La Neste, de la Vallée d’Aure à la Garonne
La Neste est une rivière de montagne qui se jette dans la Garonne après avoir traversé la vallée d’Aure. Depuis toujours, elle est un axe de communication fréquenté pour l’exportation du bois et du marbre. Aujourd’hui, ses eaux alimentent les eaux des rivières du Gers.
Une rivière navigable
Comme pour les gaves et la Dour, le nom de Neste vient des Aquitains.
La Neste de Badet prend sa source à Aragnouet au pic de la Géla. Elle parcourt 73 Km, grossit des eaux de la Neste d’Aragnouet, de la Neste de Couplan, de la Neste du Moudang, de la Neste de Rieumajou et la Neste de Louron, prend son nom générique de Neste à partir de Sarrancolin avant de se jeter dans la Garonne à Montréjeau.
Jusqu’au XIXe siècle, la Neste est navigable. Saint-Lary est un port fluvial spécialisé dans le flottage du bois. Les grumes arrivent des forêts de montagne. On les regroupe pour former des radeaux. Pour faciliter la navigation, on construit des barrages sur la Neste et on procède à des lâchers d’eau.
D’autres ports jalonnent la Neste jusqu’à Sarrancolin. Le siège de la corporation des radeliers est à Ilhet.
À partir de Sarrancolin, la Neste sert aussi pour le transport du marbre tiré des carrières de Sarrancolin et plus étonnant, de la carrière d’Espiadet à Campan dans la vallée de Bagnères. Pour faciliter le transit jusqu’à la Neste, Pierre de Lassus ouvre le « Chemin royal pour les marbres » en 1713 par le col de Beyrède.
L’exportation des marbres connait son apogée sous le règne de Louis XIV, grâce à Louis Antoine de Pardaillan de Gondrin, duc d’Antin.
Ce qu’on doit au Duc d’Antin
Louis-Antoine de Pardaillan de Gondrin (1665-1736) est élevé au château de Bonnefont (Hautes-Pyrénées). Sa mère, Athénais de Montespan, est la favorite du roi Louis XIV. À la mort de sa mère en 1707, il se voit confier la direction des Bâtiments du Roi. En 1711, le marquisat d’Antin devient un duché.
Le duc d’Antin supervise les travaux de Versailles et réorganise la politique marbrière du royaume. Il nomme Pierre de Lassus « Contrôleur des marbres du Languedoc et des Pyrénées ». En compagnie de Claude-Félix Tarlé, chef du service des marbres, il fait ouvrir les carrières de Sarrancolin, Beyrède, Campan, Saint-Béat, Sauveterre, Barbazan et Cierp.
Le duc d’Antin possède de nombreuses forêts dans les Pyrénées. Il fait transporter le marbre gratuitement sur les radeaux de flottage du bois sur la Neste. Il tire son bénéfice de la vente des bois à Bordeaux. De 1716 à 1719, il charge Hyppolite Mathis, cartographe du roi, de faire le relevé des rivières pour améliorer le passage des radeaux.
Sur la Neste, le duc d’Antin fait reprendre les chemins, rectifier les cours d’eau et nettoyer le lit en faisant sauter les rochers qui gênent le passage des radeaux. Il emploie les radeliers et les carriers à ces travaux qui contribuent à améliorer la navigabilité et facilite l’exportation des marbres. La vallée de la Neste connait un essor économique considérable.
La création du canal de la Neste
La plupart des rivières du Gers prennent leur source sur le plateau de Lannemezan. Leur débit est faible en été et parfois le lit s’assèche, ce qui rend difficiles l’activité des moulins et de l’agriculture. L’exode rural est fort.
En 1791, l’ingénieur Moisset travaille sur un projet d’aménagement hydraulique. Il veut réguler l’approvisionnement en eau à partir du lac de Caillaouas et pense prélever de l’eau pour alimenter le Gers. En 1838, l’ingénieur Montet étudie la construction d’un canal.
Mis en service en 1863, le canal de la Neste alimente 17 rivières du Gers qui prennent leur source sur le plateau de Lannemezan et ont de faibles débits en été : la Baïse, le Gers, la Save, la Gimone, l’Arrats, le Bouès, la Louge, la Gesse, le Touch, etc.
Pour alimenter le canal, des réservoirs sont construits. Entre 1871 et 1879, on construit les barrages du lac d’Orédon, du lac de Cap de Long, du lac de Caillauas, du lac d’Aumar, du lac d’Oule. Après réaménagement, ils produisent de l’électricité.
Le système Neste est complété en piémont de retenues d’eau comme le lac de Puydarrieux, le lac de Castelnau-Magnoac ou celui de la Gimone.
Le canal a 19 km de long. On double son débit en 1950. Il est aujourd’hui de 7 m3/seconde. Il capte l’eau à Sarrancolin et distribue l’eau par un réseau de 90 km de rigoles.
Le système Neste est unique en France. Il permet l’alimentation en eau potable de 280 000 habitants, l’irrigation des cultures, la navigation sur le Gers et la Baïse et le maintien de la vie aquatique dans les rivières réalimentées. Sa gestion est confiée depuis 1990, à la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne, elle-même créée en 1960.
La Neste en chanson
Edmond Duplan, le cantagoy pyrénéen né à Pouzar (Hautes Pyrénées) en 1930, a écrit environ 200 chansons en français ou en gascon qui mettent en valeur son pays. On se souvient de Canta Bigòrra ou Rugby canta, introduit par le rugbyman landais de réputation internationale Pierre Albaladejo.
Son Chante ma Neste débute ainsi :
Ils descendent en chantant
En guirlandes d’argent
Tous ces torrents des Nestes
D’Aragnouet et Couplan
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
La Neste autrefois et aujourd’hui, François Marsan, bibliothèque Escòla Gaston Febus
La Neste – Wikipedia
Système Neste, CCAG Compagnie d’Aménagement des Côteaux de Gascogne