Astarac, le pays oublié qui renait de ses cendres

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Gouverné pendant neuf siècles par ses comtes, l’Astarac a constitué une entité politique et administrative active jusqu’à la Révolution française avant d’être dissous dans les divisions administratives républicaines. Mais il faut croire que les braises sont encore chaudes, puisque l’Astarac renait aujourd’hui de ses cendres, porté par ses habitants, au travers de nouvelles entités.

Les origines : la Novempopulanie puis le duché de Vasconie

La Novempopulanie romaine
La Novempopulanie romaine

L’administration romaine avait au IIIe siècle divisé l’Aquitaine en 3 provinces, ou trois Aquitaines. L’Aquitaine troisième prit le nom de Novempopulanie, pays des neuf peuples. L’un de ces peuples, les Auscii, donna naissance à un pagus (division administrative romaine) autour d’une civitas (cité) Augusta Auscorum (Auch). Son territoire correspondait à une grosse partie centre et sud de l’actuel département du Gers. Il était prolongé au sud par une pointe qui s’avançait dans le nord-est de l’actuel département des Hautes-Pyrénées. Avec la christianisation, ce pagus devint un évêché, celui d’Auch.

 

Les comtes d’Astarac

L'Astarac au Xe siècle
L’Astarac au Xe siècle

À la suite d’un partage du duché de Gascogne en 920, Arnaud-Garsie, dit Nonnat, reçut le pagus d’Astarac. Ainsi, il est le premier comte d’Astarac attesté dans les sources écrites.

Le territoire comtal comprenait alors tout le sud de l’évêché d’Auch. Il fut même agrandi au milieu du Xe siècle du comté d’Aure au sud. Mais, au début du XIe siècle, une nouvelle division entre les fils du comte Arnaud II siècle aboutit au détachement définitif du comté d’Aure, auquel le Magnoac avait été rattaché. Le Pardiac, fut à son tour érigé en comté indépendant.

Pendant tout le XIIe siècle, la grande guerre méridionale fit rage entre le duc d’Aquitaine (qui était aussi duc de Gascogne) et le comte de Toulouse. Bien que vassaux du premier jusqu’à la fin du XIe siècle, les comtes d’Astarac restèrent à l’écart de ce conflit.

Influence commingeoise et toulousaine

La bataille de Muret le 12 septembre 1213
La bataille de Muret le 12 septembre 1213 © Wikipedia

Dès la fin du XIIe siècle, l’Astarac ressentit une forte influence commingeoise dans ses affaires. Le comte Centulle Ier est connu pour avoir participé à la bataille de las Navas de Tolosa (1212) en Espagne aux côtés du roi Pierre d’Aragon. Toutefois, il parvint à rester à l’écart de la bataille de Muret en 1213. Il évita ainsi la défaite du roi d’Aragon et du Comte de Toulouse face aux troupes croisées menées par Simon de Monfort. Et le comte d’Astarac finit par prêter hommage au comte de Toulouse en 1230, puis, en 1271. Il devint ainsi vassal direct du roi de France.

Les bastides royales et la perte de souveraineté

Mirande en Astarac
Mirande en Astarac © Wikipedia

La fin du XIIIe siècle fut la période de construction en Gascogne des premières bastides en paréage avec le roi de France. En Astarac on en trouve de nombreuses parmi lesquelles Masseube (1274), Mirande et Pavie (1280), ou Seissan (vers 1288). De plus, avec les bastides, la justice royale s’implantait durablement dans le comté. Ceci provoqua le détachement de plusieurs terres du domaine comtal dont Simorre et ses possessions, et la seigneurie de Sauveterre. Sous les coups de butoirs juridiques de la royauté, les comtes d’Astarac perdaient peu à peu leur souveraineté.

Avec les comtes de Foix contre Armagnac et les Anglais

Gaston Febus (1331-1391) © Livre de la Chasse – BNF

Dans la lutte entre les comtes d’Armagnac et ceux de Foix-Béarn les comtes d’Astarac prirent le parti de ces derniers. C’est ainsi que Centulle IV participa le 5 décembre 1362 à la fameuse bataille de Launac aux côtés de Gaston III de Foix. À cette occasion, l’alliance Armagnac-Comminges-Pardiac et Labarthe subit une défaite cuisante. La rupture entre les maisons d’Astarac et de Comminges était alors définitive.

