production de porcelaine

En plus des centres de production de Bordeaux, d’Auvillar, de Samadet et de Martres-Tolosane, d’autres faïenceries existent.

Même si on est mal très renseignés sur leur production, il existe un atelier à Bayonne en 1778, un autre à Saint-Maurice (Landes) en 1782, un autre à Ligardès (Gers) en 1780. Certains documents citent une faïencerie à Oloron mais on ne sait rien sur elle et sur sa production. Une faïencerie ouvre à Dax de 1820 à 1836.

Faïence de Dax (40)
Faïence de Dax (40)

Ces ateliers sont concurrencés par la fabrication industrielle (Vieillard de Bordeaux) et l’arrivée de la porcelaine anglaise, produite en grande quantité et bon marché.

Pourtant, des ateliers de porcelaine existent en Gascogne à Ciboure, à Dax et à Pontenx. Un gisement de kaolin est découvert à Dax en 1708. En 1771, un autre gisement est découvert à Cibourre mais les essais de fabrication de porcelaine ne sont pas concluants. La fabrique de Pontenx fonctionne sans doute de 1770 à 1790.

La tourmente révolutionnaire emporte beaucoup de fabriques. La concurrence anglaise et la découverte du gisement de kaolin de Saint-Yriex qui permet le développement de la porcelaine de Limoges ont raison des ateliers de faïence et de porcelaine de Gascogne.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Wikipédia
Reconnaitre et estimer la faïence de Bordeaux
Musée de la faïence de Samadet




Les Cercles de Gascogne

Les cafés associatifs fleurissent dans les communes dépourvues de commerce. C’est un moyen d’entretenir un lien social. Cette idée n’est pas nouvelle. Dans les Landes et en Gironde, ce sont les Cercles de Gascogne.

L’origine des Cercles de Gascogne

Enseigne du Cercle des Travailleurs de Bazas
Enseigne du Cercle de l’Union des Travailleurs de Bazas (1883)

Les Cercles de Gascogne naissent après la Révolution de 1789 dans le Bazadais et la Haute-Lande. D’abord réservés aux notables, les « Cercles des Messieurs » s’ouvrent progressivement aux commerçants, aux métayers, aux bergers, aux résiniers et aux autres professions ouvrières.

À leur apogée, sous la IIIe République, on y parle politique, on y lit les journaux, on y commente l’actualité, on y refait le monde autour d’une pinte. C’est un espace démocratique et convivial.

François Mauriac (Destins, Paris, 1922) voit le rôle politique et électoral joué par les Cercles : il enlevait tous les quatre ans pour le compte du ministre quelques centaines de voix au député de l’arrondissement, le Marquis de Lur. Il était admiré. Il avait formé un cercle à Vindis où désormais le samedi, après la paye, les paysans venaient boire et parler politique.

Cependant, les statuts des Cercles sont stricts.

Le Cercle de Saint-Symphorien

Le cercle de Saint-Symphorien en Gironde est créé en avril 1898. Il précise : La société a pour but de resserrer les liens de fraternité qui déjà unissent ses membres et de leur faciliter l’économie par les moyens de coopération qu’elle possède (art. 2). On peut parler de tout, mais Les questions politiques et religieuses sont formellement interdites (art. 3). Pour y entrer, il faut avoir 21 ans, jouir de ses droits civils et politiques et réunir la majorité des suffrages exprimés (art. 5). La première mise de fonds est de vingt francs (art 7).

Puis, la cotisation annuelle est de trois francs payables mensuellement. Et gare aux retardataires car Les membres en retard sur le paiement de trois cotisations auront leur nom affiché pendant huit jours dans la salle du Cercle. Ils cesseront de faire partie du Cercle s’ils ne s’acquittent pas pendant ces huit jours (art. 8).

Le cercle de Saint-Symphorien
Le cercle de Saint-Symphorien

Les Cercles prennent le statut d’association

La loi de 1901 sur les associations officialise les statuts des Cercles. Ils se nomment Cercle de l’Union, des Républicains, des Démocrates, des Citoyens, des Travailleurs, de la Concorde et de la Paix, de la Fraternité, de l’Avenir, etc.

Les femmes y sont interdites jusque dans les années 1950.

Logo des Cercles de Gascogne
Logo des Cercles de Gascogne

Les Cercles catholiques d’ouvriers

Albert de Mun (1841-1914)
Albert de Mun (1841-1914)

Parallèlement, Albert de Mun (1841-1914) fonde en 1871 « L’œuvre des Cercles catholiques d’ouvriers ». Royaliste légitimiste, sensible aux questions sociales, il souhaite rechristianiser le monde ouvrier. D’ailleurs, il pense que des drames comme celui de la Commune de Paris ne peuvent être évités que si les classes dirigeantes s’intéressent aux ouvriers.

Aussi, il s’inspire du modèle du « Cercle de Montparnasse » créé par un membre de la congrégation de Saint-Vincent de Paul. Et il fonde l’Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers à Bordeaux en 1872 ; elle rassemble des adultes et des jeunes. Et il leur en confie la gestion.

Des cercles similaires ouvrent à Saint-Seurin, à Saint-Nicolas et aux Chartrons. Au total, en 1878, il en existe 375 dans tout le pays. Ils comptent 38 000 ouvriers et 800 notables.

Maison du premier Cercle Catholique ouvrier à Paris en 1865
Maison du premier Cercle Catholique ouvrier à Paris en 1865

Les Cercles catholiques d’ouvriers sont des lieux faits pour conserver leur foi, leurs mœurs et leur patriotisme. On y pratique des activités de détente, des activités d’éducation et des activités religieuses.

De plus, ce mouvement s’accompagne d’initiatives pour aider les ouvriers. Et il est à l’origine de nombreux syndicats agricoles, dans le bâtiment ou de métiers. D’ailleurs, la plupart des Cercles ont des caisses d’entraide pour venir en aide aux malades ou aux chômeurs.

Si certains Cercles fusionnent rapidement dans d’autres œuvres (Bordeaux en 1895), d’autres subsistent jusqu’au début des années 1930.

Les nouveaux Cercles de Gascogne

Le Cercle de l'Union à Pissos (40)
Le Cercle de l’Union à Pissos (40)

L’évolution de la société fait disparaitre les Cercles de Gascogne, les uns après les autres. Et ils auraient sans doute tous disparu sans le travail remarquable du Parc naturel des Landes de Gascogne qui accompagne leur renouveau.

Alain Crenca, adjoint au maire de Pissos, crée en 1998 la Fédération des Cercles de Gascogne. Elle compte aujourd’hui 23 Cercles ou cafés associatifs. Grâce à son travail, de nouveaux Cercles ouvrent comme Sort en Chalosse en 2012, Saint-Justin en 2015. Des projets existent au-delà de l’aire traditionnelle des cercles, comme à Nassiet en Chalosse.

La carte des Cercles de Gascogne
La carte des Cercles de Gascogne

En reconnaissance de son travail, la Fédération et le Conseil départemental des Landes signent en 2014 une convention d’objectifs pour aider la Fédération des Cercles de Gascogne dans sa mission de coordination des activités des Cercles.

