1

Aristide Bergès, un progressiste

Le Coseranés Aristide Bergès est le pionnier de l’hydroélectricité. Brillantissime, il est à l’origine d’une révolution.

La famille Bergès et ses racines couseranaises

Pierre Bergès, le père d'Aristide
Pierre Bergès (1800-1891), le père d’Aristide

La famille Bergès vit dans le Coserans (Couserans) dans la région de Sent Líser (Saint-Lizier). Ce sont des artisans : maçons, tailleurs de pierre, charpentiers, meuniers… L’un d’eux, Bertrand Bergès suit une formation de compagnon papetier à Sarrancolin (Hautes-Pyrénées).

À la Révolution, les biens des nobles deviennent propriété nationale. Alors, les deux frères Laurent et Bertrand Bergès achètent un des moulins de Lòrp (Lorp) qui appartenait à la baronne de Taurignan Pointis. Ce moulin passera au fils de Bertrand, Pierre Bergès. Puis, le 23 juillet 1827, Pierre épouse Jeanne Marie Victoire Foch, fille d’un fabricant de papier de Sent Líser. Ils auront 8 enfants dont 4 mourront en bas-âge. Mais Pierre est cultivé et veut instruire ses fils : Aristide, Étienne-Bertrand, Achille, Philippe. Aussi il prend un précepteur à domicile.

Pierre Bergès, le père papetier

La famille est ouverte, moderne, progressiste. Elle est à l’écoute de son temps. Ainsi, Pierre Bergès s’équipe d’une machine à papier, une invention de Louis-Nicolas Robert (1761-1828). Cette machine économise de la main d’œuvre et surtout permet non plus de sortir des feuilles une à une mais de faire un large et long ruban de papier. Son principe consiste à verser de la pâte à papier dans une grande cuve, puis une roue à écopes la déverse sur une toile métallique sans fin, en rotation et en vibration permanente, ce qui permet l’égouttage de la pâte. La feuille qui se forme ainsi est pressée entre des cylindres de presse garnis de feutres, puis s’enroule sur des bobines installées au bout de la machine. Plus tard, en 1848, Pierre achète une deuxième machine entrainée par trois turbines hydrauliques de type Fourneyron. C’est novateur et bien plus efficace que les roues à eau.

Maison natale d'Aristide Bergès et ancienne papeterie de Prat du Ritou à Saint-Lizier (09)
Maison familiale d’Aristide Bergès et ancienne papeterie de Prat du Ritou à Saint-Lizier (09)

Aristide Bergès, le fils ingénieur

Premiers locaux de l'Ecole Centrale à l'Hôtel de Juigné (aujourd'hui musée Picasso)
1ers locaux de l’École Centrale à l’Hôtel de Juigné (aujourd’hui musée Picasso)

Revenons au fils, Laurent, Arnaud, Aristide, Marcellin Bergès qui nait le à Lòrp (Lorp) dans le Coserans (Couserans). Après l’éducation primaire à la maison, Aristide continue sa scolarité au pensionnat Saint-Joseph à Tolosa (Toulouse). Il est très brillant et, avec les encouragements de ses professeurs, il passe l’examen d’entrée à l’École Centrale des Arts et Manufactures (créée en 1829), aujourd’hui l’École Centrale de Paris. Sa plus mauvaise note sera un 18 à un oral de mathématiques.

Aristide est le benjamin de l’école, il a tout juste 16 ans quand il y entre. Il est timide, a l’accent gascon et se sent bien petit à côté de ses camarades de familles aisées. Si ses camarades sortent très souvent, lui ne peut se payer qu’une place de parterre dans un petit théâtre une fois par mois. Dès lors, il restera sensible aux différences sociales. Cependant, Aristide obtient son diplôme en 1853. Seuls 46 des 134 élèves du début du parcours l’obtiennent. Et il sort deuxième. Il a choisi la spécialisation chimie en vue de la reprise de la papeterie familiale.

Des débuts difficiles pour Aristide

Aristide Bergès
Aristide Bergès

Ayant fini ses études, Aristide travaille à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest nouvellement créée. Puis, en 1856, un de ses camarades de Centrale lui propose une association pour reprendre une usine de toiles imperméables à Caudéran, à côté de Bordeaux. Aristide démissionne, mais son père refuse de lui avancer l’argent et rencontre l’industriel vendeur. Par ses propos, il humilie son fils. Toutefois, le vendeur accepte d’aider financièrement les deux jeunes repreneurs.

Cette même année, Aristide rencontre la Toulousaine Jeanne Marie Raymonde Cardailhac, tailleuse de robes. Encore une fois, le père s’interpose et refuse cette union, la jeune femme est pauvre et a 9 ans de plus que son fils. Alors, les jeunes amoureux fuient à Londres pour se marier le 27 septembre 1856.  Pour survivre, Aristide est contraint de trouver un poste. Ce sera à Cordoue, à la Compagnie des chemins de fer de Séville. Mais il a des dettes et n’est toujours pas majeur. Son père envoie une lettre aux dirigeants à Séville pour déclarer que son fils n’est pas marié.

Aristide est contraint de démissionner. Le couple rentre à Toulouse. Enfin majeur (à 25 ans), il obtient du tribunal la mainlevée de l’opposition de ses parents. Il peut signer le contrat de mariage devant notaire le 6 avril 1859 et se marier à la mairie de Toulouse. Le tribunal oblige même ses parents à lui verser une pension alimentaire. Les relations avec son père s’apaiseront peu à peu.

Les débuts de l’ingénieur Aristide Bergès

En 1860, Aristide entre à la Compagnie générale des asphaltes probablement grâce à des camarades de Centrale. L’année suivante, le père consent enfin à aider son fils à la condition expresse qu’il renonce à jamais à l’utilité du jugement rendu par le tribunal civil de Saint-Girons. En effet, ce jugement entache l’honneur de Pierre Bergès et provoque même des rumeurs sur sa solvabilité.

Le défibreur de Bergès installé à Lorp en 1862
Le défibreur de Bergès installé à Lorp en 1862

Aristide s’installe à Maseras de Salat (Mazères-sur-Salat). Là, il construit une râperie de bois qu’il a mise au point. Une fois l’écorce enlevée, la machine râpe les troncs et libère les fibres du bois. Elles feront la pâte à papier.

Or, les papetiers Amable Matussière (1829-1901) et Gabriel Fredet (1829-1904) sont deux camarades centraliens de notre Aristide, à peine plus âgés. Ils veulent mettre en place une râperie dans l’usine d’Amable à Domène dans l’Isère. Et ils font appel à lui en 1867.

La papeterie du Lancey au début du 20e siècle. On voir les canalisations forcées qui descendent de la Cimbe de Lancey
La papeterie du Lancey au début du 20e siècle. On voit les canalisations forcées qui descendent de la Combe de Lancey

Grâce à Amable, Aristide s’installe à Villard-Bonnot dans l’Isère, au bord du ruisseau de La Combe de Lancey. Là, notre ingénieur crée en 1869 la première conduite forcée en captant une chute de 200 mètres. Elle alimente une turbine permettant d’entrainer les défibreurs de sa râperie de bois. C’est un véritable exploit ! Les débits et la pression de l’eau étaient tels qu’il fallut trouver des matériaux aptes à supporter ces pressions et renforcer les soudures des canalisations.

Aristide Bergès, l’inventeur

La conduite forcée de Bergès
La conduite forcée de Bergès

En fait, dès sa sortie de Centrale, Aristide Bergès témoigne de son inventivité et dépose de nombreux brevets. Par exemple, il crée un appareil rotatif à haute pression pour broyer les roches et en extraire le bitume. il invente la pilonneuse mécanique à vapeur employée à l’asphaltage du terre plain de l’Arc de Triomphe.

Pour le métier de papetier, il dépose aussi de nombreux brevets qui seront des perfectionnements majeurs et durables : recyclage sans fin de la pâte à papier, décantation de la pâte, hélice pour les cuves, pompe spirale pour la recirculation,  serrage hydraulique…

Mais, il marquera surtout son temps par son concept de… la houille blanche.

L’inventeur de la houille blanche

À partir de 1880, l’usine d’Aristide s’agrandit de façon spectaculaire. Aussi, il ajoute une autre conduite forcée, cette fois-ci de 500 mètres, pour monter une papeterie à côté de sa râperie. Mais il n’utilise qu’une partie de l’énergie produite. Alors, il installe une dynamo qui fournit de l’électricité avec la force de la chute d’eau.

Le Lac du Crouzet (1974m)
Le Lac du Crouzet (1974m)

En 1889, Aristide Bergès présente son invention de production électrique à partir de l’eau à l’Exposition universelle de Paris en l’appelant la houille blanche (en allusion à la houille noire, le charbon). Aristide Bergès déclare : les glaciers ne sont plus des glaciers ; c’est la mine de la houille blanche à laquelle on puise, et combien préférable à l’autre [houille noire].

Mais l’irrégularité du débit est dangereuse et nuit à l’installation. Aussi, pour soutenir le débit du torrent, il bâtit en 1892 un barrage sur le lac du Crozet et un siphon à 6 m sous la surface de l’eau. C’est un succès considérable, même si cela lui vaut des procès avec les locaux. Il installe un tramway électrique pour le transport du bois. Et l’énergie hydraulique s’étend à toutes les Alpes du Nord.

Rapidement, les pouvoirs publics réagissent et créent le Service des forces hydrauliques au sein de l’administration des Ponts et Chaussées.

