Simin Palay, de son vrai nom Maximin Palay, est un auteur prolifique. Il aborde tous les genres littéraires : poésies, romans, théâtre, lexicographie, chroniques, livre de cuisine. Il reste cependant relativement méconnu.
Une enfance bercée par l’écriture et par le gascon

Simin Palay (1874-1965) nait à Castèida (Castéide-Doat), petit village béarnais à quelques kilomètres de Vic de Bigòrra (Vic en Bigorre).
Son père Yan fréquente l’école jusqu’à 12 ans, puis devient tailleur d’habits et agriculteur. Tout d’abord, il écrit des chants patriotiques et des pastourelles en français avant de se tourner vers le gascon, sa langue maternelle. Ses 22 contes en vers gascons parus en 1907, les Coundes biarnés / Condes biarnès / Contes béarnais, sont un succès.
Déjà, le grand-père de Simin Palay écrit des poèmes en français et en gascon. Malheureusement, aucun ne nous est parvenu, sans doute perdus dans les nombreux déménagements de la famille.
En 1888, la famille Palay s’installe à Vic en Bigorre où le père tient une boutique de tailleur. L’atelier devient rapidement le centre de rencontre des intellectuels et des artistes locaux. Parmi eux, on citera Norbert Rosapelly, Xavier de Cardaillac, le poète Cyprien Dulor, le sculpteur Edmond Desca, le peintre Lestrade, etc.

À leur contact, Simin Palay découvre les grands poètes du moment. Il dira : Magnifique époque, en vérité, que celle où l’on pouvait lire chaque jour des œuvres nouvelles de Verlaine, de Mallarmé, de José-Maria de Heredia.
Et lui-même, malgré son jeune âge, écrit des poèmes en français. Bien sûr, il connait les œuvres en occitan des poètes ouvriers que lit son père comme Jasmin, Reboul ou Théodore Blanc. Mais c’est à l’âge de 16 ans qu’il découvre vraiment la littérature d’oc et fait la rencontre de Miquèu de Camelat, le fils du cordonnier d’Arrens (Arrens-Marsous). De cette rencontre naitra une longue amitié.
La Félibrée de Tarbes de 1890

Les Cigaliers de Paris, une association félibréenne, sont en voyage dans le sud-ouest. Simin Palay dira : ce magnifique pèlerinage en Gascogne d’où ressortirait le renouveau littéraire qui a fait jaillir en Languedoc et en Gascogne une foule de talents voués probablement à la nuit totale si l’occasion ne leur eût été donnée, alors, de se découvrir eux-mêmes. Rappelons que le félibrige est un mouvement de défense et de promotion des langues régionales.
En aout, les Cigaliers sont à Tarbes où une Félibrée est organisée. Yan Palay est primé pour le conte Lou curè dé Cérou è casaüsus / Lo curè de Seron e Casausus / Le curé de Séron et Casausus. Miquèu Camelat est aussi primé pour son poème En Grounh tiré d’une légende du val d’Azun.
Pour Simin Palay qui a tout juste 16 ans, c’est une révélation. Il dit : Je fis à cette occasion la connaissance – spirituelle – des grands félibres dont j’ignorais jusque-là les noms et les œuvres : Mireille, La Miugrano entreduberto, Lous cants dou soulel, etc. De plus, la prestation de Miquèu de Camelat l’impressionne. L’année suivante, Simin Palay passe à Arrens. Il rencontre Camelat. Que’s pot dise qu’aquet die lo yermi de l’Escole Gastoû Febus qu’ère semiat. / Que’s pòt díser qu’aqueth dia lo germi de l’Escòla Gaston Febus qu’era semiat. / On peut dire que ce jour-là le germe de l’Escòla Gaston Febus était semé.
Simin Palay et Miquèu de Camelat, fondateurs du Félibrige gascon

En 1893, parait l’Armanac patouès dé la Bigorro qui reçoit un excellent accueil. L’année suivante, il prend le titre d’Armanac Gascou – Bigorre – Béarn – Armagnac – Lanes. En même temps, ils lancent un concours littéraire dont le succès a surpris même ses auteurs !
Simin Palay et Miquèu de Camelat veulent fonder un groupement félibréen. C’est chose faite en 1895. Mais Simin Palay ne figure pas parmi les sept signataires car il fait son service militaire et ne peut être membre d’une assosication. L’année suivante, le groupement devient l’Escole Gastoû Fébus. Puis, le 1er février 1897, parait le premier numéro de la revue Reclams de Biarn e Gascougne. Elle existe encore aujourd’hui sous le titre de Reclams. Et c’est la plus ancienne revue littéraire.
Pourtant, tous les poètes gascons n’adhèrent pas. Certaines personnes réfrènent même l’enthousiasme des fondateurs. Pour eux, la revue fait une part trop belle au français. Et ses abonnés sont surtout des notables. Tout cela va conduire à une crise interne en 1909.
La naissance de La Bouts de la Terre
Simin Palay, qui réside à Gélos depuis 1902, fonde, avec Miquèu de Camelat, le journal La Bouts de la Terre (….) qui s’adresse à toute la population. C’est le journalét qui clame dus cops per més / jornalet qui clama dus còps per mes / le petit journal qui parait deux fois par mois. Très vite, les jeunes auteurs gascons rejoignent le journal. Le dernier numéro parait le 1er septembre 1914 et ne sera pas relancé après l’Armistice. Pour autant, Simin Palay n’a pas coupé les ponts avec la revue Reclams dans laquelle il écrit encore quelques articles.

