Les commissions syndicales ont été créés par la Loi du 5 avril 1884 pour permettre la gestion des biens indivis des communes, alors qu’elles les gèrent en commun depuis le Moyen Âge. Étonnant, non ?
Vous avez dit commission syndicale ?

Les commissions syndicales sont des collectivités territoriales gérant un territoire qui est la propriété indivise de plusieurs communes. Elles peuvent regrouper quelques communes ou concerner toute une vallée.
Les décisions sont prises par une assemblée composée de délégués de chaque commune. La règle de l’unanimité prévaut dans les décisions concernant la propriété commune (achats, ventes, etc.). Le retrait d’une commune nécessite l’accord unanime des autres. Depuis la « Loi Montagne » de 1985, une commune peut désormais s’en retirer librement.
Le rôle de la commission syndicale est de règlementer l’usage des pacages et des estives, de construire des équipements pastoraux. Elle réalise des coupes de bois, et crée des pistes forestières.
La commission syndicale autorise l’utilisation de la propriété indivise par des exploitants privés ou publics. Elle permet la construction d’équipements touristiques (domaines skiables, par exemple).
Le refuge du Marcadau à Cauterets
Les plus grandes commissions syndicales possèdent des thermes, des casinos, des refuges, des zones industrielles. Elles ont des domaines skiables qu’elles afferment. Ainsi, elles se procurent des revenus confortables. Si la montagne pyrénéenne a été épargnée par le bétonnage touristique que l’on voit dans d’autres massifs, c’est grâce à la propriété collective et à la gestion des commissions syndicales.

Les commissions syndicales, une spécificité pyrénéenne
La gestion collective des pâturages n’est pas propre aux Pyrénées. Elle existe aussi dans le Massif-Central, les Alpes, les Vosges et la Corse et prend des formes variées. Les commissions syndicales sont plus spécifiques aux Pyrénées et sont majoritairement réparties en Gascogne.

Elles regroupent deux communes pour les plus petites, jusqu’à 43 communes pour la plus grande (commission syndicale de la Soule). La plupart gèrent un vaste domaine comprenant des pacages et des forêts, d’autres quelques hectares de forêt seulement. La commission syndicale des communes de Cuqueron et de Parbayse en Béarn ne gère que l’entretien des églises et de cimetières des deux communes.
Les commissions syndicales les plus grandes sont celles de la Vallée de Barèges (40 000 ha), de la Vallée de Saint-Savin (15 000 ha), de la Soule (14 000 ha) et de la Vallée de Baïgorry (8 500 ha).
La commission syndicale du Haut-Ossau en Béarn possède 2 573 ha de pacages. Elle possède aussi des terrains au Pont-Long (au nord de Pau) et la moitié de la place de Verdun à Pau.
Un cadre légal pour une gestion commune
La nécessité de préserver la ressource pastorale dans les montagnes conduit à une gestion commune des pacages et des points d’eau, dès le haut Moyen Âge. L’élevage est la seule ressource et moyen de subsistance des populations.
Cette gestion commune se heurte à la puissance des comtes et des seigneurs. Lorsque le comte de Bigorre entre dans la vallée de Barèges, celle-ci doit fournir des otages pour sa sécurité. Les Fors de Bigorre prévoient un serment séparé au nouveau comte (nobles et autres séparément) sauf pour la vallée de Barèges qui jure en un seul corps. C’est aussi le cas en Béarn lors de l’avènement de chaque nouveau vicomte.
La nécessité de régler les inévitables conflits pour l’usage des estives et des forêts indivises se traduit par des accords de compascuité entre vallées voisines, appelés ligas e patzerias (venant de alliance –liga– et paix –patz– selon l’historien Patrice Poujade). Ces lies et passeries définissent les règles d’utilisation des pacages et des points d’eau et la manière de régler les éventuels conflits en instituant, notamment le droit de pignore. Cela n’évitera pas les conflits violents, parfois armés, entre vallées voisines, mais on sait comment les régler !
Les rois des deux pays ne cessent de lutter contre les lies et passeries mais sont obligés de les respecter. La Révolution française abolit les droits seigneuriaux et favorise la distribution des communaux. Les vallées résistent et des commissions syndicales sont reconnues par des ordonnances de Louis-Philippe (Haut-Ossau en 1836, Vallée de Barèges en 1839, Vallée de Saint-Savin en 1841, etc.). La loi du 5 avril 1884 leur donne un nouveau cadre légal.

Les relations transfrontalières
Les lies et passeries existent aussi entre vallées des deux versants des Pyrénées. Ils prévoient même qu’en cas de guerre entre la France et l’Espagne, les bergers se préviennent de l’arrivée des troupes.

Pendant les guerres entre la France et l’Espagne au XVIe siècle, et pour contrer les empiètements des fonctionnaires français sur les droits locaux, le traité du Plan d’Arrem est signé, près de la source de la Garonne, le 22 avril 1513. Rédigé en gascon, il réunit 13 vallées gasconnes et 12 vallées espagnoles pour rétablir la paix et les échanges économiques entre les vallées.
Les rapports entre vallées des deux versants existent toujours. Le Marcadau, au-dessus de Cauterets, comprend un territoire de 1 260 ha indivis entre la France et l’Espagne. Chaque année, les troupeaux espagnols du Val de Broto passent le col de la Bernatoire pour venir les faire pacager au Marcadau. Tous les quatre ans, a lieu l’adjudication des pacages. La commission syndicale de la Vallée de Saint-Savin et le Quiñon de Panticosa se partagent le produit en parts égales.
Chaque 13 juillet, les habitants de la Vallée de Barétous donnent trois génisses à ceux du Val de Roncal. La cérémonie se passe au col de la Pierre Saint-Martin et prend son origine dans un conflit opposant les deux vallées en 1373. Le pays Quint appartient à l’Espagne mais c’est la commission syndicale de la vallée de Baïgorry qui les gère.

La gestion des estives par les commissions syndicales
Si les amateurs de montagne peuvent randonner dans des paysages entretenus, sur des chemins balisés, rencontrer des troupeaux et faire halte dans un refuge, c’est grâce à la gestion des commissions syndicales.
Leur vocation principale est la gestion des ressources forestières (coupes de bois de chauffage ou de bois d’œuvre, création de pistes forestières, etc.) et des estives. Elles y reçoivent les troupeaux de plusieurs milliers d’exploitants agricoles qui payent une vacada par tête ou groupe de bêtes qui transhument.

Cela nécessite des aménagements particuliers. Les commissions syndicales restaurent les cabanes et abris de bergers. Elles installent des équipements de traite et des fromageries. De même, elles créent des parcs pour contenir les animaux, installent des abreuvoirs et des baignoires à moutons. Elles équipent les bâtiments d’installations photométriques et de liaisons téléphoniques par radio, entretiennent les pistes, réalisent des adductions d’eau, etc.
Le rôle des commissions syndicales est essentiel pour préserver la montagne. Elles permettent de conserver une activité économique autour de l’élevage, d’entretenir les espaces et de permettre aux promeneurs de la découvrir.
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
La loi municipale du 5 avril 1884 : texte complet… annoté, commenté et expliqué par les circulaires et documents officiels,… (7e édition) / par Albert Faivre,… ; précédée d’une préface par Charles Floquet,…
Fédération des Commissions syndicales du Massif pyrénéen
Le voisin et le migrant, hommes et circulations dans les Pyrénées modernes (XVI°-XIX° siècle) de Patrice Poujade, OpenEdition Books 2019.
merci pour votre texte
le pays de cize géré par la comission syndicale de C ize a une superficie de 17 000 ha donc plus grande que celle de la SOULE