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Paul Lacôme, musicien gascon

Paul Lacôme est un grand musicien et compositeur du XIXe siècle. Il compose plus de 200 œuvres, dont une vingtaine d’opéras comiques, d’opéras bouffe et d’opérettes. S’il mène une brillante carrière à Paris et à l’international, il n’oublie pas sa Gascogne natale.

Paul-Jean-Jacques Lacôme d’Estalenx

Paul Lacôme  cliché Nadar — Bibliothèque nationale de France
Paul Lacôme (1838 – 1920) – Cliché Nadar — BNF

Plus connu sous le nom de Paul Lacôme, il nait en 1838 au Houga dans l’Armagnac Noir.

Très tôt, il baigne dans la musique. Sa mère, Clémentine d’Estalenx, est la petite-fille d’Angélique Bouillon (1733-1814) qui dirigeait la musique de la reine Marie Leszczynska, épouse de Louis XV. Angélique avait épousé Jean-François d’Estalenx et eut un fils unique, Jean-Jacques, le grand-père de Paul Lacôme, qui revint au Houga en 1779. Et il en fut le maire de 1804 à 1830.

Son père, Auguste Lacôme, est musicien amateur et lui apprend quelques principes d’art musical. D’ailleurs, à 14 ans, le jeune Paul a déjà écrit un opéra.

Malheureusement, les parents de Paul Lacôme décèdent. Alors, sa tante, Elvire d’Estalenx, célibataire et sans enfant, s’en occupe ; elle l’adoptera en 1870. Elle est passionnée d’art, de poésie, de théâtre et de musique.

Côté études, Paul Lacôme est interne au collège d’Aire sur l’Adour. Là, il compose des morceaux pour la fanfare du collège et il en prend la direction. Il prend des cours de musique auprès de José Puig i Alsubide, un Catalan organiste de la cathédrale d’Aire. Ce sera son seul professeur.

En 1863, la revue illustrée Le Musée des familles organise un concours de composition d’un opéra bouffe en un acte. Paul Lacôme remporte le 1er prix. Alors, il part à Paris où son œuvre doit être jouée. Mais elle est déprogrammée au dernier moment. C’est une grande déception.

Une brillante carrière à Paris

Paul Lacôme - Jeanne, Jeannette et Janeton (1876)  © Wikimedia Commons
Paul Lacôme – Partition de Jeanne, Jeannette et Janeton (1876)  © Wikimedia Commons

En 1866, il repart pour Paris. Son succès est rapide. Ainsi, ses œuvres sont jouées à l’Opéra-Comique et aux Bouffes-Parisiens. Cela lui permet de côtoyer Jules Massenet, Gabriel Fauré, Camille Saint-Saëns, Léo Delibes, etc. Paul Lacôme est curieux et ouvert ; il recueille deux chants d’Espagnols venus se louer au Houga pour les travaux des champs. Et il les donne à Guiseppe Verdi qui les insère dans son opéra Don Carlos.

À partir de 1872, ses pièces sont jouées dans divers théâtres. En 1873, il entre aux Bouffes-Parisiens avec Le Mouton enragé puis La Dot mal placée qui fait plus de 100 représentations. En 1874, il joue l’Amphytrion à l’Opéra-Comique.

De même, en 1876, Jeanne, Jeanette et Janneton remporte un immense succès aux Folies-Dramatiques. La carrière de Paul Lacôme est définitivement  lancée. De plus, ses œuvres sont éditées par une société d’édition musicale fondée par Wilhelm Enoch et Georges Costallat, originaire de Bagnères de Bigorre. Leur collaboration dure 40 ans.

Paul Lacôme écrit des opéras comiques à succès, comme Le Beau Nicolas en 1880, La Gardeuse d’oies en 1888, Le Maréchal Chaudron en 1898. Il écrit aussi des opérettes : La Fille de l’air en 1890, Les Quatre filles Aymon en 1898.

Le public d’aujourd’hui connait peu ses œuvres mais on continue à les jouer dans tous les pays. Son œuvre la plus connue est L’Estudiantine. Elle a été reprise dans la bande originale du film Titanic. D’ailleurs, de nombreuses formations musicales ont pris ce nom : Anglet, Ciboure, Bayonne, Saint Jean de Luz, Saint-Juéry, Ajaccio, Roanne, etc.

Musique Originale du film Titanic d’après l’Estudiantina de Paul Lacôme

 

L’ami Emmanuel Chabrier et l’Espagne

Emmanuel Chabrier (1841-1894)
Emmanuel Chabrier (1841-1894) © Wikimedia Commons

Paul Lacôme donne des conférences. Il est aussi critique musical dans 25 revues. Grand ami d’Emmanuel Chabrier, il voyage souvent en Espagne et introduit en France la vogue de la musique espagnole. D’ailleurs, il écrira lui-même quelques pièces sur des musiques espagnoles.

