Faut-il parler d’arreviscolada (résurrection) pour les jeux traditionnels de Gascogne ? Cela semble bien timide, pourtant certains Gascons se passionnent pour le trad’athlon.
Les jeux d’habileté
La Gascogne, comme bien d’autres pays, aime les jeux d’habileté. Ils sont nombreux même s’ils sont plus ou moins connus de nos jours.

La petanca (pétanque) par exemple nous serait arrivée de Provence. Ce jeu est une évolution du jòc de bola (jeu provençal, appelé aussi les trois pas ou la longue) due à Jules Hugues en 1907. À cause de ses rhumatismes, il en changea les règles pour pouvoir continuer à y jouer. Désormais, il jouera los pès tancats (les pieds serrés, posés sur le sol).

De façon générale, los jòcs de bala (les jeux de balle) sont courants. Les plus connus sont sûrement ceux de nos voisins : le tambornet (tambourin) languedocien et la pelote basque. À ce propos, un joueur légendaire, Jean Erratchun (1817-1859) était surnommé Gaskoïna (le Gascon) car sa famille était originaire du village navarrais La Bastide Clairence (64). Refileur au rebot, il gagna un défi célèbre à Irun le 9 août 1846. Christian d’Elbée, un autre joueur, raconte : « Après une égalisation entre les deux camps, Gaskoïna finit la partie par un coup admirable après avoir pris la pelote à la volée ou vite après le bond. Comme Gaskoïna marchait pieds nus, des témoins affirmaient que les Espagnols lançaient sur la place des petits clous de sabot, sans arriver à le décourager. »

Plus tranquille, les canicas (billes) occupaient les enfants et pouvaient être couplées au cibòt (à la toupie). On met des billes dans un cercle et chacun à tour de rôle lance la toupie qui devra faire sortir le maximum de billes du cercle.
Les jeux d’adresse ou de force
La craba, ou jeu de la chèvre est un jeu pratiqué en Bigorre. On trouve le même jeu sous le nom de Vira Bartolh dans les Landes. Il s’agit d’un jeu d’adresse. Un bâton est posé perpendiculairement sur un autre. Avec un troisième bâton, on le fait décoller et on le frappe pour l’envoyer le plus loin possible.
Divers jeux permettaient de monter sa force. Le plus sauvage est peut-être le jeu de trucassèrs, un sport aimable où l’on se bat à coup de trique ! Les habitants de Panjas dans le Gers étaient réputés pour y être très forts.
Les jeux de quilles
Les Gascons ont plusieurs jeux de quilles dont trois particuliers.
Les quilles au maillet / Las quilhas au malhet
Ce serait un vieux sport datant de l’Antiquité. En tous cas, lo noste Enric (Henri IV) et son fils, Louis XIII, aimaient bien y jouer. Plus tard, en 1816, un maire du Gers, excédé, interdit aux aubergistes et cabaretiers d’organiser les jeux de quilles en soirée, car cela entrainait des bagarres peu goutées par les habitants. Aujourd’hui, ce jeu reste présent en Bas Armagnac, dans une partie des Landes, en Haute-Garonne et en Ariège.
Le quilhaire (joueur de jeu de quilles) doit faire tomber des quilles avec un malhet (maillet). Les quilles sont des cylindres en bois, trois font 50 cm de haut et les trois autres, 55cm. Le maillet, lui, en forme de bouteille, mesure 30 cm de long et 7 cm de diamètre. L’objectif est d’abattre les quilles sauf une qui doit rester debout, n’importe laquelle, ce qui permet de gagner 1 point. Attention, la chute des six quilles annule le jet !
En 1992, les quilles au maillet rejoignent la Fédération Française de Bowling et de Sport de Quilles.

