Jazz in Marciac
Marciac est une bastide du Gers dont peu de gens auraient entendu parler s’il n’y avait le festival international de musique Jazz in Marciac. Revenons sur cette réussite.
Marciac est une bastide fondée en 1298
Marciac est fondée en 1298 en paréage entre l’abbé de La Case-Dieu, le comte de Pardiac et le sénéchal de Toulouse au nom du roi de France (Philippe IV le bel). Ce sénéchal s’appelle Guichard de Marzé, et donne son nom à la nouvelle bastide. Qui sont ces personnages ?
L’abbé de La Casa-Diu. Avant Marciac, le comte de Bigorre et l’évêque d’Auch avaient fondé l’abbaye de La Casa-Diu en 1135. Elle se situe près de Beumarchés [Beaumarchès], au confluent du Boès [Bouès] et de l’Arròs. C’est une abbaye importante située sur la route des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. Outre Marciac où l’abbé possède une maison forte (elle jouxte l’actuelle mairie), l’abbaye fonde également Plaisance en 1322.
Le comte de Pardiac. Le comté de Pardiac est un démembrement du comté d’Astarac vers 1023. Sa capitale est Montlesun [Montlezun] situé à quelques kilomètres de Marciac. Aujourd’hui, il ne reste que des ruines du château des comtes de Pardiac.
Le sénéchal de Toulouse. Guichard de Marzé (vers 1260-1317) appartient à une riche et noble famille du Beaujolais où elle possède des vignes. Guichard est nommé sénéchal de Toulouse et d’Albi en 1296.
La bastide de Marciac
La bastide de Marciac occupe 27 hectares entourés d’une enceinte percée de huit portes et d’un fossé. D’ailleurs, on peut encore voir un bout de cette muraille côté nord. Récemment, un projet viserait à reconstruire une partie de la muraille et la porte du Houga.
La place centrale fait 1 hectare et devait comporter une halle pour le marché. C’est la plus grande place du Gers.
Marciac a des formes parfaites, régulières, symétriques, bref les concepteurs ont cherché la cité idéale. Ainsi, elle s’inscrit dans un rectangle de 7 ilots en longueur et 7 en largeur. Chaque ilot fait 90 mètres sur 60. Pourtant, les ilots qui jouxtent la place centrale son plus grands, conférant à la place un aspect monumental.
L’église à 5 flèches culmine à 87 mètres, ce qui en fait le plus haut clocher du Gers. Et cela fait dire aux mauvaises langues que Marciac compte 5 clochers et 400 cloches ! il faut naturellement comprendre 4 sans cloches. Aujourd’hui, il ne subsiste que le clocher et le portail du couvent des Augustins ; son cloitre se trouve aux Etats-Unis.
Marciac se réveille au son du jazz
Hélas, comme beaucoup de bastides, Marciac n’est plus qu’un bourg rural endormi. De plus, elle est loin des voies de communication. Bien malin qui pourrait dire où se trouve Marciac !
En 1978, le Foyer des jeunes et de l’éducation populaire de Marciac organise un festival d’un jour de Jazz New Orleans. L’année suivante, il passe à 3 jours avec la participation du saxophoniste Guy Lafitte (1927-1998) et le trompettiste Bill Coleman (1904-1981), tous deux résidant dans le Gers. En 1992, le festival dure 8 jours puis passe à 16 jours dès 2009. Le petit festival est devenu un grand ! D’ailleurs, Jazz in Marciac est le festival de jazz le plus couru d’Europe. Les plus grands s’y produisent : Dizzy Gillespie, Oscar Peterson, Stéphane Grappelli, Wynton Marsalis, Nina Simone, Ray Charles…
Depuis 1984, les concerts se jouent sous un grand chapiteau qui peut contenir jusqu’à 6 000 places assises. Puis, en 2011, on inaugure la salle de concert L’Astrada. Et des concerts gratuits se jouent sur la place centrale.
En fait, on doit cette réussite à l’Oranais Jean-Louis Guilhaumon, enseignant affecté à Marciac en 1979 pour préfigurer la création d’un collège. C’est chose faite en 1982 et Jean-Louis Guilhaumon sera Principal jusqu’à sa retraite.
