Mont Valier, seigneur du Couserans
Sommet mythique de 2 838 m d’altitude, le Mont Valier est le seigneur du Couserans. S’il n’est pas le plus haut, il est probablement l’un des plus beaux d’Ariège. Et il est aussi porteur d’histoire et de légendes.
Le Mont Valier visible depuis Toulouse
Le Mont Valièr domine les vallées d‘Angols [Angouls], d’Estors [Estours], de Vathmala [Bethmale], du Riberòt [Ribérot] et d’Òrla [Orle]. Son panorama est très large allant du Pic du Midi de Bigorre jusqu’au pic de Canigou, en passant par le pic Rouge de Bassiès ou le Carlit ou encore le pacifique Montcalm. Ainsi il permet d’admirer les grands sommets pyrénéens comme l’Aneto ou le Bésiberri.
Bien détaché et facile à reconnaitre, le Mont Valièr est visible de la plaine de la Garonne et ce, jusqu’à Toulouse.
Vu l’élégance de sa silhouette, il est parfois surnommé avec affection le Redoutable. Pourtant, c’est un mont qui se laisse gravir sans difficulté sauf qu’il exige une longue marche d’approche. Si vous voulez vous y promener, vous pouvez y aller par la vallée du Riberòt [Riberot] en un jour, ou deux si vous préférez vous attarder dans les parages. Auquel cas, vous pourrez dormir au refuge des Estanhós [Estagnous], l’étang se disant estanh en gascon. Compter 10 h aller/retour pour faire les 1900 m de dénivelée. Ou, pour changer, faites une boucle par l’étang du Miloga [Milouga] (11 h, 2200 m de dénivelée)
Les légendes du Mont Valier
Une première légende (ou histoire ?) est liée à son nom. Vers 450, aurait vécu un évêque du Coserans [Couserans] nommé Valerius. Celui-ci serait parti à cheval sur ce promontoire majestueux et y aurait planté trois croix. Une façon peut-être, en période de christianisation, de mettre le Dieu des chrétiens au-dessus des dieux locaux liés aux forêts et aux montagnes ? Et, bien sûr, il aurait laissé son nom à la montagne.
Une autre légende affirme qu’un berger et ses brebis ont été pétrifiés par Saint Pierre pour le punir d’avoir volé des brebis. Ainsi le mont Nèr [mont noir], serait le berger pétrifié et les roches blanches des oelhas anticas [brebis anciennes].
Enfin, au pied du mont couseranais, de terribles batailles auraient eu lieu soit entre des bergers et des Sarrazins, soit entre des bergers du nord (Vathmala) et des bergers du sud (Vath d’Aran). Si on ne sait plus bien, le compte des morts est gravé dans la mémoire locale : 108 morts au lac d’Arouet, 102 à celui de Cruzous et un nombre tellement grand au lac de Milouga qu’on ne le connait même plus. En tous cas, le coin porterait toujours les signes de cette lutte.
Les croix du Mont Valier
Si la ou les croix de Valerius restent hypothétiques, celle de 1672 est certaine. Bernard Coignet de Marmiesse (1619-1680) est évêque du Couserans. Comme on ne retrouvait pas celle de Valerius, il fait installer une croix de fer qui restera en place plusieurs siècles. Et il fait inscrire : Episco Dom Valerio Posuere [Cette croix fut posée à la mémoire du seigneur évêque Valérius]. Plus tard, un berger ou un randonneur l’aurait faite basculer dans le vide. Elle a toutefois été retrouvée et remise en place par les Amis de Saint-Lizier.
En 1987, cette même association offre une croix de granit de 50 kg. la commission montagne de l’office de tourisme de Saint-Girons l’installe. Un hélicoptère l’apporte au refuge des Estanhós, puis les montagnards la porte à dos d’homme jusqu’au sommet (1h30 de marche sans fardeau). Jean Soum, physicien, professeur d’architecture à l’école de Toulouse, spécialiste des zomes, la scelle.
En 2011, un randonneur signale qu’il ne subsiste plus que la base. Acte de vandalisme ou intempérie, on ne saura pas. L’année suivante, une croix en fer forgé est plantée.
Le chemin de la Liberté
Pendant la Seconde Guerre mondiale, divers chemins permettaient aux prisonniers évadés, aux pourchassés, aux réfractaires du STO (Service du Travail Obligatoire) et autres de rejoindre l’Espagne. En effet, le général Franco, bien qu’allié de Hitler, avait des accords aves les alliés pour laisser libres les réfugiés, après une période d’incarcération de 2 à 6 mois.
L’une de ces routes, le chemin de la Clavèra [Claouère], conduisait de Sent Joan de Verges [Saint-Girons] à Esterri d’Àneu en Catalogne et passait par le massif du mont Valièr. Un chemin difficile et éprouvant malgré l’aide d’une trentaine de Couseranais. Selon les registres de la prison de Sort (à côté d’Esterri d’Àneu), 2 506 hommes et 158 femmes passèrent ainsi.