Progrès technique et social

Pour Aristide Bergès, le progrès technique est au service du progrès social. Le papier moins cher, c’est pour lui le livre bon marché, l’instruction à portée de toutes les bourses. De même, il fait installer l’électricité dans les maisons du hameau de Lancey et pousse la municipalité de Grenoble à mettre en place un éclairage public. D’ailleurs, il crée en 1898 la Société d’Éclairage Électrique de Grésivaudan, pour amener le courant à Grenoble et ses environs. C’est autour de la lampe électrique que le soir commencent le repos et la vie de la famille, pour le pauvre comme pour le riche, écrit-il. De plus, pour lui, l’énergie chez soi permet de créer des petits ateliers à domicile.

Il organise aussi des équipements et des services pour les ouvriers de son usine et leurs familles : cité ouvrière, infirmerie, crèche… Lors de sa création, le syndicat des ouvriers papetiers de Lancey rappellera « la part qu’il a prise dans l’émancipation ouvrière ».

Aristide Bergès meurt le 28 février 1904. Il est enterré à Toulouse, avec sa femme Marie Cardailhac. Après un enfant mort-né en début de mariage, ils ont eu cinq enfants dont trois, Achille, Georges et Maurice reprendront les papeteries de Lancey.

Les retombées de la houille blanche

L'institut électrotechnique de Grenoble 1901) vue extérieure lors de sa fondation Rue Général-Marchand, Annexe du Lycée de Jeunes Filles
L’Institut Électrotechnique de Grenoble, vue extérieure lors de sa fondation en 1901, rue Général-Marchand, annexe du Lycée de Jeunes Filles

La houille blanche va donner un élan à la région grenobloise qui se fera connaitre pour ses inventeurs, ses avancées sociales et ses premières écoles d’ingénieurs (début XXe siècle). En effet, pour répondre à cette industrialisation naissante, il faut spécialiser la formation. Après des premiers cours d’électricité, se crée l’Institut Électrotechnique de Grenoble en 1901.

Aujourd’hui, les 32 barrages des Alpes produisent 15 % de la production française d’électricité.

Un lycée et un bâtiment de l’Ense3 (École nationale supérieure de l’énergie, l’eau et l’environnement) portent son nom. La maison Bergès à Villard-Bonnot devient le musée de la Houille BlancheAristide Bergès avait la faculté de prendre des risques et le sens de la communication, indique Cécile Gouy-Gilbert, conservateur du Musée de la houille blanche.

Le Musée de la Houille Blanche aménagé dans la maison familiale d'A. Bergès à Villard-Bonnot (Isère)
Le Musée de la Houille Blanche aménagé dans la maison familiale d’A. Bergès à Villard-Bonnot (Isère)

Enfin, dans sa ville natale de Lòrp e Senta Aralha (Lorp Sentaraille), l’ancienne papeterie familiale et la maison adjacente sont devenues le musée Aristide Bergès.

Anne-Pierre Darrées

écrit en orthographe nouvelle

Références

Histoire industrielle, Aristide Bergès, une vie d’innovateur, Louis André, 2013.
Histoire des papeteries de Lancey, de Bergès à nos jours, Gilbert Coffano, 1999.
Les papeteries de Lancey.
Les grands Centraux, Aristide Bergès, promotion 1852.
Aristide Bergès, inventeur ariégeois, François Baby, 1987.




Mégalithes et tumulus de Gascogne

Tout le monde connait les alignements de menhirs de Carnac en Bretagne. On connait moins les nombreux mégalithes et tumulus qui parsèment la Gascogne.

Les mégalithes gascons

Dolmen de Peyre Dusets à Loubajac (65)
Dolmen de Peyre Dusets à Loubajac (65)

La Gascogne est parsemée de menhirs isolés. Elle est très riche en mégalithes recouverts de terre, les tumulus (tumulus au singulier), témoins des civilisations du néolithique qui se sont développées entre -4500 et -2500 avant Jésus-Christ.

On les rencontre surtout sur le plateau de Lannemezan, le plateau de Ger, dans les vallées de Cauterets, d’Ossau, d’Aspe, de Soule, en Chalosse et dans le Tursan. Ce sont des tertres de terre pouvant mesurer jusqu’à 40 mètres de diamètre et 3,50 mètres de hauteur. Ils recouvrent des chambres funéraires.

À l’intérieur, on trouve des mégalithes (dolmens) avec des vases funéraires, des armes, des outils souvent en pierre. À cette époque, on brulait les corps avant leur enterrement comme en témoignent les charbons et restes d’os non calcinés trouvés dans la plupart des tumulus. Parfois, on retrouve des squelettes entiers. Cela montre l’existence de deux rites funéraires distincts.

Les tumulus des Landes, entre le Gave et l’Adour, sont plus petits que ceux du piémont. Leur diamètre ne dépasse pas 15 mètres et leur hauteur 2 mètres. Et ils ne contiennent pas de mégalithes. Leur mobilier est souvent en bronze, ce qui indique qu’ils sont construits à la fin du néolithique.

 

Les premières fouilles de tumulus

Dolmen - Fouilles du tertre du Pouy Mayou à Bartrès (Hautes-Pyrénées) durant l’hiver 1879-1880-1
Fouilles du tertre du Pouy Mayou à Bartrès (Hautes-Pyrénées) durant l’hiver 1879-1880

Les tumulus ont longtemps échappé à la curiosité. En effet, les premières fouilles n’auront lieu qu’à partir de 1823 sur le plateau de Ger qui compte 300 tumulus, puis sur le plateau de Lannemezan qui en compte une centaine.

Le premier témoignage écrit qui date de 1823 est celui de Marie-Armand de Davezac-Macaya (1800-1875), président de la Société Géographique. Le général de Nansouty (1815-1895), plus connu pour être à l’origine de l’observatoire du Pic du Midi, s’y intéresse. Mais, c’est au colonel de Reffye et surtout à son adjoint, le commandant Edgard Lucien Pothier, que l’on doit les découvertes faites entre 1869 et 1879 sur le plateau de Ger. En fait, si les militaires sont les premiers à s’y intéresser, c’est que le plateau de Ger comporte un vaste terrain militaire pour les manœuvres.

Lucien Pothier, futur général, répertorie les tumulus et en fouille méthodiquement 62. Il publie le résultat de ses recherches en 1900. Mais, les objets trouvés encombrent les armoires de l’école d’artillerie qu’il commande à Tarbes. Aussi, il transfère ses collections au Musée des Antiquités Nationales à Saint-Germain en Laye, en 1886.

Mobilier retrouvé dans les tumulus d’Avezac (65).
Mobilier retrouvé dans les tumulus d’Avezac (65).

Parallèlement, Edouard Piette (1827-1906) et Julien Sacaze (1847-1889) entreprennent les fouilles sur le plateau de Lannemezan. Edouard Piette a aussi fouillé de nombreuses grottes et sites préhistoriques. En 1902, il donne sa collection au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain en Laye. Parmi les pièces, il y a fameuse statue de la dame de Brassempouy.

Près de 50 ans après ces premières fouilles, des spécialistes réalisent une nouvelle vague de découvertes en Gascogne. Aujourd’hui, c’est surtout le fait d’amateurs passionnés.

Répartition en Gascogne

Mégalithe de Guillay à Larrivière-Saint-Savin, Landes
Mégalithe de Guillay à Larrivière-Saint-Savin (Landes)

Comme nous l’avons vu, la plus grande concentration de mégalithes se trouve au pied des Pyrénées. Toutefois, on en rencontre dans toute la Gascogne, le long des anciennes voies de communication.

En Lot et Garonne, ils se concentrent autour de Villeneuve sur Lot et surtout de Nérac. Leur particularité est de comporter le plus souvent des allées couvertes. Mais, les fouilles entreprises n’ont pas fait l’objet de publications, si bien qu’on est très mal renseignés sur ces découvertes et leur contenu.

Plus à l’ouest, en Gironde, les sites sont peu nombreux. Ils sont aussi majoritairement à allées couvertes. On les trouve dans le nord du département où la pierre calcaire est abondante. Le sud de la Gironde étant sablonneux, on n’en connait aucun.

À l’est, en Haute-Garonne, où ils sont très peu nombreux, on les trouve surtout en Comminges, autour de Saint-Martory. La ville à d’ailleurs placé un menhir sur une place publique en 1962.

Enfin, dans le Gers, il ne reste plus que deux mégalithes visibles. Pourtant, Ludovic Mazeret (1859-1929) en a étudié plusieurs, tous situés au nord du département. Mais ils ont fait l’objet de dégradations liés à l’agriculture mécanisée ou pour servir de carrières. Il est vrai aussi qu’une fois fouillé, le tumulus est perdu. Et encore plus si les fouilles n’ont pas donné lieu à des publications.

Heureusement, on fait encore des découvertes. Par exemple, près de Grenade dans les Landes, lors d’un défrichement effectué en 1967, on trouve un menhir couché. On le relève et on découvre qu’il est gravé de signes néolithiques à son sommet.

Qu’est-ce qu’un tumulus ?

Un tumulus est une tombe. On construit un dolmen sous lequel on dépose des objets funéraires et les restes, calcinés ou pas, d’un défunt. Pour arriver à la chambre funéraire, on construit parfois une allée couverte, c’est à dire plusieurs dolmens mis bout à bout pour constituer un couloir. La chambre funéraire est parfois entourée d’un ou de plusieurs cercles de pierres.

On recouvre le tout de terre pour former un monticule qui peut faire plusieurs mètres de haut et plusieurs dizaines de mètres de diamètre.

Allée couverte de Barbehère et coupe du dolmen - Saint-Germain d'Esteuil(Gironde)
Allée couverte de Barbehère – Saint-Germain d’Esteuil (Gironde)

Néanmoins, on rencontre parfois des dolmens isolés. Bien souvent, le tumulus qui le recouvrait a été fouillé et il ne reste plus que les pierres.

