Vincent de Paul, un Gascon sanctifié
Vincent de Paul, comme plus récemment l’abbé Pierre, va bouleverser son époque en agissant pour les pauvres. Histoire d’un Landais inspiré.
La naissance de Vincent de Paul
Vincent de Paul nait au Poi (Lanas) / Pouy (Landes) le 24 avril 1581, dans une maison landaise nommée Ranquinas. Simin Palay, dans son dictionnaire, signale que les Ranquines étaient un surnom donné aux personnes déjà âgées qui se remariaient, et qui étaient souvent victimes de charivari.
On peut aussi rapprocher ce mot de ranc ou arranc, boiteux en gascon. Cette proposition est souvent retenue à cause d’un écrit de Vincent en 1659 : Je me souviens que lorsque j’étais un jeune garçon, mon père m’emmena à la ville. Parce qu’il était pauvrement habillé et boiteux, j’ai eu honte de l’accompagner et qu’on puisse penser qu’il était mon père.
Une famille de six enfants
Le père, Jean de Paul, est un capcasau (chef de maison), c’est-à-dire propriétaire de la maison et de terres (environ 1 ha). Il bénéficie de droits comme prendre tout le bois nécessaire dans les forêts à l’entour, utiliser les prés communs et qu’on l’enterre au cimetière du village.
La mère, Bertrande de Moras (1545-?), est la fille d’un notaire et greffier de Dax. La famille est composée de quatre garçons et deux filles, Marie et Claudine. Jean, l’ainé, quittera la propriété pour s’installer un peu plus loin. Bernard, le deuxième, et Dominique, le dernier frère, dit Menjon ou Menginon [le petit Dominique] resteront sur la propriété familiale. Vincent est le troisième.
Sans être aisée, c’est une famille de classe moyenne. Outre les terres, elle possède des outils, un attelage, des moutons, des cochons…
L’entrée dans l’Église de Vincent de Paul
Enfant, Vincent participe aux travaux de la ferme, comme c’est l’habitude. Son père, probablement au vu de son rang dans la fratrie, le destine à l’Eglise. Il l’envoie donc au collège franciscain des Cordeliers, à Dacs. Il loge chez Monsieur Comet, juge de Poi. Là, il montre une grande force de travail, ce qui lui vaut d’être pris comme précepteur des fils du juge.
Puis il continue ses études à l’université de Toulouse pendant sept ans, en théologie (jusqu’en 1604). Entre temps, il devient prêtre, à 19 ans.
Il semblerait qu’en 1605, notre jeune prêtre se soit rendu du côté d’Aigas Mòrtas pour recueillir un petit héritage. Vincent est capturé et vendu comme esclave. Il s’évade deux ans après et rejoint peut-être Rome.
Aumônier de la cour d’Henry IV
Les Gascons ont la côte sous le règne deu noste Enric. De plus, le pape Paul V charge Vincent de Paul d’un message pour le roi de France. Les deux Gascons s’entendent et, en 1610, Vincent devient aumônier de la reine Marguerite de Valois, dite Margot.
Vincent de Paul débute comme curé de Clichy, puis précepteur des enfants du marquis de Gondi et confesseur de Madame de Gondi.
Quelles sont les convictions et la foi de Vincent ? Ce n’est pas un choix de sa part. S’il avait été l’ainé, il serait plus probablement resté sur la propriété… Pourtant, dans le sillage de ces deux dames, la reine Margot qui consacre un tiers de ses revenus à des missions de charité, et Madame de Gondi qui l’entraine dans ses œuvres, Vincent prend conscience de la misère des paysans et de sa mission.
« La charité est l’âme des vertus »
Loin du faste de la Cour, Vincent devient curé de Châtillon-les-Dombes. En aout 1617, il crée la première Confrérie de la Charité, puis, le 16 décembre, avec l’aide des dames de la ville, « Les Dames de la Charité ». Deux ans après, le aumônier général des galères. Il réussit à obtenir que les galériens soient nourris, soignés, confessés.
Les actions se multiplient, comme la création en 1925 de la « congrégation de la Mission » pour évangéliser les pauvres des campagnes (création à Saint-Lazare à Paris). Comme la création en 1633 de « l’Ordre des Filles de la Charité » pour les enfants parisiens abandonnés. Suivront, entre autres, la création de « l’hospice des Enfants-Trouvés » en 1638, porte Saint-Victor à Paris, un hospice pour les personnes âgées, en 1657 qui deviendra l’hôpital de La Salpêtrière, etc.
Vincent de Paul devient le symbole, le champion de l’aide aux pauvres.
Le rôle des femmes
Monsieur Vincent est décrit comme un être charismatique et charitable. Loin des modèles de l’époque, il s’appuie sur les femmes pour son action spirituelle et sociale. Ainsi, il sera proche d’Anne d’Autriche, mère de Louis XIV, et des dames de la Cour qui apporteront un soutien financier pour les hôpitaux, les magasins de distribution de vêtements ou de nourriture et tant d’autres actions. Madame Goussault, veuve du président de la Cour des Comptes, est la première Présidente des Dames de Charité. La richissime Marie-Madeleine de Vignerot, duchesse d’Aiguillon et nièce de Richelieu, consacre quasiment toute sa fortune pour ces œuvres.
C’est la princesse Louise de Gonzague (1611-1667) qui fondera avec l’aide de Vincent de Paul et Louise de Marillac plus de trente communautés en France et en Pologne (dès qu’elle en deviendra la reine). Madame de Polaillon ouvrira un foyer pour jeunes filles en danger moral, Madame de Miramion (1629-1696) un refuge pour filles perdues.
Durant trente-cinq ans, Louise de Marillac (1591-1660) va accompagner Vincent de Paul. Louise est la fille naturelle de Louis 1er de Marillac qui la reconnait et la place à 4 ans chez les dominicaines. Le 16 mai 1629, Monsieur Vincent écrit une lettre qui la charge de l’animation et de la coordination des dames de la Charité. Elle s’y consacrera avec efficacité.
Vincent et Louise trouveront Marguerite Naseau (1594-1633), la première fille de la Charité. Celle-ci soignera des malades de la peste et mourra aussitôt.
Monsieur Vincent de Paul
Vincent de Paul est un modéré. Il calme les protestations et les reproches. S’il n’avait point ces défauts, il en aurait d’autres, écrit-il à Pierre Cabrel le 1er mai 1658. Par ailleurs, il prêche la modération pour les protestants.
Son aura est telle que Louis XIII le demande pour sa dernière confession et meurt dans ses bras le 14 mai 1643. Pourtant, Monsieur Vincent est probablement un des premiers à faire de l’ingérence humanitaire. Lors de la guerre de trente ans, il lève des fonds, 2 000 000 de livres, auprès des grands du royaume de France pour secourir les Lorrains combattus… par la France. Il s’oppose à Mazarin durant la Fronde. L’amour est inventif jusqu’à l’infini, disait-il.
De toute sa vie, il ne revint pratiquement pas en Gascogne. Son dernier voyage dans son pays sera en 1623 pour prêcher sur les galères à Bordeaux.
Il meurt à Saint-Lazare le 27 septembre 1660. Le pape Clément XII le canonise le 16 juin 1737.
Anne-Pierre Darrées
écrit en orthographe nouvelle
Références
Les Ranquines
We are Vincentians
Message de sa sainteté le pape François, 2017
Le charisme de Saint Vincent de Paul, Jacques Tyrol,
Sainte Louise de Marillac