Français, d’où viennent tes mots ?

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Quels sont les mots propres à une langue ? Quand peut-on parler de langue pure ? Au-delà de son opinion sur le sujet, examinons pour l’instant le cas du français.

Ces mots sont-ils français ?

La charrue, le chêne, la sonate, le téléphone, allô, la boutade, loyal sont-ils des mots français ?

La charrue, le chêne feraient partie des quelques mots du fonds gaulois qui nous sont restés.

Quelques mots français empruntés au gaulois
Quelques mots français empruntés au gaulois

sonate : 1695, emprunt à l’italien sonata dit le CNRTL.  De fait, la musique italienne déferle en France au XVIIe nous apportant ses mots que nous garderons : cantate, sonate, adagio…

téléphone : en 1860, l’Allemand Johann Philipp Reis met au point un appareil électrique capable de transmettre le son à distance qu’il baptise telefon. Un terme repris par tous.

allô : ce mot est-il né avec le téléphone ? Que nenni. Le mot est employé, entre autres par Shakespeare. Il viendrait de hallóo (expression pour lancer les chiens à la chasse ou attirer l’attention), qui vient lui-même de hallow, et avant de halloer et, en remontant encore, des bergers normands du XIe siècle qui s’étaient installés en Angleterre, ils criaient halloo (en normand) pour réunir leurs troupeaux.

boutade : mot venant du gascon botada.

loyal  :  dans le sens « qui a de l’honneur et de la probité », est l’évolution du mot français leial ; dans le sens « qui est fidèle au roi, à l’autorité légitime », vient de l’anglais loyal (fidèle à un engagement) nous dit le CNRTL. Une subtilité qui montre que le sens même des mots peut être influencé par une langue étrangère.

L’origine latine

Au-delà de ces quelques exemples, remontons l’histoire pour tracer l’évolution du français. Succinctement, l’empire romain a apporté sa langue, et le latin vulgaire va laisser place aux premières langues romanes.  Un latin qui, déjà, a emprunté de nombreux mots au grec, tellement Rome fut influencée par ce peuple. Ainsi ce qui se rapporte à l’art de l’écriture, les objets d’art, la science, les poids et mesures, le droit, le rituel, l’art militaire, la construction, et même les vêtements…

Français et autres Idiomes et dialectes romans (Wikipedia)
Idiomes et dialectes romans (source Wikipedia)

Si nous pouvions remonter plus haut, nous verrions sans doute que beaucoup de termes techniques que nous croyons grecs sont nés loin du sol de l’Hellade. Ils nous conduiraient vers l’Égypte et la Chaldée, ajoute le linguiste  Michel Bréal.

Nos langues romanes vont donc s’appuyer sur ce latin enrichi de grec et autres. Elles vont continuer avec d’autres langues. Par exemple, au IIIe siècle, les Francs, venus s’installer dans certaines contrées de France, vont apporter de nombreux mots comme guerre ou riche.

L’influence des relations commerciales sur les mots du français

Quelques mots français empruntés à l’allemand

Au XIIe siècle, les relations commerciales vont fortement développer le lexique français. Comme le mot courtisan emprunté à l’italien ou amiral emprunté aux Sarrasins. On ne reviendra pas sur l’apport du gascon.

Au XVIIe siècle, avec l’expansion sur l’Amérique ou l’Afrique, de nouveaux mots apparaissent.

 

Quelques emprunts du français à l'espagnol
Quelques mots français empruntés à l’espagnol

Les Espagnols nous transmettent par exemple la vanille ou le chocolat.  Les Hollandais étoffent notre vocabulaire maritime avec des mots comme bâbord ou matelot,  mais aussi dans d’autres domaines, par exemple, bastringue ou gredin. Les Allemands fournissent notre vocabulaire militaire avec képi ou bivouac, mais aussi des mots comme accordéon. Cet instrument de musique souvent considéré comme typiquement français est, en fait, assez partagé. Et c’est Cyrill Demian (1772-1849), facteur de piano et d’orgue à Vienne (Autriche), qui crée le premier akkordion en 1829.

Plus récemment, les Russes nous transmettent le cosaque ou le chaman (ou chamane).

L’apport extraordinaire des mots arabes

Quelques français mots empruntés à l'arabe
Quelques mots français empruntés à l’arabe

Dans tous ces apports, on peut s’attarder sur l’influence arabe. Plusieurs périodes vont fortement marquer la langue française, et surtout le moyen-âge (VIIe-XVe siècles). L’arabe est une grande source de culture et pénètre, directement ou à travers d’autres langues romanes, à peu près tous les thèmes : l’administratif, le commercial, la médecine, les domaines scientifiques, etc.

