C’est un événement d’importance. Le dictionnaire de référence de la Gascogne, le Dictionnaire du béarnais et du gascon modernes, était devenu rare. Il se vendait à des prix dépassant parfois les 1000€. Il va enfin être réédité par les éditions Reclams et le Congrès Permanent de la Lenga Occitana. Cet ouvrage, ce trésor gascon comme l’appelait l’historien Charles Samaran (1879 – 1982), est beaucoup plus qu’un dictionnaire. Explorons-en les richesses en attendant le lancement de la souscription qui aura lieu à la rentrée 2019.
1903 : l’Escole Gastou Fébus lance le projet du dictionnaire
En 1903, les fondateurs de l’Escòla, après avoir déposé les statuts, conçoivent trois grands projets : la création d’un musée gascon (ce sera l’objet de l’acquisition du château de Mauvezin), la composition d’un dictionnaire (ce sera le « Palay ») et la rédaction d’une histoire du Béarn.

Ils sont vite confrontés à la diversité de la langue parlée et écrite. Et, comme Miquèu de Camelat l’écrivit à son collègue Andrèu Pic, Tout felibre que bad dab u sistemi grafic dens la cabosse e que cred que lou sou qu’ey lou yence. / Tot felibre que vad dab un sistèmi grafic dens la cabòça e que cred que lo son qu’ei lo géncer. / Tout félibre naît avec un système graphique dans sa tête et croît que le sien est le plus beau.
Or, comment se lire sans partager une même écriture de la langue ? En 1899 déjà, Camelat demandait U soulet sistèmi de grafie qui escoubaré l’ère é nous acoustumaré à ue léngue literari tau Bear é la Gacougne. / Un solet sistèmi de grafia qui escobaré l’èra e nos acostumaré a ua lenga literària tau Bearn e la Gasconha. / Un seul système de graphie qui balaierait l’aire et nous habituerait à une langue littéraire pour le Béarn et la Gascogne.
Évidemment… personne n’était d’accord.
Le dictionnaire tarde à sortir
Tous ces travaux préparatoires, les hésitations et les disputes font que pendant seize ans, la commission du dictionnaire, créée en 1904, n’a rien produit ! Puis ce sont des collectes, des enquêtes auxquelles collaborent des dizaines de membres de l’Escòla. Ils lancent enfin les souscriptions en juillet 1932. Le premier tome, lettres de A à E (27 000 articles). Sort en suivant, le deuxième tome début 1934.

Le CNRS rééditera ce dictionnaire deux fois, en 1961 et 1980. Au total, Simin Palay ajoute 20 000 mots. De nombreux érudits contribueront à son élaboration comme Louis Rouch ou l’abbé Saint-Bézard qui corrigeront les épreuves.
Un dictionnaire ethnographique

Un dictionnaire qui couvre les mots utilisés dans 35 zones dialectales donc d’une bonne partie de la Gascogne, c’est déjà une belle œuvre. Pourtant, Simin Palay ira beaucoup plus loin en ajoutant des locutions, des proverbes, des contextes, des expressions caractéristiques à une contrée ou à un auteur… un vrai témoignage culturel, ethnographique.
Le linguiste Jean Séguy (1914 – 1973) dont on connait l’Atlas linguistique, écrivit : c’est l’un des rares dictionnaires de langue non pas seulement à consulter, mais à lire, puisqu’il est non moins un glossaire qu’une phraséologie*. Persée, 1963.
Et on peut y trouver des richesses infinies. Par exemple, l’historien Claude Larronde en tire le répertoire de l’origine de 8000 patronymes gascons.
Le dictionnaire est-il toujours d’actualité ?
Tout dépend de ce que vous voulez faire. Si vous cherchez un mot pour lire un livre contemporain, vous trouverez plus facilement dans dicod’Òc publié en ligne par le Congrès Permanent de la Lenga Occitana. Ne serait-ce que parce que le dictionnaire en ligne est en graphie classique comme la majorité des productions d’aujourd’hui. Si vous cherchez une expression utilisée dans une contrée particulière, peut-être vous faudra-t-il consulter un dictionnaire spécifique. La carte des dictionnaires de Jean Lafitte par exemple vous permettra d’en choisir un.
Pourtant le dictionnaire de Simin Palay est indispensable dès que vous cherchez à lire des ouvrages riches en vocabulaire, plus anciens, en graphie fébusienne, ou l’immense production du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Jacques Gourc, professeur à l’université Jean Jaurès Toulouse 2, affirme que c’est l’ouvrage que devrait posséder tout étudiant de gascon. Ouvrage indispensable pour lire l’œuvre du grand Miquèu de Camelat, ouvrage indispensable aussi si vous voulez avoir plus qu’une traduction. Par exemple, que sont les aguihonèrs ? Voilà la réponse du Palay :
À quoi va ressembler la prochaine édition ?