Les Cercles fonctionnent sous la forme d’associations de type loi de 1901. Ils sont accessibles à tout le monde. Sur le modèle des Bistrots de Pays, ils sont un lieu essentiel de la vie locale.

D’ailleurs, beaucoup accueillent le siège d’associations locales. Comme dans les premiers Cercles, on vient y prendre une consommation (on ne dit plus boire une pinte…), jouer aux cartes, lire le journal. Modernité oblige, on vient aussi y déjeuner, participer à des banquets, participer à des lotos, à des soirées musicales ou à des présentations théâtrales.

Cercle de Gascogne et culture gasconne

Jean-Luc Lagrave, Président du Cercle gascon de negòcis © Bernard Dugros
Jean-Luc Lagrave, Président du Cercle gascon de negòcis © Bernard Dugros

Les cercles n’oublient pas la culture gasconne. On peut jouer aux quilles dans certains cercles ou faire bruler la halha de Nadau. Les Cercles présentent aussi une vitrine de produits locaux ou régionaux et font office de lieu d’information touristique.

Citons le Cercle gascon de negòcis, créé en 2021 à Capbreton, qui rassemble une trentaine d’entreprises à l’ADN Gascogne.  Elle a été spécialement créée pour mettre en relation les entrepreneurs qui partagent les valeurs simples et intègres de la Gascogne et développer l’économie locale dans une optique juste et durable, précise leur site Linkedin. et dont l’objectif est de créer un label « Produit en Gascogne » ou « Produit en pays gascons ». Jean-Luc Lagrave, son président, espère bien que d’autres se joignent à eux. Et on y entend parler gascon !

 

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Fédération des Cercles de Gascogne
Cercles et sociabilité en Gascogne (XIX°-XX° siècles), Annales du Midi, Bernard Traimond, 1981
Histoire et vies des cercles de Gascogne, Jean-Jacques Fenié, Patrice Clarac, Isabelle Loubère, 2014




Le canal de Garonne

Le canal du Midi, de Toulouse à Sète, construit par Pierre-Paul Riquet est un ouvrage remarquable inscrit au patrimoine mondial de l’humanité. Mais on connait mal le canal de Garonne qui relie Bordeaux à Toulouse et, ainsi, à la Méditerranée.

La genèse du projet du canal de Garonne

Pierre-Paul Riquet (1609-1680)
Pierre-Paul Riquet (1609-1680) – © Wikimedia Commons

Relier l’Atlantique (mar grana en gascon) à la Méditerranée nécessite un long détour par le détroit de Gibraltar. L’idée d’une liaison directe par un canal est ancienne. D’ailleurs, l’empereur Auguste, Charlemagne, Charles IX ou Henri IV ont commandé des études. Toutefois, aucune n’a résolu le problème de son approvisionnement en eau. En effet, comment alimenter avec un débit suffisant un canal dont les eaux vont irrémédiablement s’écouler vers les deux mers ? Le Languedocien Pierre-Paul Riquet (1609?-1680) le résout.

Le seuil de Naurouze

On connait les lieux de partage des eaux entre celles qui s’écoulent vers l’Atlantique et celles qui vont vers la Méditerranée depuis l’Antiquité. D’ailleurs le géographe grec Strabon (1er siècle av. J.-C.) l’appelait l’isthme gaulois.

Avec l’aide du fontainier de Revel, Pierre Campmas, Riquet positionne le point de partage des eaux juste au-dessous des pierres de Naurouze et dérive l’eau de la Montagne noire jusqu’à un très grand lac artificiel qu’il fait creuser, le lac de Saint-Ferréol. De là, l’eau rejoint Naurouze (34 km) par un canal nommé rigole de la plaine.

Comme il croit à son projet, c’est Riquet lui-même qui apporte les premiers financements.

12 000 personnes vont creuser à la pelle et à la pioche le canal royal du Languedoc qui relie Toulouse à Sète. Les travaux s’achèvent en 1681, après la mort de Riquet. Pourtant, entre temps, il a l’idée d’un autre canal entre Bordeaux et Toulouse car les bateaux mettent 5 jours pour aller de Toulouse à Bordeaux par la Garonne et 15 jours dans l’autre sens. Une idée qui restera en sommeil pendant deux siècles.

La rigole de la plaine (à gauche) débouche dans le canal du Midi au niveau du seuil de Naurouze. La direction de l'Atlantique est à droite
La rigole de la plaine (à gauche) débouche dans le canal du Midi au niveau du seuil de Naurouze. La direction de l’Atlantique est à droite – © Wikimedia Commons

Pour en savoir plus sur le canal du midi, vous pouvez regarder L’incroyable histoire du Canal du midi : Le projet de Louis XIV – Documentaire complet.

Toulouse-Bordeaux

Carte du Canal de Garonne
Carte du Canal de Garonne © Wikimedia Commons

Au XIXe siècle, la France s’industrialise. Elle a besoin de moyens de communication rapides. Aussi, en 1828, on lance des études pour la réalisation d’un canal entre Bordeaux et Toulouse. La concession est attribuée en 1832 mais l’entrepreneur ne tient pas ses engagements et l’Etat reprend la concession. Les travaux débutent en 1838. Le tronçon de Toulouse à Montech ouvre en 1844, celui entre Montech et Buzet ouvre en 1853 et le canal de Garonne est achevé en 1856.

C’est un véritable succès, les marchandises affluent sur le canal de Garonne. Mais, en 1858, l’Etat confie la gestion du canal de Garonne à la Compagnie des Chemins de Fer du Midi, créée par les Bordelais Emile et Isaac Pereire. Or ceux-ci viennent d’ouvrir la ligne de chemin de fer de Bordeaux à Sète. Le canal est donc un concurrent sérieux. Alors, la Compagnie augmente les tarifs du transport fluvial. Et le trafic est divisé par trois. L’Etat finit par racheter la concession en 1896.

La modernisation du canal de Garonne

Le canal de Garonne est long de 193 km. Depuis Toulouse, il longe la rive droite de la Garonne, passe par-dessus la Garonne à Agen dans un pont appelé pont canal et poursuit sur la rive gauche jusqu’à Castets en Dorthe situé à 54 km de Bordeaux pour rejoindre plus loin la Garonne navigable.

Canal de Garonne à Agen © Wikimedia Commons
Le Canal de Garonne à Agen © Wikimedia Commons

Sur son parcours, il compte 53 écluses, 7 ponts canaux (qui permettent de franchir la Garonne ou ses affluents). Celui d’Agen est le plus grand avec 500 mètres de long.

Entre 1969 et 1973, le canal de Garonne est modernisé pour permettre le passage de bateaux capables de transporter 350 tonnes de marchandises. Les écluses sont allongées et la pente d’eau de Montech (Tarn et Garonne) est construite pour doubler 5 écluses. Mise en service en 1974, elle permet le passage d’un bateau en 10 minutes, au lieu de 70 minutes par les 5 écluses. C’est un gain de temps considérable.

