De nombreuses stations thermales des Pyrénées ont une origine ancienne, bien souvent antérieure à l’arrivée des Romains qui ont surtout réalisé des aménagements plus confortables pour les bains. Jeanne de Navarre aimait se rendre aux eaux de Cauterets. Pourtant, c’est la mode des bains qui développera les stations et notamment Luchon qui prendra le qualificatif de Reine des Pyrénées.
L’origine ancienne de Luchon
Luchon et sa vallée sont occupées très tôt. Au néolithique, des hommes vivent dans la grotte de Saint-Mamet et construisent des cromlechs dans les montagnes voisines. On retrouve une statuette de marbre blanc à Cier de Luchon.

Les Aquitains vénèrent le dieu Illuxo, dieu des sources, qui aurait donné son nom à la vallée de Luchon. En 76 avant Jésus-Christ, Pompée, de retour d’Espagne, fonde Lugdunum Convenarum / Saint-Bertrand de Comminges. La légende veut qu’un soldat malade soit venu à Luchon et guérisse de sa maladie. Toujours est-il que l’empereur Tibère fait creuser trois piscines et participe à l’essor des thermes.
Lors de la reconstruction des thermes au 19e siècle, des fouilles ont permis de retrouver les fondations des thermes romains, la source qui alimentait les thermes et la trace des piscines revêtues de marbre avec circulation d’air chaud et de vapeur.
L’activité thermale se poursuit au Moyen-Age, sans que l’on connaisse vraiment l’ampleur de la fréquentation.
Luchon est un lieu de passage fréquenté

Luchon est un lieu de passage fréquenté par les pèlerins de Saint-Jacques qui passent par le port de Vénasque. Un hôpital tenu par les Hospitaliers de Saint-Jean est attesté dès le 13e siècle à Juzet de Luchon. Au 17e siècle, il est transporté dans la vallée de la Pique et devient l’Hospice du port de Vénasque.
On le reconstruit en l’an XII. L’adjudication des travaux du 26 Germinal (16 avril 1804) prévoit un bail de 13 ans. L’adjudicataire doit garder « en bon état et praticable » le chemin qui va à la frontière avec l’Espagne. Il doit y résider du 1er Germinal au 1er Frimaire de chaque année (du 21 mars au 21 novembre) et fournir aux voyageurs du pain, du vin et de l’eau de vie.

Suivant l’usage ancien, il bénéficie des pâturages attachés à l’Hospice et peut demander un droit de portage ou de passe de 25 centimes par bœuf, vache, mule, mulet, cheval ou jument, de quinze centimes par cochon, de 5 centimes par mouton, chèvre ou brebis et de 15 centimes par personne qui couche à l’Hospice.
On ouvre une route carrossable en 1858 et la Compagnie des Guides de Luchon fait de l’Hospice de France un lieu d’excursions et le point de départ des courses vers la Maladeta et l’Aneto. Un éboulement coupe la route en 1976 et l’Hospice ferme à la mort de son propriétaire en 1978. La ville de Luchon le réouvre en 2009 et y installe un petit musée.
L’intendant d’Étigny lance les thermes de Luchon

L’Intendant d’Auch, Antoine Mégret d’Étigny, entreprend la construction d’un réseau de routes carrossables reliant toutes les villes de la Généralité. Il aménage la route de Montréjeau à Luchon à partir de 1759.
Il construit les thermes de Luchon et trace une nouvelle voie les reliant à la ville, baptisée plus tard Allées d’Étigny. En 1763, il fait venir le duc de Richelieu qui est gouverneur de Guyenne, pour prendre les eaux. Conquis par Luchon, le duc de Richelieu revient en 1769 avec une partie de la Cour. La mode des eaux à Luchon est lancée. En souvenir, la ville lui érige une statue.

Au 19e siècle, l’Impératrice Eugénie donne un nouvel élan à la mode des bains. Les comptes de la ville relatent les frais occasionnés par la venue de la duchesse de Berry en septembre 1828, du duc de Nemours en juillet 1839 et du duc et de la duchesse d’Orléans en septembre 1839. À chaque fois, ce sont des gardes d’honneur par des compagnies de grenadiers et de voltigeurs, des promenades à cheval avec des guides, des rencontres avec les demoiselles de Luchon et des bals champêtres. Pour l’un d’eux, les rafraichissements ont couté 194,10 Francs à la ville de Luchon. On y a pris 4 sabotières de glace, 48 litres de limonade, 16 bouteilles de sirop d’orgeat, 15 bouteilles de bière et 4 livres de sucre.
Edmond Chambert donne un nouveau visage à Luchon

