L’industrie de la laine

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La production de laine a permis la création d’industries prospères jusqu’à leur déclin au cours du XIXe siècle. L’arrivée des fibres synthétiques dans les années 1950 la fait tomber en disgrâce. Pire même, la laine devient encombrante pour les éleveurs ! Depuis les années 1990, des initiatives se multiplient pour lui redonner ses lettres de noblesse.

La laine est un artisanat familial qui s’exporte

Filage au rouet, Terrier de Sadournin
Filage au rouet, Terrier de Sadournin, 1772, AD H-P

Dans des temps anciens, la lanejada ou production de laine est une industrie familiale destinée à satisfaire les besoins ménagers. En dehors des périodes de grands travaux agricoles, les femmes filent la lan [laine] pour la tisser sur des métiers rudimentaires appelés telèrs.

Très tôt, cet artisanat familial devient excédentaire et se vend. Des ateliers de fabrication apparaissent dès le XVIe siècle pour alimenter des marchés lointains en toiles, en articles tricotés, et surtout en draperies communes.

 

La qualité de la laine

Les races ovines locales ou bestiar de lan [bétail à laine] : béarnaise, Manech, lourdaise, Tarasconnaise, … donnent une laine de qualité inférieure que l’on appelle lana de can [laine du chien] ou lanassa [grosse laine]. Ainsi, les tissus fabriqués sont bon marché et destinés aux paysans et aux pauvres. On les appelle les estaminas [petites étoffes].

Plusieurs qualités de tissus de laine sont produites. Cadis et Burats sont les plus grossiers. Les Droguets sont plus fins. Les Cordelats sont de qualité supérieure. Il y a aussi des Rases, des Serges.

Grâce aux contrats de mariage au XVIIIe siècle, on peut connaitre la destination des certains tissus de laine : cotillons de Burat ou de Cordelat, ceintures de Raze, coiffes de Cordelat, bas de laine, tours de lit de Burat ou de Cadis, couvertures, rideaux de Burat.

Capulets pyrénéens, costume traditionnel
Capulets, Gallica

De même, les vêtements sont faits de laine, notamment le capulet des femmes. Il s’agit d’une coiffe longue portée dans les Pyrénées, que l’on voit par exemple sur la tête de  Bernadette Soubirous.

 

L’industrialisation de la production

La production familiale excédentaire permet la création de centres de production de toiles de laine. En particulier, Couserans et Béarn sont de gros producteurs.

D’autres exportent : la région de Nay fabrique des Cadis et des Cordelats qu’elle exporte en Espagne. De même, la vallée d’Aure travaille des Cadis envoyés en Aquitaine et en Angleterre. Le Volvestre (Sainte-Croix, Montesquieu, Cazeres) produit surtout des Droguets pour le Massif central. La plaine de Rivière (Valentine, Miramont) fait aussi des Cadis.

Ces quatre centres de production de laine occupent des milliers d’ouvriers, la plupart à façon. Mais les ouvriers restent indépendants et vendent leurs toiles dans les foires. En 1820, le sous-préfet de Saint-Gaudens écrit : « les tisserands vendent les cadis eux-mêmes à des marchands de Miramont qui les font teindre dans cette dernière commune et les expédient ensuite ». Progressivement, le travail à façon se concentre dans les villes pour créer une industrie manufacturière de la laine.

La commercialisation est règlementée

En 1698, les fabriques de Saint-Gaudens produisent 20 000 pièces de toiles de laine. Plus tard, en 1703, elle en produit 25 000. Pour s’assurer de la qualité des étoffes et faire respecter les règlements, un inspecteur est nommé à la résidence de Saint-Gaudens en 1742. Il a autorité sur le Comminges, le Nébouzan, la vallée d’Aure et le Couserans.

Lettres patentes réglementant la fabrication de tissus dans la Généralité d’Auch en 1781
Lettres patentes réglementant la fabrication de tissus dans la Généralité d’Auch, 1781, Gallica

Les règlements généraux de 1669 et de 1721 prévoient l’apposition d’une marque sur toutes les pièces d’étoffe de laine produites. Elle ouvre la perception d’un droit d’un sol par pièce. Une deuxième marque de contrôle est apposée sur les marchés où elles sont négociées. En même temps, des édits précisent, pour chaque centre de production, la matière à utiliser pour chaque qualité de tissus, leur largeur, le nombre de fils de trame et de chaine.