À partir de 1990, on ne réalisera plus de travaux sur le canal de Garonne. Babette, la dernière péniche de marchandises arrête de circuler en 2000. C’est désormais le tourisme fluvial qui anime le canal de Garonne.

Le pont canal d’Agen

Le pont canal d’Agen est le deuxième en France par sa longueur. Ses dimensions sont impressionnantes : 539 mètres de long reposant sur 22 piles, 12,48 mètres de large, une voie d’eau large de 8,82 mètres et profonde de 2,70 mètres.

La navigation se fait à sens unique. Un plan d’eau situé à chaque extrémité sert de zone d’attente pour les bateaux.

 Le duc d’Orléans posant la première pierre du pont-canal d’Agen, 1844
Le duc d’Orléans pose la première pierre du Pont-Canal d’Agen, 1844 © Wikimedia Commons

Le duc d’Orléans (fils ainé de Louis-Philippe 1er) inaugure les travaux de construction du pont canal d’Agen en grande pompe le 25 aout 1839. Mais la ligne de chemin de fer ouverte en 1841 entre Bordeaux et Toulouse interrompt les travaux. En effet, le canal de Garonne a un sérieux concurrent.

Pour ne pas laisser cet ouvrage sans utilité, on décide de le louer aux paysans qui l’empruntent pour éviter de faire le détour par le pont de pierre d’Agen. Mais le péage est trop cher et c’est un demi échec. Les travaux reprennent en 1846 et on met en service le pont canal en 1849.

On doit sa construction à Jean-Baptiste de Baudre (1773-1850) et à Jean-Gratien de Job (1802-1875), deux ingénieurs des Ponts et chaussées. Ces deux ingénieurs ne sont pas inconnus en Gascogne. Jean-Baptiste de Baudre dirige le chantier de correction de l’embouchure de l’Adour à Bayonne, les travaux du port de Bordeaux, les travaux de rectification du cours de la Garonne à Agen, les études du pont canal d’Agen. Jean-Gratien de Job dirige la construction du pont canal d’Agen, du pont canal sur la Baïse, la construction du chemin de fer de Bordeaux à Sète.

Le pont canal d’Agen et les deux bassins d’attente sont inscrits à l’Inventaire des Monuments historiques depuis 2003 et 2012.

Le Pont Canal d'Agen
Le Pont-Canal d’Agen

La pente d’eau de Montech

Pente d'eau de Montech
La pente d’eau de Montech

À Montech (Tarn et Garonne), il faut franchir 5 écluses successives du canal de Garonne. Cela demande plus d’1 heure pour franchir une pente d’eau de 13 mètres.

Le plan de modernisation du canal de Garonne permet de rallonger de 10 mètres les écluses pour accueillir des bateaux transportant 250 Tonnes de marchandises. À Montech, on décide de contourner le problème en créant une pente d’eau.

Jean Aubert (1894-1984), ingénieur spécialisé dans les travaux hydrauliques, à l’idée de déplacer un bateau sur une pente inclinée en poussant, grâce à deux motrices sur rail, un triangle d’eau sur lequel flotte le bateau. L’idée est révolutionnaire.

La pente d’eau est construite à Montech et mise en service en 1974. Deux motrices transportent le bateau le long d’une rigole en béton de 443 mètres de long et 6m de large. Il franchit la pente de 3% en seulement 10 minutes, économisant 45minutes sur le trajet.

La pente d’eau de Montech est un système unique au monde. Le succès est immédiat. On vient du monde entier pour admirer cet exploit technique.

Mais la pente d’eau coute cher en entretien. Le trafic fluvial de marchandises diminue et la pente d‘eau est mise hors service en 2009. Elle devient un site touristique d’importance : promenade le long du canal de Garonne, visite de la pente d’eau, visite de la péniche musée, visite d’une ancienne papeterie.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Pierre-Paul Riquet
L’officiel du canal du midi
Canal du Midi
Canal de la Garonne, l’autre canal
Pente d’eau de Montech
L’incroyable histoire du Canal du Midi




A. Bibal, mécène de l’Escòla Gaston Febus

Albin Bibal (1841-1920) est un homme d’affaires, homme politique, mécène et philanthrope comme beaucoup de ses semblables au XIXe siècle. Membre de l’Escòla Gaston Febus, on lui doit le sauvetage du château de Mauvezin, dans les Hautes-Pyrénées.

Un chef d’entreprise avisé

Albin Bibal
Albin Bibal

Albin Bibal nait à Aiguillon en Lot et Garonne. Son père, Pierre Bibal, est tailleur de pierres et entrepreneur de travaux publics. On lui doit notamment le grand pont de pierres de Bayonne. Et c’est l’époque du développement du chemin de fer. Aussi, Pierre Bibal travaille sur le tronçon de Dax à Mont de Marsan. Mais il y fait de mauvaises affaires et se ruine.

À 19 ans, Albin Bibal s’engage dans des entreprises de construction de chemins de fer. Il travaille en Isère, dans l’Orne, dans les Côtes du Nord, en Charente et dans les Hautes-Alpes. Là, il se fait remarquer pour la conduite des travaux d’une galerie souterraine de 4 km, puis pour la construction d’une ligne de chemin de fer dans l’Hérault. Cela lui vaut d’importantes gratifications.

Ligne de chemin de fer Condom-Eauze
Ligne de chemin de fer Condom-Eauze

Aussi, en 1874, à 33 ans, Albin Bibal fonde sa propre entreprise de travaux publics. De 1876 à 1892, il obtient des chantiers de construction des lignes de chemin de fer dans les Pyrénées-Orientales, le Tarn, l’Hérault, la Dordogne, le Cantal, le Lot, …. Et même en Espagne. Dans le Gers, il travaille sur la ligne de Condom à Éauze.

Albin Bibal épouse Marie-Clémence Clément avec qui il a quatre enfants. Puis, veuf, il épouse en secondes noces, Marie-Rose Gardès dont la famille possède le château d’Esclassan, près de Masseube, dans le Gers. À la mort de sa seconde épouse en 1902, il hérite du château.

Depuis son second mariage en 1881, Albin Bibal est devenu Gersois.

Albin Bibal s’intéresse à la politique

Albin Bibal (1841-1920)
Albin Bibal (1841-1920)

En 1862, Albin Bibal s’engage en politique aux côtés des Républicains opposés aux candidats du régime impérial. Il soutient les candidats républicains dans tous les départements où il travaille. C’est ainsi qu’il soutient, trois fois de suite, Armand Fallières dans le Lot et Garonne.

Certains candidats qu’il soutient deviennent députés, sénateurs et même Président de la République.

En 1881, Albin Bibal participe à la fondation du Parti républicain à Masseube. À Mirande, il soutient le candidat républicain contre Paul de Cassagnac, le fameux duelliste gascon, qui remporte l’élection.

En 1885, Albin Bibal décide de se porter candidat aux élections législatives. Sa liste remporte la majorité dans le canton de Masseube. Fort de ce succès, il devient maire d’Esclassan en 1886, conseiller d’arrondissement en 1892, conseiller général du canton de Masseube en 1895, président du Conseil général qu’il présidera un an en 1897, puis maire de Masseube en 1900.