Edmond Chambert (1811-1881) est Toulousain. Nommé architecte du département de la Haute-Garonne en 1843, il intervient pour reconstruire les thermes de Luchon de 1846 à 1865, avec l’ingénieur Jules François qui réorganise le fonctionnement hydraulique de la station. Un incendie détruit en 1841, les thermes précédents construits entre 1805 et 1815. Passionné d’archéologie (il sera membre et trésorier de la Société archéologique du Midi), il découvre et dessine les fondations des thermes romains mis à jour lors des travaux de reconstruction des thermes.
La réussite de la reconstruction des thermes de Luchon fait qu’on le sollicite pour les thermes d’Audinac et d’Ax les Thermes (Ariège), de Bagnères de Bigorre et de Siradan (Hautes-Pyrénées) et de Castéra-Verduzan (Gers).

Edmond Chambert dessine également le parc des thermes avec le jardin anglais, la cascade et le lac et des buvettes.
En parallèle du chantier des thermes, il construit plusieurs villas de villégiature à Luchon : la villa Charles Tron, la villa Diana, la villa Edouard, la villa Emeraude, l’hôtel Sarthe Sarrivatet, la villa Bertin qui a hébergé le Prince impérial en juillet 1867. Il construit également le casino qui participe à la renommée de Luchon.
L’épopée du train

L’arrivée du train en 1873 et la construction du casino développent la popularité de Luchon et attirent de nombreux visiteurs.
La Compagnie des chemins de fer du Midi obtient la ligne en concession en 1863. On l’ouvre le 17 juin 1873 et Luchon accueille des trains directs depuis Paris qui est à 15 heures de voyage. On l’électrifie en 1925. Pour des raisons de sécurité, on ferme la ligne en 2014. La région Occitanie a en projet sa réouverture à la circulation des trains. Un projet de continuation de la ligne jusqu’en Espagne ne verra pas le jour.

Une ligne à crémaillère relie Luchon à Superbagnères depuis 1912 pour le plus grand bonheur des curistes. En 1954, un accident fait 6 morts. Elle fonctionne jusqu’en 1965 et une route la remplace.
Un funiculaire à crémaillère inauguré en 1894 relie le parc des thermes à l’hôtel-restaurant de la Chaumière. Le parcours de 300 mètres se fait en à peine 2 minutes et donne une vue plongeante sur Luchon. Les premiers skieurs l’empruntent en 1908. Son fonctionnement est hydraulique jusqu’en 1954 puis électrique jusqu’à sa fermeture en 1970 en raison de la dégradation des voies et de l’incendie de l’hôtel-restaurant de la Chaumière.
Luchon, Reine des Pyrénées

Depuis l’ouverture du casino, de nombreux personnages célèbres viennent à Luchon. La station est à la mode. C’est la Reine des Pyrénées. La Compagnie des guides, la plus ancienne des Pyrénées, reconnaissable à son béret bleu à pompon se crée en 1850. Elle dispose d’une compagnie à cheval qui emmène les curistes en excursions.
Les écrivains et hommes de lettres viennent à Luchon. Edmond Rostand y possède une villa familiale où il vient chaque été. Dans son recueil, Les Musardises, publié en 1890, il chante Luchon et les Pyrénées :

Luchon, ville des eaux courantes,
Où mon enfance avait son toit,
L’amour des choses transparentes,
Me vient évidemment de toi !
En 1888, Edmond Rostand se rend à l’hippodrome de Moustajon avec un équipage décoré de fleurs. Devant un café, il improvise une bataille de fleurs avec ses amis. C’est ainsi que nait la Fête des fleurs. D’autres stations thermales l’imitent comme Bagnères de Bigorre, Les Eaux-Chaudes et Ax les Thermes. Seule, celle de Luchon subsiste.
Le Tour de France y fait régulièrement étape depuis 1910. Les congés payés, la vogue du ski et le thermalisme amènent une clientèle populaire. Luchon est la Reine des Pyrénées mais se cherche un nouveau souffle.
Serge Clos-Versaille
écrit en nouvelle orthographe
Références
Wikipedia Luchon
L’œuvre de l’architecte Edmond Chambert à Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne), Alice de la Taille, Patrimoines du Sud, 2019
Voyages littéraires dans les Pyrénées, Escòla Gaston Febus