Outre l’intérêt du tumulus lui-même, l’étude des objets funéraires nous renseigne sur le mode de vie des défunts et leurs rites funéraires.

Tumulus et mégalithes n’ont pu échapper aux Gascons qui vivaient autour d’eux. Curieusement, ils ne leur ont pas donné de noms particuliers. On les appelle pèiras (pierres) et on ajoute un qualificatif désignant leur aspect comme pèira quilhada, pèira hita (pierre levée, borne) ou simplement calhaus (cailloux). On appelle les tumulus tucs (tertres) ou tucs redons (tertres arrondis).

En revanche, les Gascons les associent à des saints locaux, et aussi à des géants, au Diable ou aux hadas ou encantadas (fées). Le savez-vous ? Les menhirs dansent en tournant sur eux-mêmes à minuit. Ils ont le pouvoir de rendre les femmes fécondes. Et même, dans le bordelais, ils peuvent signaler la proximité d’une source et guérir les maux liés aux yeux.

Autres formes de mégalithes

Tumulus, dolmens et menhirs se rencontrent dans le piémont pyrénéen et en plaine. Pourtant, d’autres formes de mégalithes existent, cette fois-ci en montagne. Ce sont les pasteurs qui pratiquent déjà la transhumance des troupeaux qui les érigent.

Cromlechs du plateau du Bénou en Vallée d'Ossau
Cromlechs du plateau du Bénou en Vallée d’Ossau

En vallée d’Ossau, par exemple, sur le plateau du Bénou, on trouve 80 cromlechs qui sont des cercles de pierre plantées dans le sol. La majorité ont un diamètre qui varie entre 3,5 et 5,5 mètres. Quelques-uns peuvent atteindre 11 mètres de diamètre. Ils sont tous construits sur des mamelons ou des replats qui offrent une vue dominante sur la vallée.

À la fin du XIXe siècle, l’abbé Châteauneuf, curé de Bielle, en donne une première description et fait des croquis. Il remarque que 16 cromlechs constituent une ligne droite et sont précédés d’un alignement de grandes dalles de 110 mètres de long. Il n’en subsiste plus que 50 mètres.

Leurs fouilles n’ont pas donné d’objets ou de restes funéraires. Si ce ne sont pas des tombes, à quoi pouvaient-ils servir ?

Sur le plan de Beret en val d’Aran, il y a de nombreuses traces d’habitat néolithique lié au pastoralisme. Le plus surprenant est un ensemble considérable de pétroglyphes (gravures sur la pierre) dont on ne connait pas la signification. Certains signes se retrouvent sur le menhir retrouvé près de Grenade dans les Landes. Isaure Gratacos s’y intéresse et publie un article très intéressant dans la Revue du Comminges (n°1, 2009).

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Poursuivre avec les stèles discoïdales de Gascogne.

Références

Les tumulus du plateau de Ger, Lucien Pothier, 1900, 5 volumes.
Les nécropoles du Premier âge du Fer dans les Landes de Gascogne, Bernard Gellibert, Jean-Claude Merlet, Sandrine Lenorzer, 9 février 2023.
Bulletins de la Société de Borda, de la Société Ramond, de la Société Archéologique du Gers, Société du Comminges




Figues et figuiers

Le figuier est associé à la Méditerranée, et pourtant, c’est un arbre, doté de pouvoirs, que l’on trouvait dans toutes les maisons de Gascogne.

Histoire succincte du figuier

Chapiteau de la nef, basilique de Vézelay, Yonne - Adam et Ėve cachent leur nudité avec une feuille de figuier
Adam et Ėve cachent leur nudité avec une feuille de figuier. Chapiteau de la nef de la basilique de Vézelay, Yonne.

Lo higuèr, le figuier en français, est un arbre fort ancien puisqu’il est cité dans la Bible. Souvenez-vous, Adam et Ève découvrant leur nudité cachent leur sexe sous des feuilles de figuier : Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures. (Genèse 3 v 7).

On sait aussi que l’on cultivait le figuier au Proche-Orient il y a plus de 10 000 ans. D’ailleurs, son nom latin, ficus carica, veut dire figuier de Carie, région du sud-ouest de l’Asie mineure dont serait originaire cet arbre. Un peu avant notre ère, les Carthaginois apportent le figuier dans tout le pourtour de la Méditerranée. Puis, les Phocéens et les Romains le propagent dans leurs territoires de conquête.

Ainsi, on le trouve aujourd’hui dans tout le sud de la France, et aussi dans des zones abritées en Ile de France, Bourgogne, Bretagne ou sur la Manche. Dans le sud-ouest, il laisse son nom à plusieurs lieux comme le col du Figuier à Belestar (Bélesta), en Ariège languedocienne. Les Béarnais ont Higuèra (Higuères) ou Labatut-Higuèra (Labatut-Figuières), les Commingeois Higaròu (Figarol), etc. Et les Basques Picomendy (la hauteur des figuiers) à Saint-Étienne-de-Baïgorry.

La culture du figuier autour de la Méditerranée - Source : Jacques Vidaud, Le Figuier.
La culture du figuier autour de la Méditerranée – Source : Jacques Vidaud, Le Figuier.

Le figuier est symbole de vie (il peut vivre 300 ans) ; il possède des fruits en forme de bourses et son latex qui évoque le liquide séminal. Il est d’ailleurs l’arbre de Dionysos, dieu de la fécondité. Et c’est au pied d’un figuier que la louve allaite Romulus et Rémus qui fondent Rome.

Le figuier des botanistes

Ficus Carica © Wikipedia
Ficus Carica, Trew,C..J. (1771) © Wikipedia

Le figuier (ficus carica) appartient à la famille des Moracées, comme le murier ou l’arbre à pain. Il n’est pas très grand, dans les 4 ou 5 m, il aime le soleil et pas du tout le vent. Mais il peut supporter des températures basses, de -15°C. Il en existe plus de 260 variétés et on les regroupe souvent selon la couleur de leur fruit : figue blanche (à peau verte), noire (à peau violette), figue grise (à peau mauve).

Une toute petite abeille nommée blastophage s’occupe de la pollinisation des fleurs femelles ; en contrepartie le figuier l’abrite et le nourrit. Toutefois, l’abeille ne pollinise pas toutes les figues qui vont alors murir plus tôt, fin juillet. Nos amis provençaux les appellent les « couilles du pape ».

Mais attention, le figuier n’est pas que sympathique : ses feuilles et ses tiges contiennent un latex photosensibilisant. Si vous en mettez sur votre peau et que vous allez au soleil, vous verrez apparaitre de jolies brulures.

Le figuier est dans chaque maison gasconne

Dans les plaines ou les collines de Gascogne, jusque fin XIXe siècle, on trouve des figuiers qui bordent les routes. En Lomanha / Lomagne, los broishs (les sorciers) les utilisent car on attribue à ses branches un pouvoir divinatoire. Dans les Landes, le figuier protège la maison. D’ailleurs, le Landais Isidore Salles (1821-1900) nous le rappelle dans sa poésie Lou higuè / Lo higuèr / Le figuier

Isodore Salles (1821 -1900)
Isidore Salles (1821 -1900)

Toute maysoun, grane ou petite,
A soun higué, petit ou gran.
Tota maison, grana o petita, / A son higuèr, petit o gran.
Toute maison grande ou petite, / A son figuier petit ou grand.

Sans aller jusqu’à le dire sacré, on ne touche pas à un figuier même devenu vieux :

Badut bielh e quent lou cap plegue,
Que herèn un pecat mourtau
De pourta le hapche ou le sègue,
Sus l’anyou gardien de l’oustau.

Vadut vielh e quan lo cap plega, / Que herén un pecat mortau / De portar la hacha o la sèga, / Sus l’anjo gardian de l’ostau.
Devenu vieux et quand sa tête plie, / Ce serait un péché mortel / De porter la hache ou la scie, / sur l’ange gardien de la maison.

Vous pouvez écouter, lu par Tederic Merger, le texte d’Isidore Salles extrait de Langue et chansons en pays de Gascogne d’Hubert Dutech aux Editions CPE.

      1. Lo higuer-V2

Le figuier dans la conversation

Plusieurs expressions gasconnes font référence à la figue ou au figuier comme gras com ua higa (gras comme une figue, équivalent français : gras comme un cochon) ou har la higa (faire la figue, eq. français faire la mijaurée), ou encore segotir lo higuèr (secouer le figuier, eq. français secouer les puces). Quelques proverbes s’en inspirent comme:
Eth laurèr, eth higuèr que deishan tostemps heretérs.
Le laurier et le figuier laissent toujours des héritiers (c’est-à-dire que ces arbres vous survivront).

Papire Masson note en 1611 dans son livre Descriptio Fluminvm Galliae (description des fleuves de France) le proverbe suivant qui est presque un virelangue :

Lo no es bon gasconet
Se non sabe dezi
Higue, Hogue, Haguasset

Lo non es bon gasconet
se non sap díser
Higa, Hoga, Hagasset

N’est pas bon petit gascon
Celui qui ne sait dire
Higa, Hoga, Hagasset
(en expirant fortement les h s’il vous plait ; higa : figue)

Diverses utilisations de la figue

Le figuier est généreux, il peut donner à l’âge adulte (après 10 ans) de 30 à 100 kg de fruits par an. Il n’est pas très exigeant et se développe facilement, aussi il est appelé l’arbre du pauvre. Son fruit peut être séché et il se conserve longtemps.