Puis, Simin Palay est élu Majoral en 1920 (un des 50 qui composent le consistoire, gardien de la philosophie du mouvement). Dès lors, il participera activement au Félibrige. Peu après, en 1923, il devient Capdau de l’Escole Gastoû Fébus (président) et le reste jusqu’à sa mort en 1965. Son ami Miquèu de Camélat en sera le Secrétaire jusqu’en 1962.
Simin Palay, 75 ans d’écriture

Simin Palay est un grand chroniqueur en gascon. La majorité de ses articles et chroniques paraissent dans la revue Reclams et dans le journal La Bouts de la Terre.
Il écrit aussi régulièrement dans des journaux en français qui laissent une place au gascon comme Le Patriote des Pyrénées de Pau. C’est d’ailleurs pour devenir collaborateur de ce journal quotidien que Simin Palay quitte Vic en Bigorre en 1902.
Il écrit encore, en français cette fois-ci, dans La revue régionaliste des Pyrénées dont il est l’un des fondateurs en 1917. Naturellement, il y publie aussi quelques poèmes en gascon.

En 1921, Simin Palay publie un livre qui sera le plus connu de ses ouvrages : La cuisine du pays. Il contient 600 recettes et tout un tas de proverbes béarnais. Ce best seller connaitra plus de 11 rééditions et continue à être édité par les Editions Marrimpoey
Enfin, comme de nombreux Félibres, Simin Palay publie ses mémoires en 1961 dans Petite Bite e bite bitante et Memori e Raconte. Volontairement, il se limite à la période de sa jeunesse, de 1874 à 1888. Outre ses souvenirs personnels, il décrit la société paysanne de son village de Castèida. Ainsi, c’est un témoignage incomparable de la vie rurale à cette époque.
Le poète et le dramaturge

Simin Palay est un poète assez méconnu. Pourtant, il publie plusieurs recueils, notamment : Bercets dé Youénèsse è Coundes enta rise / Versets de jeunesse et contes pour rire en 1899, Sounets e Quatourzis / Sonnets et Quatorzains en 1902, Las Pregàries e las Gràcies / Les Prières et les Grâces en 1926. En 1909, il publie même un poème épique de 828 vers sur la guerre des Albigeois, primé aux Jeux Floraux de Toulouse.
Simin Palay est aussi l’auteur de 80 pièces de théâtre. La plus célèbre est Lou Franchiman / Le Français publiée en 1896 qui fera plus de 1 000 représentations jusqu’en 1944. La Peleye dous Arrasims / La dispute des Raisins, publiée en 1901, est une pièce pour les jeunes, jouée par des jeunes. Pansard e Lamagrere sort en 1919, Caddetoû en 1922, Lou marcat de la Trouje / Le marché de la Truie en 1927, Lou terrible medeci / Le terrible médecin en 1934, Lou Biadje de Cauterés / Lo voyage de Cauterets en 1949, …
L’œuvre majeure de Simin Palay, le Dictionnaire

Le Dictionnaire du Béarnais et du Gascon modernes est l’œuvre majeure de Simin Palay.
En fait, dès 1887, Vastin Lespy publie un dictionnaire de béarnais ancien et moderne. Cénac-Montaut en fait autant pour le Gers. Puis Fernand Sarran toujours pour le Gers. Le dictionnaire de Sarran ne sera pas publié à cause du décès de l’auteur mais sera utilisé pour enrichir le « Palay ». Moureau pour le pays de Buch. Des lexiques des Landes, du val d’Azun ou du Médoc paraissent également. Aucun ouvrage ne regroupe les parlers de la Gascogne.
Si l’Escòla Gaston Febus a l’idée de ce dictionnaire, la réalisation est difficile. Elle met en place une commission du dictionnaire dès 1902, mais, faute de méthode et de direction, il n’avance pas. Finalement, c’est Simin Palay qui le dirigera et permettra sa réalisation trente ans plus tard.
Ainsi, l’Escòla Gaston Febus le publie en 1932 (tome 1) et 1934 (tome 2), puis le CNRS en 1961, 1974, 1980 et 1992. Enfin, de nouveau l’Escòla Gaston Febus – Edicions Reclams le publie en 2020 avec l’aide de Lo Congrès permanent de la lenga occitana. C’est sans conteste l’ouvrage le plus connu et le plus utilisé par les étudiants, les enseignants et les chercheurs.
Ce qu’en a dit le poète Tristan Derème

C’est une mine, et n’est-ce pas un divertissement charmant que de feuilleter de la sorte une collection de mots qui ne sont point pareils à des papillons morts sous une vitrine, mais au contraire, qui demeurent bien vivants et battent des ailes, dès que nous nous prenons à les considérer. Ils volent de-ci, de-là, et si nous nous abandonnons à les suivre, nous pénétrons avec eux en une province aux belles montagnes blanches et bleues et dont les torrents chantent sous les noisetiers, cependant que nous entendons sonner non pas un langage méprisable, mais une langue, sœur de la nôtre.
Les Français ont leur Larousse, les Gascons ont leur Palay !
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
Simin Palay (1874-1965) par Jean-Pierre BIRABENT, coédition du Cercle Occitan de Tarba et des éditions du Val d’Adour, 2010.
Ensag de bibliografia de las obras editadas de Simin Palay, Reclams, François Pic, 2004.
Bibliothèque de l’Escòla Gaston Febus
Le dictionnaire de Palay enfin réédité, Escòla Gaston Febus, 2019
La bouts de la tèrre – Une tentative de presse régionaliste en Béarn au début du siècle, David Grosclaude, Editions Per Noste.
La Bouts de la terre d’Armagnac Biarn, Bigorre e Lanes, Bibliothèque Escòla Gaston Febus (collection avec quelques lacunes).