La Révolution prône l’égalité. Est-ce que cela concerne les femmes ? Holà !! Pas question d’admettre les femmes au droit de cité. Pourtant des femmes s’organisent. Jean-Baptiste Laborde rapporte l’exemple de Pau et de sa leader, Pauline Siro.
Des femmes demandent l’égalité des droits

Mirabeau, grande figure de la Révolution, propose d’interdire aux femmes l’entrée des assemblées publiques ; il explique : la constitution délicate des femmes […] les borne aux timides travaux du ménage.
Mais des femmes revendiquent et demandent l’abolition des privilèges du sexe masculin : Vous avez brisé le sceptre du despotisme, vous avez prononcé ce bel axiome digne d’être inscrit sur tous les fronts, & dans tous les cœurs : les François sont un peuple libre… & tous les jours vous souffrez encore que treize millions d’esclaves portent honteusement les fers de treize millions de despotes ! Vous avez décerné la juste égalité des droits,… & vous en privez injustement la plus douce & la plus intéressante moitié d’ente vous ! (Requête des Dames à l’Assemblée législative, 1791)

Tout est dit. À Paris, les femmes vont par centaines à la Constitution et autres assemblées politiques, elles sont surnommées les Tricoteuses. L’historien Hippolyte Taine précise que Robespierre parle devant deux cents hommes à peine et sept à huit cents femmes.
Quelques femmes très actives se font remarquer : Olympe de Gouges, femme de lettres originaire de Montauban, pionnière du féminisme (elle sera guillotinée en 1793), la Liégeoise Théroigne de Méricourt, l’Ariégeoise Claire Lacombe.
Un féministe à Pau
L’exemple de Paris ouvre des portes et on compte 150 localités avec des sociétés populaires. En province ces clubs féminins sont plus rares. On notera toutefois les Amies de l’Humanité à Bordeaux et les Amies de la Constitution à Pau.
Dans la ville béarnaise, ce sont les Bénédictins de Saint Maur qui dirigent le collège de Pau. Ils prêtent serment à la Constitution et sont actifs en faveur de la Révolution. En particulier Augustin Sordes, professeur de logique, va jouer un grand rôle. Il est convaincu que les femmes doivent trouver une meilleure place. Il leur donne des cours sur la liberté, le civisme, l’égalité.
Pauline Siro, lingère, habite dans une impasse aujourd’hui disparue avec l’ouverture de la rue Latapie et nommée avec humour le petit Versailles (l’impasse était considérée comme un repère de truands). Elle entend le vicaire et devient la porte-parole du féminisme local. Elle convainc des femmes pauvres et mal-traitées par des discours pratiques sur la cherté du pain, sur leur rôle au service des hommes… et aussi des bourgeoises qui lisent Rousseau ou qui voient là une revanche face à des aristocrates trop hautaines.
Le début houleux des Amies de la Constitution
Les premières années 1789 et 1790, le club est discret. Le 15 juillet 1791, les Amies de la Constitution se réunissent et enregistrent leur délibération. La présidente fait un beau et long discours : L’on compteroit en France autant d’héroïnes que de héros, si nos institutions ne nous condamnoient à nous renfermer dans notre domestique. […] Je me trouve élevée à la hauteur de la révolution, et toute éprise de ma nouvelle existence, je sens qu’il faut se perdre plutôt que de retomber dans l’esclavage. […] Nos ennemis les plus dangereux sont de sots préjugés qui enchaînent les esprits faibles.

Lors de cette assemblée, les femmes demandent à avoir une fête civique (31 juillet) pour les citoyennes de la ville de Pau. C’est mettre sur la place publique les femmes comme actrices de la Révolution ! Présentant leur requête au corps municipal, celui-ci, à l’exception de deux membres Messieurs Lassus et Labat, trouve la formulation trop irrespectueuse ! Pire, le discours de Pauline Siro leur parait dangereux et il fait saisir les exemplaires à l’imprimerie Vignancour. Sordes, soupçonné d’être le vrai rédacteur du discours, est dénoncé à ses supérieurs.
Pendant ce temps, le premier maire de Pau, Jean-Louis de Navailles, baron d’Angaïs, promet à la présidente d’accéder à sa demande si celle-ci présente une nouvelle demande moins insolente. Si la première demande était une simple exposition de leurs droits, la deuxième est clairement moqueuse. Elle est refusée. Alors, le Club des Citoyens, puissante organisation, soutient ces dames. La date de la fête est passée, mais leur organisation est reconnue et a enfin une existence légale.
La fête des femmes le 7 août 1791 à Pau
Les femmes lanceront leur fête le 7 août, en ayant informé la municipalité mais sans leur accord. Pauline Siro qui a mené le combat, démissionne la veille de son poste afin de ne pas jouer les victorieuses et laisse la place à Madame Larrieu.
Persuadés qu’il y aurait des troubles, la municipalité prévoit une action des forces de l’ordre. Contre leur attente, la journée se passe bien. La garde nationale participe à la fête. 400 citoyennes encadrent des jeunes filles puis suivent les Amies de la Constitution.
Augustin Sordes livre alors un beau discours, dont voici des extraits :
Citoyennes,
Vous offrez ici un spectacle aussi magnifique qu’attendrissant. […]
Souvenez-vous que votre empire est fondé sur les loix même de la nature, puisqu’il est de tous les temps. Hercule fut contraint de filer près d’Omphale, et le fort Samson est bien moins fort que Dalila.
Quel malheureux siècle que celui où les femmes perdirent leur ascendant ; et où leurs jugemens ne seroient rien pour les hommes ! ce seroit le dernier degré de la dépravation.
Et de rappeler le rôle des femmes dans les révolutions, en particulier à Rome.
Mais aujourd’hui l’opinion dirigée par les femmes va désigner le centre, où tous les rayons doivent aboutir. Elle flétrira les détracteurs de nos loix qui pleurent encor les ridicules hochets de leur orgueil, et préparera une nouvelle génération dont les enfans suçant avec le lait l’amour de la constitution nouvelle, ne pourront vivre que dans l’élément du grand intérêt public.

