14-18 vue par les Gascons : Les femmes dans la guerre

Les femmes françaises-propagande américaine
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La Guerre 14 – 18 vue par les Gascons, épisode 4 : Les femmes dans la guerre. Fait suite à l’épisode 1, La mobilisation, à l’épisode 2, Bégarie un destin tragique, et à l’épisode 3 : les Territoriaux du Gers.

Si les femmes ne sont pas sur les champs de bataille, elles jouent un rôle-clé dans la continuation de la vie économique du pays et dans le soutien de l’effort de guerre. Un rôle dans lequel elles vont s’épuiser…

Le gouvernement fait appel aux femmes françaises

Les hommes sont mobilisés au moment où on allait faire la récolte du blé. Le pays doit continuer à vivre et produire. Aussi, René Viviani, président du Conseil des ministres, lance le 2 août 1914 un appel aux femmes françaises :
Déclaration de Viviani aux femmes françaises« […] Il faut sauvegarder votre subsistance, l’approvisionnement des populations urbaines et surtout l’approvisionnement de ceux qui défendent la frontière, avec l’indépendance du pays, la civilisation et le droit.
Debout, donc, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la patrie! Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur le champ de bataille. Préparez-vous à leur montrer, demain, la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés! Il n’y a pas, dans ces heures graves, de labeur infime. Tout est grand qui sert le pays.
Debout! à l’action! à l’œuvre! Il y aura demain de la gloire pour tout le monde.

VIVE LA RÉPUBLIQUE ! VIVE LA FRANCE ! »

À la campagne, les femmes s’organisent

Eauze - Les femmes en charge des travaux des champs
Eauze – Les femmes en charge des travaux des champs

Les hommes sont partis à la guerre, les hommes âgés de 21 à 48 ans. À l’arrière, les travaux restent à faire. Alors, les femmes sèment, labourent, vendangent, moissonnent, élèvent le bétail, réparent les outils. Mais les outils sont faits pour les hommes ; les manches de charrue sont trop hauts, durs à manier. Que sarran las dents.

Le docteur gersois Emmanuel Labat commente : Combien de tâches où la violence de l’effort est nécessaire et la surprise des brutales secousses inévitable. Voyez la paysanne accrochée à la charrue, sur ce guéret aux mottes grasses et dures, où chaque pas lui fait perdre l’équilibre. Voyez-la tressautant sur la selle étroite de la faucheuse, ou d’une main saisissant par la corne une vache qui fuit pour la soumettre au joug qu’elle tient de l’autre, ou suspendue aux ridelles de la charrette pour retenir le chargement qui penche à la traversée d’un ruisseau.

Pour les gros travaux, les femmes de la campagne font appel à celles de la ville. Personne ne vient. Il faut dire que ces dernières sont sollicitées…

À la ville, les femmes exercent de nouveaux métiers

Les femmes de la ville remplacent les ouvriers et les employés partis à la guerre. Elles prennent des métiers qui étaient jusqu’alors réservés aux hommes. Dans les services publics, elles sont factrices, garde-champêtres, agents de maintenance, elles réparent un bec de gaz, une conduite. Dans les usines, les commerces, les artisanats, elles sont ouvrières, soudeuses, boulangères… Elles deviennent aussi institutrices.

L’industrie de guerre se délocalise vers le sud et emploie des femmes. On appellera les dames qui y travaillent les munitionnettes. Elles travaillent 143 h par quinzaine avec un jour de repos et portent les obus dans des brouettes. Puis, la guerre durant, elles se formeront et prendront des postes de plus grande responsabilité, elles deviendront surintendantes, directrices d’entreprise…

Les femmes conduisent les tramways et produisent des obus
À Bordeaux, les wattwomen conduisent les tramways et les munitionnettes produisent des obus

La désolation s’installe – Dòl e malur

Très vite, les premiers morts sont annoncés. Alors les femmes attendent les nouvelles, partagent les lettres. Parfois, comme le rapporte l’Ariégeoise Marie Escholier, elles contiennent des phrases terrifiantes : Je suis encore en vie, la plupart des copains sont morts, ou J’ai bien changé, je sais ce que c’est que la vie, nous sommes moins qu’une fumée, ou encore Nous sommes de la viande de boucherie.

Les femmes dans la guerre - Hôpital militaire de Barèges
Hôpital militaire de Barèges (65)

Et les soldats blessés sont renvoyés à l’arrière, les réfugiés arrivent. Les municipalités organisent des « Ateliers patriotiques » où on confectionne tout ce qu’il faut pour soigner les blessés. Des femmes se portent bénévoles pour les soigner.