Adjoint au maire de Marciac depuis 1977, Jean-Louis Guilhaumon devient maire en 1995, conseiller régional, vice-président chargé du tourisme et du thermalisme au Conseil régional de 2004 à 2015, président de la communauté de communes et président de l’association qui gère le festival Jazz in Marciac.
Du jazz toute l’année
Jazz in Marciac n’est pas qu’un festival d’été. En effet, le jazz est ancré dans la vie de la bastide et contribue largement à son animation toute l’année.
Revenons au collège de Marciac. Jean-Louis Guilhaumon le met en place en 1982. Mais, le collège voit ses effectifs péricliter. Il va fermer en 1993 car à peine 93 élèves sont inscrits. Alors, il ouvre des ateliers d’initiation à la musique de jazz. C’est un succès : 118 élèves s’inscrivent et le collège retrouve son dynamisme. Aujourd’hui, plus de 200 élèves y sont inscrits, la moitié venant d’autres départements que le Gers. On réhabilite le collège, on ouvre un internat. Et, lors de chaque festival, les collégiens se produisent sur scène et dans les restaurants.
Le trompettiste et musicien américain Wynton Marsalis (1961- ), qui conduit des actions pédagogiques reconnues, dit du collège de Marciac : « Je voyage tout le temps, partout, jusqu’en Chine et je ne connais aucune école ailleurs comparable à ce collège de Marciac. C’est vraiment unique ».
Classe de jazz au collège
Le célèbre saxophoniste lotois Emile Parisien (1982- ) fait ses études au collège de Marciac. Il joue avec les plus grands pendant le festival Jazz in Marciac. Et c’est aujourd’hui une vedette internationale.
En fait, le jazz est présent toute l’année à Marciac. Un espace muséographique ouvre : Les Territoires du jazz. Des jazzmen de renommée internationale proposent des stages et Master classes tout au long de l’année.
La salle de l’Astrada propose des concerts mensuels d’octobre à juin. Sa directrice explique : « Nous sommes un lieu de diffusion avec 50 levers de rideaux par an, de création, de formation avec des artistes en résidence, et d’éducation artistique pour une dizaine d’établissements scolaires. »
Les retombées du festival Jazz in Marciac
Le festival Jazz in Marciac amène des retombées économiques importantes pour la bastide. En effet, il draine plus de 220 000 visiteurs chaque année. Pour les recevoir, plus de 1 000 bénévoles s’activent. Les candidatures viennent de toute l’Europe pour vivre cette aventure.
Son chiffre d’affaires se compte en millions : billetterie, mécénat, subventions, etc. Aussi, en 2015, la Chambre régionale des comptes s’intéresse à Jazz in Marciac et fait des propositions pour améliorer le fonctionnement de l’association et pérenniser le festival.
Tout comme le collège de Marciac qui évite la fermeture grâce au jazz, la ville entière profite du jazz. Il faut loger et nourrir bénévoles et festivaliers.
Ainsi, l’ancienne école devient un hôtel 5 étoiles. Un Village Vacances de 350 lits du groupe Pierre & Vacances s’installe. Le conseil régional labellise Marciac Grand site d’Occitanie.
La commune se développe : on crée des lotissements, une zone d’activité économique, une zone commerciale, une station d’épuration avec lagunage, un pôle culturel de 500 places, …
On réhabilite la place centrale de la bastide, restaure le patrimoine bâti ancien, les monuments historiques font l’objet de travaux. Des équipements modernes font aussi l’objet d’une grande attention : réhabilitation du groupe scolaire, création d’une maison de retraite, création d’un complexe sportif, … L’INSEE constate un développement de l’économie locale et une augmentation du nombre d’emplois.
C’est la démonstration qu’un festival de jazz peut avoir des retombées économiques importantes et permettre le développement d’une commune rurale de 1 300 habitants.
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
Marciac. La maison des abbés de La Casedieu –Stéphane Abadie Bulletin Monumental Année 2016 174-2 pp. 195-200
Jazz in Marciac
Site de la mairie de Marciac
Le fabuleux destin de Marciac, J. Barnouin, P.-H. Ardonceau et B. Deubelbeiss, 2014