Le canal de Garonne
Le canal du Midi, de Toulouse à Sète, construit par Pierre-Paul Riquet est un ouvrage remarquable inscrit au patrimoine mondial de l’humanité. Mais on connait mal le canal de Garonne qui relie Bordeaux à Toulouse et, ainsi, à la Méditerranée.
La genèse du projet du canal de Garonne
Relier l’Atlantique (mar grana en gascon) à la Méditerranée nécessite un long détour par le détroit de Gibraltar. L’idée d’une liaison directe par un canal est ancienne. D’ailleurs, l’empereur Auguste, Charlemagne, Charles IX ou Henri IV ont commandé des études. Toutefois, aucune n’a résolu le problème de son approvisionnement en eau. En effet, comment alimenter avec un débit suffisant un canal dont les eaux vont irrémédiablement s’écouler vers les deux mers ? Le Languedocien Pierre-Paul Riquet (1609?-1680) le résout.
Le seuil de Naurouze
On connait les lieux de partage des eaux entre celles qui s’écoulent vers l’Atlantique et celles qui vont vers la Méditerranée depuis l’Antiquité. D’ailleurs le géographe grec Strabon (1er siècle av. J.-C.) l’appelait l’isthme gaulois.
Avec l’aide du fontainier de Revel, Pierre Campmas, Riquet positionne le point de partage des eaux juste au-dessous des pierres de Naurouze et dérive l’eau de la Montagne noire jusqu’à un très grand lac artificiel qu’il fait creuser, le lac de Saint-Ferréol. De là, l’eau rejoint Naurouze (34 km) par un canal nommé rigole de la plaine.
Comme il croit à son projet, c’est Riquet lui-même qui apporte les premiers financements.
12 000 personnes vont creuser à la pelle et à la pioche le canal royal du Languedoc qui relie Toulouse à Sète. Les travaux s’achèvent en 1681, après la mort de Riquet. Pourtant, entre temps, il a l’idée d’un autre canal entre Bordeaux et Toulouse car les bateaux mettent 5 jours pour aller de Toulouse à Bordeaux par la Garonne et 15 jours dans l’autre sens. Une idée qui restera en sommeil pendant deux siècles.
Pour en savoir plus sur le canal du midi, vous pouvez regarder L’incroyable histoire du Canal du midi : Le projet de Louis XIV – Documentaire complet.
Toulouse-Bordeaux
Au XIXe siècle, la France s’industrialise. Elle a besoin de moyens de communication rapides. Aussi, en 1828, on lance des études pour la réalisation d’un canal entre Bordeaux et Toulouse. La concession est attribuée en 1832 mais l’entrepreneur ne tient pas ses engagements et l’Etat reprend la concession. Les travaux débutent en 1838. Le tronçon de Toulouse à Montech ouvre en 1844, celui entre Montech et Buzet ouvre en 1853 et le canal de Garonne est achevé en 1856.
C’est un véritable succès, les marchandises affluent sur le canal de Garonne. Mais, en 1858, l’Etat confie la gestion du canal de Garonne à la Compagnie des Chemins de Fer du Midi, créée par les Bordelais Emile et Isaac Pereire. Or ceux-ci viennent d’ouvrir la ligne de chemin de fer de Bordeaux à Sète. Le canal est donc un concurrent sérieux. Alors, la Compagnie augmente les tarifs du transport fluvial. Et le trafic est divisé par trois. L’Etat finit par racheter la concession en 1896.
La modernisation du canal de Garonne
Le canal de Garonne est long de 193 km. Depuis Toulouse, il longe la rive droite de la Garonne, passe par-dessus la Garonne à Agen dans un pont appelé pont canal et poursuit sur la rive gauche jusqu’à Castets en Dorthe situé à 54 km de Bordeaux pour rejoindre plus loin la Garonne navigable.
Sur son parcours, il compte 53 écluses, 7 ponts canaux (qui permettent de franchir la Garonne ou ses affluents). Celui d’Agen est le plus grand avec 500 mètres de long.