En 1994, le chemin de la Liberté est reconnu, balisé et labellisé. Vous pouvez le parcourir ou rejoindre la marche commémorative organisée chaque année par l‘Association du Chemin de la Liberté. Il vous faudra 4 jours. Son itinéraire est le suivant :
Saint Girons -> hameau d’Aunac : 23 km, 375 m de dénivelée, 8 h de marche
Hameau d’Aunac -> cabane de Subéra : 16 km, 733 m de dénivelée, 6 h de marche
Cabane de Subéra -> refuge des Estagnous : 13 km, 733 m de dénivelée, 8 h de marche. Ouf, la montée est terminée !
Refuge des Estagnous -> Alos de Izil / Esterri d’Àneu : 20 km, 1045 m de dénivelée, 7 h de marche.
La réserve domaniale du Mont Valier
En 1937, une réserve est créée, c’est une des plus anciennes des Pyrénées. Elle couvre 9 037 ha et entoure le Mont Valier. Elle présente une bonne diversité de la faune et est classée Zone de Protection Spéciale pour les oiseaux. Avec un peu de chance vous y verrez l’ausèth deras nèus [oiseau des neiges : niverolle alpine] qui ne vit qu’en haute altitude, le piganèu [merle à plastron] qui se promène dans les éboulis de roches ou a proximité des plaques de neige. Ou encore l’élégant ausèth der’arla [oiseau des parois calcaires : tichodrome] facile à reconnaitre avec ses ailes rouges.
Vous pourrez aussi croiser le desman des Pyrénées appelé aussi rat-trompette, ou la çarnalha [le lézard] pyrénéen du val d’Aran qui, hélas, se raréfie.
Côté flore, vous pouvez chercher la violette cornue, appelée joliment en Gascogne la vriuleta ou vriòla en Ariège. La réglisse des montagnes, bani ou baniu. Quant à la blanche céraiste des Pyrénées, elle pousse dans les éboulis de roche et résiste aux glissements des pierres grâce à un incroyable réseau de tiges souterraines.
Le glacier d’Arcouzan
Tout modeste qu’il puisse paraitre, le Mont Valièr présente un petit glacier. C’est le plus bas de la chaine (en-dessous de 3 000 m d’altitude) et c’est le dernier en allant vers l’est. Mais Valier est redoutable et l’accès à son glacier est dangereux. D’ailleurs il n’y a aucun chemin.
Jean-Pierre Pagès (1784-1866) écrit dans Mémoires de géologie et archéologie : Pour parvenir au glacier du Valier, il faut avoir abdiqué toute crainte de la mort. Je m’engageai imprudemment et bientôt la force et le courage m’abandonnèrent, un des guides refusa de nous suivre, l’autre chasseur au chamois monta avec intrépidité. Un berger l’accompagnait. Celui-ci étonné de ma lassitude et de ma frayeur me plaça sur ces épaules et m’emporta fièrement. […] Le glacier s’offrit enfin. La surface du glacier offre de grandes scissures de 15 ou 20 mètres de profondeur. La couleur du glacier est bleue à la base, blanc terne vers le milieu et d’un blanc éclatant à la surface. Une des branches du glacier forme une voûte imposante de 30 mètres carrés, c’est dans cette salle de glace qu’est le berceau du Salach.
De Mont Valièr à Arcosan
En 1940 apparait de façon étonnante le nom de glacier d’Arcosan [Arcouzan]. Etonnante car ce glacier n’est pas dans la vallée d’Arcosan !
M. Blazy prend la première photo du glacier en 1942. Depuis, il sera étudié plusieurs fois. Contrairement à d’autres, le glacier fond moins, il faut dire qu’il et coincé dans une falaise de 300 m où la neige s’accumule.
Michel Sébastien (1937-2016), professeur de géographie, pyrénéiste et auteur de topoguides, lui rendra visite tous les ans entre 1999 et 2009. Lors de sa première visite, il voit des brebis prenant tranquillement le frais sur la glace. En 2015 il écrit : Valier je t’aime. Tu as tout, l’élégance, la beauté, la hauteur, le prestige. Tu es un mythe.
Anne-Pierre Darrées
écrit en orthographe nouvelle
Références
Photo en-tête : Vue sur l’Aneto depuis le Mont Valier, Photo Pyrénées Mariano
Le massif du Mont Valier, Bulletin du Comité Scientifique de PNR, 2013
Randonnée le Mont Valier, topopyrénées, 2018
Une nouvelle croix pour le Mont Valier, La Dépêche, 2012
Le chemin de la liberté, association Le chemin de la Liberté
Ausèths, Francis Beigbeder, Ed. Per Noste, 1986
Ièrbas bordas deras Pireneas, Francis Beigbeder, 2012
Le glacier d’Arcouzan, association Moraine, 2012