A. Bibal, mécène de l’Escòla Gaston Febus
Albin Bibal (1841-1920) est un homme d’affaires, homme politique, mécène et philanthrope comme beaucoup de ses semblables au XIXe siècle. Membre de l’Escòla Gaston Febus, on lui doit le sauvetage du château de Mauvezin, dans les Hautes-Pyrénées.
Un chef d’entreprise avisé
Albin Bibal nait à Aiguillon en Lot et Garonne. Son père, Pierre Bibal, est tailleur de pierres et entrepreneur de travaux publics. On lui doit notamment le grand pont de pierres de Bayonne. Et c’est l’époque du développement du chemin de fer. Aussi, Pierre Bibal travaille sur le tronçon de Dax à Mont de Marsan. Mais il y fait de mauvaises affaires et se ruine.
À 19 ans, Albin Bibal s’engage dans des entreprises de construction de chemins de fer. Il travaille en Isère, dans l’Orne, dans les Côtes du Nord, en Charente et dans les Hautes-Alpes. Là, il se fait remarquer pour la conduite des travaux d’une galerie souterraine de 4 km, puis pour la construction d’une ligne de chemin de fer dans l’Hérault. Cela lui vaut d’importantes gratifications.
Aussi, en 1874, à 33 ans, Albin Bibal fonde sa propre entreprise de travaux publics. De 1876 à 1892, il obtient des chantiers de construction des lignes de chemin de fer dans les Pyrénées-Orientales, le Tarn, l’Hérault, la Dordogne, le Cantal, le Lot, …. Et même en Espagne. Dans le Gers, il travaille sur la ligne de Condom à Éauze.
Albin Bibal épouse Marie-Clémence Clément avec qui il a quatre enfants. Puis, veuf, il épouse en secondes noces, Marie-Rose Gardès dont la famille possède le château d’Esclassan, près de Masseube, dans le Gers. À la mort de sa seconde épouse en 1902, il hérite du château.
Depuis son second mariage en 1881, Albin Bibal est devenu Gersois.
Albin Bibal s’intéresse à la politique
En 1862, Albin Bibal s’engage en politique aux côtés des Républicains opposés aux candidats du régime impérial. Il soutient les candidats républicains dans tous les départements où il travaille. C’est ainsi qu’il soutient, trois fois de suite, Armand Fallières dans le Lot et Garonne.
Certains candidats qu’il soutient deviennent députés, sénateurs et même Président de la République.
En 1881, Albin Bibal participe à la fondation du Parti républicain à Masseube. À Mirande, il soutient le candidat républicain contre Paul de Cassagnac, le fameux duelliste gascon, qui remporte l’élection.
En 1885, Albin Bibal décide de se porter candidat aux élections législatives. Sa liste remporte la majorité dans le canton de Masseube. Fort de ce succès, il devient maire d’Esclassan en 1886, conseiller d’arrondissement en 1892, conseiller général du canton de Masseube en 1895, président du Conseil général qu’il présidera un an en 1897, puis maire de Masseube en 1900.
Les affaires et la politique vont ensemble
À partir de 1883, Albin Bibal investit dans plusieurs affaires industrielles en participant à la création de plusieurs sociétés en Espagne et en France.
Ainsi, en 1908, il est le principal fondateur de l’imprimerie Th. Bousquet et Cie à Auch.
Pendant ce temps, on construit des lignes de chemin de fer d’intérêt local et des lignes de tramway. Un projet de loi prévoit des aides de l’Etat jusqu’à 75 %. Aussi, Albin Bibal milite activement pour que la loi soit enfin votée, d’autant que le Conseil général du Gers a deux projets de lignes de tramway Mirande-Castelnau Rivière Basse et Cazaubon-Aire sur l’Adour.
Albin Bibal est un ardent promoteur de la ligne de chemin de fer entre Auch et Lannemezan et de sa continuation vers l’Espagne à travers les Pyrénées. Ainsi, il publie en 1913 une étude intitulée Chemin de fer d’Auch à Lannemezan. Les transpyrénéens. Ce projet est malheureusement abandonné.
Albin Bibal et l’agriculture
À Masseube, Albin Bibal fait agrandir la halle. Il souhaite développer l’élevage des mules et mulets dont Masseube est un important marché pour les Espagnols, grands consommateurs, venus se fournir en France. D’ailleurs, le projet de chemin de fer transpyrénéen aurait sans doute facilité l’exportation des animaux.
