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Les races bovines gasconnes redécouvertes

Les races bovines gasconnes n’ont pas échappé à la sélection génétique qui a permis d’obtenir des animaux adaptés à la production intensive de viande et de lait. Lorsqu’on a encore la chance de voir des troupeaux dans les prés, ce sont le plus souvent des Blondes d’Aquitaine pour leur viande ou des Piguetas (Française-Frisonne Pie Noire) pour leur lait.

Pourtant, la Gascogne est le berceau de nombreuses races locales parfaitement adaptées aux conditions de chaque territoire. Elles ont failli disparaitre dans les années 1960. Des passionnés cherchent aujourd’hui à les sauver et à les réhabiliter.

Les races gasconnes menacées de disparition

Etude des variations de structure du génome bovin (Doc INRA)
Etude des variations de structure du génome bovin (Doc INRA)

Les races bovines gasconnes sont victimes de la mécanisation de l’agriculture qui délaisse les animaux de trait. Le cheptel s’oriente vers la production de lait et de viande entrainant l’apparition de races plus productives.

Déjà, le plan Monnet de 1947 prône la simplification du cheptel français par la diminution du nombre de races locales. La nécessité de nourrir la population au sortir de la guerre conduit à la spécialisation et à la standardisation du cheptel.

Gène bovin
Gène bovin

La loi du 28 décembre 1966 sur l’élevage est défendue par Jacques Poly (1927-1997). Fondateur du département génétique animal et PDG de l’INRA, il a pour objectifs d’améliorer le progrès génétique par le biais de l’insémination artificielle et la traçabilité des semences. Elle va entrainer une forte diminution du cheptel des races bovines gasconnes.

Pourtant, en 1972, Bertrand Vissac (1931-2004), chercheur à l’INRA, met en évidence le risque de disparition des races locales et de la ressource génétique qu’il faut sauvegarder. En 1977, le ministère de l’agriculture consacre pour la première fois un petit budget pour la conservation des races locales. L’idée fait son chemin. En 1983 est créé le Bureau des Ressources Génétiques et, en 1999, la Cryo banque nationale pour la conservation des semences.

Ainsi, grâce à la banque de génétique, les races locales gasconnes sont en voie de sauvetage. Elles sont au cœur des préoccupations agro-environnementales et économiques.

Les races bovines gasconnes

Les races bovines gasconnes sont encore nombreuses dans les fermes dans les années 1960. Les animaux font partie de la famille et chacune a son prénom : Mascarine, Haubine, etc. Puis, les animaux deviennent des objets de production qui répondent à des standards à la Tonne de lait ou au Kg de carcasse.

L’Aura Sent Gironç ou l’Aure Saint-Girons

La Casta
La Casta

Parmi les races bovines locales, il y a l’Aure-Saint-Girons, plus connue sous le nom de Casta en raison de la couleur de sa robe proche de celle de la castanha/châtaigne. On la trouve dans les vallées entre le Couserans où on l’appelle encore castillonaise et le pays de Lourdes. C’est elle qui donnait son lait pour l’Ostet, le fromage de Bethmale fabriqué l’hiver quand les vaches étaient à l’étable. Au XIXe siècle, elle alimentait les laiteries de Toulouse qui venaient l’acheter à foire de Tarascon.

La Vasadesa ou la Bazadaise

La passejada deus bueus gras de Vasats
La passejada deus bueus gras de Vasats

La Bazadaise ou Grise de Bazas est sans doute la plus connue. On en trouve des troupeaux dans toute la Gascogne pour sa viande réputée. Originaire des environs de Bazas, elle servait au débardage du bois dans la forêt landaise et son fumier enrichissait les vignobles de la Gironde. Elle garde une attache profonde avec la ville de Vasats/Bazas qui fête chaque année pour le Jeudi Gras de Carnaval, la Passejada deus bueus gras/La promenade des bœufs gras, inscrite à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel en France. Cette fête qui remonte au moins au XIIIe siècle a pris la forme d’une foire agricole. Le 24 juin, pour la fête de la Saint-Jean, se déroule un marché aux bœufs gras qui commence par une pesée, une aubade aux bouchers puis un défilé et se termine par un banquet.

La Bearnesa ou la Béarnaise

Attelage de boeufs béarnais
Attelage de bœufs béarnais

La Béarnaise reconnaissable à ses grandes cornes en forme de lyre. La race est emblématique du pays puisqu’elle figure sur les armes des vicomtes de Béarn et orne leurs monnaies, les deniers Morlans. Robuste, elle sert aussi bien pour la production de lait, de viande et pour le travail.

