La République a choisi dès le XIXe siècle l’unification de l’enseignement sur tous les territoires français. Les programmes sont définis et certains manuels deviennent de vrais best-sellers. L’Escòla Gaston Febus évoque les plus connus et ceux qui soutenaient l’apprentissage du gascon. Puis, elle vous propose quelques outils récents pour une rentrée scolaire gasconne.
La rentrée d’autrefois, quels manuels ?
Certains manuels scolaires vont avoir un grand succès. La méthode Boscher ou la journée des touts petits, créée par Mathurin Boscher (1875-1915) en 1906 est toujours vendue de nos jours.
Sous la Troisième République, les manuels scolaires se voudront patriotes, rassembleurs. Ce sera le cas du livre de lecture d’Augustine Fouillée.
Le tour de France par deux enfants

Avec Le tour de France par deux enfants, Augustine Fouillée (1833-1933), dite G. Bruno, aide au renforcement de la lecture des élèves des cours moyens. Elle leur fait découvrir un peu de géographie, quelques activités économiques, des événements historiques, un peu de science. Chacun des 121 chapitres commence par une maxime de morale.
Ce manuel a un succès immense et il sera vendu à plus de 8 millions d’exemplaires. Il sera utilisé jusque dans les années 1950.
Il s’agit d’un récit de voyage où André 14 ans et Julien 7 ans se déplacent surtout par fleuve et par mer. Quand ils traversent notre région, les enfants iront de Toulouse à Bordeaux. Le mot Gascogne est cité une fois. Lors de l’emprisonnement à Bordeaux de Duguesclin (1320-1380) par le Prince noir (1330-1376), le chevalier fut autorisé à aller chercher lui même le montant de sa rançon : « Duguesclin quitta Bordeaux monté sur un roussin de Gascogne, et il recueillit déjà, chemin faisant, une partie de la somme. »
Il faut dire que les deux enfants ne verront pas vraiment la Gascogne puisqu’ils prennent le « Canal du Midi », en fait le Canal Latéral à la Garonne. Et le texte, en une petite page, citera uniquement la chaîne des Pyrénées, l’Ariège, les Hautes Pyrénées, « le cirque de Gavarnie avec sa magnifique cascade et son pont de neige qui ne fond jamais ». Le manuel sera plus généreux avec Bordeaux (cité 16 fois) où les enfants font halte afin de voir leur oncle. « On apercevait en effet Bordeaux avec ses belles maisons et son magnifique pont de 487 mètres jeté sur le fleuve ». On y cite aussi Montesquieu.
Petite histoire de la civilisation française

Pour les plus grands, Alfred Rambaud (1842-1905) publie en 1890, La Petite histoire de la civilisation française. Un manuel largement illustré, réédité plus de 20 fois et utilisé pendant plusieurs décennies. Il donne les éléments essentiels à retenir en primaire.
Par exemple, il écrit qu’à l’époque de Jules César « on appelait Gaule la région comprise entre l’Océan, le Rhin, les Alpes, la Méditerranée et les Pyrénées. On donnait à tous ses habitants le nom commun de Gaulois. » Et de préciser que la Gaule indépendante (donc hors province romaine) se divise en « trois grandes régions : l’Aquitaine, la Celtique, la Belgique. L’Aquitaine était peuplée par les Ibères, qui habitaient aussi la presque totalité de l’Espagne. Leur langue a donné naissance à la langue basque, que l’on parle encore aujourd’hui au midi de l’Adour. Elle ne se rattache à aucune langue connue. Dans la Celtique, habitaient les Celtes. Ils parlaient des langues dont on peut se faire une idée par celles qu’on parle aujourd’hui en Bretagne. »
Rambaud note aussi : « Dès l’an 125 avant J.-C., les Romains avaient pénétré dans la Gaule méridionale. Ils y avaient remporté des victoires, et, avec les pays conquis, ils avaient formé la Province romaine. C’est le mot dont nous avons fait Provence.«
Rambaud présente les langues
Dans son premier chapitre sur le Moyen-Âge, l’auteur écrit. « Chaque province avait son parler. Il y eut autant de dialectes français qu’il y avait de nations en France, et pour ainsi dire de Frances différentes. Tous ces dialectes se rattachaient à deux langues principales : la langue d’oïl, dans laquelle le mot oui se prononçait oïl, et la langue d’oc, dans laquelle il se disait oc. »
Et il ajoute « Quelques-uns des dialectes de la langue d’oc comme le languedocien et le provençal sont encore des langues littéraires tandis que les dialectes de la langue d’oïl ne sont plus aujourd’hui que des patois ».
Noste Enric aura droit à un chapitre complet, Le règne d’Henri IV. Dans celui sur le XVIe siècle, on lira que L’infanterie légère se recrutait principalement d’aventuriers gascons, les meilleurs marcheurs de l’Europe.
Les manuels pro-gascons
Sylvain Lacoste
Même si de nombreux instituteurs ont plaidé pour l’utilisation des langues régionales à l’école, il y eut peu de manuels pour aider les instituteurs. Il faut dire que ceux-ci avaient obligation de n’utiliser que le français. Sylvain Lacoste (1862-1930) publiera toutefois à l’intention du primaire, en 1902, le Recueil de versions gasconnes. Le grand linguiste Édouard Bourciez (1864-1946) lui-même le préfacera et souhaitera qu’il devienne obligatoire.
Lacoste défend sa position dans un chapitre Le patois à l’école primaire qu’il publiera aussi dans Reclams en mars 1900, p. 33-41. « Il n’est pas plus sensé, en effet, d’affirmer que le patois nuit à l’enseignement du français qu’il n’est logique de soutenir que le français nuit à l’enseignement d’une autre langue quelconque vivante ou morte » écrit notre instituteur.
Fernand Sarran
L’abbé Fernand Sarran (1872-1928) professeur et directeur d’école privée à Auch, publiera en 1910, une Petite grammaire gasconne. Il l’utilisera pour ses cours. Et elle est toujours d’actualité !
René Escoula