Parmi les domaines bien connus, on rappellera les mathématiques avec des mots comme algèbre, algorithme, zéro, chiffre, ou la chimie avec alambic, alcool, goudron…, ou encore des mots comme bled, ou reg, ce trois-lettres bien connu des cruciverbistes.

Pourtant cet apport est bien plus large. En biologie, les langues arabes nous apporteront de nombreux mots comme ambre, talc… en commerce, des mots comme douane, magasin, coton, gilet, mousseline, nacre, sorbet, etc. D’autres mots arabes viennent avec des espèces végétales ou animales comme l’abricot, l’estragon ou le bardot. Ou encore, le français intègrera les mots assassin (au départ dans le sens de tueur à gages), cador, cafard (au départ dans le sens d’incroyant), fanfaron ou toubib. Et ne parlons pas de l’almanach, l’avanie, la gabelle, la jarre et autres matelas et divan.

Après une pause, le Magreb influencera la langue française des XIXe et XXe siècles. Et les curieux pourront regarder les emprunts aux cités grâce au livre du professeur de linguistique de la Sorbonne, Jean-Pierre Goudailler, Comment tu tchatches !

Bref, tout confondu, nous parlons de plusieurs milliers de mots ainsi empruntés à diverses langues. Pourtant, certains vont chercher à repousser ces mots étrangers.

Les bons esprits

Au XVIe et XVIIe siècles, des bons esprits, comme les appelle Michel Bréal, vont s’intéresser aux questions et difficultés de la langue française. Ils cherchaient la « pureté » de la langue. Il s’agissait d’en favoriser la clarté et la décence. Élaguer les expressions impropres ou mal venues, faire la guerre aux doubles emplois, écarter tout ce qui est obscur, inutile, bas, trivial, telle est l’entreprise à laquelle ils se vouèrent avec beaucoup d’abnégation et de persévérance. (Michel Bréal)

Claude Favre de Vaugelas (1585-1650)
Claude Favre de Vaugelas (1585-1650)

Ces Du Perron, Coeffeteau, Malherbe, La Mothe Le Vayer, Vaugelas, Chapelain, Bouhours n’étaient pas des linguistes ni des spécialistes. Ils cherchaient des règles et s’inspiraient les uns des autres. Michel Bréal rapporte encore :
Vaugelas déclare qu’il a trouvé « mille belles règles » dans les écrits de La Mothe Le Vayer. « Je tiens cette règle, dit-il ailleurs, d’un de mes amis qui l’a apprise de M. de Malherbe, à qui il faut en donner l’honneur. » Et plus loin encore : « Cette règle est fort belle et très conforme à la pureté et à la netteté du langage… Certes, en parlant, on ne l’observe point, mais le style doit être plus exact… Les Grecs ni les Latins ne faisaient point ce scrupule. Mais nous sommes plus exacts, en notre langue et en notre style, que les Latins ou que toutes les nations dont nous lisons les écrits. »

Ces choix, pertinents ou non, vont orienter la langue française et la rigidifier, comme dit encore Michel Bréal. Même si les influences continuent.

Existe-t-il des mots français ?

Henriette Walter

Oui, bien sûr.  On estime que, sur les 60 à 100 000 mots français, 10% seulement seraient d’origine étrangère. Pourtant, parmi les 1000 mots les plus utilisés en français 50% sont d’origine française, c’est-à-dire issus du latin parlé dans les régions gauloises, et 50% sont d’origine étrangère.

Le phénomène n’est pas unique. Toutes les langues ont emprunté à leurs voisins et relations. La linguiste réputée Henriette Walter (1929-) précise même que deux tiers environ du vocabulaire anglais est d’origine française alors que les emprunts de notre langue à l’anglais ne sont que de l’ordre de 4%.

Finalement, la langue reflète à la fois le regard d’un peuple sur le monde et ses contacts avec les autres. Et tous ces mots, une fois intégrés et acceptés, deviennent son patrimoine…

Anne-Pierre Darrées

écrit en nouvelle orthographe

Références

Qu’appelle-t-on pureté de la langue ? essai de sémantique, Michel Bréal,
1-mots en français d’origine gauloise
2-mots en français d’origine allemande
3-mots en français d’origine hollandaise
4-mots en français d’origine russe
5-mots en français d’origine espagnole
Les emprunts et la langue française, Lionel Jean, linguiste grammairien, 25 juin 2020
Emprunts arabes en français, Jana Řehořová, 2007

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