Cependant, les femmes ont peur quand elles voient arriver des gendarmes. C’est généralement pour annoncer la mort d’un proche. Madame Sabardan, de Berdoues (Gers), a trois fils à la guerre. Les gendarmes viendront le 27 août 1914 pour lui annoncer la mort de François puis le 6 janvier 1915 pour celle de Jean. Lo Jan, mon praube hilh qu’es mòrt dit-elle sobrement à ses voisines.

Les femmes ne veulent plus lire les journaux dont les fanfaronnades imbéciles me font mal au cœur, écrit Marie Escholier le 6 septembre 1914. Une mère apprend que son fils est prisonnier à Magdeburg, elle est soulagée, radieuse, Marie Escholier précise : On a des bonheurs qui feraient la désolation des jours ordinaires.

Les femmes gardent le lien avec les soldats

Les femmes marraines de guerre
Une marraine de guerre

Les femmes savent qu’elles doivent soutenir les soldats au front. Elles comprennent vite que l’habillement des soldats n’est pas adapté. Alors elles envoient des chandails mais on leur fait savoir que ce n’est pas pratique à enlever quand le soldat est blessé. Alors elles font des tricots. Elles font des passe-montagne. On leur fait savoir qu’il faut laisser une fente au niveau des oreilles pour que les soldats entendent bien. Rosemonde Rostand, la femme d’Edmond, organise un atelier appelé Le tricot du soldat.

Et les femmes soutiennent aussi le moral des soldats. Maurice Faget, un territorial gersois reçoit un grand nombre de colis de nourriture pendant la guerre. Il en dit sa satisfaction par retour de lettre. Finalement, il aura reçu tout ce qui constitue la gastronomie gasconne : foies gras, confits, civets, ris et cervelles, volailles en accommodements les plus variés, pastis (gâteau gersois), crêpes, merveilles, etc.

Les femmes se lassent

Arsenal de Tarbes – fabrication d’obus

La guerre devait aller vite, les femmes acceptent sans broncher ces conditions de travail. Mais la guerre s’éternise et les femmes s’épuisent. L’alimentation est insuffisante, due à des productions moindres et aux réquisitions pour alimenter les soldats. L’hiver 1917 est exceptionnellement froid et les récoltes sont les plus faibles depuis 1840. La disette menace le pays, les prix s’envolent. Et les femmes s’occupent des enfants, des soldats blessés, des personnes âgées.

Les journées s’allongent, elles travaillent aussi de nuit. Les industries développent le taylorisme et elles sont peu payées. Des conflits sociaux vont voir le jour. Le 22 février 1918, à l’arsenal de Tarbes, les ouvrières expriment leur ras le bol. Elles se mettent en grève et demandent une augmentation de salaire de 1 franc par jour, ce qui porterait leur journée de 7,50 fr à 8,50. Et surtout elles hurlent : « nos poilus, rendez-nous nos poilus. A bas la guerre, nous voulons la paix » et elles chantent l’Internationale.
Voir ici la retranscription du rapport du Commissaire Spécial à son supérieur sur la journée du 22 février 2018.

Les femmes sont renvoyées dans leur foyer

Les femmes apprennent vite pendant la guerre
Dessin du Toulousain Henri Maigrot (1857 – 1933), dit Pif

La démobilisation est un soulagement. Les hommes reviennent.

Dès la signature de l’armistice, les usines renvoient les femmes. On leur rappelle qu’elles étaient là en remplacement. Celles qui ont besoin de travailler parce qu’elles n’ont pas ou plus de mari, peuvent aller vers des métiers de femmes comme brodeuses, payés à la moitié d’un ouvrier d’usine. Ce qu’elles ont appris ne sert plus à rien. Mais il manque 1,4 millions d’hommes qui ne sont pas revenus sans compter les grands blessés et mutilés de guerre.

Et les femmes ont de nouvelles aspirations. Elles entreront dans le tertiaire, dans le social, les professions libérales, elles prétendront au baccalauréat (baccalauréat féminin créé en 1919) ou aux grandes écoles d’ingénieurs (Centrale Paris recevra les premières élèves femmes en 1918).

Malgré ce qu’elles ont démontré durant toute la guerre, on ne leur donnera pas le droit de vote. Sauraient-elles voter ? Conduire leur vie ? Les femmes devront attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour obtenir le droit de vote en 1944. Et 1965 pour ouvrir seules un compte bancaire. Rappelons que les hommes ont obtenus le droit de vote « universel » en 1848.

Références

Extraits du journal de Marie Escholier L’âme paysanne, Emmanuel Labat, 1919
Lettres de mon père, 1914–1918, Henri Faget : ensemble de 500 lettres envoyées par Maurice Faget à sa famille à Cassaigne (Gers)
La guerre de 14- 18 à travers la lecture du Courrier de Bayonne et du Pays Basque
, Culture et Patrimoine Senpere
L’image en tête de l’article reproduit une affiche du gouvernement américain publiée en 1917, avant l’intervention des USA dans le conflit.

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