La Société bigourdane d’entraide pédagogique édite en 1941 Nousto lengo mayrano, un petit livre de René Escoula, sost-capdau de l’Escole Gastou Fébus, sur le dialecte bigourdan, les principaux auteurs de la Bigorre et quelques morceaux choisis. L’auteur conclue la préface ainsi. En terre d’Oc, l’usage acquis de la langue nationale doit s’ajouter à celui de la langue « mayrane ». Un Bigourdan est bilingue de naissance. S’il lui plait de s’exprimer en dialecte de chez lui, nul n’a le droit de le railler ou de le taxer d’ignorance, car il peut répliquer : « Pardon, je parle aussi le français ; j’ai deux langues, moi ! »
L’Escòla Gaston Febus

L’Escòla édite elle-aussi une collection appelée Petit libiè d’Enseignance populari, adoubat per Miquèu de Camelat. Dont Tros causits de pouesie e de prose à l’usance de las Escoles primàris, 1946. On y présente 17 textes béarnais et 12 d’autres dialectes afin de montrer quelques parlers gascons. Lavedan, vallée d’Aussau, Haute-Bigorre, Landes, Bayonne, Tursan, Chalosse-Marensin, Labrit, Couserans, Lectoure, Comminges… Le livre se termine par un lexique.
Les manuels aujourd’hui
Aujourd’hui, plusieurs manuels existent comme ceux édités par le réseau de création et d’accompagnement pédagogiques CANOPÉ, réseau sous la tutelle de l’Éducation Nationale. Ils couvrent généralement plusieurs dialectes.
La rentrée 2019 par l’Escòla Gaston Febus
L’Escòla reste fidèle à sa mission séculaire de promotion de la langue et propose des outils numériques pour apprendre et utiliser le gascon.
Pour les enfants du primaire, c’est le site de l’Arraton deu Castèth qui porte les publications. Des textes courts avec lexique, des illustrations, et des enregistrements audio pour les plus jeunes. Les articles peuvent être directement utilisés par les enfants (les chansons et les jeux semblent avoir leur préférence) ou par les parents, grands-parents, regents… Le site s’enrichit de nouveaux articles au moins une fois par semaine.
Pour la rentrée Matilda Susbielles propose aux 8-9 ans un memory pour retrouver lo materiau de l’escolièr, Sèrgi Clò-Versalhes propose aux 10-11 ans de découvrir l’istòria de la Gasconha du paléolithique jusqu’à nos jours en 50 épisodes (15 déjà publiés), Marcel Amont propose à tous de chanter avec lui La calandreta et Elie Bonneau conseille une taula de multiplicacion bien spéciale !
Références
La méthode Boscher ou la journée des touts petits, 1906
Le tour de France par deux enfants, Augustine Fouillée, 1877
Canal de Garonne, Garonne et estuaire de la Gironde 2019, guide canalfriends, 2019
Petite histoire de la civilisation française, Alfred Rambaud, 1890
Recueil de versions gasconnes, Sylvain Lacoste, 1902
Petite grammaire gasconne, Fernand Sarran, 1910
Nousto lengo mayrano, René Escoula, 1942
Tros causits de pouesie e de prose à l’usance de las Escoles primàris, Miquèu de Camelat, 1946