Pau, so british

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Tournant le dos aux Pyrénées, Pau, capitale du Béarn, vit repliée au pied de son château. Au XIXe, les Anglais en font un lieu de villégiature où l’on se presse. La ville change alors de physionomie.

L’arrivée des Anglais à Pau

Molyneux - Grammar & Vocabulary of the Language of Bearn
Molyneux – Grammar & Vocabulary of the Language of Bearn

En 1814, les Anglais pourchassent les armées de Napoléon jusqu’à Toulouse. À la fin de la guerre, quelques officiers anglais s’installent à Pau.

En Espagne, la première guerre Carliste commence en 1833. Il s’agit d’une guerre de succession au trône d’Espagne, entre Isabelle désignée pour lui succéder par le feu roi, et son frère Carlos. Alors, les Anglais envoient une « Légion auxiliaire » au pays basque pour soutenir Isabelle. Or, pour communiquer avec Madrid, soldats, diplomates et marchands utilisent le Somport. On fait donc étape à Pau.

Les Anglais installent leur famille à Pau plutôt qu’à Bayonne. La ville est agréable à vivre et surtout située près de la frontière et du Somport. Une colonie anglaise se constitue. Et ils apprennent même la langue locale pour pouvoir discuter avec les Béarnais.  Roger-Gordon Molyneux publie à Pau et à Londres la Grammar & Vocabulary of the language of Bearn (toujours publié).

Alexandre Taylor (1802-1879)
Alexandre Taylor (1802-1879)

Alexandre Taylor (1802-1879) est Écossais. Il est chirurgien de la Légion auxiliaire britannique. Or, il est atteint du typhus ; il passe sa convalescence à Pau. Rapidement guéri, il ouvre un cabinet de consultation, rue de la Préfecture.

En 1842, il publie On the curative influence of the climate of Pau and mineral waters of the Pyrenees on disease / Sur l’influence du climat de Pau et des eaux minérales des Pyrénées sur les maladies. Dès la parution de l’ouvrage, les Anglais se pressent en foule à Pau.

 

Pau s’anglicise rapidement

Si les Anglais constituent la majorité des curistes en villégiature, on compte aussi des Américains, des Espagnols, des Hollandais, des Russes, des Prussiens et des Français.

Pau - Église anglicane St Andews
Pau – Église anglicane St Andews

Toutefois, la colonie anglaise est la plus active. En particulier, elle s’organise pour occuper ses loisirs.

Ainsi, The English Literary Society / Société littéraire anglaise, ouvre en 1828. Elle devient The English Club en 1856. Ce club privé existe toujours. Il abrite une remarquable collection de tableaux et d’objets représentatifs de la vie des Anglais à Pau. On peut le visiter à l’occasion des journées du patrimoine.

Et le salut des âmes n’est pas oublié. La communauté fait construire l’église anglicane St Andrew en 1887. On se fait enterrer au cimetière protestant de Pau.

L’équitation, la chasse et le golf
Pau - l'hippodrome
Pau – l’hippodrome

De même, l’hippodrome de Pau ouvre en 1839. Les premières courses ont lieu en 1842. Il est aujourd’hui partenaire de celui de Chettenham en Angleterre. Et il est le second en France pour les courses d’obstacle. Bien sûr, les Anglais se pressent au Meeting de Pau organisé chaque hiver de décembre à février.

On sait les Anglais amateurs de chasse à courre au renard. En 1841, une meute de Fox Hounds est constituée et la Pau Hunts Drags est fondée l’année suivante. Les renards béarnais n’ont qu’à bien se tenir ! Facétieux, les Anglais rattachent leurs territoires de chasse à la couronne britannique : le canton de Morlàas devient le Leicestershire, celui de Pau le Old England, ceux de Thèze et d’Arthez le Hill District.

Pau Hunts - Aquarelle et gouache de E. Blocaille
Pau Hunts Drags – Aquarelle et gouache de E. Blocaille

En 1879, le comte de Barri, fils du roi Ferdinand II des Deux-Siciles, s’installe à Pau, fonde sa propre meute et organise des chasses qui concurrencent le Pau Hunts Drags. Toutefois, la société, en crise, se dissout. Mais, grâce au propriétaire du New-York Herald Tribune, un accord est trouvé, les deux sociétés fusionnent, donnant naissance au Pau Hunts. Son siège est à Berlanne et elle entretient toujours une meute.

Entre temps, en 1856, deux officiers écossais passionnés de golf découvrent la beauté de la plaine de Billère. Ainsi, nait le Pau Golf club. C’est le premier parcours construit en Europe continentale et il est toujours considéré comme un des plus beaux de France. Le Club-House est un musée intéressant, consacré à la riche histoire du club.