Les affaires et la politique vont ensemble

Albin Bibal - D'Auch à Lannemezan - Les transpyrénéens (1913)
Albin Bibal – D’Auch à Lannemezan – Les transpyrénéens (1913)

À partir de 1883, Albin Bibal investit dans plusieurs affaires industrielles en participant à la création de plusieurs sociétés en Espagne et en France.

Ainsi, en 1908, il est le principal fondateur de l’imprimerie Th. Bousquet et Cie à Auch.

Pendant ce temps, on construit des lignes de chemin de fer d’intérêt local et des lignes de tramway. Un projet de loi prévoit des aides de l’Etat jusqu’à 75 %.  Aussi, Albin Bibal milite activement pour que la loi soit enfin votée, d’autant que le Conseil général du Gers a deux projets de lignes de tramway Mirande-Castelnau Rivière Basse et Cazaubon-Aire sur l’Adour.

Albin Bibal est un ardent promoteur de la ligne de chemin de fer entre Auch et Lannemezan et de sa continuation vers l’Espagne à travers les Pyrénées. Ainsi, il publie en 1913 une étude intitulée Chemin de fer d’Auch à Lannemezan. Les transpyrénéens. Ce projet est malheureusement abandonné.

Albin Bibal et l’agriculture

À Masseube, Albin Bibal fait agrandir la halle. Il souhaite développer l’élevage des mules et mulets dont Masseube est un important marché pour les Espagnols, grands consommateurs, venus se fournir en France. D’ailleurs, le projet de chemin de fer transpyrénéen aurait sans doute facilité l’exportation des animaux.

Très entrepreneur, Albin Bibal veut aussi développer l’élevage des oies. Ainsi, lors de l’exposition de l’agriculture de 1909 sur le Champ de Mars à Paris, il déplore le peu de publicité faite aux produits du Gers. Du coup, il préconise la constitution d’un syndicat de vente pour leur promotion : Notre Armagnac n’est pas apprécié, parce qu’il n’est pas connu, nos volailles, élevées en liberté, sont autrement savoureuses que celles du Mans et de Bresse, gavées de force ; nos dindons, connus par hasard à Londres, sont presque inconnus à Paris… 

Alors, Albin Bibal fonde le 1er syndicat agricole du canton de Masseube et une Banque Populaire Agricole qui fait des prêts aux agriculteurs. Elle disparait en 1900, lors de la création des caisses locales du Crédit Agricole.

Albin Bibal devient maire de Masseube (Gers)
Masseube (Gers)

Albin Bibal mécène

En 1899, Albin Bibal fait une rente de 600 Francs au département à distribuer chaque année aux six familles les plus nécessiteuses ayant le plus grand nombre d’enfants à charge. De même, il fait une autre rente aux communes de son canton pour être distribuée pendant 50 ans aux aveugles et aux infirmes. En 1900, il fait une nouvelle rente annuelle au département au bénéfice de 3 mères de famille de moins de 35 ans ayant de nombreux enfants. En 1901, il recommence avec une autre rente pendant 30 ans au bénéfice des orphelins. Enfin, en 1912, une dernière rente est faite en faveur de veuves d’ouvriers ayant en charge des jeunes enfants.

Albin Bibal et le château de Mauvezin

Le Château de Mauvezin (Hautes-Pyrénées)
Le Château de Mauvezin (Hautes-Pyrénées)

Albin Bibal s’intéresse aussi à la culture locale. Membre du Félibrige, il rachète de château de Mauvezin en 1906, le restaure en partie pour l’ouvrir à la visite et le cède à l’Escòla Gaston Febus dont il est membre, en 1907.

Il réalise une plaquette Le vieux château de Mauvezin et sa devise et écrit une Histoire chronologique du vieux château fort de Mauvezin. Il écrit aussi le De viris illustribus Vasconiae qui comprend 648 notices biographiques de gascons célèbres. Dans tous les départements, les félibres gascons se mettent au travail pour la rédaction des notices dont la liste parait dans la revue Reclams de Biarn et Gascougne. Le livre est publié en 1914.

Au château de Mauvezin, Albin Bibal fait des travaux de restauration. La somme demandée pour la restauration de la rampe d’accès et du pont-levis est trop importante. Il fait installer un escalier de fer en colimaçon pour entrer dans le château, ainsi que deux autres escaliers pour accéder aux courtines sécurisées par un garde-corps. Il fait restaurer la porte d’entrée et dégager la dalle héraldique. Dans le donjon, il fait installer des poutres et des planchers pour reconstituer les étages accessibles par un escalier en bois et fait percer une porte pour l’accès aux salles inférieures. Il fait réparer les contreforts et couronne le donjon de créneaux et de mâchicoulis.

La Félibrée de Mauvezin

En mars 1907, Albin Bibal cède le château de Mauvezin à l’Escòla Gaston Febus. Le 31 aout, la prise de possession officielle se fait à l’occasion d’une Félibrée dans la cour du château.

On y voit la plupart des félibres de Gascogne. Germaine Guillot, reine de Gascogne, participe avec toute sa cour. Un tournoi littéraire a lieu, ponctué des chants des Troubadours tarbais, de l’Estudiantina tarbaise et de la chorale de Tournay-Bordes.

Cette Félibrée a fait l’objet d’un tableau qui est conservé au château de Mauvezin. On peut y reconnaitre la plupart des félibres qui y ont participé.

Albin Bibal remet le Château de Mauvezin à l'Escòla Gaston Febus
Le 31 août 1907, Albin Bibal remet le Château de Mauvezin à l’Escòla Gaston Febus

Les travaux d’Albin Bibal sont critiqués. Lors de la deuxième Félibrée de 1911 au château de Mauvezin, le comte de Roquette-Buisson, président de la Société Académique des Hautes-Pyrénées prend sa défense : J’avais beaucoup entendu critiquer les réparations faites au château de Mauvezin, et redoutais d’y venir, m’attendant à une triste désillusion, presque à une profanation des vielles ruines du manoir si mêlé à notre histoire bigourdane… Je m’excuse de contrister l’âme des archéologues pour lesquels toute restauration est un crime. Il m’est impossible de partager leur manière de voir. Je félicite M. Bibal de sa généreuse, intelligente, j’ajouterais artistique initiative.

Albin Bibal, mécène de l’Escòla Gaston Febus meurt à Esclassan le 13 février 1920.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Michel Albin Bibal, un élu gersois au service du patrimoine gascon : la sauvegarde du château de Mauvezin, Pierre Debofle, Bulletin de la société archéologique du Gers, n° 421, 3ème trimestre 2016.
Le vieux château de Mauvezin et sa devise, Albin Bibal
Histoire chronologique du vieux château fort de Mauvezin et ses destinées, Albin Bibal




Montréjeau et ses trésors

En traversant une ville, on voit l’église, la place centrale, et si on a un peu de temps, l’office de tourisme et quelques commerces. Pourtant, beaucoup d’entre elles ont des trésors cachés. Et c’est bien le cas de Montréjeau.