Les co-éditeurs préparent un dictionnaire en deux tomes, correspondant au contenu de la dernière édition de 1980. Il intègrera dans le corps du texte (et non plus en annexe) les 20 000 mots ajoutés par rapport à la première édition. Les entrées resteront en graphie originale. Eric Gonzalez, Maurice Romieu, Serge Javaloyès, Jean-Luc Landi en ont effectué une relecture soignée. Deux textes introductifs le complèteront, l’un sur la langue, l’autre sur l’histoire du dictionnaire.
Il sera vendu avec ou sans coffret. Ceux qui veulent pré-réserver un exemplaire peuvent écrire à Reclams: secretariat@reclams.org.
Références
Reclams, mai 1899, Anem au poble, Miquèu de Camelat, p.70
Thèse Jean Lafitte, carte des dictionnaires, p. 64
Article Reclams sur la réédition du dictionnaire, 15 mars 2019
Les noms de famille gascons, Claude Larronde, 1997 – à acheter chez l’auteur claude.larronde@orange.fr
*Phraséologie (dictionnaire Larousse) :
- Construction de phrase ou procédé d’expression propre à une langue, à une époque, à une discipline, à un milieu, à un auteur.
- Recueil de phrases ou de locutions caractéristiques d’une langue donnée et destiné à l’enseignement de cette langue.
Adichàt,
l’anatz tournà publicà en la grafìo istourico ?
Adichàt,
Tio que serà en la grafio istourico.
Que non pensatz pas al present e a l’avíener: i cal botar los mots en grafia actuala per pedagogia tanben.
Tornar editar aqueth monument qu’ei un bèth trabalh. En prumèr Reclams que va publicar lo diccionari en version originau. E, après, que i aurà ua version en grafia classica. Mes que calerà pacientar un pauc.
Bonsoir! Je suis une professeure de Histoire Antigue et Medieval Ici , au Bresil . Je suis Interesse sur Cet Dictionnaire , parce que je suis etudient maintenant La Histoire des ‘ Cathares ‘ , et sur La Region de Provence! Comment je peut Acheter? Je besoin savoir qui es-ce qui é Le Mot Occitanic/ Pronvencale » Noigandres » ? Merci Beaucoup !
Bonjour, Le dictionnaire de Palay est adapté au gascon contemporain (XVIIIe au XXIe siècle). Il est moins utile pour la littérature médiévale. Noigandres a été utilisé par le troubadour du Périgord (région de France) Arnaut Daniel dans sa canso Er vei vermeills, vertz, blaus, blancs, gruocs. Le radical « noi- » peut faire penser à « nòga », noix. Et certains pensent que « noigandres » serait « noz moscado », ou « muscadier ». Le vers e jois lo grans e l’olors de noigandres parlerait du grain et de l’odeur du muscadier.
Quelques références à regarder :
http://www.antoniomiranda.com.br/poesia_visual/noigandres_origem_e_significado.html
http://www.trobar.org/troubadours/arnaut_daniel/arnaut_daniel_06.php
https://www.wikiwand.com/pt/Arnaut_Daniel
Et, ici un dictionnaire d’occitan des troubadours :
http://www.dom-en-ligne.de/
Anna-Pèire Darrées – Escòla Gaston Febus
En complément à notre réponse précédente à Iracema di Castro Kelemen.
Si on prend pour hypothèse qu’il s’agit de la noix de muscade, une source utile pour le confirmer serait d’aller voir si les traités du Moyen Âge attribuent des qualités médicinales à la noix de muscade. Sur un blog « dédié à Sainte Hildegarde de Bingen et qui a pour but de mieux faire connaître sa spiritualité, ses écrits, sa médecine », on trouve : « La noix de muscade a une grande chaleur et a un heureux équilibre dans ses propriétés. Celui qui mange de la noix de muscade ouvre son cœur, purifie ses sens et en retire de bonnes dispositions. Prendre une noix de muscade, un poids égal de cannelle, et un peu de giroflier ; réduire en poudre ; avec cette poudre, de la fleur de farine et un peu d’eau, faire des petites galettes et en manger souvent : cette préparation adoucit l’amertume du corps et de l’esprit, ouvre le cœur, aiguise les sens émoussés, rend l’âme joyeuse, purifie les sens, diminue les humeurs nocives, apporte du bon suc au sang, et fortifie. » http://hildegardescivia.canalblog.com/archives/2019/03/26/37208419.html
Joan de Belò – Escòla Gaston Febus
Ce mot noigandres existe bien dans le Glossaire occitanien de Rochegude (1819) qui le traduit par « noix muscade ».
Dans le Lexique roman de F.J. M. Raynouard (1844), on trouve l’adjectif gandres traduit par « muscat ». Il décompose donc le nom noigandres en deux éléments : noi qu’il interprète comme une variante de notz o not ou noze.