Dissolution du club des femmes de Pau
Le corps municipal ne s’en tient pas là. Il fait appel à Paris pour juger de l’impertinence des Amies de la Constitution. Encore quelques pamphlets échangés. Et les citoyennes écrivent aussi à Paris pour dénoncer la mairie. Le Courrier des quatre-vingt-trois départements publie tous les démêlés dans la capitale. Localement, on distribue dans les rues et les salons un texte d’un auteur inconnu . Il salit Pauline Siro et Auguste Sordes. L’opinion devient défavorable aux Amies de la Constitution. La Municipalité les combat et la société disparaît.

Le 18 novembre 1793, Chaumette, le procureur de la commune de Paris, renchérit : il faut conspuer la femme sans vergogne qui endosse la tunique virile et fait le dégoûtant échange des charmes que lui donne la nature contre une pique et un bonnet rouge.
De leur côté, les Palois montrent une certaine modération voire tiédeur face aux événements, ce ne sont pas des révolutionnaires acharnés. Malgré les défenses et les menaces, la population ne se détache ni de la religion ni des fêtes religieuses, les patriotes ne sont pas très assidus aux séances publiques. Ainsi les femmes qui revendiquent sont souvent des femmes de basse condition, peu éduquées et tapageuses. La population les perçoit comme des exaltées. La poussée féministe paloise dure peu.
Pauline Siro restera au service de ses convictions révolutionnaires, et organisera une équipe de femmes qui travaillera au secours des blessés.

Si seulement 32 rues sur 882 portent un nom de femme à Pau, la ville a toutefois offert à la première féministe béarnaise la rue Pauline Siro.
Anne-Pierre Darrées
Références
La société des Amies de la Constitution de Pau, Jean-Baptiste Laborde, 1911
Œuvres oratoires de Mirabeau, 1780, p.489
Requête des dames, à l’Assemblée Nationale, Les Archives de la Révolution française, 1791
La servitude des femmes, Marthe Bigot, 1921
Pauline Siro, blanchisseuse : Les aventures d’une Paloise sous la Révolution, Alain Munoz, 1986
Bonjour,
C’est, de tout temps, l’esprit de la femme qui a guidé le monde. Quand la femme pense et agit, le monde marche ; quand elle tombe dans l’apathie intellectuelle, quand elle se laisse réduire en esclavage et abdique son pouvoir, le monde tombe dans l’obscurité.
Tous les grands mouvements de l’esprit sont dus à l’initiative féminine. La femme donne l’impulsion, l’homme la suit.
Le grand mouvement philosophique qui au XVIIIème siècle a remis tous les problèmes de la Nature en discussion a été, tout entier, fait par des femmes.
La marquise de Lambert, Mme de Tencin, Mme Geoffrin, inspirent Fontenelle et son école. La marquise du Deffand, la baronne de Staal, surtout la marquise du Châtelet, influencent l’esprit de Voltaire. Mlle de Lespinasse fait d’Alembert. Mme d’Épinay, la comtesse d’Houdetot font Rousseau. Mme d’Épinay, cette petite femme que Voltaire appelait « un aigle dans une cage de gaze », fait aussi Grimm.
C’est ce grand réveil de la pensée féminine, se dégageant subitement des entraves du Christianisme, qui prépare la Révolution. Mais cette première révolte de l’esprit de la femme en face des erreurs du vieux monde n’est pas bien comprise par l’homme, elle est défigurée, mal interprétée, mal rendue, elle est traduite en idées masculines.
La femme esclave demandait son affranchissement : l’homme traduit ce cri de révolte par la demande des droits de l’homme. La femme veut l’affranchissement des entraves mises à la liberté des fonctions de son sexe : l’homme traduit cette aspiration par un nouveau déchaînement dans ses vices à lui et ne continue pas moins à opprimer la femme dans sa sexualité ; ce déchaînement de l’homme amène même une recrudescence de jalousie sexuelle.
Tout ce que la femme demande pour elle, l’homme, dans la traduction qu’il fait des idées de la femme, le demande pour lui.
C’est ainsi que la Révolution préparée par la femme pour être l’avènement de la justice ne fut que l’avènement d’un système bâtard qui vint détruire l’ancien régime, mais ne le remplaça pas par ce que la femme avait rêvé.
Suite : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/la-revolution-francaise-cest-la.html
Cordialement.