La Bordelesa ou la Bordelaise

Taureau de race bordelaise
Taureau de race bordelaise

La Bordelaise est traditionnellement utilisée dans les palus, zones humides du bordelais pour fournir de la viande et du lait et était très réputée pour son beurre. Elle a failli disparaitre lors d’une épidémie en 1870-1872 mais quelques animaux rescapés ont permis de reconstituer la race en ne gardant que les pigalhadas à robe mouchetée, au détriment des vairetas à robe unie.

La Lordesa ou la Lourdaise

La Lourdaise se trouvait surtout dans les Hautes-Pyrénées et son berceau est le Lavedan et le pays de Lourdes. C’était une des meilleures laitières des races bovines gasconnes. Elle était aussi utilisée pour le travail car réputée calme, docile et facile à dresser. Elles partaient en estive. Dans les années 70, on en comptait plus que quelques dizaines. Son sauvetage a été rendu possible grâce à Pierre Corrège, enseignant à Bagnères. Il achète un troupeau d’une dizaine de vaches et un taureau.

La Marina ou la Marine

La Marine est une vache de petite taille. Utilisée en élevage extensif, elle transhumait dans les dunes du littoral au moment des moissons. Les troupeaux à demi sauvages étaient rassemblés dans des barguèras, sortes de parcs provisoires permettant de les marquer ou les sélectionner. Ces opérations sont à l’origine de la course landaise. Des croisements avec des bovins ibériques ont donné la vache des courses landaises. Avec la colonisation des Landes par le pin maritime, elle se concentre dans les zones marécageuses proches des étangs de Biscarosse et de Parentis.

La Mirandesa ou la Mirandaise

La Mirandaise
La Mirandaise

Originaire du Gers, la Mirandaise est une race rustique réputée pour la puissance de ses bœufs qui permettaient de travailler les terres lourdes et escarpées des coteaux gascons. Calme et docile, elle résiste bien à la chaleur.

Les races bovines gasconnes donnent de nouvelles races

Blonde d'Aquitaine
Blonde d’Aquitaine

Les races bovines gasconnes, malgré leur faible aptitude à répondre aux standards de la production de masse, et grâce à la génétique, ont donné naissance à de nouvelles races bovines.

La Blonde d’Aquitaine est née en 1962 par le croisement de la Béarnaise, de la Garonnaise et de la Quercynoise. Il est question d’intégrer la Limousine à ce croisement, mais les éleveurs du Limousin s’y opposent. Ils veulent garder une vache spécifique à leur région. Rustique, elle s’adapte à tous les climats, présente une grande facilité de vêlage et a un excellent rendement en viande. Sa couleur est celle de la Garonnaise.

La Gasconne des Pyrénées est née par le croisement de la Mirandaise et de sa cousine gasconne de Saint-Gaudens et d’Ariège. Rustique, elle s’adapte aux zones sèches et escarpées. Elle résiste aux intempéries, préfère vivre en plein air et c’est pour cela qu’on la rencontre sur les estives. Les Italiens, les Hollandais et les Espagnols l’apprécient pour l’engraissement.

Le renouveau des races bovines gasconnes

La Gasconne
La Gasconne

Comme les races ovines, asines, caprines et de volaille, les races bovines gasconnes ont failli disparaitre tant leur effectif avait chuté.

Leur sauvetage est dû à des particuliers éleveurs ou des organismes comme la SEPANSO. Autrement dit la Société pour l’Etude, la Protection et l’Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest). Elle achète le dernier troupeau de Marines en 1968 et l’installe dans la réserve naturelle de l’étang de Cousseau en Gironde. Elle compte aujourd’hui une cinquantaine de têtes et est utilisée uniquement pour l’écopastoralisme.

Le Parc Naturel régional des Pyrènes ariégeoises mène un programme de valorisation des races locales. Il aide le Syndicat qui s’est constitué à Betchat (o9) pour la sauvegarde la vache Casta. Le Parc valorise les zones humides en utilisant les propriétés de la Casta. Elle n’a pas à craindre le mal de pieds et elle se contente de peu. Le projet de Parc Naturel en Astarac a prévu de valoriser la Mirandaise. Les éleveurs travaillent avec le lycée agricole de Mirande pour la commercialisation des produits.

Les effectifs des races bovines gasconnes se reconstituent peu à peu grâce à la persévérance et l’engagements des producteurs. Il ne faut pas hésiter à les soutenir en allant les voir sur les foires et comices agricoles. Et choisir leurs produits savoureux et de qualité : viande, lait, fromages.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Conservatoire des races d’Aquitaine
Institut de l’élevage, races de France
Conservatoire du patrimoine biologique régional d’Occitanie
Bons plans de l’été : la route des vaches de Gascogne, Escòla Gaston Febus