Montréjeau, bastide royale

Mont reiau [Montréjeau] signifie Mont royal. C’est une bastide fondée en 1272, en paréage entre Eustache de Beaumarchès, sénéchal du roi de France à Toulouse, et Arnaud d’Espagne-Montespan.

Comme souvent, l’affaire est profitable aux deux parties. Car, ainsi, le roi s’implante en Comminges, au milieu des possessions des Foix-Béarn en Nebouzan – Cela lui permet de surveiller ces remuants seigneurs. Et, d’autre part, Arnaud d’Espagne-Montespan obtient une étape sûre entre ses deux domaines de Montespan et de la vallée du Louron.

De plus, la bastide de Mont reiau est une réussite. En effet, trente ans après sa fondation, elle est entourée d’un rempart et est entièrement peuplée.

Montréjeau - la place centrale de la bastide
Montréjeau – la place centrale de la bastide et ses arcades

Bien sûr, les fondateurs la dotent de coutumes octroyées aux habitants, qui seront réécrites en 1435 (elles contiennent 228 articles) et en 1619.

Montréjeau - Pont sur la Garonne
Montréjeau – Pont sur la Garonne

Mont reiau tient un marché hebdomadaire. Et elle tient aussi deux foires annuelles à la Trinité et à la Saint-Barthélemy. Par ailleurs, la construction du pont sur la Garonne au XIVe siècle assure le succès de ses foires. Plus tard, Henri IV (1553-1610) lui en concède deux nouvelles à la Saint Mathias et à la Saint-André.

C’est aussi le siège de la judicature de la jugerie de Rivière. Ainsi, les professions de loi y prospèrent.

Mais, Mont reiau subit les affres des guerres de religion, sert de garnison lors des guerres avec l’Espagne. Et elle est le théâtre de la bataille de Montréjeau qui met fin aux espoirs royalistes en 1799.

La place Bertrand Larade

Il n’est pas habituel de voir une place porter le nom d’un grand poète gascon du XVIIe siècle.

En effet, Bertrand Larade (1581-1635 ?) est né à Montréjeau. Issu d’une famille de notables, il étudie le droit à Toulouse avant de se consacrer entièrement à la poésie. Il devient l’ami de Goudouli, grand poète toulousain. De plus, Bertrand Larade reçoit un prix aux Jeux Floraux en 1610, puis, il abandonne le français pour ne plus écrire qu’en gascon.

La Margalide gascoue

Sa Margalide gascoue, éditée en 1604 – il a 22 ans–, contient 96 sonnets dont le sonnet XXXVII sur Montréjeau, lieu de résidence de son amour :

Chant Royal - B Larade - la Margalide Gascoue (1604)
B Larade – La Margalide Gascoue (1604)

Mourejau ey lou loc de ma neichense,
Mourejau ey lo loc de la beutat,
Doun trop jouen jou’m trobey amatat,
Et force’m houc de’u da m’aubesience.

En Mourejau be he sa residence,
En exerçan sur my sa crusautat,
Et sa berou m’a tan plan tormentat,
Que cauque cop perde’m he paciense.

Et nou i a arrenc com noste Mourejau,
De y demoura lou bet loc be s’ac bau:
Courren aupres la Garona, et la Neste: 

Lou Roussinon nou pousque aillous boula
Qu’a Mourejau que d’et hé tant parla,
Per ma Margot suber toutes auneste.

Montréjeau est le lieu de ma naissance,
Montréjeau est le lieu de la beauté,
Par quoi trop jeune je me suis trouvé anéanti,
Et à qui force m’a été de faire obéissance.

À Montréjeau, elle a sa résidence,
En exerçant sur moi sa cruauté,
Et sa fureur, elle m’a si bien tourmenté
Que quelquefois elle me fait perdre patience.

Et il n’y a rien comme notre Montréjeau,
Il vaut la peine de résider en ce beau lieu :
Auprès duquel courent la Garonne et la Neste :

Le rossignol ne pourrait voler ailleurs
Qu’à Montréjeau qui fait tant parler de soi,
Grâce à ma Margot sur toutes les autres honnête.

L’hôtel de Lassus à Montréjeau

Montréjeau - Hôtel de Lassus
Hôtel de Lassus

Le XVIIe siècle est aussi celui de l’émergence de la famille de Lassus, l’une des plus importantes de Montréjeau.

Marc-François de Lassus (1692-1780) est, comme son père, subdélégué de l’Intendant d’Auch et Contrôleur général des Marbres du Roi. En 1760, il fait construire un magnifique hôtel particulier en pierre de Gourdan.

La famille de Lassus donnera un conseiller au Parlement de Toulouse, guillotiné à Paris sous le nom de M. de Nestier, un maire de Montréjeau, un conseiller général, un député, un célèbre pyrénéiste ami d’Henry Russel et deux présidents de la Société d’Etudes du Comminges. En sus, en 1865, les de Lassus sont faits barons héréditaires.

À l’initiative du Maréchal Foch, l’hôtel de Lassus abrite le séminaire de Montréjeau de 1929 à 1970. Aujourd’hui, il accueille des services de la communauté de communes, dont l’office de tourisme. Et, il est inscrit au titre des Monuments Historiques en 2005.

Le château de Valmirande

Le comte Henry Russell et le Baron de Lassus en 1894
Le comte Henry Russell et le Baron de Lassus en 1894

Bertrand de Lassus (1868-1909) fait construire le château de Valmirande, à l’imitation des châteaux Renaissance de la Loire. Les travaux durent de 1893 à 1899.

On remarque la propriété de 41 hectares, clôturée par un mur qu’on longe, à la sortie de Montréjeau, en prenant à la route de Lannemezan et de Tarbes.

C’est l’architecte bordelais Louis Garros qui construit le château. Denis et Eugène Bühler, concepteurs du parc de la Tête d’Or à Lyon et du parc Borelli à Marseille, se chargent du parc, qui contient plus de 180 espèces d’arbres et d’arbustes. Plus tard, en 1912, Édouard-François André, le concepteur des parcs de Monte-Carlo, dessine deux parterres à la française supplémentaires.

Une tour d’aspect médiéval abrite un calorifère à vapeur pour chauffer le château.

Des dépendances en style montagnard abritent une des plus belles écuries de France. De plus, une tour du bâtiment rappelle le clocher de l’église de Saint-Bertrand de Comminges que l’on voit depuis Valmirande. D’ailleurs, on raconte que Bertrand de Lassus communiquait à vue avec le curé de Saint-Bertrand. En tous cas, la vue est bien dégagée entre les deux lieux.

Dès 1899, le château de Valmirande est occupé. Et l’hôtel de Lassus situé dans Montréjeau est vendu.

Il est classé en 1976, le parc en 1979 et les dépendances en 1992. Le château habité n’est pas visitable, sauf la chapelle. Le parc et les dépendances font l’objet de visites guidées.