Rome et Carthage au début de la 2ème Guerre Punique (218 av. JC)
La proximité de Rome et Carthage, à l’époque de Caton, au début de la 2ème Guerre Punique (218 av. JC)

Déjà, la figue est à la base du régime des athlètes en période olympique. Et c’est le fruit préféré de Cléopâtre. En Gascogne, comme partout, on fait sécher la figue qui devient un aliment calorifique pour toute l’année.

Plus amusant, Caton (234-149) utilise la figue pour convaincre le Sénat des dangers que représente la puissance punique. Carthago delenda est (Il faut détruire Carthage) répète-t-il inlassablement.  Et celui-ci de se laisser convaincre grâce à une figue : Sachez qu’elle a été cueillie il y a trois jours à Carthage : voilà à quelle proximité nous sommes de l’ennemi ! 

La figue et le foie gras

Les Égyptiens remarquent que les anatidés (oies, cygnes, canards…) se gavent avant la migration. Et ils remarquent aussi que la chair de ces oiseaux en devient plus tendre.  Ils décident alors de reproduire ce gavage pour rendre les chairs plus savoureuses. La technique se transmet dans le pourtour méditerranéen.

Figues farcies au foie gras
Figues farcies au foie gras

À leur tour, les Romains s’y mettent. Horace (-35, -8) nous rappelle : Pinguibus et ficis pastum jecur anseris albi (le foie de l’oie blanche est nourri de graisse et de figues). Ce qui rend leur chair tendre et leur foie plus savoureux.  D’ailleurs, ils parlent de Jecur ficatum (foie aux figues). Le mot ficatum (figue) devient figido au VIIIe siècle puis hitge en gascon, fetge en languedocien, feie en français au XIIe et finalement foie.

Les Romains portent cette technique jusque chez nous en Gascogne. De là, des Juifs se déplacent vers le centre de l’Europe. Or, ils n’ont pas le droit d’utiliser du beurre avec la viande et ils ne trouvent pas d’huile dans ces régions, alors ils vont utiliser le gavage afin d’obtenir de la graisse d’oie. Ainsi, ils l’installent en Alsace, en Hongrie et en Bulgarie.

Recettes de figues

El llibre del coch
Llibre de doctrina per a ben servir, de tallar y del art de coch cs (ço es) de qualsevol manera, potatges y salses compost per lo diligent mestre Robert coch del Serenissimo senyor Don Ferrando Rey de Napols

Si les figues sont surtout mangées sèches, nos aïeux ne dédaignent pas de les cuisiner.  Et nous en trouvons trace dans le Llibre del Coch (Livre du cuisinier), premier livre de cuisine catalane, écrit vers 1490 par Robert de Nola, maitre queux de l’Aragonais Ferdinand 1er, roi de Naples.

Mestre Robert nous propose une bonne recette de préparation à partir de figues sèches.

Les figues seques pendras mes melades que pugues hauer negres e blanques e leuals lo capoll e apres rentales ab bon vin blanch que sia dolç: e quant sien netes pren vna panedera de terra e met les dins menant les vn poch: e apres posa aquella panadera sobre vnes brases e tapa les be de manera que se stufen alli e quant seran estufades ese hauran beguda la vapor menales vn poch e met hi salsa fina damunt e tornales amenar de manera que encorpora aquella salsa: e apres menja ton potatge eveuras gentil cosa e mengen se entrant de taula.

Les figues sèches, tu prendras aussi miellées que tu pourras, noires et blanches ; enlève la peau ; après rince-les avec du bon vin blanc qui doit être doux et quand elles sont propres, prends une casserole en terre et mets-les dedans, tout en les remuant un peu ; ensuite, pose la casserole sur des braises et couvrez-les pour qu’elles réduisent et quand elles sont réduites et qu’elles ont bu la vapeur, remue-les un peu et verse dessus une sauce fine ; remue-les à nouveau pour qu’elles incorporent cette sauce : et puis mange le potage ; jamais ne mange cette chose délicate en te mettant à table.

Depuis, la créativité contemporaine mêle la figue à la volaille et propose par exemple du poulet sur des feuilles de figuier ou du confit de figues. Sans oublie les savoureux desserts et les confitures.

Anne-Pierre Darrées

écrit en orthographe nouvelle

Références

Vousvoyezletopo, Du figuier, 2019
L’Amelier, Ydille du figuier et de son abeille
Secrets de jardin, le figuier
Recette du Llibre del coch, Roberto de Nola, 1520
Le foie gras, c’est toute une histoire




Montréjeau et ses trésors

En traversant une ville, on voit l’église, la place centrale, et si on a un peu de temps, l’office de tourisme et quelques commerces. Pourtant, beaucoup d’entre elles ont des trésors cachés. Et c’est bien le cas de Montréjeau.

Montréjeau, bastide royale

Mont reiau [Montréjeau] signifie Mont royal. C’est une bastide fondée en 1272, en paréage entre Eustache de Beaumarchès, sénéchal du roi de France à Toulouse, et Arnaud d’Espagne-Montespan.

Comme souvent, l’affaire est profitable aux deux parties. Car, ainsi, le roi s’implante en Comminges, au milieu des possessions des Foix-Béarn en Nebouzan – Cela lui permet de surveiller ces remuants seigneurs. Et, d’autre part, Arnaud d’Espagne-Montespan obtient une étape sûre entre ses deux domaines de Montespan et de la vallée du Louron.

De plus, la bastide de Mont reiau est une réussite. En effet, trente ans après sa fondation, elle est entourée d’un rempart et est entièrement peuplée.

Montréjeau - la place centrale de la bastide
Montréjeau – la place centrale de la bastide et ses arcades

Bien sûr, les fondateurs la dotent de coutumes octroyées aux habitants, qui seront réécrites en 1435 (elles contiennent 228 articles) et en 1619.

Montréjeau - Pont sur la Garonne
Montréjeau – Pont sur la Garonne

Mont reiau tient un marché hebdomadaire. Et elle tient aussi deux foires annuelles à la Trinité et à la Saint-Barthélemy. Par ailleurs, la construction du pont sur la Garonne au XIVe siècle assure le succès de ses foires. Plus tard, Henri IV (1553-1610) lui en concède deux nouvelles à la Saint Mathias et à la Saint-André.

C’est aussi le siège de la judicature de la jugerie de Rivière. Ainsi, les professions de loi y prospèrent.

Mais, Mont reiau subit les affres des guerres de religion, sert de garnison lors des guerres avec l’Espagne. Et elle est le théâtre de la bataille de Montréjeau qui met fin aux espoirs royalistes en 1799.

La place Bertrand Larade

Il n’est pas habituel de voir une place porter le nom d’un grand poète gascon du XVIIe siècle.

En effet, Bertrand Larade (1581-1635 ?) est né à Montréjeau. Issu d’une famille de notables, il étudie le droit à Toulouse avant de se consacrer entièrement à la poésie. Il devient l’ami de Goudouli, grand poète toulousain. De plus, Bertrand Larade reçoit un prix aux Jeux Floraux en 1610, puis, il abandonne le français pour ne plus écrire qu’en gascon.

La Margalide gascoue

Sa Margalide gascoue, éditée en 1604 – il a 22 ans–, contient 96 sonnets dont le sonnet XXXVII sur Montréjeau, lieu de résidence de son amour :

Chant Royal - B Larade - la Margalide Gascoue (1604)
B Larade – La Margalide Gascoue (1604)

Mourejau ey lou loc de ma neichense,
Mourejau ey lo loc de la beutat,
Doun trop jouen jou’m trobey amatat,
Et force’m houc de’u da m’aubesience.

En Mourejau be he sa residence,
En exerçan sur my sa crusautat,
Et sa berou m’a tan plan tormentat,
Que cauque cop perde’m he paciense.

Et nou i a arrenc com noste Mourejau,
De y demoura lou bet loc be s’ac bau:
Courren aupres la Garona, et la Neste: 

Lou Roussinon nou pousque aillous boula
Qu’a Mourejau que d’et hé tant parla,
Per ma Margot suber toutes auneste.

Montréjeau est le lieu de ma naissance,
Montréjeau est le lieu de la beauté,
Par quoi trop jeune je me suis trouvé anéanti,
Et à qui force m’a été de faire obéissance.

À Montréjeau, elle a sa résidence,
En exerçant sur moi sa cruauté,
Et sa fureur, elle m’a si bien tourmenté
Que quelquefois elle me fait perdre patience.

Et il n’y a rien comme notre Montréjeau,
Il vaut la peine de résider en ce beau lieu :
Auprès duquel courent la Garonne et la Neste :

Le rossignol ne pourrait voler ailleurs
Qu’à Montréjeau qui fait tant parler de soi,
Grâce à ma Margot sur toutes les autres honnête.

L’hôtel de Lassus à Montréjeau

Montréjeau - Hôtel de Lassus
Hôtel de Lassus

Le XVIIe siècle est aussi celui de l’émergence de la famille de Lassus, l’une des plus importantes de Montréjeau.

Marc-François de Lassus (1692-1780) est, comme son père, subdélégué de l’Intendant d’Auch et Contrôleur général des Marbres du Roi. En 1760, il fait construire un magnifique hôtel particulier en pierre de Gourdan.

La famille de Lassus donnera un conseiller au Parlement de Toulouse, guillotiné à Paris sous le nom de M. de Nestier, un maire de Montréjeau, un conseiller général, un député, un célèbre pyrénéiste ami d’Henry Russel et deux présidents de la Société d’Etudes du Comminges. En sus, en 1865, les de Lassus sont faits barons héréditaires.