Lo rampèu ou le rampeau d’Astarac

Le joueur, situé dans une zone de tir, doit faire tomber le plus de quilles possible avec un maillet. Six quilles sont disposées en T. S’il fait tomber les six quilles, il a fait rampèu ! Le maillet fait 30 cm et pèse dans les 800 g. Le joueur a droit à 3 parties de 10 lancers. Le gagnant est celui qui marque le plus de points (1 point par quille tombée).
En fait, ce jeu est ancien. L’archevêque d’Auch, François de Serret de Gaujac, écrit en 1756 : le maître d’école d’Audignon est violent, pas assidu à ses cours alors qu’il n’hésite point à jouer au jeu public du rampeau.
Plus proches de nous, les lundis de Pâques, les allées de Mirande grouillaient de joueurs de rampèu. Et le Landais Félix Arnaudin (1844-1921) raconte : Il n’était pas rare autrefois, dit-on, de voir d’enragés joueurs s’y acharner, l’excitation du vin aidant (c’est du vin que l’on jouait toujours), deux, trois, quatre jours durant, sinon même de pinte en pinte et de revanche en revanche, la semaine tout du long.
Le palet gascon
François Rabelais (1483?-1553) faisait déjà jouer le jeune Gargantua à des palets géants, car ce jeu se joue un peu partout. Plusieurs mégalithes en France seront d’ailleurs appelées le palet de Gargantua.

Le palet gascon serait né dans le Gers actuel. Il était très en vogue au XVIe siècle. En 1956, le préfet du Gers l’interdit parce qu’on y misait de l’argent. En 1985, il revient, et le comptage des points remplace l’argent.
Avec deux palets en acier de 10 cm de diamètre et 400 g de poids, le paletaire (joueur de palet) fait tomber le quilhon (quille légèrement conique) sur laquelle sont placées 3 pièces de monnaie. Le nombre de points dépend des positions des pièces. Elles doivent être plus près d’un palet que du quilhon.
Le premier championnat du monde de palet gascon s’est déroulé le 15 août 1990 à Vicnau-Lialorès (commune de Condom). Depuis, tous les ans, le 15 août, plus de cent-cinquante joueurs participent au championnat du monde. Les participants viennent de Gascogne, d’autres régions de France comme la Bretagne, la Picardie ou la Vendée, et aussi de pays comme l’Espagne, l’Italie, ou la Belgique.
Le dernier concours a eu lieu à Vic-Fezensac (Gers). Continuera-t-il ? Hélas, ce n’est pas sûr !
Le Trad’athlon Gascon

Quoi de plus naturel que de réunir les trois jeux traditionnels de Gascogne dans un concours, le trad’athlon.
En 2021, les champions sont l’indétrônable Henri Denot d’Aire-sur- l’Adour et Anne Marie Pinto.
Pour tester ces jeux, les jeunes peuvent désormais utiliser la carte passerelle sport scolaire-sport en club. En particulier, des clubs permettent de faire des essais gratuits sans même prendre de licence.
Vivent les quilles !
Anne-Pierre Darrées
écrit en orthographe nouvelle
Références
Quilles, boules, bâtons, Go to the future
Sports traditionnels occitans : le Tambornet [Pratique sportive]
« La Pétanque », Historia, , Charles Giol, p. 83
Las canicas e lo cibòt, Miquèu Baris
Le rampeau de l’Astarac
Jeux traditionnels
Choses de l’Ancienne Grande-Lande, Félix Arnaudin, 1921
Sports dans les Hautes-
Merci pour l’article mais juste un petit rappel sur le jeu de paume, un sport oublié mais qui fait depuis une dizaine d’années son retour en Gascogne et au Pays basque. En transformant en trinquets les vieux bâtiments qui servaient depuis le Moyen âge à la pratique du jeu de paume, les habitants de Bayonne et de La Bastide Clairence ont sauvé deux magnifiques témoins de leur histoire. Jusqu’au XVIII° siècle, Gascogne et Pays basque étaient couverts de « tripots », c’est ainsi que ‘on appelait les courts de jeu de paume, auxquels une auberge était généralement accolée. La première mention du jeu de paume de Bayonne, aujourd’hui trinquet Saint-André (situé rue du jeu de paume), date de 1601. Quant au trinquet Garxot, à La Bastide Clairence, il est aujourd’hui considéré par les historiens et les passionnés du sport comme le plus vieux jeu de paume du monde. Il a été édifié en 1512, par Salvador de Berrio, ancien maître d’hôtel des rois de Navarre à Pampelune (documents aux archives de Bayonne). Henri IV et Montaigne, figures tutélaires de la Gascogne, étaient de fins joueurs de paume. Le club du trinquet du parc Beaumont, à Pau, ancien jeu de paume édifié en 1886, maintient la tradition et organise matchs et tournois en Béarn et en Pays basque toute l’année.
Merci encore fort intéressant votre article sur les jeux gascons