Montréjeau - Château de Valmirande
Montréjeau – Château de Valmirande

Références

Bertrand Larrade – La Margalida gascoue et Meslanges (1604), édition critique de Jean-François Courouau.
Notre histoire, mairie de Montréjeau
Les statuts et coutumes de la ville de Montréjeau, baron de Lassus,  1896
Le château de Valmirande, mairie de Montréjeau




Marie, Simone et les autres… femmes en politique

Puisque le 8 mars est la journée international de la femme, n’est-ce pas une bonne occasion de regarder la place des femmes en politique dans la Gascogne d’aujourd’hui ?

Le rôle des femmes dans l’histoire politique

Jeanne d'Albret, femme en politique
Jeanne d’Albret (1528-1572)

Les femmes tiennent surtout des rôles d’influence politique dans les temps anciens, sauf quelques cas où elles exercent directement le pouvoir : régence, remplacement des maris en guerre ou les abbesses. Toutefois, certaines sont restées dans les mémoires pour leur rôle plus ou moins choisi mais déterminant, comme Aliénor d’Aquitaine (ca 1122-1204), Pétronille de Bigorre (ca 1194 – 1251) ou Jeanne d’Albret (1528 – 1572) pour ne citer qu’elles.

Plus tard, les femmes réclament une place plus égalitaire. Ainsi,  la Constitution de Pascal Paoli accorde le droit de vote aux femmes en Corse en 1755. Droit qu’elles perdront avec l’annexion de l’île à la France en 1768.

Olympe de Gouges , femme en politique prône l'entrée des femmes dans la Révolution
Marie-Olympe de Gouges (1748-1793)

Néanmoins, la Révolution française accorde le droit de vote aux hommes qui paient un minimum d’impôt. Aussitôt, des femmes se réunissent pour revendiquer l’égalité des droits comme la Paloise Pauline Siro ou la Montalbanaise Olympe de Gouges.

Les choses vont évoluer dans le monde, un siècle plus tard : les habitantes du Wyoming obtiennent le droit de vote en 1869, les Néo-Zélandaises en 1893 (y compris les maories), les Australiennes en 1902, les Finlandaises en 1906, les Norvégiennes en 1913, les Belges en 1920, les Britanniques en 1928. Même le pape Benoit XV se prononce le 15 juillet 1919 en faveur du droit de vote des femmes.

En France, pays de la Liberté, l’Égalité et la Fraternité, il faut attendre le général de Gaulle qui accorde ce droit par l’ordonnance du 21 avril 1944.

L’accès à l’administration locale

Jeanne Macherez (1852-1930) - portrait de 1914
Jeanne Macherez (1852-1930), portrait de 1914

Ainsi, en France, les femmes accèdent tardivement aux postes de l’administration locale. En 1914, Jeanne Macherez (1852-1930) s’auto-proclame avec courage mairesse de Soissons pour protéger la ville des Allemands.

En mai 1925, le Parti Communiste Français présente des femmes sur ses listes. Sept seront élues conseillères municipales, dont la Bretonne Joséphine Pencalet (1886-1972). Mais le Conseil d’État invalide ces élections six mois plus tard car les femmes ne sont en droit ni électrices ni éligibles.

 

 

Portrait de Joséphine Pencalet (1886 - 1972) vers 1906
Portrait de Joséphine Pencalet (1886-1972), vers 1906

Comme le droit de vote et d’éligibilité des femmes est légalisé en 1944, dès les élections municipales de mai 1945, les premières femmes prennent des postes de mairesse. Peut-être dix-sept femmes dont Odette Roux (Sables d’Olonne), Pierrette Petitot (Villetaneuse, Seine Saint-Denis), ou Suzanne Ploux (Saint-Ségal, Finistère) ou Marie Giraud (Marcols-les-Eaux, Ardèche). Aucune en Gascogne.

Toutefois, on peut illustrer l’action politique des femmes et leur entrée dans l’administration politique par deux exemples pris dans le Gers ou limitrophe : Marie Poirée et Simone d’Artensac.

Marie Poirée, militante républicaine

Marie Poirée nait en 1848 à La Montjòla [Lamontjoie] dans une famille aisée de propriétaires terriens (dont la propriété s’étend sur Lamontjoie en Lot-et-Garonne et Pergain-Taillac dans le Gers).  Elle s’engage très vite dans le débat politique. Ainsi, elle fait campagne dans toutes les élections. En particulier, sa véhémence est remarquée lorsque le maréchal de Mac-Mahon dissout la Chambre. Cela lui vaut de comparaitre au tribunal de Lectoure pour incitation à la haine. Dans la rue, elle reçoit la sympathie et les compliments des républicains.

À Paris où elle se rend régulièrement, elle rencontre différentes personnalités dont Armand Fallières (1841-1931) originaire de Mesin [Mézin] (à 27 km de Lamontjoie) et Jules Ferry (1832-1895) sur lesquels elle s’appuiera pour ses actions.

Deux actions majeures

Armand Fallières (1841 - 1931) alors parlementaire
Armand Fallières alors parlementaire (1841 – 1931)

En particulier, elle s’engage en faveur de l’école publique et multiplie les démarches auprès d’Armand Fallières, alors au gouvernement, afin d’obtenir une école à Lamontjoie. C’est chose faite en 1882. Et Jules Ferry lui-même vient inaugurer l’école. École gratuite, avec instruction obligatoire et un enseignement public conformément aux lois Ferry. Marie fournit le mobilier.

Bien sûr, Marie Poirée est hostile à l’Église et à l’école religieuse. D’ailleurs, elle déclare le 13 novembre 1882 : un couvent chez nous, c’est un brandon de discorde et un foyer d’abêtissement.

Le second grand axe de lutte de Marie Poirée, c’est ce qu’on pourrait appeler le féminisme ou, plus simplement, la lutte pour l’émancipation des femmes et leur place dans la société française.

Marie Poirée quitte la scène politique

Tombe de Marie Poirée à Lamontjoie

En 1887, suite au scandale des décorations (une affaire de trafic de décorations qui met en cause le gendre du président de la République, Jules Grévy), elle fait campagne pour Jules Ferry. C’est Sadi Carnot qui est élu. Alors, Marie s’éloigne des socialistes et des radicaux.

Avec la crise de l’agriculture qui sévit de 1880 à 1900, Marie doit se consacrer à sa propriété. Elle meurt le 30 janvier 1911 et sera inhumée sur place, dans une petite chapelle. La légende dépeint cette femme de poigne en disant qu’elle fut enterrée debout près de son cheval.

Lamontjoie (47)
Lamontjoie (47)

Simone d’Artensac, première élue maire du Gers

Castelnau Barbarens (32)
Castelnau Barbarens (32)

Simone de Brux nait en 1900 à Castèthnau Barbarens [Castelnau-Barbarens] joli village d’Astarac à 18 km d’Auch. La vieille famille locale possède la propriété d’Empoucourou, ou d’En Pocoron, construite à la fin du XVIIIe siècle ou au tout début du XIXe siècle pour sa famille, les de Brux, propriétaires de plantations à Saint-Domingue.  Elle deviendra par mariage Simone d’Artensac.

