Ignace-Gaston Pardies le physicien inspiré
Le Palois Ignace-Gaston Pardies est un pionnier de la théorie ondulatoire de la lumière. Un physicien acharné et intuitif, travaillant avec tous les grands scientifiques de l’époque, et fauché à 38 ans par une fièvre. Dans la série des Gascons de renom. Fait suite à Joseph du Chesne, Jean Laborde, André Daguin.
Ignace-Gaston Pardies élève brillant des Jésuites
Ignace-Gaston nait le 5 septembre 1636 à Pau, d’un père, Guillaume, conseiller au Parlement de Navarre et d’une mère calviniste qui se convertit au catholicisme en 1635. Proche des Jésuites, ils appellent leur fils Ignace en mémoire du fondateur, Ignace de Loyola.
L’enfant fait ses études dans leur école ; il est un élève brillant. En 1652, il entame son noviciat dans la Compagnie de Jésus. De 1654 à 1656, il parfait ses études philosophiques à Toulouse, puis suit pendant quatre ans ses humanités à Bordeaux. Pardies est ordonné prêtre en 1663.
Il enseigne ensuite les Belles-Lettres à La Rochelle (deux ans) puis à Bordeaux (trois ans). Il compose des petits Ouvrages Latins en prose & en vers, où il règne une grande délicatesse de pensée & de style (…) à la réserve de très-peu de mots un peu provinciaux, son style est élégant, pur & clair, comme la lumière du jour, écrit Jaques George de Chaufepié (1702 – 1786) dans le Nouveau dictionnaire historique et critique.
Les horloges merveilleuses du père Pardies
Le Horologium thaumanticum duplex est sa première publication. Il est encore étudiant. Il permet de construire des horloges merveilleuses et ingénieuses où l’on pouvait lire immédiatement la séparation du jour et de la nuit ou les différentes heures du globe terrestre. L’ouvrage est publié en français en 1687.
Ce livre montre toute son intelligence et son habilité dans la partie expérimentation. D’ailleurs, le physicien danois, August Ziggelaar, dans la biographie qu’il écrit de Pardies, met en avant sa vivacité d’esprit, sa capacité de compréhension, son pouvoir de synthèse, sa curiosité intellectuelle et pratique, son aisance d’expression, sa puissance de travail.
Curieux de connaissances, le jeune homme lit les philosophes, les anciens (l’école péripatéticienne d’Aristote) et les modernes (l’école cartésienne de Descartes). Il étudie les mathématiques, là aussi les anciens, Euclide, Appollonius, Archimède… et les modernes comme le grand mathématicien et physicien néerlandais Christiaan Huygens qui l’influencera fortement.
Le contexte de Descartes et les Jésuites
Or, tout cela se passe à un moment où Descartes balaie l’ancien monde…
Élève des jésuites, lui aussi, Descartes proteste contre leur enseignement qu’il juge superficiel, destiné à un verbiage élégant, et défend, en opposition, la pensée réfléchie. Il est persuadé que l’on peut par une méthode rigoureuse développer des connaissances avec certitude. Rappelons les grandes règles de sa méthode exposées dans le Discours de la méthode :
– pour commencer, la règle de l’évidence : rejeter tous les préjugés et ne reconnaître pour vrai que ce qui se laisse connaître comme clair et distinct.
– ensuite la règle de l’analyse : découper les problèmes en autant de parties que possible.
– enfin la règle de la synthèse : avancer par étapes de l’objet le plus simple vers le plus compliqué puis reconstituer l’ensemble à partir des éléments.
– avant de revoir l’ensemble du système au moyen de l’énumération. S’assurer que la question a été traitée de manière exhaustive.
Si certains Jésuites embrassent les théories de Descartes, la Compagnie de Jésus lui est plutôt hostile. Les Jésuites obtiendront que son enseignement soit prohibé de leurs écoles en 1706.
Pardies un cartésien ?
Le père Pardies est à l’aise avec la pensée de Descartes, mais il est aussi prudent ! Il se défend d’être cartésien, montre – mollement – l’inexactitude de ses principes, tout en professant une philosophie qu’il dit personnelle à laquelle il donnoit un tour si plausible & si judicieux qu’il eût été difficile de le condamner.
