De fortes tensions ont marqué la fin du XVIe siècle, époque des Guerres de Religion. La Bigorre, alors possession du comte de Foix, se retrouve entre le Béarn huguenot et Toulouse la catholique. La reine Jeanne d’Albret fait appel au redoutable comte de Montgomery. Dans ce premier épisode qui couvre la période de 1562 à 1574, Jean-Louis Cabarrou nous présente les violents affrontements qui ont secoué la Bigorre.
Avant les événements, rappelons-nous Montgomery

Né en 1530, fils d »une famille originaire d’Écosse, Gabriel de Lorges, comte de Montgomery, se distingue d’abord par son tournoi contre le roi de France, Henri II, le 30 juin 1552. Il plante malencontreusement sa lance dans l’œil du roi. Celui-ci en mourra. Le jeune comte quittera la France et ne reviendra sur ses terres normandes que bien plus tard. Là, choqué du massacre de Vassy de 1562, où le duc de Guise tue de nombreux protestants, il embrasse la cause huguenote. Il se distinguera dans les Guerres de Religion. La reine de Navarre, Jeanne d’Albret, fait d’ailleurs appel à Montgomery et le nomme lieutenant général de son armée.
Catherine de Médicis, veuve d’Henri II, obtint sa tête le 26 juin 1574.
Les partis huguenot et catholique se radicalisent
Luther a fait des émules en Bigorre dès la première moitié du XVIe siècle, tels le curé de Mauvezin et un moine de Saint Lézer. Ils sont condamnés à la réclusion perpétuelle pour crime d’hérésie. Malgré cela, la religion réformée ne commença à y faire une timide apparition qu’à partir de la deuxième moitié du siècle. Sous l’influence de sa souveraine Marguerite de Navarre.
Toulouse la catholique

En mai 1562, à Toulouse, après une semaine de violence extrême ayant fait de 3 000 à 5 000 morts, les catholiques expulsent les huguenots de la ville…
Toulouse, et donc son Parlement, deviennent le bastion régional d’un catholicisme radical. Les positions royales françaises sont plus nuancées et plus fluctuantes.
Dès le 26 août 1562, ce même Parlement de Toulouse condamne Bernard Castillon, curé d’Asté, accusé d’hérésie, à être brûlé vif devant l’église du village.
En face, à Pau, la reine de Navarre entre dans le même processus de radicalisation de la religion réformée, notamment par les ordonnances de juillet 1566 qui interdisent toute procession et tout prêche aux catholiques.
Appliquées en Béarn, ces interdictions passent mal en Bigorre. Possession du royaume de Navarre mais vassale du royaume de France, elle est à large majorité catholique. En conflit de loyauté, le parti catholique bigourdan se tourne de plus en plus vers le parlement de Toulouse.
Les évènements de 1567 créent de fortes tensions locales

Un moine et un avocat fomentent une sédition en juin 1567 lors de la venue à Tarbes de la reine Jeanne d’Albret pour présider les États de Bigorre. C’est un échec mais cela pose tout de même les bases d’une rébellion future…
Le mois suivant, la reine prend certes un édit garantissant la liberté des deux cultes. Ce qui n’empêche pas le capitaine huguenot Jean Guilhem de Linières de menacer Tarbes dès la fin de l’été et le début de l’automne. Une ambigüité troublante… Le parti catholique n’accorde plus la moindre confiance à la reine Jeanne et se prépare à résister.
En novembre 1567, Jean Guilhem lance un raid vers l’abbaye de l’Escaladieu. Il a l’intention de prendre le contrôle du château de Mauvezin et de s’installer dans ce lieu stratégique. En cette période, le lieutenant du château, désigné parfois à tort comme capitaine, pourrait être Arnaud de Mauléon. Il disposerait d’un nombre extrêmement réduit de gardes pour le seul fonctionnement de l’édifice comme prison.
Le 14 décembre 1567, la troupe catholique des seigneurs de Monsérié, de Tilhouse et d’Ourout capture Jean Guilhem. Elle le conduit à Toulouse où il est exécuté.
Les évènements de 1569 sont la résonance de violences extérieures

La séance extraordinaire des États de Bigorre du 18 septembre 1568 consacre l’escalade dans la sédition à l’égard de la reine Jeanne. Raymond de Cardaillac Sarlabous, envoyé du parlement de Toulouse, demande de désigner deux chefs au service du roi de France et de la foi catholique, pour défendre et gouverner la Bigorre. Quatre compagnies sont ainsi recrutées à cette intention.
En mars 1569, l’armée protestante est défaite à Jarnac. La reine Jeanne se réfugie à La Rochelle.
En avril, une armée catholique aux ordres du baron de Terride traverse le nord de la Bigorre pour attaquer avec succès le Béarn.
Le mois suivant, la reine prend certes un édit garantissant la liberté des deux cultes. Ce qui n’empêche pas le capitaine huguenot Jean Guilhem de Linières de menacer Tarbes dès la fin de l’été et le début de l’automne. Une ambigüité troublante… Le parti catholique n’accorde plus la moindre confiance à la reine Jeanne et se prépare à résister.
La « reconquête » par les Huguenots de Montgomery

