Le chocolat vient d’Amérique. Aztèques et Mayas boivent le Xocolatl qui donne chocolate en espagnol. Portugais et Espagnols en font le commerce. Et bientôt, Bayonne devient la capitale du chocolat en Europe.
Le chocolat arrive à Bayonne

C’est aux vicissitudes de l’histoire que l’on doit l’arrivée du chocolat à Bayonne.
Ferdinand d’Aragon et Isabelle la Catholique, sous la pression de l’Inquisition, expulsent les Juifs d’Espagne par le décret de l’Alhambra du 31 juillet 1492. Alors, la plupart d’entre eux se réfugient au Portugal tout proche. Mais, à cause de son puissant voisin, le Portugal expulse à son tour les juifs en 1496 ou les oblige à se convertir au catholicisme.
Si certains émigrent en Italie, en Afrique du nord, dans l’empire ottoman ou en Hollande (dont la famille du philosophe Spinoza), quelques-uns sont accueillis à Bayonne et dans les communautés voisines (Came, Saint-Jean Pied de Port, Saint-Martin de Seignanx, etc.). C’est Henri IV et le duc de Gramont, alors gouverneur de Bayonne, qui facilitent leur arrivée à partir de 1602.
Parmi la « nation portugaise » (c’est ainsi qu’on appelle les Juifs d’Espagne et du Portugal), il y a de nombreux commerçants qui maitrisent l’approvisionnement et la transformation des fèves de cacao. On les appelle les faiseurs de chocolat.
La journée, les faiseurs de chocolat travaillent chez des épiciers de Bayonne qui revendent le chocolat dans leur boutique. Ils vont même chez des particuliers pour préparer directement cette boisson de luxe aux réputations médicinales et aphrodisiaques. Le soir venu, ils quittent Bayonne pour regagner Saint-Esprit.
Conflit avec la Guilde des marchands de Bayonne
Au XVIIIe siècle, le chocolat représente une importante source de revenus pour Bayonne. En conséquence, des rivalités commerciales apparaissent.

Il faut dire que c’est un produit de luxe que Marie-Thérèse d’Autriche, fille du roi d’Espagne et femme de Louis XIV, ramène à la Cour de France. En effet, elle le fait découvrir à Louis XIV lors de son mariage en 1660 à Saint-Jean-de-Luz.
Déjà, en 1659, David Chaillou (1628-1687), un Toulousain qui a du nez, obtient de Louis XIV le monopole de la vente du chocolat à boire en France pour 29 ans. Il ouvre une boutique à Paris et est à l’origine de la « folie du chocolat ».
Le Corps de Ville en offre aux personnalités de passage à Bayonne. Par exemple, en 1680, Vauban qui vient inspecter les fortifications se voit offrir 16 livres de chocolat !

Mais, en 1725, les échevins de Bayonne publient une ordonnance interdisant aux juifs de Saint-Esprit de venir à Bayonne pour fabriquer du chocolat. Abraham d’Andrade est condamné pour avoir loué un appartement dans Bayonne pour y fabriquer du chocolat.
La guerre économique continue. En 1761, les chocolatiers de Bayonne créent une corporation afin d’assoir leur monopole et empêcher les juifs d’exercer la profession de chocolatier. Les statuts prévoient qu’il faut être catholique pour appartenir à la corporation et obtenir le droit d’exercer. La manœuvre est claire.
Mais, suite aux plaintes des marchands de Saint-Esprit, le Parlement de Bordeaux supprime la corporation en 1767. Il faut dire qu’ils sont aidés par le Duc de Gramont qui possède la plupart des maisons des commerçants juifs de Saint-Esprit.
Le développement de la fabrication du chocolat
La première chocolaterie française voir le jour en 1770. Dix ans plus tard, la première usine à chocolat mécanique ouvre à Bayonne.

Petit à petit, la consommation de chocolat se démocratise. En plus de la boisson, on fabrique des bonbons, de la pâtisserie ou des glaces avec le chocolat. Bayonne est la ville du chocolat et la qualité de ses produits est appréciée. Elle fabrique un chocolat particulier, à plus de 70 % de fèves de cacao d’Équateur, très rare à l’époque.
La demande est forte. Le chocolat s’exporte partout en Europe. Dès 1825, des fabriques existent à Biarritz, Cambo, Charritte, Espelette, Hasparren, La Bastide-Clairance, Saint-Etienne de Baïgorri, Saint-Jean Pied de Port, Saint-Palais et Ustaritz.
En 1854, il y a 32 fabricants de chocolat à Bayonne.
Pourtant, la fabrication industrielle du chocolat au XXe siècle relègue Bayonne au second plan. En 1945, il ne reste que 15 chocolatiers.
Quelques grandes maisons de chocolat existent encore à Bayonne. La maison Cazenave est fondée en 1854, la maison Daranatz en 1890, la maison Pariès en 1895. De jeunes chocolatiers perpétuent la tradition, comme L’Atelier du chocolat fondé en 1951, ou la maison Pascal fondée en 2008.

La consommation de chocolat
Les Français aiment le chocolat. Ils en consomment 7 Kg par personne chaque année, surtout du chocolat noir (la moitié des ventes de tablettes).
Aujourd’hui, 70 % du chocolat se vend en grandes surfaces. Il occupe 105 entreprises, dont 90 % sont des entreprises artisanales qui font travailler environ 30 000 personnes.
Les ventes se font essentiellement sous forme de tablettes (38 %), suivies des pâtes à tartiner (25 %), des barres chocolatées (14 %), des confiseries (13 %) et de poudre de chocolat pour le petit déjeuner (10 %).
En 2021, la France exporte 243 585 tonnes de chocolat, soit 70 % de sa production. Nous mangeons le reste ! L’Union européenne en absorbe 81 %.
Comme disent les Gascons, le chocolat qu’ei bon a se’n lecar los poths / il est bon à s’en lécher les babines !

La promotion du chocolat de Bayonne

Pour promouvoir le savoir-faire des chocolatiers de Bayonne, l’Académie du Chocolat est créée en 1993.
Elle regroupe les principaux chocolatiers qui s’engagent à travailler selon des critères rigoureux de fabrication, à utiliser des matières nobles et à respecter la tradition du chocolat noir et amer.
L’Académie organise chaque année, à l’Ascension, « Les journées du chocolat ». Chaque artisan propose chez lui des visites, des démonstrations de la fabrication et des dégustations. C’est un véritable succès !

En 2018, l’Académie du Chocolat et la Ville de Bayonne s’unissent pour créer un évènement commun, « Bayonne fête son chocolat » qui a lieu le dernier weekend d’octobre de chaque année. Toute la ville est mise à contribution pour comprendre le parcours du cacao jusqu’au chocolat : expositions, découverte du travail des artisans, visites des ateliers, initiations, dégustations, etc.
S’il faut être raisonnable en mangeant du chocolat, celui de Bayonne a un gout très particulier. Et s’il faut une excuse pour en croquer, dites-vous simplement historien, à la découverte de l’histoire de Bayonne…. On ne résiste pas à sa richesse.
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
Wikipédia
Académie du chocolat de Bayonne
Syndicat du chocolat