Il publie le Discours du mouvement local en 1670. Ses supérieurs à La Rochelle trouve qu’il poursuit d’étranges opinions. Entendre, il est trop cartésien. Alors, le père Pardies y ajoute rapidement des Remarques pour réfuter tout lien avec le cartésianisme. Pas assez convainquant ! On l’envoie enseigner les mathématiques à Paris au collège Clermont (aujourd’hui lycée Louis-le-Grand). Chance pour lui, car cela le rapprochera de l’Académie Royale des Sciences dont de Huygens.
En bon Gascon, le père Pardies est capborrut [têtu]. Il publie Le Discours de la connaissance des bestes, en 1672, dans lequel il expose longuement la thèse de Descartes, avec vigueur et brio, pour la réfuter faiblement dans les dernières pages. Ce qui fait écrire à Esaie Bourgeois : c’est le pere Pardies qui parle dans le Commencement et dans la fin le Jesuite. (lettre à Oldenburg, 6 juin 1672)
Pardies est membre du vaste réseau de coopération et d’échanges entre savants européens qu’a mis en place le diplomate allemand Henry Oldenburg. Et il lui écrit sagement : Comme je suis ici d’une communauté religieuse, je ne puis faire tout ce que je voudrois, et il est raisonnable de s’accommoder aux sentimens de ceux qui nous gouvernent.
Le père Pardies se révèle en physique
Au-delà de ses ouvrages nombreux, c’est plutôt dans sa correspondance que Pardies contribue le plus à l’évolution de la science. En particulier, il correspond largement avec Isaac Newton. Il lui exprime des objections au sujet de sa théorie des couleurs et son experimentum cruets. Il propose d’assimiler la lumière à une onde qui affecterait un éther immobile (substance subtile qui pourrait transmettre la lumière). Tous ces commentaires permettront à Newton de clarifier et solutionner certains points difficiles. Pourtant, de façon plus étonnante, il ne commente pas les réponses que publie Newton dans les actes de la Royal Society.
Huygens et Liebniz (1646 – 1716) étaient très admiratifs de Pardies. Pour l’intelligence de ses écrits comme les Elemens de Geometrie, et aussi pour l’originalité de ses vues. Par exemple, Pardies considère que Statique et Dynamique ne sont pas deux sciences séparées. Une révolution ! Dans sa Statique, il démontre l’inexactitude de la théorie de Galilée, selon laquelle une chaine pendante tenue aux deux extrémités affecte à l’équilibre un profil parabolique. Etc.
Pourtant Pardies est un intuitif. Il prépare les voies aux sciences et ne les fait pas toujours aboutir. De ce fait, il reste ainsi un peu dans l’ombre et n’aura pas, malgré des travaux décisifs, le renom de certains de ses collègues.
Pardies toujours à Pau!
Pour les fêtes de Pâques 1673, le 2 avril, le père Pardies visite les prisonniers malades de Bicêtre. Le P. Pardies joignait à des connaissances variées le caractère le plus heureux et une piété solide, précise le Dictionnaire de biographie universelle. Hélas, il contractera une fièvre dont il mourra quelques jours après, le vendredi 21 avril. Un grand savant disparait.
Pau a offert à ce physicien, la petite rue du Père Pardies, donnant sur le boulevard Alsace Lorraine, du côté du rond-point du souvenir français.
Références
Le physicien Ignace Gaston Pardies S.J. (1636 – 1673), August Ziggelaar, 1971
Nouveau dictionnaire historique et critique, volume 3, Jaques George de Chaufepié, 1758
Encyclopedia.com, Pardies, Ignace Gaston, 2008
Œuvres du R-P Ignace-Gaston Pardies de la Compagnie de Jésus, nouvelle édition, 1725
Globi coelestis in tabulas planas redacti descriptio auctore R.P. Ignatio Gastone Pardies . Cliquer sur le lien pour accéder à la collection des 6 planches. L’image de l’entête est une reproduction de la planche n°1/6