À l’initiative du Maréchal Foch, l’hôtel de Lassus abrite le séminaire de Montréjeau de 1929 à 1970. Aujourd’hui, il accueille des services de la communauté de communes, dont l’office de tourisme. Et, il est inscrit au titre des Monuments Historiques en 2005.

Le château de Valmirande

Le comte Henry Russell et le Baron de Lassus en 1894
Le comte Henry Russell et le Baron de Lassus en 1894

Bertrand de Lassus (1868-1909) fait construire le château de Valmirande, à l’imitation des châteaux Renaissance de la Loire. Les travaux durent de 1893 à 1899.

On remarque la propriété de 41 hectares, clôturée par un mur qu’on longe, à la sortie de Montréjeau, en prenant à la route de Lannemezan et de Tarbes.

C’est l’architecte bordelais Louis Garros qui construit le château. Denis et Eugène Bühler, concepteurs du parc de la Tête d’Or à Lyon et du parc Borelli à Marseille, se chargent du parc, qui contient plus de 180 espèces d’arbres et d’arbustes. Plus tard, en 1912, Édouard-François André, le concepteur des parcs de Monte-Carlo, dessine deux parterres à la française supplémentaires.

Une tour d’aspect médiéval abrite un calorifère à vapeur pour chauffer le château.

Des dépendances en style montagnard abritent une des plus belles écuries de France. De plus, une tour du bâtiment rappelle le clocher de l’église de Saint-Bertrand de Comminges que l’on voit depuis Valmirande. D’ailleurs, on raconte que Bertrand de Lassus communiquait à vue avec le curé de Saint-Bertrand. En tous cas, la vue est bien dégagée entre les deux lieux.

Dès 1899, le château de Valmirande est occupé. Et l’hôtel de Lassus situé dans Montréjeau est vendu.

Il est classé en 1976, le parc en 1979 et les dépendances en 1992. Le château habité n’est pas visitable, sauf la chapelle. Le parc et les dépendances font l’objet de visites guidées.

Montréjeau - Château de Valmirande
Montréjeau – Château de Valmirande

Références

Bertrand Larrade – La Margalida gascoue et Meslanges (1604), édition critique de Jean-François Courouau.
Notre histoire, mairie de Montréjeau
Les statuts et coutumes de la ville de Montréjeau, baron de Lassus,  1896
Le château de Valmirande, mairie de Montréjeau




Marie, Simone et les autres… en politique

Puisque le 8 mars est la journée international de la femme, n’est-ce pas une bonne occasion de regarder la place des femmes en politique dans la Gascogne d’aujourd’hui ?

Le rôle des femmes dans l’histoire politique

Jeanne d'Albret, femme en politique
Jeanne d’Albret (1528-1572)

Les femmes tiennent surtout des rôles d’influence politique dans les temps anciens, sauf quelques cas où elles exercent directement le pouvoir : régence, remplacement des maris en guerre ou les abbesses. Toutefois, certaines sont restées dans les mémoires pour leur rôle plus ou moins choisi mais déterminant, comme Aliénor d’Aquitaine (ca 1122-1204), Pétronille de Bigorre (ca 1194 – 1251) ou Jeanne d’Albret (1528 – 1572) pour ne citer qu’elles.

Plus tard, les femmes réclament une place plus égalitaire. Ainsi,  la Constitution de Pascal Paoli accorde le droit de vote aux femmes en Corse en 1755. Droit qu’elles perdront avec l’annexion de l’île à la France en 1768.

Olympe de Gouges , femme en politique prône l'entrée des femmes dans la Révolution
Marie-Olympe de Gouges (1748-1793)

Néanmoins, la Révolution française accorde le droit de vote aux hommes qui paient un minimum d’impôt. Aussitôt, des femmes se réunissent pour revendiquer l’égalité des droits comme la Paloise Pauline Siro ou la Montalbanaise Olympe de Gouges.

Les choses vont évoluer dans le monde, un siècle plus tard : les habitantes du Wyoming obtiennent le droit de vote en 1869, les Néo-Zélandaises en 1893 (y compris les maories), les Australiennes en 1902, les Finlandaises en 1906, les Norvégiennes en 1913, les Belges en 1920, les Britanniques en 1928. Même le pape Benoit XV se prononce le 15 juillet 1919 en faveur du droit de vote des femmes.

En France, pays de la Liberté, l’Égalité et la Fraternité, il faut attendre le général de Gaulle qui accorde ce droit par l’ordonnance du 21 avril 1944.

L’accès à l’administration locale

Jeanne Macherez (1852-1930) - portrait de 1914
Jeanne Macherez (1852-1930), portrait de 1914

Ainsi, en France, les femmes accèdent tardivement aux postes de l’administration locale. En 1914, Jeanne Macherez (1852-1930) s’auto-proclame avec courage mairesse de Soissons pour protéger la ville des Allemands.

En mai 1925, le Parti Communiste Français présente des femmes sur ses listes. Sept seront élues conseillères municipales, dont la Bretonne Joséphine Pencalet (1886-1972). Mais le Conseil d’État invalide ces élections six mois plus tard car les femmes ne sont en droit ni électrices ni éligibles.

 

 

Portrait de Joséphine Pencalet (1886 - 1972) vers 1906
Portrait de Joséphine Pencalet (1886-1972), vers 1906

Comme le droit de vote et d’éligibilité des femmes est légalisé en 1944, dès les élections municipales de mai 1945, les premières femmes prennent des postes de mairesse. Peut-être dix-sept femmes dont Odette Roux (Sables d’Olonne), Pierrette Petitot (Villetaneuse, Seine Saint-Denis), ou Suzanne Ploux (Saint-Ségal, Finistère) ou Marie Giraud (Marcols-les-Eaux, Ardèche). Aucune en Gascogne.

Toutefois, on peut illustrer l’action politique des femmes et leur entrée dans l’administration politique par deux exemples pris dans le Gers ou limitrophe : Marie Poirée et Simone d’Artensac.

Marie Poirée, militante républicaine

Marie Poirée nait en 1848 à La Montjòla [Lamontjoie] dans une famille aisée de propriétaires terriens (dont la propriété s’étend sur Lamontjoie en Lot-et-Garonne et Pergain-Taillac dans le Gers).  Elle s’engage très vite dans le débat politique. Ainsi, elle fait campagne dans toutes les élections. En particulier, sa véhémence est remarquée lorsque le maréchal de Mac-Mahon dissout la Chambre. Cela lui vaut de comparaitre au tribunal de Lectoure pour incitation à la haine. Dans la rue, elle reçoit la sympathie et les compliments des républicains.

À Paris où elle se rend régulièrement, elle rencontre différentes personnalités dont Armand Fallières (1841-1931) originaire de Mesin [Mézin] (à 27 km de Lamontjoie) et Jules Ferry (1832-1895) sur lesquels elle s’appuiera pour ses actions.

Deux actions majeures

Armand Fallières (1841 - 1931) alors parlementaire
Armand Fallières alors parlementaire (1841 – 1931)

En particulier, elle s’engage en faveur de l’école publique et multiplie les démarches auprès d’Armand Fallières, alors au gouvernement, afin d’obtenir une école à Lamontjoie. C’est chose faite en 1882. Et Jules Ferry lui-même vient inaugurer l’école. École gratuite, avec instruction obligatoire et un enseignement public conformément aux lois Ferry. Marie fournit le mobilier.

Bien sûr, Marie Poirée est hostile à l’Église et à l’école religieuse. D’ailleurs, elle déclare le 13 novembre 1882 : un couvent chez nous, c’est un brandon de discorde et un foyer d’abêtissement.

Le second grand axe de lutte de Marie Poirée, c’est ce qu’on pourrait appeler le féminisme ou, plus simplement, la lutte pour l’émancipation des femmes et leur place dans la société française.

Marie Poirée quitte la scène politique

Tombe de Marie Poirée à Lamontjoie

En 1887, suite au scandale des décorations (une affaire de trafic de décorations qui met en cause le gendre du président de la République, Jules Grévy), elle fait campagne pour Jules Ferry. C’est Sadi Carnot qui est élu. Alors, Marie s’éloigne des socialistes et des radicaux.

Avec la crise de l’agriculture qui sévit de 1880 à 1900, Marie doit se consacrer à sa propriété. Elle meurt le 30 janvier 1911 et sera inhumée sur place, dans une petite chapelle. La légende dépeint cette femme de poigne en disant qu’elle fut enterrée debout près de son cheval.

Lamontjoie (47)
Lamontjoie (47)

Simone d’Artensac, première élue maire du Gers

Castelnau Barbarens (32)
Castelnau Barbarens (32)

Simone de Brux nait en 1900 à Castèthnau Barbarens [Castelnau-Barbarens] joli village d’Astarac à 18 km d’Auch. La vieille famille locale possède la propriété d’Empoucourou, ou d’En Pocoron, construite à la fin du XVIIIe siècle ou au tout début du XIXe siècle pour sa famille, les de Brux, propriétaires de plantations à Saint-Domingue.  Elle deviendra par mariage Simone d’Artensac.

La commune vit une crise municipale qui aboutit à de nouvelles élections en aout 1950. Les femmes sont éligibles depuis 5 ans. Alors, Simone d’Artensac monte une liste de 12 personnes dont 3 femmes et gagne les élections.

Le village a une histoire ancienne. On lit en 1140 l’existence d’un Castèt nàou dé Barbaréncs. Rappelons qu’un castèth nau [château neuf] est un bourg castral, une sauveté autour d’un château. En fait, les seigneurs Bernard I comte d’Astarac et Guillaume Arnaud Desbarats concluent un accord, pour édifier à parts égales la fameuse sauveté : Bastirén et edifiquirén per mici Io castet nàou de Barbarens.

