On sait que pour faire carrière, les gascons doivent « monter à Paris ». On les retrouve dans l’administration, dans les sciences et les arts, dans l’armée et dans les affaires ; François Lay (1758-1831), la cigale gasconne, lui, connait un destin exceptionnel de chanteur lyrique.
Dans la série Les Gascons de renom avec Le duc d’Epernon, Max Linder, Pierre Latécoère, Jean Bourdette, Jean-Baptiste Sénac, Guillaume Saluste du Bartas, Antoine de Nervèze, Sans Mitarra, Jacques Lacomme, Alexis Peyret, Marcel Amont, Ignace-Gaston Pardies, André Daguin, Jean Laborde, Joseph du Chesne.
L’enfance gasconne de François Lay

François Lay nait , le 14 février 1758, à La Barthe de Neste dans ce qui est aujourd’hui les Hautes-Pyrénées. Son père, Jacques, et sa mère, Jeannette Birabent, sont fermiers. Il est destiné à prendre la succession de son père mais il possède une voix qui le fait tout de suite remarquer par le curé du village.
En 1770, l’enfant a 12 ans. Deux chanoines de Notre-Dame-de-Garaison, en mission à l’église de La barthe de Neste, entendent sa voix particulièrement claire et pure. Ils décident de le prendre en pension. Les pères lui paient les études et le forment au chant. À l’âge de 17 ans, il part étudier la philosophie et la rhétorique à Auch. La beauté de sa voix attire les curieux à la cathédrale. Il obtient une bourse pour étudier le droit à l’université de Toulouse.
Le dimanche de Pâques 1779, alors qu’il chante dans la cathédrale, l’intendant du Languedoc le remarque et l’envoie à Paris. Il n’a que 21 ans. C’est une aubaine pour la cigale gasconne qui n’est pas intéressée par une carrière religieuse.
François Lay connait la gloire à Paris

S’il n’a pas un physique de jeune premier, on décrit François Lay comme un homme généreux, curieux, intelligent. Il aime les plaisirs, l’égalité, est volontiers frondeur ou contestataire, refusant toute discipline.
En bon homme du sud, il accentue les paroles, ce qui lui vaut parfois des critiques ou d’être sifflé. Il compose, enseigne la musique, en particulier à la chanteuse Madame Chéron.
Le critique musical, Monsieur d’Aubers, souligne : Ce n’est donc pas une exagération que le titre de premier chanteur du monde que ses contemporains et, après eux, l’histoire, se sont plu à lui décerner.
François Lay traverse les vicissitudes de son temps

Côté artistique, François Lay côtoie les grands de son époque. Il est par exemple ami du peintre Jean-Jacques David (1748-1825), le leader du mouvement néo-classique. Côté politique, il admire Jean-Jacques Rousseau, et embrasse les idées révolutionnaires. Son ami Bertrand Barère de Vieuzac, favorise son engagement. Il l’a rencontré lors de ses études à Toulouse, avant que celui-ci ne devienne, le 23 avril 1789, le premier député de Tarbes et joue un rôle éminent pendant la Révolution. François Lay chantera d’ailleurs admirablement La Marseillaise devant des sans-culottes. Dans les tourmentes de la Révolution, il est emprisonné pour avoir été chanteur au théâtre de la reine. Barère le fait libérer.
Un soir qu’il devait chanter une mélodie hollandaise, les députés bigourdans assis dans le public lui crient : Anem gojat, un pechic de patoès com s’èram a la lana de Capvèrn. [Allez jeune homme, une pincée de patois comme si on était dans la lande de Capvern]. La cigale gasconne chante immédiatement une mélodie du pays et est rappelé plusieurs fois par le public.
En 1793, François Lay fait un voyage en Gascogne. Bordeaux le reçoit mal car on le juge trop proche des Montagnards à l’Assemblée. Il doit s’enfuir sans même terminer son premier spectacle et en est blessé. L’accueil à La barthe et dans les Hautes-Pyrénées lui est plus favorable.
Sa proximité avec Barère lui vaut d’aller en prison brièvement. Il reconquiert la faveur du public et obtient celle de l’Empereur. Napoléon le juge incomparable et le nomme premier chanteur de la chapelle impériale. Le Gascon chante d’ailleurs lors de son sacre et à son second mariage.

La triste fin de François Lay
François Lay tombe dans l’oubli pendant la Restauration de 1814-1815 qui ne lui pardonne pas ses choix politiques antérieurs. Les royalistes lui interdisent l’Opéra de Paris. Alors, il devient professeur de musique au conservatoire de Paris, de 1822 à 1827, parfois sans solde.
Les conflits sur sa pension, des dettes, la mort de son fils, la maladie de sa femme et ses crises de goutte assombrissent la fin de sa vie. Il meurt à Ingrandes, sur les bords de la Loire, en 1831. La cigale gasconne s’est tue à jamais.
La Barthe de Neste lui a attribué une rue.
Serge Clos-Versailles
Le texte est en orthographe française de 1990 (nouvelle orthographe)
Références
François LAY dit Laÿs, La vie tourmentée d’un gascon à l’Opéra de Paris (1758-1831), Anne Quéruel, 2010
Biographie des hommes vivants, LA-OZ, Société de gens de lettres et de savants, tome 4e, 1818
François Lay, premier chanteur du monde, Paul Carrère, Société des études du Comminges, 1958
François Lay…, critique de Luc Daireaux, La cliothèque, 2010