Adolphe Desbarolles (1801-1866), qui remet à l’honneur la chiromancie lui prédit : « Vous feriez une magnifique carrière si vous n’aimiez pas tant votre pays natal ». Il est vrai que Paul Lacôme partage sa vie entre Paris et Le Houga.

 

Paul Lacôme n’oublie pas sa Gascogne natale

Le Houga - Église Saint-Aubin
Le Houga – Église Saint-Aubin © Wikimedia Commons

En 1882, Paul épouse Gabrielle du Lau-Lusignan de Laujuzan, commune proche du Houga. Ils ont deux fils dont l’un disparait au Chemin des Dames en 1917. Son dernier fils dépouille les mémoires et la correspondance de Paul Lacôme et écrit La vie sincère de Paul Lacome d’Estalenx publiée en 1941.

Sa femme continue l’exploitation de la propriété familiale. Et Paul Lacôme rentre souvent au Houga. D’ailleurs, il y tient l’orgue. La Messe de Noël est un spectacle qui attire la foule. Il écrit plusieurs cantiques et chants de Noël.

Dans Le Courrier de l’art du 23 novembre 1882, Octave Fouquet écrit : Volontiers le maestro du Houga parle de la vigne paternelle, des métairies où s’élève le bétail, des poulets qu’il nourrit et qui le lui rendent. Pour un peu il signerait, non pas vigneron, comme Paul-Louis, mais viticulteur, appellation plus noble et de formation savante, latine, méridionale. Pour tout dire d’un mot, M. Lacome, dès son début dans la vie, a su prendre une attitude, et cela lui a réussi. Voilà au moins quinze ans que son nom et sa personne sont célèbres dans le quartier de la nouvelle Athènes, où cependant il n’a jamais passé plus de cinq mois par an. Au commencement de juin, aussi invariable que le soleil, Lacôme quittait Paris pour aller se livrer aux soins que réclame la culture de la vigne. Il ne revenait que les vendanges faites et sa récolte vendue.

Paul Lacome seul, avec son professeur et caricatureDe gauche à droite :
Portrait de Paul Lacôme –  © Alix de Selva
Caricature de Paul Lacôme –  © Alix de Selva
Paul Lacôme et son professeur José Puig i Alsubide – © Alix de Selva

Le Gascon rentre en Gascogne

En 1900 – il a 62 ans – Paul Lacôme décide de rentrer définitivement au Houga. Là, il écrit une Fantaisie pour violon en hommage au poète d’Agen Jansemin (Jasmin, 1798-1864).

Deux ans après, il fonde l’école de musique de Mont-de-Marsan qu’il dirige pendant 10 ans. C’est maintenant le Conservatoire départemental de musique.

Parallèlement, il obtient des subventions pour sa commune et les communes voisines pour entretenir le patrimoine. Nombre d’églises du secteur lui doivent leur restauration. Et il s’occupe de faire installer le télégraphe au Houga, un bureau de poste, etc.

Il meurt en 1920 à la suite d’un accident de voiture à cheval. Il a 82 ans. Le Journal des débats politiques et littéraires du 9 janvier 1921 lui rend un vibrant hommage : Bref, celui qui vient de disparaitre fut un artiste doué d’une grande facilité, mais qui ne s’y abandonnait pas ; qui sut, dans un genre où il n’est que trop facile de s’abaisser, garder toujours une tenue, une distinction rares et, vraiment, si l’on s’avisait un jour d’écrire l’histoire de la musique légère au théâtre (mais qui donc s’en soucie aujourd’hui?), il serait souverainement injuste de n’y pas classer en bon rang l’auteur de Jeanne, Jeanette et Janneton.

Le souvenir d’un grand compositeur

De nombreuses personnalités sont présentes à l’inauguration d’une stèle au Houga en 1924. Joseph de Pesquidoux y prononce un discours : « … Ce monument est ici, et pour cet homme, est à sa place. Paul Lacôme d’Estalenx a rayonné par l’art, par la pensée, par le cœur… ». On chante la messe avec les airs composés par Paul Lacôme. Puis on joue son opéra-comique Ma mie Rosette devant 5 000 personnes. Filadèlfa de Gèrda (Philadelphe de Gerde) déclame des vers en gascon. Suivent des danses gasconnes et un défilé avec concours de costumes d’Armagnac et de Bigorre.

La maison natale de Paul Lacôme devient Monument Historique. Une association perpétue son souvenir.

De gauche à droite :
Joseph de Pesquidoux © Wikimedia Commons
Stèle en hommage à Paul Lacôme au Houga © Wikimedia Commons
Filadèlfe de Gèrda © Wikimedia Commons

Références

Œuvres musicales de Paul Lacôme, Gallica
La vie sincère de Paul Lacôme, Bulletin de Société archéologique du Gers, 1941
Le Houga: Paul Lacome d’Estalenx est mort il y a 100 ans, La Depèche, 16 janvier 2022
Hommage au compositeur Paul Lacome d’Estalenx, grand homme du Houga, Le Journal du Gers, 23 octobre 2022