La Gascogne a produit de magnifiques manuscrits enluminés, comme le Beatus de Saint-Sever rédigé au XIe siècle. Plus près de nous, le Missel de Jean de Foix a été réalisé au XVe siècle.
Mathieu de Foix-Comminges

Mathieu de Foix-Comminges est le frère de Jean de Grailly. Leur père, Archambaud de Grailly, récupère la succession de Gaston Febus. En 1419, Mathieu de Foix épouse Marguerite de Comminges et devient ainsi comte de Comminges jusqu’en 1449. Néanmoins, quelques mois après son mariage, il fait enfermer Marguerite qui mourra prisonnière. À sa mort, Marguerite lègue le comté de Comminges au roi de France.
Mathieu de Foix et Marguerite n’ont pas d’enfants. Cependant, Mathieu de Foix a un fils illégitime, Jean-Baptiste, surnommé « le bâtard de Grailly » qui sera légitimé peu avant sa mort, en 1498.
Jean de Foix, évêque de Comminges

Ce Jean-Baptiste de Foix devient évêque de Dax de 1459 à 1466, puis évêque de Comminges jusqu’à sa mort en 1501. Bâtisseur, il agrandit le palais épiscopal d’Alan pour en faire une résidence au gout de l’époque.
De plus, Jean-Baptiste de Foix est amateur de livres. Aussi, il fait rédiger un Missel, aujourd’hui à la Bibliothèque nationale. Le Missel est terminé en 1492 ; il est l’œuvre du maitre enlumineur Liénard de Lachieze.
Qu’est-ce qu’un Missel ?

Depuis le VIIIe siècle, un Missel est un livre qui regroupe les textes des lectures, des chants et des prières qui constituent la liturgie de la messe pour tous les jours de l’année. Ainsi, il y a le Missel d’autel destiné au prêtre et le Missel paroissien, plus petit, destiné aux fidèles.
Il est organisé en plusieurs parties en fonction de l’année liturgique et des fêtes chrétiennes (Avent, Noël, Carême, etc.).
En outre, chaque diocèse a son propre Missel. Il relève d’une pratique identitaire par la réunion des rites particuliers à chaque diocèse. Et son usage se généralise entre le XIIIe et le XVe siècle.

Bien sûr, les ordres religieux les plus anciens, comme les Chartreux, les Dominicains, les Cisterciens, les prémontrés ou les Carmélites ont leur propre Missel.
Pourtant, l’édition imprimée du Missel de 1474, très largement diffusée, rend populaire la liturgie du diocèse de Rome. De plus, après le Concile de Trente, le pape Pie V rend obligatoire, en 1570, l’utilisation du Missel romain dans toute l’Église latine.
Depuis, plusieurs éditions ont amené des évolutions dans la liturgie.
Liénard de Lachieze, maitre enlumineur

On pense que Liénard de Lachieze est d’origine limousine. On lui attribue des manuscrits réalisés à Poitiers entre 1475 et 1485. Il exerce ensuite son art à Toulouse entre 1490 et 1501.
Il s’inspire du travail d’Antoine de Lonhy qui a réalisé les fresques de l’église de la Dalbade que l’on peut encore admirer au Musée des Augustins à Toulouse. Durant son bref passage à Toulouse (à partir de 1453), il réalise aussi les vitraux de Saint-Sernin, aujourd’hui perdus.
Liénard de Lachieze réalise des enluminures dans Les Annales de Toulouse pour les Capitouls des années 1498 à 1501. C’est à partir de l’analyse de ces enluminures et de celles du Missel de Jean-Baptiste de Foix que l’on a pu lui attribuer la réalisation du Missel.

Le grand maitre enlumineur a travaillé pour Jean de Foix et pour Philippe de Lévis, évêque de Mirepoix, de 1493 à 1537. En particulier, il a introduit dans l’enluminure toulousaine les éléments ornementaux de la Renaissance : peintures de temples à l’antique et d’arcs de triomphe, bordures parsemées d’oiseaux fantastiques et de sentences morales inscrites dans des bandes de parchemins.
On lui attribue plusieurs œuvres aujourd’hui conservées à la Bibliothèque nationale, à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, à celles de Poitiers, de Cambridge, de Saint-Pétersbourg, de Melbourne et dans des collections privées.
La Bibliothèque municipale de Toulouse a acquis des fragments isolés d’un Livre d’heures.
Le Missel de Jean-Baptiste de Foix

Le Missel de Jean de Foix est un bel ouvrage richement décoré. Outre les éléments de la liturgie et du chant, il comporte un calendrier des douze mois de l’année avec des scènes religieuses et pastorales. Et chaque mois est associé à un signe du zodiaque.
Jean-Baptiste de Foix s’est-il fait représenter dans son Missel ? Tout porte à le croire tant sont nombreux les portraits d’un évêque.
Parcourons quelques pages.


Et, afin que nul n’ignore qu’il est le commanditaire du Missel, Jean-Baptiste de Foix a parsemé le Missel de représentations, toutes différentes, de ses armes et de celles de son diocèse.
Le palais épiscopal d’Alan

Jean-Baptiste de Foix aménage, à Alan, en Comminges, une résidence fastueuse au gout de l’époque.
En fait, les Hospitaliers de Saint-Jean habitent le lieu au XIIe siècle. Plusieurs évêques y font des travaux d’agrandissement mais c’est bien Jean-Baptiste de Foix qui le transforme en véritable palais épiscopal.
Peu à peu, un village se constitue avec de belles maisons des notables de l’entourage des évêques de Comminges.
Au dessus de la porte d’entrée, une vache représente les armes de la Maison de Foix.

Abandonné à la Révolution et vendu comme bien national, le palais de Jean-Baptiste de Foix est voué à la ruine. Heureusement, des travaux de restauration débutent en 1969. Enfin, ses actuels propriétaires, les photographes Mayotte Magnus et son mari Yuri Lewinski, le rachètent en 1998, le restaurent et l’ouvrent à la visite.
Serge Clos-Versaille
écrit en orthographe nouvelle
Références
Le Missel de Jean de Foix à la fin du XVe siècle, Revue de l’Art, juin 2017, Aurélia Cohendy, p 7-18
Alan, le village et le château
Le palais des évêques du Comminges
Où doit paître la vache d’Alan, L’Illustration, 28 octobre 1920