Femmes en politique : Simone d'Artensac en 1960 seule femme lors d'une réunion de maires et de conseillers généraux du Gers
Simone d’Artensac , seule femme lors d’une réunion de maires et de conseillers généraux du Gers en 1960

Quand Simone prend la direction de la mairie, la commune est très en retard sur ses équipements. Elle va donc lancer de gros travaux pour apporter l’eau et l’électricité, refaire les chemins. Elle sera réélue trois fois.

Parallèlement, en 1955, elle se présente au Conseil Général et est élue conseillère générale du canton de Saramon. C’est la première femme conseillère générale dans le Gers. Le Conseil Général lui confie le Concours des Villes et Villages fleuris.

Les femmes dans l’administration locale en Gascogne

Globalement, les Françaises ont encore une place modeste en politique. Pour donner une idée, les femmes occupent 50 pour cent ou plus des postes de ministres dans 13 pays seulement. Citons l’Espagne, la Finlande, la Colombie, la Moldavie ou l’Afrique du sud.

Bien sûr, en France, la politique des quotas permet que la part des femmes atteigne quasiment 42% des élus municipaux. Mais cette part est bien plus faible quand on regarde les postes majeurs :

  • 11,4% des présidents de conseils communautaires ;
  • 19,8% des maires ;
  • 20,2% des présidents des conseils départementaux ;
  • 31,6% des présidents de régions.

La Gascogne montre une féminisation plutôt faible puisque les mairesses représentent :

  • Ariège : 19,3%
  • Gers : 18,8%
  • Gironde : 23,9%.
  • Haute-Garonne : 19.1%
  • Hautes-Pyrénées : 14,7%
  • Landes : 19,9 %
  • Pyrénées Atlantiques : 13% des postes.

Anne-Pierre Darrées

écrit en orthographe nouvelle

Références

En 1945, les premières femmes élues maires en France, France culture, 2 mars 2020
Les tribulations des femmes à travers l’Histoire Moyen Âge : libres malgré tout, Isabelle Gregor
Marie Poirée : une femme d’avant-garde, La dépêche, 28/04/2019
Le Gers, dictionnaire biographique de l’antiquité à nos jours, Georges Courtès, 2007
Faits et chiffres : Le leadership et la participation des femmes à la vie politique, ONU Femmes
Données et statistiques




Noël 2022, Ukraine et Gascogne

Découvrir Noël en Ukraine et partager notre passion pour la culture régionale, voilà nos cadeaux de Noël pour les lecteurs du site.

Noël en Ukraine

Puisque, hélas, l’actualité tourne les yeux des Européens vers l’Ukraine, que savons-nous de leur noël ? Tout d’abord, cette fête n’est devenue officielle que depuis peu. Auparavant, parce que religieuse, elle était bannie.

Les Ukrainiens fêtent Noël le 7 janvier. En effet, le calendrier orthodoxe est décalé de 13 jours par rapport à celui que nous utilisons, c’est-à-dire le calendrier grégorien. De plus, tout commence par un jeûne, le 28 novembre, appelé le jeûne de Saint Philippe. Il se termine à l’apparition de la première étoile de la nuit du 6 au 7 janvier. L’arbre de Noël, quant à lui, restera jusqu’au 19 janvier.

C’est une fête moins importante que le jour de l’an et il n’y a pas de cadeaux. Toutefois, elle est précédée de celle de la Saint-Sylvestre (31 décembre), et suivie de la fête de l’Ancien Nouvel An ou fête de Malanka, le 13 janvier. Il s’agit alors du Nouvel An selon le calendrier julien, celui utilisé par les églises orthodoxes. Et c’est l’occasion de danser la polka !

"<yoastmark

Le déroulement des festivités de Noël en Ukraine

"Le

La veille de Noël, des marionnettes du Vertep jouent des scènes bibliques sur le parvis des églises. Puis, la famille se retrouve pour le Svyata Vetcheria [réveillon de Noël] autour d’une grande table présentant 12 plats végétariens car la viande ne sera autorisée qu’avec l’apparition de la première étoile.  Traditionnellement, on dispose des gousses d’ail sur la table pour affirmer les liens forts de la famille, et des noix pour augurer d’une bonne santé.

Dans la soirée, des groupes de garçons vont de maison en maison en chantant les koliadky [chants de Noël]. Ils reçoivent de l’argent et des friandises. C’est assez proche de notre aguilhonèr que nous faisons pendant l’avent (donc les quatre semaines avant Noël).

De plus, toute la soirée, on chante des Koliadky et Chtchedrivky [chants de Noël]. Et, au moment de se coucher, on pose sur la table des cuillères afin que les membres décédés de la famille puissent participer au festin.

Enfin, cette belle période de festivité s’achève le 19 janvier (épiphanie dans le calendrier orthodoxe) par… un bain dans l’eau ! Ainsi, les prêtres font un trou dans la glace en forme de croix et les audacieux se trempent rapidement dans l’eau.

Les Ukrainiens rêvent de paix à l’occasion des bains glacés de l’Épiphanie orthodoxe (janvier 2016)

Livres pour Noël

Comme tous les ans, nous vous proposons trois ouvrages qui pourraient faire de beaux cadeaux de Noël en Gascogne.

Livre exceptionnel pour Noël, L’Elucidari, l’encyclopédie de Gaston Febus

L'Elucidari - L'encyclopédie de Gaston Febus - un cadeau de Noël
L’Elucidari, l’encyclopédie de Gaston Febus, Maurice Romieu.

Gaston Febus (1331-1391) est un homme lettré. Ce n’est pas un hasard. Sa mère, Aliénor de Comminges lui fait écrire une véritable encyclopédie alors qu’il n’a pas encore 18 ans. Une encyclopédie de plus de 650 pages, qui rassemble toute la connaissance de l’époque. Il n’en existe qu’un exemplaire, manuscrit, heureusement conservé à la Bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris.

Que contient cette encyclopédie ? D’où viennent les informations ? En quoi est-elle innovante ? Comment se présente-t-elle ? C’est l’objet du livre, en français, de Maurice Romieu, spécialiste de l’occitan ancien et du Moyen-âge. Une vraie découverte de l’encyclopédie du comte et un régal des yeux ! En effet, de nombreuses enluminures et des facsimilés du manuscrit original y sont présentés. Saurez-vous reconnaitre le jeune Gaston et Dame Savieza sur l’enluminure de la couverture ?

Le cadeau pour les amateurs de livre d’art !

Pour parler d’espoir et d’amour 

La murena atendrà (Danièle Estèbe Hoursiangou)
La murena atendrà, Danièle Estèbe Hoursiangou.

La murèna atendrà / La murène attendra est un magnifique livre, bilingue (français, occitan), de Danièle Estèbe-Hoursiangou. C’est l’histoire d’un couple amoureux et uni qui va être confronté à une murène, la maladie d’Alzheimer du mari.

Appuyé sur l’histoire personnelle de l’autrice, le récit est plutôt une conversation secrète, personnelle. Sans jamais se laisser gagner par le pathos, et en nous épargnant l’aspect médical, l’autrice nous offre plutôt une expérience où se mêle la violence du vécu et la force de l’amour.

Et malgré l’inexorable éloignement de l’homme aimé, la complexité des émotions,  le lecteur découvre la beauté et la solidité des sentiments.

Pour la mémoire de la langue, le dictionnaire de référence

Dictionnaire du Béarnais et du Gascon Moderne (Simin Palay) : - un cadeau de Noël
Dictionnaire du Béarnais et du Gascon Modernes, Simin Palay.

Tout bon Gascon ne doit-il pas avoir le Dictionnaire du Béarnais et du Gascon modernes de Simin Palay ? En version classique, indispensable, ou sous coffret, il reste un magnifique cadeau de Noël. Voir sa description dans un article précédent.

Vous y trouverez tout un tas d’expressions, par exemple liées à la hèste / hèsta / fête. Ainsi, on retrouve le côté imagé de notre langue dans :
ha s’en la hèste / har-se’n la hèsta / s’en régaler (littéralement s’en faire la fête) ou
noû pas esta de hèste / non pas estar de hèsta / être fort ennuyé (littéralement ne pas être à la fête) ou encore
jamey tau hèste / jamei tau hèsta / jamais semblable chance.
Et le côté spirituel, trufandèr du Gascon dans ha tout die hèste / har tot dia hèsta / chômer tous les jours.

Donc, après avoir hestejat / hestejat / fait la fête, gare à l’hestoû / heston / lendemain de fête, car hèste sens hestoû, noû n’y a, noû / hèsta sens heston, non n’i a, non / fête sans lendemain, il n’y en a pas, non, dit le proverbe.

Quant à l’expression française « je vais te faire ta fête », le Gascon préfère dire : que’t harèi cantar vrèspas [je te ferai chanter les vêpres].

Anne-Pierre Darrées

écrit en orthographe nouvelle

Références

La célébration de Noël en Ukraine
L’Elucidari, l’encyclopédie de Gaston Febus, Maurice Romieu, Edicions Reclams, 2022.
La murèna atendrà / La murène attendra, Danièle Estebe-Hoursiangou, Edicions Reclams, 2022.
Dictionnaire du Béarnais et du Gascon modernes, 4e édition, Simin Palay, Edicions Reclams, 2020.




Les bonnes herbes

Les bonnes herbes / las bonas èrbas font partie de la médecine populaire. Elles servent à soigner aussi bien les bêtes que les hommes. Un temps délaissées au profit de la pharmacie moderne, elles reviennent à la mode.