Pendant la guerre de cent ans, les comtes d’Astarac suivirent leur Suzerain, le roi de France et leurs alliés les comtes de Foix. En 1355, une chevauchée du Prince Noir dévasta l’Astarac. Gouverneur de Gascogne, Jean III était aux côtés des comtes de Foix, d’Armagnac et de Comminges en 1434 pour soutenir Charles VII face aux Anglo-bourguignons. Et en 1442, il participa à la prise de Saint-Sever et de Dax. Puis, en 1449, il était présent lors de la conquête de Mauléon en Soule, une des dernières places fortes anglaises en Gascogne.

En 1446, le roi de France, Charles VIII, chargea son fidèle lieutenant, le comte Jean V, de confisquer les domaines du comte d’Armagnac, et de capturer celui-ci, tâche dont il s’acquitta avec zèle.

Fin de la maison d’Astarac

Jean-Louis de Nogaret de la Valette, futur duc d’Epernon (1581-1642) © Wikipedia

À partir de 1508, l’Astarac entrait par mariage dans la maison des Foix-Candale, puis en 1587 dans celle des ducs d’Epernon. Au milieu du XVIIe siècle, l’administration royale saisit les biens de la famille. Alors, le comté fut transféré à la maison de Roquelaure dans laquelle il resta jusqu’à la Révolution.

L’Élection d’Astarac et la Généralité d’Auch

Le pouvoir royal voulait maitriser la répartition des impôts, en particulier les tailles, et les soustraire au pouvoir des grands seigneurs féodaux. C’est ainsi que le royaume créa les « pays d’élection ». Ils devaient se substituer aux « pays d’états », lesquels décidaient librement de la levée et de la répartition de ces impôts.

En juin 1622, l’élection d’Astarac fut créée. Celle-ci comprenait alors non seulement le comté d’Astarac proprement dit, mais aussi la Perche de Mirande, le comté de Pardiac, les seigneuries des Affites et de Puydarrieux, Tournay et la baronnie d’Esparros en Bigorre, et même Sos en Condomois. On y inclut même plusieurs communautés relevant du comté de Fézensac autour de Montesquiou.

Les pays d’élection étaient regroupés dans les généralités et gouvernés par un intendant. L’élection d’Astarac fit partie de la généralité de Guyenne de sa création jusqu’en 1635. Elle intégra alors celle de Montauban jusqu’en 1716, puis la généralité d’Auch jusqu’en 1767, laquelle subit ensuite plusieurs modifications jusqu’à la révolution.

L’Election d’Astarac et ses divisions / La Généralité d’Auch entre 1717 et 1767 © E. Pène

La sénéchaussée d’Auch

D’un point de vue judiciaire, l’Astarac, situé dans le ressort du parlement de Toulouse, dépendait de la sénéchaussée d’Auch, créée en 1639. Les sénéchaussées recevaient les appels de nombreuses hautes justices royales et seigneuriales. Outre le comté d’Astarac, les comtés de Fézensac, Gaure, Pardiac, la vicomté de Fézenzaguet, et le pays des quatre vallées en faisaient partie. Toutefois, une partie de l’Astarac ne relevait pas de cette sénéchaussée. Les enclaves de Rivière-Verdun et la baronnie de Barbazan dépendaient de la sénéchaussée de Toulouse. Quant au bailliage ducal d’Antin (siégeant à Miélan), il avait gagné le privilège en 1711 de porter ses appels directement auprès du parlement de Toulouse… sans passer par la case sénéchaussée !