La commune vit une crise municipale qui aboutit à de nouvelles élections en aout 1950. Les femmes sont éligibles depuis 5 ans. Alors, Simone d’Artensac monte une liste de 12 personnes dont 3 femmes et gagne les élections.

Le village a une histoire ancienne. On lit en 1140 l’existence d’un Castèt nàou dé Barbaréncs. Rappelons qu’un castèth nau [château neuf] est un bourg castral, une sauveté autour d’un château. En fait, les seigneurs Bernard I comte d’Astarac et Guillaume Arnaud Desbarats concluent un accord, pour édifier à parts égales la fameuse sauveté : Bastirén et edifiquirén per mici Io castet nàou de Barbarens.

Femmes en politique : Simone d'Artensac en 1960 seule femme lors d'une réunion de maires et de conseillers généraux du Gers
Simone d’Artensac , seule femme lors d’une réunion de maires et de conseillers généraux du Gers en 1960

Quand Simone prend la direction de la mairie, la commune est très en retard sur ses équipements. Elle va donc lancer de gros travaux pour apporter l’eau et l’électricité, refaire les chemins. Elle sera réélue trois fois.

Parallèlement, en 1955, elle se présente au Conseil Général et est élue conseillère générale du canton de Saramon. C’est la première femme conseillère générale dans le Gers. Le Conseil Général lui confie le Concours des Villes et Villages fleuris.

Les femmes dans l’administration locale en Gascogne

Globalement, les Françaises ont encore une place modeste en politique. Pour donner une idée, les femmes occupent 50 pour cent ou plus des postes de ministres dans 13 pays seulement. Citons l’Espagne, la Finlande, la Colombie, la Moldavie ou l’Afrique du sud.

Bien sûr, en France, la politique des quotas permet que la part des femmes atteigne quasiment 42% des élus municipaux. Mais cette part est bien plus faible quand on regarde les postes majeurs :

  • 11,4% des présidents de conseils communautaires ;
  • 19,8% des maires ;
  • 20,2% des présidents des conseils départementaux ;
  • 31,6% des présidents de régions.

La Gascogne montre une féminisation plutôt faible puisque les mairesses représentent :

  • Ariège : 19,3%
  • Gers : 18,8%
  • Gironde : 23,9%.
  • Haute-Garonne : 19.1%
  • Hautes-Pyrénées : 14,7%
  • Landes : 19,9 %
  • Pyrénées Atlantiques : 13% des postes.

Anne-Pierre Darrées

écrit en orthographe nouvelle

Références

En 1945, les premières femmes élues maires en France, France culture, 2 mars 2020
Les tribulations des femmes à travers l’Histoire Moyen Âge : libres malgré tout, Isabelle Gregor
Marie Poirée : une femme d’avant-garde, La dépêche, 28/04/2019
Le Gers, dictionnaire biographique de l’antiquité à nos jours, Georges Courtès, 2007
Faits et chiffres : Le leadership et la participation des femmes à la vie politique, ONU Femmes
Données et statistiques




Bayonne la Gasconne

Pour beaucoup, Bayonne est la capitale du pays basque. Pourtant, historiquement, sa capitale est Ustaritz. En revanche, Bayonne, Biarritz et Anglet sont gasconnes. Vers 1550, le français remplace le gascon dans les documents officiels. Pourtant, au XVIIIe siècle, un mouvement se dessine pour l’emploi du gascon dans les textes littéraires.

Le gascon, langue officielle à Bayonne au moyen-âge

Les ducs d’Aquitaine, puis rois d’Angleterre écrivaient à leurs sujets de Bayonne en gascon.

Les livres

Livre d'Or de Bayonne - Don de deux maisons à l'église
Le Livre d’Or de Bayonne (extrait). Don de deux maisons à l’église.

Le plus ancien ouvrage connu en gascon est le Livre d’or de Bayonne. Il s’agit d’un cartulaire, sans doute réalisé au XIVe siècle, contenant des textes rédigés entre le Xe et le XIIIe siècle. Parmi ceux-là, 106 sont des textes en latin et 36, plus récents du milieu du XIIIe siècle, en gascon :

« Sabude causa sia a tots aquez qui questa present carta veiran e audiran, que io en. B. de Garague reconny e manifesti em veritad per mi e per meis heirs e auieders, e per meis successors que dei dar e pagar au nost ondrable pair Mosseinher l’abesque e au Capito de Sancta Maria de Baiona. VI. Conques de bon froment, … »

De même, le Livre des établissements est un recueil d’actes en gascon, réalisé en 1336 par Arnaud de Biele, alors maire de Bayonne. Il établit les droits et les privilèges de la ville, son régime intérieur et ses rapports avec les seigneurs, villes et pays voisins.

La vie quotidienne à Bayonne

La toponymie utilisée est majoritairement gasconne, surtout dans la ville de Bayonne : arrua nava / rue neuve, arrue dous bascous / rue de basques, arrue dou casted / rue du château, carneceirie / carniceria / boucherie, port nau / port neuf, con de baque / corna de vaca / corne de vache, etc.

Bayonne, ville gasconne-Sur l'origine et la répartition de la langue basque Basques français et Basques espagnols Paul Broca (1875 - Gallica)
Sur l’origine et la répartition de la langue basque Basques français et Basques espagnols, Paul Broca, 1875, Gallica. Reprend les limites de la carte de 1863 de L-L Bonaparte.

En fait, la région fait apparaitre deux zones linguistiques. En particulier, la rédaction des Cahiers de doléances en 1788 se fait à Ustaritz pour le Labourd et à Bayonne pour la partie gasconne. Une représentation unique est alors inenvisageable tant les intérêts sont divergents. D’ailleurs, lors de l’élection des représentants à la fête de la Fédération de 1790, on crée deux bureaux de vote. Les délégués du Labourd s’appellent Dithurbide, Harriet, Detchegoyen, Diharce et Sorhaitz ; ceux de Bayonne s’appellent Lacroix de Ravignan, Mauco, Tauziet, Duffourg et Fourcade.

La première carte linguistique du pays basque, éditée en 1863 par Louis-Lucien Bonaparte, met en évidence que le gascon est encore très majoritaire à Bayonne, à Anglet et à Biarritz. Toutefois, les Basques s’installent à Bayonne au XIXe et au XXe siècles. Alors, l’usage du français gomme les différences linguistiques.

Bayonne et le renouveau du gascon au XVIIIe siècle

Alors que les dialectes sont méprisés, un mouvement se dessine dans la classe bourgeoise de Bayonne pour l’utilisation du gascon dans la littérature.

Par exemple, un tonnelier, Pierre Lesca (1730-1807), écrit plusieurs chansons, dont La canta a l’aunou de la nachence dou Daufin / La canta a l’aunor de la naishença deu Daufin / le chant en l’honneur de la naissance du Dauphin qui lui vaut une récompense des échevins de Bayonne, et Los Tilholèrs / Les bateliers, une chanson, aujourd’hui un hymne à Bayonne. Et le groupe gascon Boisson Divine en donne une version contemporaine.

