Le béret ou berret, trait distinctif du sud-ouest
Plusieurs objets, traditions ou croyances unissent les Basques et les Gascons. Les stèles discoïdales par exemple. Lo berret reste peut-être le meilleur symbole commun, symbole qui a gagné la France avec la baguette ou la 2CV. L’historien René Cuzacq fait le point.
Le Landais René Cuzacq (1901-1977) a réalisé deux études sur le béret, en 1941 et 1951. Appelé d’abord capèth (du latin cappellum ou cappa, ce qui couvre la tête) puis bonet (à rapprocher de boina comme en Soule ou en Espagne) il devient enfin berret, du gaulois birros, court (le birros était un manteau court avec capuche).
Le territoire traditionnel du berret
Renè Cuzacq est clair, le berret est d’origine pyrénéenne. D’abord des vallées béarnaises, puis basques et enfin, dans les plaines gasconnes. Le berret est présent du Médoc aux Pyrénées, de l’Océan à l’est de la Gascogne à l’exception du Comminges et du Couserans. Là, lo barret catalan (la barretina en français) prend le dessus.
Si l’on se fie à une légende béarnaise, l’histoire est ancienne. Noé, une fois le déluge passé, inspecte ses cales, et trouve une substance étrange, souple et imperméable là où étaient les moutons. Il comprend que c’est leur toison piétinée et humidifiée qui a donné cela. Le feutre est né. Car la caractéristique du noste berret, c’est qu’il est tricoté puis feutré, contrairement à d’autres uniquement tricotés comme le béret écossais.
L’histoire du berret
Difficile de savoir à quand il remonte, sans confondre avec d’autres coiffes comme la toque du Moyen-Âge par exemple. On trouve un berret en 1280 sur le portail de l’église de Bellocq, et, dans des écrits des archives de Bayonne, entre 1531 et 1538.
Les suzerains de Navarre reçoivent à Pau en 1549, leur fille Jeanne et leur nouveau gendre Antoine de Bourbon, accompagnés de 2 000 vassaux en bérets.
En 1644, Léon Godefroy, chanoine dans le Quercy, visite l’Armagnac en plein été et décrit : Le peuple est aussi humble qu’il se puisse. Il porte des berrets et capes ; il y est extrêmement basanné, pour ne pas dire tout à fait noir, de plus qu’il semble affecter la laideur et la difformité en se faisant raser entièrement comme il fait si bien que ny à la teste ny aux menton et lèvres vous ne voyez aucun poil. Les hommes se couvrent la teste de calottes grandes qu’ils appellent berets. Les femmes se la couvrent de coiffure simple de la façon et manières qu’ils appellent sacotte.
En visite dans le Béarn il écrit : les hommes y portent des capes (mandils) ou hocquetons et de grands bonnets plats sur la teste, avec des petites fraisettes au col : usans d’ailleurs en leurs autres habits quasi de la seule couleur blanche.
En 1660 les matelots qui accueillirent Louis XIV à Bayonne avaient des bonnets rouges. Car au début ce berret est de couleur vive, bleu, rouge ou brun, voire blanc. Pour des occasions, il est orné de rubans ou de glands. Il est grand ou petit selon les époques et les modes.
Un accessoire de mode
Pendant très longtemps, le berret est un couvre-chef pour les hommes. Les femmes du sud-ouest vont commencer à s’en emparer pour la tenue du dimanche. Leur béret est alors blanc.
Avec la mode des thermes dans les Pyrénées, puis des vacances en pays basque (Napoléon et Eugénie), le béret va retenir l’attention. L’armée s’en empare au XIXe siècle. Il se répand dans la population après 1914, dans toutes les couches de la société à partir des années 1920, et conquiert les dames dans les années 30.
Quelques célébrités comme Michèle Morgan ou Greta Garbo porteront le béret jusqu’à Hollywood. Faye Dunaway porte le béret dans le film Bonnie and Clyde. Bref, le béret devient bon chic, bon genre et est magnifié par Coco Chanel.
L’image sociale du béret
Le béret reste un accessoire du peuple dans l’imagerie française. On se souvient de Bourvil, béret enfoncé, jouant des personnages populaires, naïfs, voire simplets.
Pourtant, le chansonnier Lucien Boyer écrit en 1924 Le Béret, chanson de Gascogne.
