Le savez-vous ? Les Pyrénées abritent plus de 4 500 espèces de fleurs dont 160 sont endémiques. Un plaisir des yeux de plus lors des randonnées.
Les premiers grands botanistes
Jean Prévost
Né vers 1600 à Lescar, .Jean Prévost est Béarnais. D’une famille de notables, proches de la cour de Navarre, Jean devient médecin en 1634 après des études de médecine à Montpellier. Il s’installe à Navarrenx et passe tous ses loisirs à étudier les fleurs des vallées d’Aspe et d’Ossau.
En 1641, il propose aux États de Béarn de créer un jardin botanique à Pau. Le noblesse et le clergé y sont favorables, le Tiers-État farouchement opposé. En 1650, il est nommé médecin de la ville de Pau et meurt en 1660. Son projet n’aura pas vu le jour.
En revanche, il publie en 1655 le Catalogue des plantes qui croissent en Béarn, Navarre et Begorre & ès costes de la Mer des Basques depuis Bayonne jusques a Fontarabie & S. Sebastien en Espagne. 42 pages de noms de fleurs en latin, soit plus de 1000 espèces recensées.
Philippe-Isidore Picot de Lapeyrouse

Picot de Lapeyrouse est Toulousain. Il nait en 1744. Son père est capitoul de Toulouse. Il débute comme avocat mais un de ses oncles lui léguant sa fortune, il démissionne et occupe son temps à sa passion, voyager et étudier la nature. Il s’intéresse aux animaux, aux fleurs et aux minéraux des Pyrénées et publie plusieurs ouvrages sur des sujets divers.

En particulier, Picot de Lapeyrouse publie en 1782 une Description de quelques plantes des Pyrénées, en 1791, Histoire des plantes des Pyrénées, en 1795, Figures de la flore des Pyrénées, en 1813, Histoire abrégée des plantes des Pyrénées et Itinéraire des botanistes dans ces montagnes et enfin, en 1818, un Supplément à l’histoire abrégée des plantes des Pyrénées. C’est le premier travail de description fondamental, accompagné d’aquarelles de Laferrerie et de gravures de L.F. Duruisseau.
Les fleurs typiques

Selon l’altitude, vous remarquerez une flore différente :
– De 900 à 1 800 m, en basse montagne, c’est le domaine de la valeriana [valériane] et, à proximité de l’eau, de la cardamine à feuilles larges appelée joliment creishoneta [petit cresson] en Lavedan.
– De 1 800 à 2 400 m, en moyenne montagne, poussent le gavèc, l’avardet ou la jutèla [différents noms gascons de rhododendron], la lherga [iris], le liri [lis], le cardon [chardon bleu des Pyrénées], le gisped [gispet].
– En haute montagne, le plantes sont plus petites et robustes comme le trauca-pèiras [perce-pierres, saxifrage], le pavòt [pavot] ou le clacadèr [que l’on éclate, silène enflée].
Quelques fleurs ou plantes
Le gispet

Le gispet, vous ne le raterez pas. C’est cette graminée qui forme de grosses touffes de feuilles fines et raides. Si vous voulez vous y accrocher vous découvrirez vite que les feuilles sont aussi piquantes. On le trouve dans toute la haute montagne des Pyrénées et aussi aux Monts Cantabriques. Il est caractéristique de la présence de sols siliceux, acides et frais. Par temps de pluie, vous glisserez sur ces feuilles bien plus surement que sur de la neige. Autre joyeuseté, les touffes peuvent abriter des vipères…
Appelé gisped en Couserans, il prend le nom d’esquia en Lavedan. Et c’est d’ailleurs en écoutant des bergers de la vallée de Barèges que le botaniste et pyrénéiste Ramond de Carbonières lui a donné son nom savant : Festuca eskia.
Les lis

Parmi les fleurs les plus grandes – pouvant atteindre 1,20 m de haut – et les plus fréquentes, on repèrera sans difficulté le lis appelés liri ou lire en gascon (en appuyant sur la première syllabe : liri, liré). Ses fleurs jaunes mouchetées de brun se penchent vers le sol. On la trouve dans les prairies et les couloirs rocailleux ou d’avalanche jusqu’à 2 200 m d’altitude, de mai à juillet.
En langage floral, elle symbolise la pureté des sentiments. Elle est aussi reconnue pour sa capacité à calmer les démangeaisons des piqures, les brulures ou d’autres petites plaies.
L’ail des ours