Afin de le libérer, le 6 août 1569, une armée huguenote commandée par Montgomery entre en Nébouzan puis en Bigorre, scindée peut-être en deux ou trois colonnes. Elle se dirige vers le Béarn en commençant d’incendier les églises de Capvern et de Mauvezin. Il n’est pas du tout fait mention du château ni de l’abbaye. Arnaud de Mauléon, a priori fidèle à la reine Jeanne de laquelle il tient sa charge, n’a de toute façon aucun moyen de s’opposer à ces déprédations… Les archives de Mauvezin auraient-elles brûlé à cette occasion ? Impossible de le savoir…
Ces colonnes protestantes s’avancent en brûlant toutes les églises et les monastères rencontrés. Elles évitent temporairement Tarbes, mise en état de défense.
Après une victoire totale en Béarn, cette armée remonte vers Tarbes par le nord de la Bigorre au mois de septembre. Montgomery en profite pour brûler les églises de ce secteur et pour installer une garnison à Rabastens. Après la baronnie de Bénac, voilà un deuxième bastion protestant.

Le chevalier de Villembits est le commandant l’armée chargée de défendre la ville de Tarbes. Il comprend que c’est chose impossible. Il ordonne à ses compagnies d’évacuer la ville. La population en fait de même. Et le début septembre, Montgomery entre ainsi dans une ville déserte. Il y bivouaque une semaine avant de la quitter non sans avoir incendié les églises.
« Certaines de ses compagnies auraient peut-être attaqué Bagnères et Lourdes avant de se retrancher à l’Escaladieu. C’est en essayant de les en déloger, mais en vain, que le chevalier de Villembits aurait trouvé la mort. » – Gabriel de Lorges, comte de Montgomery.
Les évènements extrêmement violents de 1570-1574
Montamat, chef de guerre protestant de la reine Jeanne, s’avance à son tour vers Tarbes le 20 janvier 1570, provoquant la fuite de la majorité de la population. Après une nuit de résistance, la cinquantaine de défenseurs s’enfuient. Les huguenots les capturent et pillent la ville une nouvelle fois. Cette même année 1570, des groupes armés protestants s’installent alors à Bordes, Tournay, Ozon…
Blaise de Monluc à la tête des catholiques

Le 16 juillet, c’est l’armée catholique de Monluc qui vient mettre le siège devant Rabastens où Montgomery a mis en place une garnison protestante. La ville est prise le 23 juillet et sa population massacrée. L’escalade va donc continuer…
Les Tarbais font appel au capitaine béarnais Bonasse et à ses 700/800 hommes pour défendre plus efficacement la ville à l’avenir. Ce dernier contrôle Lourdes pour le parti catholique.
Montamat et ses troupes reviennent en avril 1571. Malgré une âpre résistance tarbaise, les assaillants parviennent à entrer dans la ville, bénéficiant d’une trahison. Ils massacrent entre 700 et 2000 personnes…
Les garnisons protestantes évacuent Bordes et Tournay au bout de plusieurs mois. Des troupes catholiques ne tardent pas à les remplacer …
En 1573, les Tarbais évacuent précipitamment leur ville sous la menace de l’approche des troupes protestantes du baron d’Arros qui ne se concrétise pas.

Mais en 1574, le capitaine huguenot Lysier prend à nouveau la ville puis Ibos et enfin Trébons. Toutefois Antoine de Grammont, qui a récemment abjuré le protestantisme, reprend Tarbes en mai 1574, notamment grâce à l’aide de 80 soldats catholiques cantonnés à Bordes et à Tournay. Il n’hésite pas pour autant à passer les protestants au tranchant de l’épée…
Que s’est-il passé au château de Mauvezin pendant ces 7 dernières années dramatiques ? Nous ne savons pas…
Suite des événements dans un prochain article
Il faudra plus de 20 ans pour revenir à la paix. Et cela se fera avec bien des péripéties. Ce sera l’objet d’un prochain article.
Jean-Louis Cabarrou
Bibliographie
Mauvezin, le château et le village, Claude Barlangue et Robert Vié, Escòla Gaston Febus, 2004
Archives historiques de la Gascogne, sommaire description du pais et comté de Bigorre, Gaston Balencié, 1887 – Guillaume MAURAN auteur de cette Sommaire description aurait fait une erreur de date d’après les historiens contemporains. La deuxième attaque de Tarbes par Montamat qu’il situe en avril 1570 aurait plus vraisemblablement eu lieu en avril 1571. Son témoignage apporte une grande quantité d’informations sur cette période. Beaucoup, d’ordre secondaire, sont malheureusement invérifiables. Peut-on douter constamment de sa rigueur qui semble pourtant assez probante ?