Larressingle, village fortifié
Larressingla, Larressingle en français, est un beau village fortifié du Gers. Certains disent que c’est une « réduction de Carcassonne ».
Le castrum de Larressingle
Au XIe siècle, l’abbé Hugues, fondateur de l’abbaye de Condom, et héritier des ducs de Gascogne, devient évêque d’Agen et de Bazas. En 1011, il laisse sa charge abbatiale de Condom et fait don à son successeur de ses terres de Larressingle. C’est ainsi que les abbés en deviennent propriétaires. Puis, ce seront les évêques de Condom à la création de l’évêché en 1317.
Le conflit en Aquitaine entre le roi d’Angleterre et le roi de France nécessite la fortification des bourgs et des villes. Ainsi, les abbés de Condom fortifient le village. En 1285, l’abbé de Condom et le roi d’Angleterre établissent un paréage. On rehausse les tours. La justice est partagée. Et la garnison est anglaise. Cependant, la guerre en Aquitaine ne semble pas avoir touché Larressingle.
Plus tard, en 1589, les Ligueurs s’en emparent et en font une base pour leurs opérations en agenais et en condomois. Mais, vite, Antoine-Arnaud de Pardaillan de Gondrin (1562-1624) fera sa soumission à Henri IV et rendra Larressingle en 1596.
À partir de 1610, Larressingle ne fait plus partie de Condom et devient communauté à part entière.
Finalement, les évêques de Condom abandonnent le château de Larressingle pour le château de Cassanha (Cassaigne) tout proche et plus commode. Monseigneur d’Auterroches, dernier évêque de Condom (1763-1792) fait même enlever la toiture de l’église Saint Sigismond pour utiliser la charpente dans son château de Cassaigne.
À la Révolution, Larressingle est vendue comme bien national. Dépecé et vidé de ses plus belles pierres, le village est progressivement abandonné. Seules trois familles habitent dans l’enceinte. Les autres préfèrent s’établir à l’extérieur.
Larressingle est un village défensif
Un rempart polygonal crènelé de 270 mètres, quasiment intact, entoure Larressingle. Les courtines font 14 mètres de haut. Sept contreforts carrés renforcent l’enceinte. Un fossé large de 10 mètres complète l’ensemble.
On y accède par une porte fortifiée ; un pont fixe remplace le pont-levis. Une quarantaine de maisons s’adossent aux courtines ; elles pouvaient abriter environ 300 personnes. Une seule rue polygonale fait le tour du donjon et de l’église.
Au centre, s’élève un château avec un donjon à quatre étages. L’intérieur est en ruine mais on y voit encore l’escalier à vis qui permettait d’accéder aux étages supérieurs éclairés par des fenêtres géminées.
Jouxtant le château, l’église romane Saint-Sigismond n’offre que des meurtrières pour toute ouverture. Elle est classée au titre des Monuments Historiques. Ce sont les ateliers Monna de Toulouse qui réalisent la statue qui orne l’église, dédiée à Saint Sigismond. Curieusement, ils livrent une statue de Vercingétorix, reproduction de celle de Millet, érigée en 1865 à Alésia. Et voilà Saint-Sigismond avec une remarquable moustache !
L’ensemble château et église constitue un élément de défense impressionnant pour servir de refuge aux habitants.
À proximité de Larressingle, le pont d’Artigues est classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en tant que passage des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle.
Enfin, Larressingle se classe parmi les Plus beaux villages de France.
Un sauvetage inespéré
Le château et l’église sont en ruines. Larressingle appartient à de nombreux propriétaires. Les maisons adossées aux remparts les protègent, ainsi que les contreforts.
Si Violet le Duc restaure la cité de Carcassonne, Larressingle doit son sauvetage à Édouard Mortier, duc de Trévise (1883-1946). En 1920, Édouard Mortier fait une randonnée à bicyclette ; il remarque la beauté du village. Un an plus tard, il fonde La Sauvegarde de l’Art Français dont il assure la présidence de 1921 à 1946.
Le duc de Trévise parcourt la France. Ses articles dans la presse attirent l’attention du public sur l’état pitoyable du patrimoine français. D’ailleurs, c’est un de ses articles qui empêche que la vache qui orne la porte de l’évêché d’Alan en Comminges ne soit vendue à un Américain par un antiquaire peu scrupuleux.
Un mécénat inattendu
Il a l’idée d’aller aux États-Unis pour sensibiliser les Américains à la sauvegarde du patrimoine français, non seulement en cessant d’en acheter des morceaux, mais surtout en finançant sa restauration. Son voyage dure 6 mois entre 1925 et 1926.
C’est un triomphe. « The Duke » (les Américains ont du mal à prononcer son nom) fonde 12 comités locaux réunissant chacun un capital dont les revenus iront aux restaurations d’un monument. Le comité de Saint-Louis s’intéresse aux monuments de Toulouse, celui de Saint-Paul à l’église d’Alan en Comminges, celui de New-York aux boiseries de la chambre du château de Bayonne dans laquelle fut payée la rançon de François 1er, celui de Boston à Larressingle.
Il fait adopter chaque maison du village par des dames de Boston. Les fonds recueillis permettent de restaurer quatre contreforts, l’enceinte et 12 maisons du castrum de Larressingle. Les petits-enfants de ces bienfaitrices viendront à la fin du XXe siècle visiter le village et découvrir ce que leurs grand-mères avaient permis de sauver.
Depuis, sous l’égide de la mairie et de l’association des Amis de Larressingle, les travaux de restauration se poursuivent.
Un site touristique remarquable
Si l’on en croit la légende, le nom de Larressingle viendrait d’un siège de l’armée romaine. Le village leur aurait résisté et Crassus, lieutenant de César, aurait ordonné la retraite à ses soldats avec ces mots : Retro singuli, c’est-à-dire « en arrière un par un ». Les experts proposent diverses hypothèses pour sa toponymie.
Aujourd’hui, les Amis de Larressingle animent la « réduction de Carcassonne » ; ils reçoivent près de 130 000 visiteurs chaque année.
Outre les visites guidées du castrum, un camp médiéval permet de découvrir les techniques de l’art du siège d’un château avec des reconstitutions de machines de guerre et des démonstrations de tirs.
Grands et petits peuvent s’initier au tir à l’arc, à l’arbalète, frapper une monnaie, s’habiller en chevalier.
Un site gascon à découvrir, situé entre Condom et L’Arromiu (La Romieu).
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
Wikipédia.
The extraordinary village of Larressingle in Gers.
Sauvegarde de l’art français, Larressingle et La Mothe-Chandeniers : un même modèle innovant et efficace de mécénat culturel.
Larressingle en Condomois, description et histoire, Georges Tholin et Joseph Gardère, Auch, 1892.
Visiter la petite Carcassonne du Gers