Cette fabrication est un succès et la laine locale ne suffit plus. Aussi, il faut en importer. Le Béarn, la vallée d’Aure et le Comminges la font venir d’Espagne, le Couserans d’Andorre.

À partir de la fin du XVIIIe siècle, la draperie de laine décline lentement. Les gouts changent. Les clients ne veulent plus de « petites étoffes ». En fait, l’arrivée des cotonnades modifie la demande.

Une reconversion difficile

Les filatures n’exportent plus et reviennent à une production de tissus de laine pour satisfaire les besoins locaux. Les centres de production qui bénéficient d’une main d’œuvre locale abondante se reconvertissent.

Filature à Pau
Filature à Pau

Ainsi, Hasparren qui faisait travailler 400 tisserands devient un fabriquant de chaussures à bon marché avant de se spécialiser dans la sandale à partir de 1870. Mauléon prend le relai. Oloron se spécialise dans la coiffure et produit les bérets de laine. Sainte-Croix-Volvestre se spécialise dans la fabrication de toiles d’emballage et de minoterie. Miramont devient un centre de fabrication de bonneterie.

En revanche, la bonneterie se maintient grâce au tourisme. La mode des « Barèges » (crépons de laine que portent les femmes sous forme de voile pendant les offices) maintient des filatures. Pourtant, la vallée de Barèges n’en profite pas car les ateliers se déplacent à Bagnères de Bigorre.

L’introduction du tricotage mécanique à Bagnères de Bigorre sauve l’industrie de la laine. Il permet de fabriquer les « lainages pyrénéens » qui sont des tricots très fins et chauds utilisés sous forme de châles et de vêtements féminins. La laine y emploie 1 500 ouvriers au début du XXe siècle.

La volonté d’un renouveau

Filature à Sarrancolin
Filature à Sarrancolin

Aujourd’hui, il reste 20 filatures artisanales comme à Sarrancolin (Hautes-Pyrénées) ou à Audressein (Ariège). Une production plus industrielle est réalisée dans les Pyrénées centrales.

La société « La Carde » basée à Esquièze-Sère, près de Luz Saint-Sauveur, produit des lainages de qualité depuis 1891. La société « Val d’Arizes » située à Cieutat, près de Bagnères de Bigorre, produit également des articles de laine des Pyrénées depuis plus de 30 ans.

L’association « Halte-Laa » s’est donnée pour objectif de reconstituer une filière de la laine des Pyrénées, depuis l’éleveur jusqu’au produit final. En particulier, elle a organisé les « Rencontres transfrontalières de la laine des Pyrénées » les 22 et 23 novembre 2011 à Bagnères de Bigorre.

Métier à Esquièze-Sère
Métier à Esquièze-Sère

Malheureusement, le constat est accablant. La laine issue de la tonte des moutons est devenue une charge pour les éleveurs. Le prix est au plus bas. Les unités de traitement de la laine (lavage) ont disparu. L’opération est réalisée en Espagne ou au Portugal. La concentration industrielle a fait disparaitre les petits centres de production.

Cependant, l’exemple de la filière de la chèvre Angora montre qu’il est possible de structurer une filière économique viable. La réussite de la SCOP (société coopérative ouvrière) « Ardelaine » à St Pierreville, en Ardèche, en est un autre exemple.

En Aragon, la coopérative COTEGA propose aux éleveurs un service de la tonte à la vente. La production de grandes quantités de laine permet de répondre aux appels d’offre des industriels.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

L’industrie textile pyrénéenne et le développement de Lavelanet, Michel Chevalier, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 21, 1950.
L’Etat et les draperies dans les Pyrénées centrales au milieu du XVIIIème siècle, Jean-Michel MONIVOZ, Annales du Midi, tome 116, 2004.
Halte-laa 

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