Plante reconnaissable en particulier par son odeur, elle porte différents noms en Gascogne en lien avec l’ail ou le poireau :
alhet [petit ail] dans la vallée de Barrèges ou alhassa [gros ail] en Haut-Comminges,
porret [petit poireau] dans le Luchonnais ou porrat [gros poireau] dans l’ouest du Couserans.
Cette plante était fort peu utilisée dans nos régions. Mais pourquoi l’appelle-t-on ail des ours ? Certains racontent que les ours, au sortir de leur hibernation, en mangeraient. Pourtant, cela n’a pas été observé, et les Romains la surnommaient déjà ainsi. Une explication possible serait le fait que l’on donnait souvent des noms de gros animaux aux plantes magiques (aromatiques ou médicinales) pour symboliser la force. D’ailleurs, peut-être à cause de son odeur piquante, nos voisins aragonais l’appellent l’ajo de bruja [l’ail de la sorcière] ou l’ajo d’o diablo [l’ail du diable] en Aragon.
Un proverbe anglais annonce : Eat Leeks in March, and Ramsons in May, and all the year after Physicians may play [Mangez des poireaux en mars et de l’ail des ours en mai ainsi, toute l’année qui suit, les médecins pourront aller s’amuser.] Vous voilà averti, vous savez comment rester en bonne santé ! Toutefois, si vous n’êtes pas un expert, cette plante peut facilement se confondre avec d’autres qui, elles, sont toxiques.
La saxifrage

Il en existe plusieurs dont l’élégant trauca-pèiras. Gorgée de vitamine C, elle aide à lutter contre les rhumes et à éliminer les toxines.
La plus étonnante est peut-être la huelha borreluda [feuille broussailleuse, saxifrage à longues feuilles]. Assez grande, jusqu’à 80 cm, ses feuilles poussent dans une touffe dense qu’on appelle rosette. Pendant plusieurs années, vous ne verrez que ses feuilles, puis, un été, pousse une longue grappe de fleurs blanches. Puis la fleur se dessèche et meurt.
Le docteur Poucel (1878-1971), chirurgien à Marseille, était passionné par les orchidées. Lors de ses séjours à Gavarnie, il réalisa plusieurs aquarelles, en particulier de saxifrages.
L’asphodèle blanc

Au printemps, les feuilles brillantes, fines, pointues, poussent en une rosette. Puis, en juillet, une hampe en sort qui se couvre de fleurs de bas en haut. Pour cela on l’appelle en français « poireau des chiens » et en gascon porassa [gros poireau] ou, en Comminges, sansanha [viole, cornemuse].
Dans l’Antiquité, elle avait le même rôle qu’aujourd’hui le chrysanthème : fleurir les tombes ! Mais peut-être vous souvenez-vous qu’un des lieux de l’Enfer s’appelait le pré de l’asphodèle. C’est un lieu d’ennui, où séjournent des âmes qui n’ont exercé ni vertu ni crime de leur vivant.
Marie Laforêt en 1969 a chanté Mes bouquets d’Asphodèles.
Et les autres fleurs…

Parmi les plus recherchées, on pourrait noter la blanche édelweiss que l’on appelle en gascon flor de neu [fleur de neige]. Ou encore l’arnica que nous appelons de façon plus imagée la tabaquèra [fume par les bergers].
Vous pouvez aussi vous amuser à découvrir les noms gascons des fleurs, souvent inspirés. Per exemple, le cocriste est appelé en Comminges ard-en-camp [brule au champ] et dans l’ouest du Couserans cap-d’ausèth [tête d’oiseau]. La pâquerette s’appelle nina [fillette] dans le Luchonais, l’orchidée sauvage s’appelle flor de cocud [fleur de coucou] à Nistos.
Attention, il est souvent interdit de cueillir ces fleurs et il est bien mieux de les admirer ou les photographier.
Anne-Pierre Darrées
écrit en orthographe nouvelle
Références
Ièrbas bordas deras Pireneas, d’après les enquêtes de Jean Séguy, Francis Beigbeder, 2012
Jean Prévost, association Pierrine Gaston-Sacaze
Nouvelle flore illustrée des Pyrénées, Marcel Saule, 2018 (3 650 espèces)
La flore et les arbres, patrimoine lourdes gavarnie, Jean Omnès
La flore des Pyrénées, topopyrénées
Vous devriez corriger le nom français de Asphodelus albus : c’est Asphodèle, et non « Aspholède »….
Merci !