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Bona annada !

2020 s’achève. Fêtons la nouvelle année en nous ressourçant auprès des anciens. Et souhaitons-nous, après cette méchante année de récession, la prospérité !

Bona annada

Voici le petit refrain traditionnel pour fêter la nouvelle année que l’on retrouve en Gascogne et aussi dans d’autres pays d’oc :

Bona annada,
plan granada
e de plan d’autras acompanhada.

Bonne année,
Bien grainée
et de bien d’autres accompagnée.

Le souhait n’était pas si anodin que nous pourrions le penser aujourd’hui.  La diminution des jours, l’endormissement – presque la mort – de la nature, c’était des représentations de la fin du monde. Réussir la nouvelle année n’était pas gagné dans ce monde bien plus incertain que nos époques actuelles. Fêter le retour de la lumière, se protéger, espérer l’abondance avaient du sens. Ainsi l’aguilhonèr a valeur de rituel. Ces sont des jeunes hommes, représentant l’avenir, qui allaient rappeler les liens sociaux de la communauté par la collecte de presents (la collectivité offrait quelque nourriture à cette jeunesse), faire de l’œil aux filles à marier. Un rite social essentiel !

Minjatz lentilhas

Le faites-vous ? Il semblerait que ce soit nos voisins italiens qui nous ont transmis cette tradition. En tous les cas, vous avez le choix : offrir une petite poche de lentilles à vos amis à la Saint-Sylvestre, en faisant vœu que chacune d’elles se transforme en pièce de monnaie, ou manger des lentilles le 1er de l’an pour assurer aux convives richesse toute l’année.

Bona annada !

ou encore : a glìcklig nèi Johr (alsacien), urte berri on (basque), bloavezh mat (breton), bon any nou (catalan), pace è salute (corse), bouone annaée (normand), boinne énée (picard)…

En 1939,  l’Armanac de la Gascougno publiait ce poème intitulé Bona annada! de  Triquo-Traquo en parler d’Auch.

Endavant, la joena annada
sembla tota enlugranada.Cadun s’i ved mes urós,
opulant lo necerós,
e lo vailet passat mèstre
avant la Sent Solivèstre.L’un qu’espèra (se’s pòt, òc !)
trocar l’aso per l’autò.
L’aute guinha la meria
o milions de loteria.

Janeton rèva au galant
qui poiré trobà’s enguan.
Lo qui vin n’a guaire o brica
es ved plea la barrica ;

lo jogaire : « Ganharèi ! »
L’avare : « Qu’apielarèi ! »
Mes d’un fenianton que’s vanta :
« Meslèu vint òras que cranta ! »

Lo qui tòca de l’Estat :
« Serèi drin mes aumentat ! »
Aqueth qu’argala ua plaça :
« Vau tirà’m de la hangassa ! »

E los qui’s fretan los pòts :
« Lhèu seràm privats d’impòts ! »
Atau per cap d’an l’enveja
peus cervèths qu’ahromigueja.

Vosauts, legidors amics,
vse’n prutz d’aqueths ahromics ?
N’ac cresi pas : qu’ètz pro sages
ende aver pensaments màgers.

S’atendetz de l’an que veng
pan, santat, patz dens lo ben,
au vòste bonur que’m hisi.
E lo vielh sohèt que’vs disi :

« Diu vos guarde la maison
dab las gents qui deguens son. »

Là devant, la jeune année
semble toute aveuglée.Chacun s’y voit plus heureux,
opulent le nécessiteux,
et le valet passé maitre,
avant la Saint-Sylvestre.L’un espère (s’il peut, ho)
troquer l’âne pour l’auto.
L’autre guigne la mairie
ou des millions à la loterie.

Jeannette rêve au galant
qu’elle pourrait trouver cet an.
Celui qui n’a pas de vin ou guère
voit pleine la barrique ;

*le joueur : « Je gagnerai ! »
L’avare : « J’amasserai ! »
Plus d’un fainéant se vante :
« Plutôt vingt heures que quarante ! »

Celui qui touche de l’État :
« Je serai un peu augmenté ! »
Celui qui guette une place :
« Je vais sortir de la fange ! »

Et ceux qui se frottent les lèvres :
« Bientôt nous serons privés d’impôts ! »
Ainsi pour le début de l’an l’envie
aux cerveaux fourmille.

Vous autres, amis lecteurs,
Elles vous démangent ces fourmis ?
Je ne crois pas : vous êtes assez sage
Pour avoir des pensées plus grandes.

Si vous attendez de l’an qui vient
pain, santé, paix et bien,
à votre bonheur je me fie.
Et je vieux souhait je vous dis :

« Dieu garde votre maison
Avec les gens qui dedans sont. »

Bona annada e libertat !

E, jo, per l’annada, que vos soèti Libertat !

Mes un dia tu que comprengueràs
Cercaràs la libertat
nous disent les chanteurs

Anne-Pierre Darrées

écrit en orthographe nouvelle.

Références

Bona annada, Armanac de la Gascougno, Triquò-Traquò, parlar d’Aush, 1939