…Notre béret, c’est toute la Gascogne,
E per cantar nòste bèth cèu de Pau
Nos montagnards aux jambes de cigogne,
Avec orgueil le portent com’atau !…
Cette chanson connaît un succès considérable en 1931 grâce au chanteur bayonnais, André Perchicot, ancien cycliste champion de France et ingénieur des Arts et Métiers. Elle sera reprise, en particulier par le Biarrot André Dassary.
https://escolagastonfebus.com/wp-content/uploads/2020/04/Perchicot-le-béret-1935.mp4
Des expressions gasconnes avec lo berret
Da sus lou berret / Dar suu berret / Donner sur le béret, se dit d’un vin qui porte à la tête.
Un berret de boeu / un berret de bueu / une paire de cornes, avec le même sous-entendu qu’en français.
Pensar-s’ac devath lo berret (o lo bonet) / se méfier, garder pour soi (litt. se le penser sous le béret)
Que n’a de remplegat devath lo berret (o lo bonet) / il ne dit pas ce qu’il pense, il mûrit sa vengeance (litt. il en a de replié sous le béret)
Que s’a perdut lo berret (ou lo bonet) / il a perdu son honneur
Un viraberret / une chose très facile à faire (litt. un tourne-béret)
Des auteurs y font référence comme le rappelle Vastin Lespy dans son dictionnaire :
Lou berret suoü coustat, a la maa lou bastou. (Navarrot) / Lo berret suu costat, a la man lo baston / Le béret sur le côté [sur l’oreille], le bâton à la main.
Qu’aymi mey moun berret Tout espelat, Que nou pas lou plus bèt Chapèu bourdat. (Despourrins) / Qu’aimi mei mon berret tot espelat, que non pas lo plus bèth chapèu bordat / J’aime mieux mon béret tout pelé que le plus beau chapeau galonné.
Le béret symbole
Clairement symbole du sud-ouest, Basques ou Gascons, il devient au XIXe et XXe siècles un emblème de la France. Le Français est alors représenté la bouteille de vin et la baguette de pain à la main, le béret sur la tête et tenant sa bicyclette.
Les Anglais s’amuseront ainsi des Onion Johnnies, ces producteurs et vendeurs d’oignons, vêtus d’une marinière rayée et d’un béret, faisant du porte à porte avec leur bicyclette. Gotlib coiffera son personnage Superdupont d’un béret.
Il sera aussi un symbole de résistance, lors des guerres carlistes en Espagne, même si les deux partis portaient le béret. Ou encore pendant la seconde guerre mondiale en France, même si les milices aussi portaient le béret. Enfin Che Guevara porte le béret.
La fabrication
On fabrique surtout le béret en Béarn. À Nay, on note sa production dès 1830 dans l’atelier de Prosper Blancq. Depuis 1840, les tissages Laulhère fabriquent à Oloron toutes sortes de bérets, en particulier des bérets stylisés pour une population aisée. Ainsi, dès 1918, le Béarn (Nay, Oloron, et Mirepeix) produit pratiquement un million de bérets par an !
Plus récemment, Rosabelle Forzy, présidente de Laulhère (58 salariés) précisait que la production, représentant 3,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018, était vendue pour un tiers au grand public, un tiers pour la haute couture et un tiers pour les armées.
La méthode de fabrication n’a pas changé : tricotage, remaillage, feutrage, teinture, enformage, ennoblissement, confection, bichonnage (sic). On le termine en cousant le cabilhòt, ou codeta ou codic. Aujourd’hui, une bordure intérieure en cuir permet de l’ajuster sur la tête. Et on ne met plus de liguèta pour en régler le tour de tête. « Un savoir-faire traditionnel, transmis de génération en génération, appuyé sur les progrès de la technologie puisque nous avons aussi beaucoup investi pour remettre à neuf la machine industrielle », précise la présidente.
Chaque béret passe ainsi, en deux jours, entre les mains de 15 à 18 employés. Le béret est vendu de 50 à 2000 euros, selon le modèle.
Les utilisations insolites du berret
Le berret peut être utilisé comme panier pour transporter les châtaignes ou les champignons, son contenu est alors appelé lo berretat.
La berretada a amusé nos prédécesseurs. Les écoliers empilaient les bérets et tournaient autour. Celui qui faisait tomber la pile reçoit une volée de coups… de bérets.
Lo jòc deu berret oppose deux adversaires, une main dans le dos, pour prendre un berret posé au sol.
Le berret se lance. Un championnat de lancer de béret est organisé tous les ans à Biert (Ariège) depuis 2007. Et le championnat du monde (excusez du peu) a lieu durant les fêtes de Dax depuis 2011.
Références
Histoire du béret basque à propos d’une étude récente, H. Gavel
Voyages de Léon Godefroy en Gascogne, Bigorre et Béarn, 1644-1646, Louis Batcave, 1899
Petite histoire du Béret basque, René Cuzaq, 2016