Les transformations de la ville de Pau

Pau - l'ancien Hôtel Gassion
Pau – l’ancien Hôtel Gassion

Pour recevoir la clientèle des curistes, Pau se transforme. Ainsi, l’Hôtel de France ouvre ses portes en 1837, l’Hôtel des Ambassadeurs en 1841. Dès cette année, on trouve du pain anglais dans la plupart des boulangeries, même du mince pie, une tarte sucrée, le jour de noël !

Pour les loisirs des curistes, on édifie un théâtre en 1860, on aménage le parc et les jardins du château pour la promenade. La vue sur les Pyrénées en fait des lieux très fréquentés.

La ville organise les services. Ainsi, elle crée le Service municipal des Eaux en 1862. Elle acquiert la source de l’Oeil du Neez à Rébénacq et installe un réseau d’adduction d’eau potable. Jusque-là, des porteurs acheminaient l’eau depuis les fontaines publiques, le Gave ou le Neez. Elle construit aussi un réseau d’égouts à partir de 1875 et le Hédas, autrefois Còsta de la Hont [Côte de la Fontaine], sert de collecteur.

Pau - le Palais Beaumont
Pau – le Palais Beaumont

À partir de 1893, la construction de la Promenade des Anglais, maintenant Boulevard des Pyrénées, permet d’aménager le sud de la ville. Les études sont confiées à Adolphe Alphand (1817-1891) qui est l’adjoint du Baron de Haussmann pour les travaux d’aménagement de Paris. Il a l’idée d’un boulevard soutenu par des arches pour tenir compte du relief accidenté. Son projet prévoit de joindre Pau et Billère. Seul un tiers est réalisé : le boulevard des Pyrénées mesure 980 mètres de long.

Des hôtels particuliers sont construits le long du boulevard. De grands hôtels voient le jour. Le Parc Beaumont, jardin paysager à l’anglaise est créé en 1898 sur la propriété cédée à la ville de Pau par l’écrivaine Anna de Noailles (1876-1933). L’année suivante, ouvre le Palais d’hiver, aujourd’hui Palais Beaumont, avec un casino et un restaurant.

Nouveaux quartiers, nouvelles activités

Pau - la Villa Beit Raha
Pau – la Villa Beit Raha

On se presse sur le Boulevard des Pyrénées pour se promener et se faire voir. En 1908, l’ouverture du funiculaire qui relie le boulevard à la gare facilite l’arrivée des voyageurs.

Les familles les plus fortunées se font construire des villas luxueuses. En particulier, c’est la création du quartier de Trespoey avec une centaine de villas : villa Ridgway, villa Sainte-Hélène, Palais Sorrento, villa Nitot, villa Beit Rahat, villa Saint Basil’s, villa Navarre, villa Malmaison, etc.

La famille Tissandier habite Jurançon. Gaston Tissandier (1843-1899) est un aérostier célèbre. Les expériences se multiplient à Pau. On vient du monde entier participer aux Coupes de l’Automobile Club du Béarn où se mesurent les aérostiers.

Pau et l’aviation
L'avion des Frères Wright devant le hangar
L’avion des Frères Wright devant le hangar

En 1908, le maire propose la création d’un champ d’aviation sur le Pont-Long et aide à la construction d’un hangar. Très vite, les frères Wright y ouvrent une école de pilotage. Après sa traversée de la Manche, Louis Blériot ouvre sa propre école.

Les constructeurs d’avions s’intéressent aussi à Pau pour des expérimentations. De nombreux records sont battus. On crée même une école militaire d’aviation qui forme plus de 6 000 pilotes pendant la Grande Guerre. Entre les deux guerres, une escadre de reconnaissance est basée à Pau. Aujourd’hui, l’Ecole des Troupes Aéroportées et par un Régiment d’Hélicoptères de combat occupent les terrains.

Le sergent Joseph Barbé, affecté à l’école d’aviation de Pau en 1915, arrive avec la photo-mitrailleuse qu’il a inventée alors qu’il était à l’école Photographe à Orthez, il donne un prototype sans optique à l’amicale de la chapelle Mémorial de l’aviation de Pau.

Cette aventure de l’aviation fait du bassin de l’Adour un pôle aéronautique important : Bréguet, Fouga, Messier, Turboméca, Moranne-Saulnier…

Après la Grande Guerre, la mode vient aux bains de mer. On délaisse Pau pour Biarritz. Mais le livre d’Alexandre Taylor a mis Pau sur la voie de la modernité.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Détours en France, Découvrir Pau et son influence anglo-saxonne
espace aviation, Pau
Les écoles militaires de pilotage de 1911 à 1918, Pau
Ils aiment la ville de Pau et le disent

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