La Leira est le nom gascon de La Loire. Mais c’est aussi le nom d’un fleuve gascon qui se jette dans le bassin d’Arcachon. Si peu de Gascons en connaissent l’existence, c’est le paradis des amateurs de canoë ou des amoureux de la nature.
La Leira, un fleuve bien discret
La Leira [Leyre ou L’Eyre en français] prend sa source dans les Landes. Ou plutôt, elle n’a pas de source puisque c’est la remontée de la nappe phréatique, affleurant en plusieurs endroits, qui l’alimente.
Son nom véritable est l’Eira, ancien toponyme qui, selon les spécialistes Bénédicte et Jean-Jacques Fenié, signifie tout simplement « eau ». L’usage l’a transformé en Leira.
La Leira parcourt 116 km avant de se jeter dans le bassin d’Arcachon. En fait, on peut même parler des Leiras car le fleuve est formé de la grande Leira et de la petite Leira qui se rejoignent à Moustey au horc d’Eira [hourc d’Eyre].
La petite Leira se forme entre Lucsèir [Luxey] et Retjons. Elle est calme et ses eaux sont claires. En revanche, la grande Leira nait près de Sabres et ses eaux sont noires, son cours impétueux.

Tout au long de son parcours, la Leira reçoit de nombreux affluents aux noms bien gascons dont : l’Escamat, le Monhòc, [Mougnocq] le Cantagrith, le Mordoat [Mourdouat], le Richet ou barrada deus claus, le Boron [Bouron] aussi appelé Hontassa, le Casterar, ou encore la Palhassa [Paillasse].
Plus globalement, son bassin versant est dans le parc naturel des Landes de Gascogne. Lorsqu’elle arrive dans le bassin d’Arcachon, la Leira forme un delta de 3 000 hectares qui est le refuge de nombreuses espèces d’oiseaux.
Et la belle réserve ornithologique du Teich couvre 120 hectares de ce delta.
La Leira, un grand intérêt écologique
Au cours de l’histoire, c’est avec la plantation de la forêt des Landes de Gascogne que la Leira présente un intérêt économique. En effet, elle sert au flottage du bois et elle alimente des forges, des fonderies, des verreries et des moulins.
Or, les activités économiques ont disparu. Alors, la Leira, bordée de prairies, s’est peu à peu cachée sous des feuillus, constituant une épaisse forêt galerie qui a poussé sur ses rives.
Composée de chênes, d’aulnes et de saules, la forêt amortit les crues, limite les matières en suspension et maintient les berges. Le microclimat ainsi créé abrite des espèces végétales devenues rares comme l’Osmonde royale ou le Drosera à feuilles rondes.
De même, la Leira abrite des animaux disparus ailleurs, comme la loutre, le vison, la cistude, la genette ou le murin à oreilles échancrées (une espèce de chauve-souris). Elle abrite aussi les larves de lamproie qui y naissent avant de gagner la haute mer. De plus, dans ses herbiers aquatiques, on trouve de nombreux poissons, ainsi que le brochet aquitain. À noter, des naturalistes décrivent cette espèce de brochet pour la première fois en 2014. L’animal se distingue des autres brochets par un museau plus court, des écailles et des vertèbres moins nombreuses.

Cette richesse écologique vaut à la Leira de nombreux classements de protection : classement d’une partie de son cours sur la commune de Mios en 1942, zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) en 1973 et 1984, enfin zone Natura 2000. Son delta est classé zone humide d’importance internationale en 2011.
Le parc régional des vallées de la Leyre et du val de Leyre est créé en 1970. Il porte aujourd’hui le nom de parc naturel régional des Landes de Gascogne.

Concilier écologie et tourisme
Le parc naturel régional des Landes de Gascogne conduit le programme de protection du fleuve.
Outre les actions d’information du public, des usagers et des riverains, le parc étudie la faune et la flore présentes dans le bassin de la Leira, entretient les rives et la forêt galerie, restaure les milieux, supprime les obstacles créés par l’homme (barrages ou digues inutiles), veille à supprimer la pollution (action micro plastiques), etc.
Fort heureusement, peu d’espèces invasives colonisent la Leira. Des érables negundo et des catalpas originaires d’Amérique du nord sont progressivement éliminés. On y trouve aussi quelques ragondins et des écrevisses de Louisiane, plus difficiles à attraper.
Toutes ces actions visent à restaurer le fleuve pour obtenir le label « Rivière sauvage ». Ce label décerné par l’AFNOR est une marque de reconnaissance du travail de protection et de valorisation du territoire concerné.
Le parc naturel régional conduit aussi une action exemplaire qui concilie tourisme et protection du milieu en favorisant la pratique du canoë sur la Leira.
En relation avec des professionnels partenaires, 8 lieux de mise à l’eau et de sortie d’eau des canoés offrent au public la possibilité de naviguer sur la grande Leira et de profiter de la nature protégée de la forêt galerie.
Si les promenades sont permises, les activités restent réglementées : horaires de navigation, interdiction des bivouacs, interdiction des cueillettes, etc. Bien entendu, toute activité nautique à moteur est interdite.

