François Mauriac est né le 11 octobre 1885 à Bordeaux. Membre de l’Académie française depuis 1933, prix Nobel de littérature en 1952, il est un écrivain renommé. Quel est vraiment son lien à la Gascogne ?
L’enfance bordelaise de François Mauriac

Son père est négociant et meurt alors que François Mauriac n’a que deux ans. Son enfance se partage entre Bordeaux, Gradignan où sa grand-mère possède une propriété, Verdelais et Saint-Symphorien près de Langon.
L’année de son Baccalauréat, François Mauriac a pour professeur Marcel Drouin, beau-frère d’André Gide, qui lui fait découvrir les grands auteurs : Paul Claudel, Francis Jammes, Charles Baudelaire, André Gide, Maurice Barrès…
François Mauriac étudie la littérature à la faculté de Bordeaux. Il intègre l’École des Chartes en 1907 mais l’abandonne presque aussitôt pour se consacrer à l’écriture. Dès 1909, il publie Les mains jointes, recueil de poèmes.

En juin 1913, François Mauriac épouse Jeanne Lafon avec qui il aura quatre enfants. Durant la première guerre mondiale, il s’engage et sert dans un hôpital à Salonique. Après l’Armistice, il publie son œuvre romanesque composée de plusieurs ouvrages dans lesquels il décrit la vie de la bourgeoisie provinciale : Genitrix en 1923, Le Désert de l’amour en 1925, Thérèse Desqueyroux en 1927, Le Nœud de vipères en 1932, Le Mystère Frontenac en 1933. Ils lui valent d’entrer à l’Académie Française le 1er juin 1933.
Un homme profondément attaché à ses racines

Bien que vivant à Paris, François Mauriac reste profondément attaché à ses racines bordelaises. Ses souvenirs d’enfance imprègnent son œuvre. Cette ville où nous naquîmes, où nous fûmes un enfant, un adolescent, c’est la seule qu’il faudrait nous défendre de juger : elle se confond en nous, elle est nous-mêmes ; nous la portons en nous. L’histoire de Bordeaux est l’histoire de mon corps et de mon âme. (extrait de Bordeaux, une enfance)
Dans ses romans, François Mauriac décrit les maisons de son enfance : celle de sa grand-mère paternelle à Gradignan dans La robe prétexte, celle de son grand-père à Saint-Symphorien dans Genitrix. Il y décrit sa vie familiale en se servant de personnages fictifs. Il précise même : À partir de l’époque où j’ai quitté le Sud-Ouest, les soirs d’été, les nuits d’été n’ont plus existé que dans mon souvenir et dans les poèmes aimés. Toute cette ardeur et toute cette douceur qui en débordaient, je les ressentais dans ma vie la plus quotidienne.

François Mauriac dépeint avec nostalgie les paysages des landes plantées de pins et les vignobles bordelais, leurs couleurs, leurs bruits, leurs odeurs, leurs habitants : Ce que je dois à Bordeaux et à la lande, ce n’est pas l’âme tourmentée de mes personnages, qui est de tous les temps et de tous les pays. Ce que je dois à notre Guyenne, c’est son atmosphère, dont j’ai été pénétré dès l’enfance. Cet éternel orage qui rôde dans mes livres, ces lueurs d’incendie à leur horizon, voilà ce que ma terre m’a donné. Extrait de son discours prononcé à Bordeaux pour ses 80 ans.
Un peintre de la société

François Mauriac peint sans concession la société bourgeoise bordelaise repliée sur elle-même, orgueilleuse de sa richesse et où l’on doit tenir son rang.
Dans Le nœud de vipères, François Mauriac décrit l’amour de l’argent de cette aristocratie « de bouchon ». Son intrigue porte sur un mariage malheureux dans lequel le mari est riche et avare, la femme bigote (elle fait l’aumône à ses pauvres tout en sous payant son personnel de maison) se ligue avec ses enfants contre son mari pour s’assurer une part d’héritage.

Dans Thérèse Desqueyroux, François Mauriac s’inspire d’une affaire criminelle qui a défrayé la chronique bordelaise en 1906. On accuse Henriette-Blanche Canaby d’avoir voulu empoisonner son mari, courtier en vins. Pour sauver les apparences de ce couple de la bourgeoisie bordelaise qui faisait ménage à trois, son mari témoigne en sa faveur.
Son œuvre lui vaudra une profonde inimitié de la bourgeoisie bordelaise. Cependant, Sheila G. Moore, dans sa thèse François Mauriac, critique du milieu bourgeois, va plus loin et écrit : La critique que Mauriac fait de la bourgeoisie s’applique en réalité à toute société et même, dans une certaine mesure, à tout homme. Il importe peu donc que l’ambiance de son œuvre soit bordelaise, bourgeoise et catholique ; il réussit à la rendre universelle.
François Mauriac et le gascon
Dans ses romans, François Mauriac utilise le gascon qu’il met dans la bouche de ses personnages. Pourtant, il ne le comprend pas, comme il le dit lui-même dans Malagar : « les paysans parlaient une langue étrangère que je ne comprenais pas, le patois. »
Dans la bouche de ses personnages, le gascon n’apparait que par bribes, comme dans Un adolescent d’Autrefois : « Un métayer, après avoir sifflé, rejoint Prudent et l’interroge : Passat Palumbes ? Nade ! Nade ! »
François Mauriac utilise seulement des mots ou des expressions courtes : Beleu (bethlèu), A l’oustaou ! (A l’ostau !), As dejunat ?, la pecque (pèga), les vergnes (vèrnhes), coucourège (cocoreja). Ou encore cette chanson enfantine dans son roman Le mystère Frontenac (1933) : sabe, sabe caloumet. Te pourterey un pan naouet. Te pourterey une mitche toute caoute. Sabarin. Sabaro.
Certains, comme Christian Lagarde, voient cette utilisation du patois « tout juste pour sa seule valeur de précision descriptive par rapport au contexte ». D’autres y voient son enracinement. Comme le directeur de recherche du CNRS Philippe Gardy : Délié du romanesque, le patois n’a pas pour fonction première de porter et d’illustrer le récit, en l’enjolivant de notations « réalistes » ou folkloriques. Il permet au contraire de ramener le récit à ses hantises originelles, en faisant communiquer l’univers de la fiction avec ses raisons d’être là, sans relâche.
Le Centre François Mauriac
François Mauriac meurt le 1er septembre 1970 à Paris. En 1985, ses enfants donnent le domaine de Malagar (Malagarre en gascon : mauvaise garenne) au Conseil régional d’Aquitaine. La collectivité a la charge d’entretenir la propriété, de conserver les collections qui y sont déposées. Elle doit promouvoir l’image de François Mauriac.
Une association de type Loi de 1901 gère le centre François Mauriac. Il est situé à Saint-Maixant au sud de Bordeaux. Il est ouvert à la visite et propose un centre de ressources documentaire et un programme varié d’activités culturelles.

Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
François Mauriac, Académie française
Bordeaux une enfance, François Mauriac, 2019
François Mauriac, critique du milieu bourgeois, Sheila G. Moore, University of British Columbia, 1965
De l’influence de la langue gasconne dans les écrits de François Mauriac, Jean Bonnemason, 2006
François Mauriac et les charmes du patois, Philippe Gardy
Je n’ai pas de citation sous la main, mais Mauriac devait, comme la bourgeoisie bordelaise, mépriser le « patois », parlé par le vulgaire.
Quant à l’accent gascon, c’est clair, il l’avait en horreur, en tout cas celui de Bernard Desqueyroux, le mari de Thérèse (« accent ignoble »).
https://www.gasconha.com/spip.php?article1060