Le mascaret
Le Mascaret est un phénomène naturel qui se produit dans 80 fleuves ou rivières à travers le monde. En France, c’est en Gascogne qu’on peut l’observer. Car le Mascaret de la Seine n’existe plus depuis 1963 en raison des aménagements hydrauliques réalisés.
Qu’est-ce que le Mascaret ?
Le Mascaret est un terme gascon. Concrètement, c’est une brusque élévation du niveau de l’eau dans un estuaire ou un fleuve, provoquée par l’onde de la marée montante lors des grandes marées. Ce phénomène est accentué par l’estuaire de la Gironde qui a une forme d’entonnoir vers l’amont. Ainsi, le courant du fleuve est contrarié par la force de la marée montante, ce qui crée une vague qui se propage vers l’amont. Chez nous, cette vague présente des ondulations, on parle d’ailleurs de mascaret ondulé.
Comme il y a deux cycles de marée par jour, il y a deux Mascarets par jour. La plupart du temps, ils sont imperceptibles. Toutefois, ils deviennent spectaculaires lors des nouvelles lunes et des pleines lunes. Sa vitesse peut atteindre 20 km par heure. En fait, sa hauteur et sa force dépendent du niveau de la marée, de la profondeur et de la largeur du fleuve qu’il remonte. Mais elle peut atteindre 1,36 mètre de haut.
Ainsi, le Mascaret qui se produit dans l’estuaire de la Gironde, remonte la Dordogne et la Garonne sur plus de 100 km.
L’étude du mascaret
Même si l’évêque Sidoine Apollinaire (430-486) parle déjà de ses observations au bec d’Ambès, il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que l’ingénieur Nicolas Brémontier le lie à la marée. Toutefois, la dynamique du Mascaret reste mal connue. Quelques études ont lieu au XIXe siècle comme L’Étude pratique sur les marées fluviales et notamment sur le mascaret de M. Comoy.
Puis, depuis un peu plus de 50 ans, les études se multiplient sur l’hydraulique, la sédimentation… De plus, l’Université de Bordeaux 1 et le CeMAGref (Centre d’étude du machinisme agricole et du génie rural des eaux et forêts) ont mis en place le premier programme mondial d‘études d’un Mascaret. Ils réalisent deux campagnes de mesure, en 2010 à Podensac, sur la Dordogne, à 140 km de l’embouchure de la Gironde. l’une en fort débit, l’autre en faible débit de la rivière.
En particulier, cette étude a bien mis en évidence l’influence du mascaret sur la mise en suspension des sédiments, ce que l’on appelle le bouchon vaseux. Et d’autres études ont montré son rôle positif sur la faune aquatique car certains animaux remontent l’embouchure en se nourrissant dans son sillage.
Un effet destructeur
Le Mascaret provoque l’érosion et l’éboulement des berges.
L’Etat est propriétaire du domaine fluvial, c’est-à-dire du lit et des berges. En fait, le domaine fluvial est délimité par le niveau atteint par les eaux avant qu’elles ne débordent. Donc, les digues ne font pas partie du domaine fluvial.
Ainsi, les riverains sont responsables de l’entretien des digues comme le prévoit l’art. 33 de la loi de 1807 : Lorsqu’il s’agira de construire des digues à la mer, ou contre les fleuves, rivières ou torrents navigables ou non navigables, la nécessité en sera constatée par le Gouvernement et la dépense supportée par les propriétés protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux ; sauf le cas où le Gouvernement croirait utile et juste d’accorder des secours sur les fonds publics.
Or, les dépenses d’entretien des berges et des digues sont énormes. Aussi, les riverains se constituent en ASA (Association Syndicale Autorisée), comme à Saint-Pardon, commune de Vayres, en Dordogne.
En 2006, l’ASA est autorisée à réaliser un plan de protection des berges sur 10 ans. Ce plan a permis de protéger 24 maisons du recul de la berge, de réaliser des enrochements, de reconstruire 400 mètres de digues, de restaurer la végétation pour renforcer la ripisylve.
Un attrait touristique
Si le Mascaret peut être dangereux et dévastateur, il est devenu, depuis 40 ans, un attrait touristique. Ainsi, surfeurs et kayakistes se pressent pour affronter la vague.
Alors, la commune de Vayres a réalisé les aménagements nécessaires à l’accueil de cet afflux de touristes et de sportifs. Tous les surfeurs de la région et quelques champions du monde s’y donnent rendez-vous.
Mais cet afflux de visiteurs n’est pas sans inconvénients pour Vayres. Le maire a été obligé d’aménager des parkings pour que les voitures ne se garent pas n’importe où. Des barrières sont installées pour limiter l’afflux dans le centre bourg.
Et une « Fête du Mascaret » est organisée au mois d’aout pour mieux canaliser le dynamisme des visiteurs pour ce phénomène.
Le Mascaret, c’est aussi le nom du festival occitan de Bordeaux qui se tient en septembre et octobre de chaque année : Garona, la Garonne, un fleuve jamais frontière portant nefs, hommes et cultures. Et une langue, la gasconne, l’occitane, s’enfonçant peu à peu dans les limons de l’oubli. Déferle le Mascaret, force tranquille qui vient baigner les bords des Belles Endormies pour mieux les nourrir d’alluvions modernes et traditionnels, noyant les folkloriques idées reçues sous un flot impétueux, lit-on sur le site de l’Ostau occitan.
Stages, concerts, expositions, animations diverses autour de l’occitan composent ce festival.
Le Mascaret inspire les auteurs
Le Mascaret de la Seine inspire de nombreux auteurs. Dans La Seine a rencontré Paris, Jacques Prévert écrit :
Un jour elle est folle de son corps
Elle appelle çà le mascaret
Le lendemain elle roupille comme un loir ….
Et Auguste Vacquerie écrit Le Mascaret normand en 1877 :
Sur la rive où nous causons
La vague se rue, arrache
Les pierres des quais, et crache
Au visage des maisons !
Tout tremble de sa furie
C’est le seigneur Océan
Qui va du Havre à Rouen
Avec sa cavalerie,
Et les yeux émerveillés
Sur tout le fleuve qui fume
Voient se cabrer blancs d’écume
De grands flots échevelés.
Enfin, le groupe Bordelais Garluche chante le Mascaret de Gironde dans Les longs courriers (extrait de l’album A.O.C. Bal, sorti en 1996).
C’est sur ces quais que j’ai trimé
Pouss’ le baril et tourne la barrique
À charger des bateaux anglais
De vins d’Bordeaux et roule le tonneau
Refrain :
Ils étaient beaux ces longs courriers
Mais ils ne sauront jamais rien du fleuve
Ils étaient fiers ces mariniers
Lorsqu’ils remontaient sur le mascaret
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
Le Mascaret de la Garonne décrypté, Union Scientifique d’Aquitaine, 2011
Suivi aérien du mascaret de la Garonne le 10 septembre 2010, laboratoire EPOC, université Bordeaux 1
Festival le Mascaret