Très entrepreneur, Albin Bibal veut aussi développer l’élevage des oies. Ainsi, lors de l’exposition de l’agriculture de 1909 sur le Champ de Mars à Paris, il déplore le peu de publicité faite aux produits du Gers. Du coup, il préconise la constitution d’un syndicat de vente pour leur promotion : Notre Armagnac n’est pas apprécié, parce qu’il n’est pas connu, nos volailles, élevées en liberté, sont autrement savoureuses que celles du Mans et de Bresse, gavées de force ; nos dindons, connus par hasard à Londres, sont presque inconnus à Paris…
Alors, Albin Bibal fonde le 1er syndicat agricole du canton de Masseube et une Banque Populaire Agricole qui fait des prêts aux agriculteurs. Elle disparait en 1900, lors de la création des caisses locales du Crédit Agricole.
Albin Bibal mécène
En 1899, Albin Bibal fait une rente de 600 Francs au département à distribuer chaque année aux six familles les plus nécessiteuses ayant le plus grand nombre d’enfants à charge. De même, il fait une autre rente aux communes de son canton pour être distribuée pendant 50 ans aux aveugles et aux infirmes. En 1900, il fait une nouvelle rente annuelle au département au bénéfice de 3 mères de famille de moins de 35 ans ayant de nombreux enfants. En 1901, il recommence avec une autre rente pendant 30 ans au bénéfice des orphelins. Enfin, en 1912, une dernière rente est faite en faveur de veuves d’ouvriers ayant en charge des jeunes enfants.
Albin Bibal et le château de Mauvezin
Albin Bibal s’intéresse aussi à la culture locale. Membre du Félibrige, il rachète de château de Mauvezin en 1906, le restaure en partie pour l’ouvrir à la visite et le cède à l’Escòla Gaston Febus dont il est membre, en 1907.
Il réalise une plaquette Le vieux château de Mauvezin et sa devise et écrit une Histoire chronologique du vieux château fort de Mauvezin. Il écrit aussi le De viris illustribus Vasconiae qui comprend 648 notices biographiques de gascons célèbres. Dans tous les départements, les félibres gascons se mettent au travail pour la rédaction des notices dont la liste parait dans la revue Reclams de Biarn et Gascougne. Le livre est publié en 1914.
Au château de Mauvezin, Albin Bibal fait des travaux de restauration. La somme demandée pour la restauration de la rampe d’accès et du pont-levis est trop importante. Il fait installer un escalier de fer en colimaçon pour entrer dans le château, ainsi que deux autres escaliers pour accéder aux courtines sécurisées par un garde-corps. Il fait restaurer la porte d’entrée et dégager la dalle héraldique. Dans le donjon, il fait installer des poutres et des planchers pour reconstituer les étages accessibles par un escalier en bois et fait percer une porte pour l’accès aux salles inférieures. Il fait réparer les contreforts et couronne le donjon de créneaux et de mâchicoulis.
La Félibrée de Mauvezin
En mars 1907, Albin Bibal cède le château de Mauvezin à l’Escòla Gaston Febus. Le 31 aout, la prise de possession officielle se fait à l’occasion d’une Félibrée dans la cour du château.
On y voit la plupart des félibres de Gascogne. Germaine Guillot, reine de Gascogne, participe avec toute sa cour. Un tournoi littéraire a lieu, ponctué des chants des Troubadours tarbais, de l’Estudiantina tarbaise et de la chorale de Tournay-Bordes.
Cette Félibrée a fait l’objet d’un tableau qui est conservé au château de Mauvezin. On peut y reconnaitre la plupart des félibres qui y ont participé.
Les travaux d’Albin Bibal sont critiqués. Lors de la deuxième Félibrée de 1911 au château de Mauvezin, le comte de Roquette-Buisson, président de la Société Académique des Hautes-Pyrénées prend sa défense : J’avais beaucoup entendu critiquer les réparations faites au château de Mauvezin, et redoutais d’y venir, m’attendant à une triste désillusion, presque à une profanation des vielles ruines du manoir si mêlé à notre histoire bigourdane… Je m’excuse de contrister l’âme des archéologues pour lesquels toute restauration est un crime. Il m’est impossible de partager leur manière de voir. Je félicite M. Bibal de sa généreuse, intelligente, j’ajouterais artistique initiative.
Albin Bibal, mécène de l’Escòla Gaston Febus meurt à Esclassan le 13 février 1920.
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
Michel Albin Bibal, un élu gersois au service du patrimoine gascon : la sauvegarde du château de Mauvezin, Pierre Debofle, Bulletin de la société archéologique du Gers, n° 421, 3ème trimestre 2016.
Le vieux château de Mauvezin et sa devise, Albin Bibal
Histoire chronologique du vieux château fort de Mauvezin et ses destinées, Albin Bibal