La Révolution, le département du Gers, et la fin de l’Astarac

La Révolution de 1789 mit fin à l’extrême complexité des droits de justice, fiscaux et autres privilèges issus de plusieurs siècles de féodalité. Il y eut de nombreux débats pour la constitution des départements. Le 16 février 1790, un décret fixa les contours du nouveau département du Gers. Il comprenait la quasi intégralité des élections d’Armagnac et d’Astarac (à l’exception de ses parties les plus méridionales intégrées aux Hautes-Pyrénées), une partie du Condomois, de la Lomagne et du Comminges (le Savès), et les enclaves de Rivière-Verdun qui étaient comprises dans le périmètre ainsi délimité.

Désormais intégré dans un département au nom d’une simple rivière (le Gers), et divisé en plusieurs cantons, l’Astarac disparut des cartes administratives jusqu’à la fin du XXe siècle.

La renaissance de l’Astarac ?

À la suite de la loi de 1996 sur la coopération intercommunale, les Gersois créèrent la communauté de communes de Cœur d’Astarac en Gascogne en 1999, et la CC Vals et villages en Astarac en 2001. Celle-ci fusionna en 2013 avec la CC des Hautes-Vallées de Gascogne pour former la Communauté de communes Astarac Arros en Gascogne.

La réforme territoriale de 2015 se traduisit par une refonte complète des cantons. Finis les cantons au nom des villes, Mirande, Miélan, Masseube… De nouveaux cantons furent créés, plus grands : Mirande-Astarac, et Astarac-Gimone.

Enfin, on peut citer le projet du Parc Naturel Régional (PNR) d’L’Astarac au Xè siècleAstarac, initié en 2017. Il regroupe les 3 communautés de commune de Cœur d’Astarac en Gascogne, Astarac Arros en Gascogne, et Val de Gers.
On observe toutefois que ces découpages administratifs s’éloignent parfois de manière importante de l’Astarac historique, que ce soit le comté ou l’élection.

Le projet de PNR est une très bonne initiative sur le papier, mais ses contours sont perfectibles. Ses limites à l’est correspondent quasi parfaitement au comté d’Astarac historique. Mais il est assez incompréhensible qu’il se soit étendu si loin au nord-ouest au cœur même du Fézensac historique.

Astarac - Cantons et Communautés de Communes
Astarac – Cantons et Communautés de Communes

 

Pour finir, nous proposons une carte moderne de l’Astarac, basée essentiellement sur des critères historiques.

Emmanuel Pène

écrit en orthographe nouvelle

Références

« L’intendant d’Etigny aux origines du département du Gers », Bulletin de la Société archéologique, historique littéraire & scientifique du Gers, 2e trimestre 1962, pp. 209-215, Maurice Bordes.
La famille d’Astarac et la gestion du territoire comtal entre le début du Xe siècle et le milieu du XVIe siècle, Nicolas Guinaudeau.
Fortifications seigneuriales et résidences aristocratiques gasconnes dans l’ancien comté d’Astarac entre le Xème et le XVIème siècle. Histoire. Université Michel de Montaigne – Bordeaux III, 2012, Nicolas Guinaudeau.
« Les ouvrages de terre fortifiés dans l’ancien comté d’Astarac (Gers) et ses marges entre le Xe et le XVIe siècle.. », Archéologie du Midi médiéval. Tome 25, 2007. pp. 59-72, Nicolas Guinaudeau.
« Entre Astarac et Bigorre, le Pardiac : sur l’éponyme du comté de même nom. », Nouvelle revue d’onomastique, n°49-50, 2008. pp. 115-139, Xavier Ravier.
Nouveau dénombrement du royaume, par généralitez, élections, paroisses et feux, P. Prault (Paris), 1735, Première Partie, pp. 296-299, Claude-Marin Saugrain.
Histoire de la ville d’Auch depuis les romains jusqu’en 1789, L.-A. Brun (Auch), 1851, Tome 2, pp. 375-377, P. Lafforgue.

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Une réflexion sur “Astarac, le pays oublié qui renait de ses cendres

  1. Bonjour,
    N’oublions pas non plus que l’Astarac fut un foyer des idées républicaines sous la seconde République; Mirande se souleva en masse contre le coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte du 2 au 5 décembre 1851; la répression fut féroce et de nombreux militants furent exilés à Cayenne et en Algérie.
    FX Merrien

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