À l’approche de Noël, au coin du feu ou sur la terrasse, peut-être est-ce un bon moment pour lire – ou offrir – des livres tendres qui rappellent notre humanité. L’amour, l’enfance sont à l’honneur en ces temps sacrés. Deux écrivains contemporains nous livrent leur inspiration.
Le temps de Noël

Noël en Gascogne, c’est souvent un temps doux et ensoleillé. D’ailleurs les proverbes nous le rappellent. Honoré Dambielle rapporte dans ses proverbes des douze mois de l’année :
Se decembre i trop bèt,
Entà la noubèlo annado machant éfet.
Se decembre ei tròp bèth,
Entà la novèla annada maishant efèt.
Si décembre est trop beau,
Pour la nouvelle année mauvais présage.
Se a Nadau las mouscailhous,
A Pascos i aura glaçous.
Se a Nadau las moscalhons,
A Pascas i aurà glaçons.
Si à Noël il y a des moucherons,
À Pâques il y aura des glaçons.
En Vath d’Aran, en plein cœur des Pyrénées, on prévient de même Eth que a Nadau espartenheja, a Pascas esclopeja. (Celui qui à Noël porte des espadrilles, à Pâques porte des sabots).
Et Noël, c’est aussi un temps que l’on donne à sa famille. Un moment, plus qu’un autre encore, pour partager des beaux contes. Hier centrés sur la naissance de Jésus, ils restent aujourd’hui plein de tendresse et d’humanité.
Albert Peyroutet imagine deux textes de noël

Albert Peyroutet (1931-2009) est un Béarnais qui a vécu aux États-Unis et dans son pays. Ses nouvelles bilingues gascon français, dont Miratges, 1996, parlent de ces civilisations si différentes. Dans ce recueil, l’auteur propose deux textes, deux histoires tendres pour Noël.
Nadau
Nadau raconte un soir de Noël exceptionnel que va vivre un vieux monsieur oublié, un vieux monsieur qui a servi toute sa vie, un vieux monsieur qui n’est plus utile à personne. Ce pourrait être un conte. Mais le style utilisé par l’auteur est simplement narratif. Ce soir de Noël exceptionnel, le vieux monsieur pourra aider quelqu’un, et il est content :
Isidòr que’s hiquè au lheit. Abans d’estupar la lutz, qu’espiè ad arron aquera crampa curta e miserabla. Que sospirè longadament. Jamei n’èra estat tant urós desempuish aqueth dia de Nadau deu temps qui èra mainadòt, quan lo petit Jesus e l’avè portat ua iranja e un esclòp de chocolat.
Isidore se coucha. Avant d’éteindre sa lanterne, il promena son regard sur cette pièce nue et misérable. Puis il soupira. Il n’avait jamais été aussi heureux depuis ce Noël merveilleux de son enfance où le Petit-Jésus lui avait apporté une orange et un sabot en chocolat.
Lo gatòt
Le second texte de Peyroutet, Lo gatòt, a un tout autre ton, plus vif, tout en gardant sensibilité et tendresse. Il s’agit d’un chaton gris, abandonné que veut récupérer la petite Nadette. Le père n’en veut pas, ils ont déjà un chien. Une situation banale que bien des familles connaissent. Pourtant, peu à peu, ce père va se laisser conquérir. Hélas, la bête meurt la veille de Noël et le père ne peut s’empêcher de sangloter. Alors la fillette le réconforte :
— Ne plores pas, Papà, n’èra pas entà víver… Qu’as hèit tot çò qui podès. Qu’at sabí, n’ès pas tan maishant com at vòs har véder…
Qu’èran cinc òras deu matin, lo dia abans Nadau. Que sortii tà davant la pòrta tà espiar quin temps e hasè, e que vedoi qu’avè nevat.
— Ne pleure pas Papa, elle n’était pas faite pour vivre… Tu as fait ce que tu as pu. Je savais bien que tu n’es pas aussi méchant que tu veux le paraître.
Il était cinq heures du matin. Demain ce serait Noël. Je sortis sur le pas de la porte pour regarder le temps qu’il faisait et je vis qu’il avait neigé.
Didier Tousis propose une lettre au Père Noël

Pregàrias, Didier Tousis, 2012
Dans ce recueil de poésie, bilingue gascon français, le chanteur et poète landais, glisse un joli texte, Letra au Pair Nadau
Qu’èi escriut au pair Nadau entà’u demandar lo ton còr s’a passat los dits a la barba qu’a pareishut plan emborlat |
J’ai écrit au Père Noël pour lui demander ton cœur il a passé ses doigts dans sa barbe il a paru bien embêté |
Que soi estat brave, que soi demorat que t’èi pregat tots los matins e tots los sers a l’escurada que t’èi mandat beròjas pensadas |
J’ai été gentil, j’ai été sage je t’ai prié tous les matins et tous les soirs au crépuscule je t’ai envoyé de belles pensées |
Que t’èi cuelhut flòcs de la lana trempats d’arrós de treishaguèr e qu’èi semiat a patracadas plojas d’amor e grans d’espèr |
Je t’ai cueilli des bouquets de la lande trempés de rosée de chagrin et j’ai semé des multitudes de pluies d’amours et grains d’espoir |
Qu’èi bohilhat lo cèu, la tèrra en cèrcas de quauque present tà plenhar lo Carriòt d’estelas lo qu’esbelugueja tostemps |
J’ai retourné le ciel, la terre à la recherche d’un cadeau pour remplir le Chariot d’étoiles celui qui étincelle toujours |
Crei pas en Diu, Cohet ni hada totun que vei lo pair Nadau qui arromega deus la soa barba e s’amaneja cap a l’ostau |
Je crois pas en Dieu, Diable ni fée pourtant je vois le père Noël qui ronchonne dans sa barbe et se presse vers la maison |
Décembre le mois mort
Et, cette année, il se pourrait que l’on puisse lire ces nouvelles et ces poésies, non seulement pendant le mois mort comme disaient nos ancêtres mais toute l’année qui vient. Car les anciens nous le rappellent :
Quand l’aigo sort au més mort,
Toutes les mèsés de l’an sort.
Quan l’aiga sòrt au mes mòrt,
Totes los meses de l’an sòrt.
Quand l’eau sort au mois mort,
Tous les mois de l’année elle sort.