Le Gersois Jean Laborde a un destin à faire rêver nos jeunes têtes ! Aventurier sans peur et sans reproche, presque mousquetaire du roi, il sera le conseiller de la reine de Madagascar ! Fait suite à l’article 1 sur Joseph du Chesne chimiste et médecin.
Une enfance tranquillòta pour Jean Laborde

Jean Laborde est né à Auch le 16 octobre 1805. Son père est d’abord forgeron, puis bourrelier et charron. Jean va à l’école des Pénitents Blancs, puis, à 14 ans, travaille comme apprenti avec son père. Ce travail ne l’intéresse pas particulièrement mais va lui permettre de développer une belle musculature. Le soir, Jean écoute les histoires de son oncle né aux Antilles et rêve de grands espaces.
En 1823, Jean est affecté au deuxième régiment de dragons. L’occasion de voir du pays ? Que nani ! Il se retrouve en garnison à Toulouse. Mais il s’y donne, apprend et termine maréchal des logis. De retour à la maison, Jean explique à ses parents qu’il veut partir. Son père lui donne une petite somme d’argent et sa bénédiction.
Jean Laborde chasse le rêve et les trésors

Quels beaux voiliers à Bordeaux ! L’un part pour l’Inde. Très bien, c’est exotique. Arrivé à Bombay, le jeune aventurier se fait camelot car, prévoyant, il avait apporté quelques foulards et autres pacotilles. Ses talents de prestidigitateur, développés en garnison, vont l’aider à vendre et ses affaires prospèrent. Il monte une forge et un atelier de mécanique à Pondichéry. Pourtant Jean est déçu. Forgeron ici ou à Auch, est-ce si différent ? Ce n’est pas l’aventure dont il a rêvé.
Heureusement, il fréquente des marins qui savent raconter des histoires féériques. L’un, M. Savoie, capitaine au long cours – sans ressource – lui confie : Je suis le seul à connaître cet endroit. Dans le canal du Mozambique, près d’une île perdue on peut voir par mer calme une épave qui contient des trésors… Jean Laborde a les yeux qui pétillent ; il vend tout, affrète le brick Saint-Roch et part.
Jean Laborde et ses amis arrivent à Madagascar
Sept mois de recherches. C’est le fiasco. Ils rentrent en Inde, croisent au sud-est de Madagascar. La tempête les surprend. Le bateau s’échoue sur un rocher du côté de l’embouchure du fleuve Matitanana. Les hommes réussissent à s’en sortir. Ils marchent une centaine de kilomètres dans la forêt moite et sauvage, avant d’arriver chez un riche propriétaire d’une usine de sucre, Napoléon de Lastelle (1802 – 1856). Son bagout de Gascon, son adresse de prestidigitateur, ses capacités physiques vont convaincre l’industriel de prendre le bonhomme à son service.

Madagascar est alors dirigée par une reine forte, Ranavalona I (1788 – 1861). Celle-ci a des relations difficiles avec les Anglais et elle se prépare à un échange musclé. Elle charge un Français de construire des armes dont des canons. Il n’y réussit pas, alors elle en charge Lastelle.

Cette mission, Lastelle va la confier à Jean Laborde car il a déjà testé l’ingéniosité et la technicité de l’homme. Pour amadouer la reine, il marie, en 1832, Jean Laborde à une métisse Émilie Roux.
Jean Laborde devient un industriel

Notre gascon construit l’usine, sort les premiers fusils en s’inspirant de manuels des plus modernes. La reine, satisfaite, charge Jean Laborde de s’occuper de l’éducation de son fils Rakotondradama. Notre homme a des ailes. Il développe un nouveau site doté d’une mine de fer, à côté d’une forêt, Mantasoa, avec 2000 hommes fournis par la reine.
Avec des hauts fourneaux, des machines hydrauliques, il produit des canons, de la pâte à papier, des peintures, du ciment, de la chaux. Il apprend aux Malgaches à faire de la faïence, du verre. Il importe des bœufs pour labourer, des vignes, des arbres fruitiers. Bref, il révolutionne la production et l’économie.
Proche de la reine, son amant diront certains, il est l’étranger le plus adulé de l’île.
Rien ne va plus
En 1845, la reine, lasse des trafics des négriers, condamne un Britannique et chasse tous les Blancs de son royaume. Français et Britanniques s’unissent alors contre la reine mais sont défaits dans le sang. Jean Laborde, un des rares Blancs encore acceptés sur l’île, n’arrive plus à commercer avec l’extérieur. L’escalade est en route et la reine impose un régime de terreur. Le 17 juin 1856, Napoléon de Lastelle est empoisonné.
Conseillé par Laborde, Rakotondradama demande l’aide militaire de la France. Mais la France est déjà empêtrée dans la guerre de Crimée. En 1857, Jean Laborde et quelques autres conspirés sont contraints à l’exil. Il est ruiné.
Monsieur le Consul de France

Quatre ans plus tard, le 18 août 1861, la reine meurt et son fils prend le pouvoir sous le nom de Radama II. Les ateliers ont été dévastés et Jean Laborde, pourtant rappelé par le nouveau roi, ne reprend pas ses activités. Mais, on n’arrête pas un aventurier !

À 57 ans, Jean Laborde est nommé Consul de France à Madagascar par Napoléon III. Il fait établir la première carte topographique du nord de l’île au 1:200 000, aide son ami Joseph Lambert (1824 – 1873) à installer la Compagnie française de Madagascar. Le faste ne durera qu’un an car le roi, alcoolique et trop sous la coupe des Français, est étranglé le 12 mai 1863 avec une écharpe.
Jean Laborde, qui restera consul de France, cherche l’amitié de la nouvelle reine, Ranavalona II, mais celle-ci penche pour l’Angleterre.
La mort d’un Gascon ?

Le 27 décembre 1878, Jean Laborde, malade, décède à Tananarive. Il a 73 ans. La reine ordonne des funérailles nationales. Une foule immense l’accompagne à Mantasoa dans un mausolée qu’il s’était lui-même fait bâtir.
Ses biens passent au gouvernement malgache, comme c’est la coutume. La France demande l’héritage pour les neveux de Laborde. Prétexte qui lui permet d’envahir Madagascar. Remarquons que les descendants malgaches de Jean Laborde sont exclus de toute discussion, sans même une attention !

En 1930, la Compagnie des messageries maritimes, souhaitant donner le nom de Jean Laborde à un de ses paquebots, envoie un homme à Auch récupérer des informations sur l’illustre consul. Et, dans cette Gascogne oublieuse, personne ne connait un Jean Laborde…
Aujourd’hui, la maison de Jean Laborde à Andohalo, qui fut le premier consulat de France à Madagascar, appartient toujours à l’État français.
Références
Les mystères du Gers, Patrick Caujolle, 2013
Merci beaucoup de me permettre , grâce à votre partage , de mieux situer le contenu du livre « Chants de corail et d’argent » , roman historique qui relate les relations de Jean Laborde avec le pays malgache.
Le roman est publié chez Robert Laffont , suggestif et très instructif pour ceux que l’île de Madagascar , les mœurs de ses différentes peuplades et le cours de son histoire fascine encore .