Entre 1969 et 1973, le canal de Garonne est modernisé pour permettre le passage de bateaux capables de transporter 350 tonnes de marchandises. Les écluses sont allongées et la pente d’eau de Montech (Tarn et Garonne) est construite pour doubler 5 écluses. Mise en service en 1974, elle permet le passage d’un bateau en 10 minutes, au lieu de 70 minutes par les 5 écluses. C’est un gain de temps considérable.
À partir de 1990, on ne réalisera plus de travaux sur le canal de Garonne. Babette, la dernière péniche de marchandises arrête de circuler en 2000. C’est désormais le tourisme fluvial qui anime le canal de Garonne.
Le pont canal d’Agen
Le pont canal d’Agen est le deuxième en France par sa longueur. Ses dimensions sont impressionnantes : 539 mètres de long reposant sur 22 piles, 12,48 mètres de large, une voie d’eau large de 8,82 mètres et profonde de 2,70 mètres.
La navigation se fait à sens unique. Un plan d’eau situé à chaque extrémité sert de zone d’attente pour les bateaux.
Le duc d’Orléans (fils ainé de Louis-Philippe 1er) inaugure les travaux de construction du pont canal d’Agen en grande pompe le 25 aout 1839. Mais la ligne de chemin de fer ouverte en 1841 entre Bordeaux et Toulouse interrompt les travaux. En effet, le canal de Garonne a un sérieux concurrent.
Pour ne pas laisser cet ouvrage sans utilité, on décide de le louer aux paysans qui l’empruntent pour éviter de faire le détour par le pont de pierre d’Agen. Mais le péage est trop cher et c’est un demi échec. Les travaux reprennent en 1846 et on met en service le pont canal en 1849.
On doit sa construction à Jean-Baptiste de Baudre (1773-1850) et à Jean-Gratien de Job (1802-1875), deux ingénieurs des Ponts et chaussées. Ces deux ingénieurs ne sont pas inconnus en Gascogne. Jean-Baptiste de Baudre dirige le chantier de correction de l’embouchure de l’Adour à Bayonne, les travaux du port de Bordeaux, les travaux de rectification du cours de la Garonne à Agen, les études du pont canal d’Agen. Jean-Gratien de Job dirige la construction du pont canal d’Agen, du pont canal sur la Baïse, la construction du chemin de fer de Bordeaux à Sète.
Le pont canal d’Agen et les deux bassins d’attente sont inscrits à l’Inventaire des Monuments historiques depuis 2003 et 2012.
La pente d’eau de Montech
À Montech (Tarn et Garonne), il faut franchir 5 écluses successives du canal de Garonne. Cela demande plus d’1 heure pour franchir une pente d’eau de 13 mètres.
Le plan de modernisation du canal de Garonne permet de rallonger de 10 mètres les écluses pour accueillir des bateaux transportant 250 Tonnes de marchandises. À Montech, on décide de contourner le problème en créant une pente d’eau.
Jean Aubert (1894-1984), ingénieur spécialisé dans les travaux hydrauliques, à l’idée de déplacer un bateau sur une pente inclinée en poussant, grâce à deux motrices sur rail, un triangle d’eau sur lequel flotte le bateau. L’idée est révolutionnaire.
La pente d’eau est construite à Montech et mise en service en 1974. Deux motrices transportent le bateau le long d’une rigole en béton de 443 mètres de long et 6m de large. Il franchit la pente de 3% en seulement 10 minutes, économisant 45minutes sur le trajet.
La pente d’eau de Montech est un système unique au monde. Le succès est immédiat. On vient du monde entier pour admirer cet exploit technique.
Mais la pente d’eau coute cher en entretien. Le trafic fluvial de marchandises diminue et la pente d‘eau est mise hors service en 2009. Elle devient un site touristique d’importance : promenade le long du canal de Garonne, visite de la pente d’eau, visite de la péniche musée, visite d’une ancienne papeterie.
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
Pierre-Paul Riquet
L’officiel du canal du midi
Canal du Midi
Canal de la Garonne, l’autre canal
Pente d’eau de Montech
L’incroyable histoire du Canal du Midi