La réserve ornithologique du Teich
Des ornithologues amateurs proposent à la commune du Teich de créer une réserve sur le bassin d’Arcachon, dans le delta de la Leira. On le fait en 1972.
Ainsi, la commue acquiert des parcelles par échange avec des parcelles forestières communales. Le parc ornithologique voit le jour. Il devient réserve ornithologique et, si la commune en est toujours propriétaire, le parc naturel régional des Landes de Gascogne en prend la gestion.
323 espèces d’oiseaux y sont répertoriées, dont 88 y nichent. Cela en fait une zone exceptionnelle de reproduction et de nourrissage des oiseaux. En conséquence, la réserve du Teich propose des visites en bateau, des activités d’observation et de photographie des oiseaux.

La plupart des Gascons ne connaissent pas la Leira. Pourtant, ce fleuve gascon offre des milieux remarquables et une faune protégée qu’il faut découvrir au gré d’une promenade au rythme de la nature.
De plus, le fleuve entretient des contes et des légendes que l’on peut retrouver dans le livre La Leyre, contes et chroniques d’un autre temps de Serge Martin et Marnie, Dossiers d’Aquitaine, 2016.
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
L’Eyre et sa vallée
Affluents de la grande Leyre
Rivières sauvages : la grande Leyre
Parc Naturel Régional des Landes de Gascogne
Parc naturel, Site consacré au canoë sur la Leyre
Réserve ornithologique du Teich
Bonjour,
Bel article sur notre petit fleuve landais. Par contre en gascon c’est Eira, sans accent grave sur le E. Se prononce [oeyre] en « noir », ce qui est le signe infaillible d’un [é] en « clair » et pas d’un [è].
Cordialement
P. Lartigue
Merci de cette précision. L’article est donc corrigé.
Merci pour votre correction. Je ne voudrais pas passer pour un maniaque de l’accentuation mais c’est aussi le cas de Lucseir/Licseir qui se prononce [lucsoey/licsoey] et pas [lucsèy], comme Mosteir [moustoey]. Ce sont des détails me direz-vous mais ce sont des erreurs assez répandues qui, au bout d’un moment, si elles sont répétées, deviennent la norme. Quant à l’Eira, qu’on nomme aussi Le/La Leira (ce qui est une erreur), elle n’a effectivement pas de véritable source mais prend naissance, semble-t-il, sur la commune de Luglon. C’est une fleuve miniature à découvrir, avec des haltes très agréables comme l’église du vieux Lugo ou bien celle de Mons et des endroits où un pique-nique devient un instant enchanté. Les nouveaux arrivants ne prononcent généralement pas la diphtongue et, quand les autochtones s’obstinent à le faire, ils sont l’objet de railleries. Je l’ai expérimenté dans mon collège de Salles où beaucoup de profs sont originaires d’ailleurs et disent [lèrr] comme ils disent d’ailleurs [lapèrr] pour Lapeyre. Certains m’ont même affirmé que c’est moi qui avait tort. Cela donne des trucs amusants, bien qu’agaçants, comme un salon de coiffure, je crois, qui s’appelle L’Eyre du Temps. Comme pour « Lapeyre y en a pas deux », je n’ai pas compris tout de suite puisque je prononce à la gasconne.
Encore merci pour votre article
P. Lartigue
Vos remarques sont très intéressantes. Puis-je vous inviter à les porter auprès du Congrès Permanent de la Lenga qui préconise l’accent ?
Bonjour,
Je peux essayer de répondre à des interrogations ponctuelles pour lesquelles je pense être compétent mais je ne suis pratiquement plus investi dans le domaine gascon et/ou occitan.
Cordialement
P. Lartigue