Or, phonétiquement, le mot latin NUCE (NUX, NUCIS) ne peut pas donner noi en occitan car en occitan, à la différence du français (NUCE > nois / noiz > noix), il n’y a pas de diphtongaison de -o- fermé < -u- bref latin. Raynouard propose comme citation deux vers du poème d'Arnaut Daniel : Er vei vermeills… : d'un'aital flors don fruc sia amors e jois lo grans e l'odor de notz gandres. Il traduit ainsi : « […] d'une telle fleur dont le fruit soit amour et joie le grain e l'odeur de noix muscade ». Dans le Petit dictionnaire provençal-français (1909) (= dictionnaire occitan ancien-français), E. Levy ne donne ni le nom noigandres, ni l'adjectif gandres ; en revanche il donne le nom muscada qu'il traduit par « noix muscade ». Pour information Le nom français « muscade » utilisé encore aujourd'hui a été emprunté à l'occitan au XIIe / XIIIe siècle ; il est à la fois adjectif et nom ; le français emploie aussi le composé « noix muscade » emprunté lui aussi à l'occitan. Cette noix aurait été apportée par les Arabes. Ce qui est étrange c'est que dans l'Elucidari (encyclopédie du milieu du XIVe siècle, écrite en occitan), au livre XVII, article DE NOTZ, il y a un développement sur la notz muscada mais jamais ne sont employés les termes noigandres ni notz gandres, ce qui est étonnant ; on peut se poser des questions et supposer que le manuscrit (un seul ou plusieurs ?) n'a pas été lu correctement. Je ne dispose pas chez moi d'une édition critique des poésies d'Arnaut Daniel ; je pense (c'est une hypothèse) qu'on pourrait peut-être lire : e jois lo grans e l'olors d'enoi gandres. - enoi (enueg, enug) est un nom bien attesté avec le sens de « ennui ; souci » ; - gandres est une forme d'infinitif (variante de gandir « protéger ; garantir ; éviter ; fuir…) ; en occitan ancien, les infinitifs peuvent être employés comme nom ; alors ils se déclinent comme un nom ; ici, par exemple, la forme gandres est une forme de cas sujet singulier (employé en fonction d'attribut du sujet) Comment traduire ? cela m'invite à colorer mon chant d'une fleur (telle) dont le fruit soit Amour, la graine Joie et dont le parfum dissipe les chagrins. Maurici Romieu Spécialiste occitan médiéval
Qu’èi ua lexic inedit de mots gascons d’Astarac e de Bigòrra. E seré possible de’us integrar en ua edicion d’aqueth diccionari ?
Malaja que’m sembla tròp tard entà cambiar. Mes que podem emplegar lo vòste lexic dens un aute diccionari en preparacion. Que’n pensatz?
Que v’envii per messatgeria ua partida d’aquera lista. Que’m heré gran gai aqueth vocabulari no’s perdosse pas.
Merci. Que publicaram aqueth vocabulari. Que podem continuar a comunicar per messatgeria. La nosta adreça corric qu’ei escolagastonfebus@gmail.com
Très aimable à vous de m’avoir cité dans votre bulletin érudit « Escola Gaston Febus » du 27 mai 2019. Malgré toutes mes recherches, je ne trouve pas la date de naissance de Simin Palays dont je consacrerai un paragraphe dans mon prochain ouvrage qui paraîtra avant la fin de cette année. Si vous avez ce renseignement… Merci d’avance.
Merci de votre intérêt pour l’article.
Jean-Maximin Palay, dit Simin Palay est né le 29 mai 1874 à Casteide-Doat. Sa naissance a été déclarée par son père le lendemain à 8 heures du matin. Le père, Jean Palay ou Yan Palay, avait 26 ans et était tailleur d’habit dans la commune.
Dans ce lien, vous trouverez la déclaration sur le registre de l’état civil de la commune (p.653) : http://earchives.le64.fr/img-viewer/FRAD064003_IR0002/CASTEIDE-DOAT_1/5MI173/viewer.html?ns=FRAD064012_5MI173_0653.jpg
Nous attendons avec impatience la parution de votre ouvrage.
Bravo pour votre Bulletin du 27 mai !
Votre réponse est parfaite. Merci infiniment.
Au risque d’abuser de votre gentillesse, pourriez-vous me communiquer la date de naissance à Ansost, je crois, d’Osmin Ricau, célèbre philologue, ici, à Vic-en-Bigorre. Je lui ai également consacré un paragraphe dans mon prochain ouvrage. Peut-être trouverez-vous une photo de lui. J’ai vraiment apprécié la qualité de celle de Simin Palay que vous m’avez envoyée. Encore merci pour tout.
Osmin Ricau est né le 9 mars 1892 à Ansost, dans le canton de Rabastens de Bigorre.
Nous avons cinq de ses livres à la bibliothèque de l’Escòla (château de Mauvezin – 65)
En revanche, nous n’avons pas de photo de lui. Désolés.
Merci pour votre réponse rapide et pour tous vos efforts. Longue vie à l’Escòla Gaston Febus.