Faïences de Gascogne
Ordinairement, on mange dans de la vaisselle d’or ou d’argent, n’est-ce pas ? Pourtant, quand Louis XIV fait fondre sa vaisselle d’argent pour payer les frais de ses guerres, toute la noblesse l’imite. Désormais, il faut une nouvelle vaisselle. C’est l’âge d’or de la faïence.
Qu’est-ce que la faïence ?
La faïence est une poterie de terre cuite à 1 050°C pendant 8 heures, que l’on recouvre ensuite d’un émail blanc ou coloré à base d’étain. On l’appelle faïence stannifère. Il en existe plusieurs sortes selon les techniques utilisées.
Ainsi, elle est de « grand feu » lorsque on appose la couleur sur l’émail blanc après une précuisson. Ce sont des oxydes métalliques : cobalt pour le bleu, manganèse pour le brun-violet, cuivre pour le rouge et le vert, antimoine pour le jaune, fer pour le noir. Après la pose de la couleur, la faïence subit une cuisson définitive.
A contrario, elle est de « petit feu » lorsque la couleur est posée sur l’émail déjà cuit. La gamme de couleur est alors plus délicate. On y trouve du rose, du vert clair ou de l’or. On cuit chaque couleur séparément. Ainsi, certaines faïences très décorées nécessitent jusqu’à 60 cuissons à basse température.
Dans la « faïence fine », on pose le décor sur une pièce précuite et on le recouvre ensuite d’un vernis à base de plomb. Le vernis laisse apparaitre la pâte blanche. Les Faïences Vieillard de Bordeaux utilisent cette technique.
Le décor de la faïence se fait au pinceau ou par impression. On encre le décor sur du papier de soie posé sur la pâte. Lorsqu’elle a bu la couleur, on enlève le papier de soie et on émaille la faïence. Cette technique d’impression favorise leur production industrielle.
La faïence de Bordeaux
En 1714, Jacques Hustin, trésorier de la Marine à Bordeaux, obtient le monopole de la production et de la commercialisation de faïences dans un rayon de 10 Lieues autour de Bordeaux. Ce privilège est reconduit jusqu’en 1762.
La faïence de Bordeaux se caractérise par le décor de la levrette avec des contours et des filets de couleur violette à base de Manganèse. La bordure des assiettes est dite « mouvementée » par opposition aux bordures plates des assiettes.
Puis, à la fin du monopole de Jacques Hustin, huit autres faïenciers s’installent à Bordeaux mais leur qualité est bien moindre. Cependant, une faïencerie ouvre à Auvillar (Tarn et Garonne) qui reprend le décor de levrette déjà très populaire en Gascogne. On reconnait sa production aux douze « loves » sur le bord des assiettes.
Enfin, en 1835, un Anglais, David Johnston, ouvre une faïencerie à Bacalan, au nord de Bordeaux. Elle compte jusqu’à 700 ouvriers. Jules Vieillard lui succède en 1845. Il développe plusieurs décors, dont un d’inspiration orientale dénommé « au chinois » très recherché. Et aussi une gamme d’inspiration régionaliste, en particulier avec les pièces délicates de Marie Gadou. La faïencerie ferme en 1895.
On peut l’admirer au musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux.
La faïence de Samadet
En 1732, l’abbé du Bouzet de Roquépine, baron de Samadet (Landes) obtient l’autorisation d’ouvrir un atelier avec un monopole reconduit jusqu’en 1782. La manufacture est une manufacture royale.
Pour lancer son affaire, il débauche un ouvrier spécialisé de la faïencerie Hustin de Bordeaux. Celui-ci amène son savoir-faire et quelques secrets de fabrication. Peu après, devenu directeur de la faïencerie, il est assassiné en 1758 par ses ouvriers pour des affaires galantes !
Très vite, la faïence de Samadet connait le succès. Aussi, des boutiques ouvrent à Toulouse, Montauban, Bayonne, Auch et Pau. La faïence s’exporte par galupes entières (barques à fond plat) jusqu’au port de Bayonne et vers les Antilles. La faïencerie de Samadet cesse son activité en 1840.
On reconnait la faïence de Samadet par ses décors polychromes qui utilisent le mauve, le bleu, le jaune et le vert. Les motifs floraux (œillets, myosotis) sont les plus fréquents.
Le Musée départemental de la faïence et des arts de la table ouvre à Samadet en 1968. Il devient propriété du département des Landes en 1998. Il présente l’évolution historique de la céramique, les techniques utilisées pour sa fabrication et une collection de 200 pièces issues des fours de Samadet.
La Maison de la céramique expose des créations contemporaines des ateliers qui perpétuent le savoir-faire de la faïencerie de Samadet.
La faïence de Martres-Tolosane
La première faïencerie de Martres est fondée en 1737. Vers 1762, Rémy Leclerc, faïencier de Lunéville (Meurthe et Moselle) s’installe et produit des carreaux décorés au pochoir, surtout destinés à décorer les dessus d’éviers. On les trouve aussi posés au sol, sur des murs ou dans les cuisines. La faïencerie ferme en 1899.
Martres connait un fort développement. De plus, contrairement aux faïenciers de Bordeaux et de Samadet qui produisent pour la noblesse et la bourgeoise, Martres se spécialise dans la production pour clients ruraux.
Des ateliers ouvrent à Martres et dans les communes des alentours : Mauran, Marsoulas, Salies du Salat, Montclar de Comminges, Mancioux, Mane, Alan, Sainte-Croix Volvestre, ….
Martres produit des objets au décor peints à la touche. Les ateliers utilisent beaucoup de rouge de Thiviers (rouge vif) obtenu à partir de pierres silico-ferrugineuses. Les décors sont des fleurs seules ou en bouquet, des oiseaux et des scènes romantiques et bucoliques.
Une dizaine de faïenciers sont connus à Martres mais en 1790, il n’en reste que deux. Aujourd’hui, cinq ateliers perpétuent le savoir-faire de Martres.
Depuis 2001, le Salon des Arts et du Feu a lieu chaque année, à la Toussaint, à Martres-Tolosane. Il réunit une centaine d’exposants et reçoit 12 000 visiteurs. Un véritable succès !
Les autres faïenceries et la production de porcelaine
En plus des centres de production de Bordeaux, d’Auvillar, de Samadet et de Martres-Tolosane, d’autres faïenceries existent.
Même si on est mal très renseignés sur leur production, il existe un atelier à Bayonne en 1778, un autre à Saint-Maurice (Landes) en 1782, un autre à Ligardès (Gers) en 1780. Certains documents citent une faïencerie à Oloron mais on ne sait rien sur elle et sur sa production. Une faïencerie ouvre à Dax de 1820 à 1836.
Ces ateliers sont concurrencés par la fabrication industrielle (Vieillard de Bordeaux) et l’arrivée de la porcelaine anglaise, produite en grande quantité et bon marché.
Pourtant, des ateliers de porcelaine existent en Gascogne à Ciboure, à Dax et à Pontenx. Un gisement de kaolin est découvert à Dax en 1708. En 1771, un autre gisement est découvert à Cibourre mais les essais de fabrication de porcelaine ne sont pas concluants. La fabrique de Pontenx fonctionne sans doute de 1770 à 1790.
La tourmente révolutionnaire emporte beaucoup de fabriques. La concurrence anglaise et la découverte du gisement de kaolin de Saint-Yriex qui permet le développement de la porcelaine de Limoges ont raison des ateliers de faïence et de porcelaine de Gascogne.
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
Wikipédia
Reconnaitre et estimer la faïence de Bordeaux
Musée de la faïence de Samadet