Soigner les hommes et les bêtes avec les herbes

À tous les maux correspondent des herbes pour les soigner. Ainsi, l’abbé Cazaurang distingue plusieurs sortes de maux : lo mau hèit (le mal fait par une blessure), lo mau gahat (le mal attrapé par une contamination), lo mau vadut (le mal né dans le corps), lo mau naturau (le mal venu par évolution naturelle) et lo mau dat (le mal provenant d’un sort jeté).

Les herbes qui soignent : la racine de gentiane
Racines de gentiane

Pour soigner ces maux, on cueille les plantes à la main. Jamais avec un couteau ou un ciseau métallique qui altèrent les principes actifs. De plus, une bonne cueillette se fait avec la lune. Et suivant les plantes, on cueille les feuilles, les tiges, les fleurs ou la racine.

Par exemple, la racine de gençana [gentiane] est cueillie et séchée avant d’en mettre une rondelle à macérer dans un verre d’eau. On l’utilise pour ses propriétés dépuratives et fortifiantes. Le Sarpolet [Serpolet] soigne les rhumes, le romaniu [romarin] délayé dans de l’alcool soulage les contusions et les entorses.

Les herbes qui soignent : l'Arnica (© Wikimedia)
Arnica (© Wikimedia)

Quant aux sarpolet e gerbeta [serpolet et thym] en liqueur, ce sont des stimulants digestifs. Ou encore, l’arnica [arnica] s’emploie en usage externe comme anti-inflammatoire, ce qui est d’ailleurs toujours le cas.

D’autres usages pour les plantes

Mais les herbes ont aussi d’autres usages. Les ortigas [orties] servent à filtrer le lait des brebis pour activer la flore lactique. De plus, elles sont efficaces pour récurer les chaudrons et ustensiles de cuisine. Ou encore, elles servent à l’alimentation du bétail pour favoriser la lactation. Citons aussi la hèuç [fougère mâle] qui est un répulsif contre les tiques et sert pour la litière des chiens.

Alexandre-G Decamps (1803-1860)- Les sorcières soignent ou empoisonnent avec les herbes
Alexandre-G Decamps (1803-1860) – Les sorcières de Macbeth (© Wikimedia)

Toutefois, certaines plantes toxiques nécessitent des connaissances particulières pour être utilisées. Et c’est le rôle des posoèrs / sorciers empoisonneurs, dont on apprécie les services mais dont on se méfie. Car, en cas d’erreur : Eres cachiles nou lou hèn pas més maù! / Eras cashilas non lo hèn pas mes mau! [Les dents ne lui font plus mal ! Comprendre « il est mort »]

 

 

 

Conjurer le mauvais sort avec les herbes

Croix fleurie de la Saint-Jean, Landes
Croix fleurie de la Saint-Jean, Landes

Dans les campagnes, on conjure les orages et la grêle en mettant au feu des feuilles de Laurèr [Laurier] bénies le jour des Rameaux. Dans certains endroits, on met dans le feu le bouquet de la Saint-Jean ou même des charbons retirés du halhar [feu de la Saint-Jean] et conservés précieusement.

Évidemment, on cueille les herbes de la Saint-Jean le jour de la Saint-Jean, avec la rosée. Séchées en bouquet ou en croix, le curé les bénit à la messe. Ainsi on pourra les conserver précieusement toute l’année dans chaque maison. Elles ont des vertus de protection et on en suspend des bouquets dans la cheminée et à l’entrée des étables.

De la même façon, une branche de averanèr [noisetier] ou de agreu [houx] placée à l’entrée de la maison protège de la foudre.

La carline, une herbe qui soigne et qui protège
Carline

Outre sa vertu de protéger la maison et les granges contre les maléfices et les sorcières qui s’accrochent sur ses poils, la carlina [carline], variété de chardon argenté, est un excellent baromètre. Elle s’ouvre par temps sec et se referme la nuit, par temps froid ou humide.

L’exploitation commerciale des bonas ièrbas

Thermes de Bagnères de Bigorre
Thermes de Bagnères de Bigorre

Au XIXe siècle, avec la vogue des bains, on développe l’utilisation des bonas èrbas dans un début d’industrialisation de la production. Ainsi, on associe les vertus des bonas èrbas aux vertus curatives des eaux thermales.

À Bagnères de Bigorre, le curiste reçoit un bain de vapeur qui traverse un récipient rempli de plantes aromatiques et émollientes et des effluves de sàuvia [sauge], de romaniu [romarin] et de mauva [guimauve]. Des massages sont prodigués avec du agram [chiendent].

En complément des bains aromatiques, on propose des cures de boissons et des bouillons d’herbes. La Barégine, élaborée à partir de racines et de plantes des Pyrénées, est une boisson qui a des propriétés antibiotiques, anti-inflammatoires et cicatrisantes.

Kiosque buvette des Thermes de Barbazan
Kiosque buvette des Thermes de Barbazan (© Wikimedia)

Des bouillons d’herbes sont proposés à partir des plantes du potager. À Barbazan en Comminges, un kiosque ouvert devant le casino vend du bouillon d’herbes que l’on boit entre deux verres d’eau ou que l’on emporte à la maison. Le bouillon contient des ortigas [orties], de mauva [mauve], des popalèits pissenlits, des bletas [bettes], des porets [poireaux], des pastanagas [carottes] et d’autres plantes du jardin.

De même, les liqueurs à base de plantes se vendent bien. On peut citer les Pères de Garaison qui commercialisent la liqueur « La Garaisoniènne » verte, jaune ou blanche. Cet élixir de Garaison est efficace contre les dyspepsies, les digestions difficiles, les gastralgies ou les coliques.

Les herboristes, une vraie profession

L'herboriste ou le commerce des herbes
Herboriste

Pour la première fois, la France reconnait le métier d’herboriste en 1312. Puis, elle crée, en 1778, le premier diplôme d’herboriste. Pour autant, le commerce des plantes est intensif. Pourtant, des condamnations sont prononcées contre les marchands improvisés comme à Lourdes en 1872 pour avoir « distribué et vendu, sur une des places publiques de la ville, des drogues, préparations médicamenteuses et plantes médicinales ».

Puis, entre 1803 et 1941, les écoles et facultés de pharmacie pouvaient délivrer un certificat qui permettait d’ouvrir une officine où on vendait des médicaments à base d’éléments naturels. Mais, ce diplôme est supprimé en 1941. Timidement, un décret de 1979 autorise la vente de 34 plantes en dehors des pharmacies. Puis, un autre décret de 2008 autorise 148 plantes, soit 27 % de celles qui sont inscrites à la pharmacopée française. Enfin, l’arrêté du 24 juin 2014 inventorie 641 plantes autorisées dans la fabrication de compléments alimentaires.

Toutefois, l’herboristerie légale disparait. Et des initiatives privées se développent pour enseigner la vertu des plantes :  École lyonnaise de plantes médicinales et des savoirs naturels, École des plantes de Paris ou encore École Bretonne d’Herboristerie à Plounéour-Ménez.

Marchand de gentiane en Ariège - Fonds Trutat
Marchand de gentiane en Ariège – Fonds Trutat

Ainsi, la phytothérapie vient à la mode. Et la demande est forte que ce soit des gélules, des sachets de plantes, des baumes aux plantes. Alors, les industries chimiques, cosmétiques et pharmaceutiques développent des molécules issues de plantes qu’elles vont chercher en Amazonie ou dans d’autres lieux éloignés. Et cela fait rêver le consommateur.

 

 

Un précurseur de la phytothérapie, Maurice Mességué

Maurice Mességué ou comment soigner par les herbes
Maurice Mességué (1921 – 2017)

Maurice Mességué (1921-2017) est un Gascon qui reste fidèle à son pays d’Auvillar en Tarn et Garonne. Il est surnommé le « Pape des plantes » tant sa connaissance est grande.

En fait, son père, paysan dans le Gers, lui enseigne son savoir des fleurs et des plantes et lui apprend à soigner et à guérir. Maurice s’intéresse aux maladies chroniques, délaissées par la médecine, ce qui lui vaut 21 procès intentés par l’Ordre des Médecins.

En 1945, il ouvre un cabinet à Nice. Il devient célèbre pour avoir soulagé Mistinguett de ses rhumatismes avec des plantes. En 1952, il publie à compte d’auteur C’est la nature qui a raison. C’est un immense succès, traduit en 10 langues.

Maurice Mességué - Mon herbier de santé (1993)
Maurice Mességué – Mon herbier de santé (1993)

Mais Maurice Messegué voit grand. En 1958, il crée à Paris le laboratoire Aux fleurs sauvages spécialisé dans la cosmétique à base de plantes : mauva [mauve], paparòc [coquelicot], rosa [rose]… C’est un succès. Plus tard, il le rapatriera dans le Gers, à Fleurance.

En continuant, il s’attaque aux méfaits de la pollution des produits phytosanitaires sur l’alimentation, des hormones et des antibiotiques dans les élevages. D’ailleurs il publie plusieurs livres qui auront une large audience : en 1968, il publie Votre poison quotidien et Vous creusez votre tombe avec vos dents. Puis, en 1970, il publie Mon herbier de santé, Mon herbier de beauté et enfin Mon herbier de cuisine.

Reconnu, il est élu Maire de Fleurance en 1971, puis Conseiller général. Il devient Président de la Chambre de Commerce et d’industries du Gers. Il installe à Fleurance sa société Laboratoires des Herbes Sauvages, puis crée une seconde société Fleurance chez soi pour commercialiser, par correspondance, les plantes aromatiques et médicinales.