Los Tilholièrs - un hymne de Bayonne ?
Los Tilholièrs. Paroles données sur le site de Boisson divine.

De même, en 1776, parait un remarquable ouvrage : Fables causides de La Fontaine en bers gascous suivi d’un lexique. Il est plusieurs fois réédité.

Autre exemple : Deldreuil (1796-1852), un Gascon de Bayonne, laisse une trentaine de chansons.

Le foisonnement après Louis-Philippe

La période révolutionnaire donne peu de textes connus. Mais, à partir de 1830, les auteurs gascons foisonnent à Bayonne.

Justin Larrebat (1816-1868)

Il est l’auteur de nombreux recueils de poèmes en gascon, dont Poésies gasconnes édité en 1898 et plusieurs fois réédité depuis. Ici le début d’un poème.

Amous de parpaillouns et flous

Le flou qu’ere amourouse
Et yelouse;
Lou parpailloun luzen
Incounsten.
Le flou toutyour aimabe,
Aperabe
Lou parpailloun aiman
En boulan.

Amours de papillons et de fleurs

La fleur était amoureuse
Et jalouse ;
Le papillon luisant
Inconstant.
La fleur toujours aimait,
Appelait
Le papillon aimant
En volant.

Léo Lapeyre (1866-1907)

Léo Lapeyre
Léo Lapeyre (1866-1907)

Il écrit des poésies en gascon. Et il écrit aussi des pièces de théâtre qu’il joue à Peyrehorade, sa ville natale, et à Bayonne. Citons : Lo horat de la peyre horadada / Lo horat de la pèira horadada / Le trou de la pierre trouée, Coèntas d’amou / Cuentas d’amor / Les ennuis de l’amour, La boussole de Mousserottes et Madame Pontriques en 1904.

Dès la création de Escòla Gaston Febus, Léo Lapeyre adhère (1897). Et il publie dans la revue de cette association, Reclams de Biarn et Gascougne, mais, face à certaines critiques de son édition de poèmes A noste, il s’en éloigne. Voici un extrait d’un de ses poèmes.

Aou cout dou houéc

Toutun se t’adroms, aou cap d’un moumèn
Que-t’ herey un broy poutoun qui chagotte
Et que-t’ déchuderas en arridèn
Aou coût dou hoèc!

Au coin du feu

Cependant, si tu t’endors, au bout d’un moment
Je te ferai un joli baiser qui chatouille
Et tu t’éveilleras en riant
Au coin du feu.

…Et tous les autres

Carlito OYARZUN un des fondateurs de l'acadamie Gasconne de Bayonne
Carlito Oyarzun (1870-1930)

En fait, les pièces de théâtre de Léo Lapeyre inspirent d’autres écrivains gascons, comme Georges Perrier, Léon Lascoutx, Carlito Oyarzun (1870-1930) ou Benjamin Gomès (1885-1959) qui est l’architecte, avec son frère, de la station balnéaire d’Hossegor. Ces deux derniers sont conseillers municipaux de Bayonne. Alors, en 1932, ils initient une fête populaire et traditionnelle qui auront et ont toujours un beau succès : Les Fêtes de Bayonne.

Pierre Rectoran (1880 - 1952), Secrétaire Perpétuel de l'Académie Gasconne de Bayonne
Pierre Rectoran (1880-1952), Secrétaire Perpétuel de l’Académie Gascoune de Bayoune.

À partir de 1912, la presse locale publie des poésies en gascon de Pierre Rectoran (1880-1952). Théodore Lagravère qui réside à Paris écrit des poèmes dans Le Courrier de Bayonne. Il publie son premier recueil de Poésies gasconnes en 1865. En outre, la presse locale publie J-B Molia dit Bernat Larreguigne et A. Claverie surnommé Yan de Pibole.

Enfin, après la Grande Guerre, des initiatives fleurissent à Bayonne en faveur du gascon. Par exemple, en 1923, Monseigneur Gieure, évêque de Bayonne, Oloron et Lescar, introduit l’étude obligatoire du gascon dans les établissements d’enseignement de son diocèse. Ou encore, en 1926, Pierre Simonet fonde l’Académie gascoune qui publie L’Almanach de l’Academie gascoune de Bayoune.

L’Académie gascoune de Bayoune et Ací Gasconha

Académie Gascoune de Bayoune - Acte constitutif du 7 mai 1926
Académie Gascoune de Bayoune – Acte constitutif du 7 mai 1926

L’Académie gasconne de Bayonne, qui s’appelle maintenant Academia Gascona de Baiona-Ador, est fondée en 1926. De 40 membres à l’origine, elle se compose aujourd’hui de 25 membres élus par leurs pairs pour leur connaissance du gascon.

Elle a pour but : « la recherche et le maintien de tous les usages et traditions bayonnaises et du Val d’Adour maritime, et en particulier de la langue gasconne parlée sur ces territoires ».

Active, l’Académie tient un Capitol / Chapitre trimestriel, ouvert au public, au cours desquels elle présente des sujets intéressant l’histoire locale ou le gascon. Les présentations qui sont faites en gascon sont éditées dans L’Armanac Capitol, revue trimestrielle de l’Académie.

De plus, l’Académie travaille en étroite collaboration avec Ací Gasconha, association créée en 1975. Les activités d’Ací Gasconha touchant au gascon sont multiples : gestion d’une bibliothèque, émissions radio en gascon, animation d’une chorale, cours de gascon, ateliers de danse, édition d’un bulletin trimestriel, publication d’ouvrages, etc.

Avec tout çà, qui peut dire que Bayonne, Biarritz et Anglet ne sont pas gasconnes ?

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Livre d’or de Bayonne, textes gascons du XIIIe siècle, Jean Bidache, 1906, Bibliothèque Escòla Gaston Febus 
Les « Tilloliers » de Pierre Lesca, René Cuzacq, 1942, Bibliothèque Escòla Gaston Febus
Fables causides de La Fontaine en bers gascous, Bibliothèque Escòla Gaston Febus
Poésies gasconnes, Justin Larrebat, 1926, Bibliothèque Escòla Gaston Febus
Les Poésies de J.-B Deldreuil, Chansonnier gascon bayonnais, Pierre Rectoran, 1931
Panorama de la littérature gasconne de Bayonne, Gavel Henri, 1948
Aou cout dou houéc, Léo Lapeyre,
Lapeyre, Léo. Auteur du texte. Au pays d’Orthe. Chez nous. A la maison. Dans la plaine. Soucis d’amour. – Aou pèis d’Orthe. A noste. A case. Hen le plène. Coèntes d’amou. 1900.
www.occitanica.eu
Bibliothèque de l’Escòla Gaston Febus : www.biblio.ostau-bigordan.com
Académie gasconne de Bayonne : www.academiagascona.fr
Aci Gasconha : www.acigasconha.asso.fr
Paul Broca – Sur l’origine et la répartition de la langue basque : Basques français et Basques espagnols-1875 – Gallica