Enfin, il se retire des affaires en 1994 et vend ses sociétés à ses anciens salariés qui les regroupent sous le nom de Laboratoires Maurice Messegué. En 1997, son dernier ouvrage s’intitule Sauver la Terre pour sauver l’homme.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références

Les bonnes herbes, usage de la flore et médecine populaire dans les Pyrénées centrales, Mathilde Lamothe, Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées
Univers de Mésségué




Queste et questaus

On a gardé l’image d’Épinal des serfs du Moyen-âge, corvéables en toute occasion et à la merci de leur seigneur. Pourtant, la réalité est bien différente, tout du moins en Gascogne avec les questaus et les casaus. Suivons Benoit Cursente, d’Orthez, chercheur au CNRS et spécialiste des sociétés rurales gasconnes au Moyen-âge.

Une société hiérarchisée par des liens personnels

Benoit Cursente spécialiste des questaus - Une histoire de la questalité, Serfs et libres dans le Béarn médiéval
Benoit Cursente – Une histoire de la questalité, Serfs et libres dans le Béarn médiéval

Nous sortons de l’époque romaine où des colons libres côtoient des esclaves, servus, attachés à leurs maitres. Ainsi, le statut d’esclave disparait progressivement et est remplacé par des liens personnels. Ce sont les Wisigoths qui emmènent cette nouvelle pratique.

Tel homme se « donne » par serment à un autre et devient en quelque sorte un membre de sa famille ou de sa companhia [littéralement, ceux qui partagent son pain]. En échange de ce serment et des services qu’il s’engage à fournir, il reçoit une terre ou des revenus qui lui permettent de vivre.

On voit ainsi tout un réseau de liens personnels qui se tissent du sommet de la hiérarchie (le roi) jusqu’à la base de la société. C’est l’origine de la féodalité.

Notons que le rituel de l’hommage tel qu’on le connait à partir du XIIIe siècle n’est pas encore généralisé. En particulier, en Gascogne, on retrouve cette pratique dans le bordelais et en toulousain seulement.

Une organisation de la société en casaus

Le battage du grain
Le battage du grain

Les terres données à travailler constituent des unités fiscales. Leur chef, noble ou paysan, est « seigneur » de sa terre et de ceux qui y vivent. C’est le casal ou casau en gascon, c’est à dire une maison, un enclos, des champs et des droits sur des espaces pastoraux. Leur chef est le casalèr.

Bien sûr, le casau peut être soumis à une redevance, le casau ceissau [en français le cens] ou au  casau serviciau c’est-à-dire à un service particulier.

Lorsque le casau est éloigné, on préfère un prélèvement en espèce ou en nature (grains, volailles, fromages, etc.) ou des services comme l’aubergada [l’hébergement du prince et de sa suite]. Lorsque le casau est proche d’une forteresse, il est soumis à des services militaires ou d’entretien.

Par exemple, près du château de Lourdes, nous trouvons des casaus soumis à des obligations de service armé (ost) et de cavalcada [chevauchée], d’autres à des prestations de transport ou de guet, d’autres enfin à des services particuliers comme nourrir les chiens du comte, fournir de l’avoine à son cheval ou encore faire taire les grenouilles pour ne pas gêner le sommeil du comte…

Certains casaus doivent fournir une aide à d’autres casaus. On voit ainsi se mettre en place une société organisée autour des casaus qui sont des unités fiscales et de production, dont certains sont dits « francs » et qui doivent un service armé (le début des chevaliers), d’autres rendent des services dits « nobles », d’autres enfin des services dits « serviles ».

L’apparition des questaus

Nous sommes au XIIIe siècle. L’État moderne se met en place et les dépenses seigneuriales et d’administration se font de plus en plus lourdes. Il faut trouver de nouvelles ressources. Cela implique de mieux contrôler le territoire, ses ressources et sa population.

Les seigneurs revendiquent la possession des pâturages, des landes, des forêts et des eaux. Ils imposent alors des redevances pour leur utilisation. La vie sociale étant largement réglée par des pactes et des compromis écrits, on voit apparaitre progressivement dans les textes une nouvelle catégorie sociale : les questaus.

Pour garantir la pérennité des casaus, le droit d’ainesse apparait. Les cadets ou esterlos qui n’ont aucun droit, cherchent à se voir concéder des terres à exploiter pour lesquelles ils paient un cens. Ils se voient également attribuer la jouissance de pacages, des eaux ou des forêts seigneuriales en échange du nouveau statut de questau.

À noter, Benoit Cursente propose comme origine du mot esterlo (estèrle en gascon actuel) le mot latin sterilis, car le cadet n’a pas le droit d’avoir une descendance dans la maison natale. D’ailleurs, estèrle en gascon veut dire stérile.

Questaus et casaus

Le questau paie la queste

Questaus et casaus - travaux des champs
Travaux des champs

En plus du cens, le questau paie la queste, impôt sur l’utilisation des pacages ou des forêts. Il peut être astreint au paiement de redevances en nature. Il s’agit de mesures de grains ou de vin, fourniture de volailles, hébergement de soldats, corvées au château, etc.

La communauté des questaus peut payer collectivement la queste. En fait, c’est un moyen de surveillance car, s’ils venaient à déguerpir, la queste qui ne varie pas augmente la charge de chacun.

Le questau renonce également par écrit à certains de ses droits. Par exemple, il s’engage à ne pas quitter la seigneurie dans laquelle il réside sous peine d’amende. Et/ou il doit fournir une caution par avance,  renoncer à ses droits qui lui garantissent que ses bœufs et ses outils ne soient pas saisis. Ou encore il s’engage à payer une redevance lors de la naissance de chacun de ses enfants. Autre exemple : il s’oblige à faire moudre au moulin seigneurial, etc.

Même les possesseurs de casaus qui doivent des services dits « non nobles » peuvent devenir questaus. Cela ne se fait pas sans résistance. On voit des déguerpissements collectifs (abandon des terres pour s’établir ailleurs) et les seigneurs doivent transiger et trouver des compromis.

Les questaus apparaissent dans toute la Gascogne, sauf en Armagnac et dans les Landes. En montagne, on voit moins de questaus du fait du mode de gestion des terres. Ils représentent environ 30 % de la population.

Echapper à l’état de questau

Questaus et casaus - La tonte des moutons
La tonte des moutons

Echapper à l’état de questau est possible.

On peut bénéficier d’une franchise individuelle moyennant le payement annuel du francau ou droit de franchise. Parfois, la liberté peut s’accompagner de réserves comme celle de continuer à habiter sur le casau et de le transmettre à ses héritiers qui devront payer une redevance annuelle ou s’astreindre à des services pour le seigneur. Mais, lo franquatge [La franchise] coûte cher car il s’accompagne du paiement d’un droit pouvant représenter le prix d’une maison.

De même, la liberté peut être accordée à des communautés entières moyennant un droit d’entrée assez élevé, quelques concessions définies dans une charte et le paiement collectif d’un francau annuel. Dans certains endroits, on paie encore le francau au XVIIIe siècle.

La création de nouveaux lieux de peuplements est aussi un moyen d’échapper à la condition de questau par le biais des franchises accordées aux nouveaux habitants. Comme il n’est pas question de voir tous les questaus échapper à leur condition en venant s’y installer, on le leur interdit ou on n’en autorise qu’un petit nombre à y venir.

Enfin, les esterlos peuvent s’y établir sans limite. C’est un moyen de bénéficier d’une nouvelle population tout en vidant l’excédent d’esterlos dans les casaus. C’est aussi le moyen d’affaiblir les casaus au profit d’autres systèmes plus lucratifs.

En résumé, la société paysanne gasconne du Moyen-âge s’articule autour de paysans propriétaires qui travaillent un alleu (franc de tous droits), de casalèrs soumis au cens ou à des services, de questaus et d’affranchis.

Chaque catégorie peut être soumise à des restrictions ou à des engagements particuliers.  Il en est de même des particuliers, ce qui rend la société de cette époque extrêmement complexe.

Serge Clos-Versailles

écrit en orthographe nouvelle

Références

Une histoire de la questalité, Serfs et libres dans le Béarn médiéval, Benoit Cursente, Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau et du Béarn, 2011.
Puissance, liberté, servitude les Casalers gascons au Moyen Âge, Benoit Cursente, Histoire et Société rurales, 1996,  pp. 31-50




Les légendes autour de la Grande Ourse

Nous connaissons tous la Grande Ourse. Pourtant nous n’avons pas toujours employé ce nom. Comment nos aïeux en parlaient-ils ? Et qu’est-ce que cela leur inspirait ?

La Grande Ourse, lo car ou lo carriòt

Grande Ourse - Constellation Ursa Major du Johannis Hevelii prodromus astronomiae (également connu sous le nom d'Uranographia) par Johannes Hevelius - 1690
Constellation Ursa Major du Johannis Hevelii prodromus astronomiae (également connu sous le nom d’Uranographia) par Johannes Hevelius – 1690

La Grande Ourse est une des constellations les plus connues et les plus faciles à reconnaitre. À vrai dire, il n’est pas si simple d’y voir une ourse, car, de toutes ses étoiles, seules 6 sont vraiment brillantes. On en retient souvent ce que l’on appelle en français la Casserole ou le Chariot, c’est-à-dire les sept étoiles qui évoquent clairement cette forme.

En outre, elle reste dans notre ciel toute l’année et durant toute la nuit. Pas étonnant qu’elle ait été un repère dans nos pays.

Cependant, en Gascogne, elle s’appelle lo Carriòt de David [le Chariot de David], lo Car deu cèu [le Chariot du ciel], lo Car triomfau [Le char triomphal], lo Carriòt deus sèt estèus [Le chariot des sept étoiles] ou simplement los Sèt estèus [les Sept étoiles].

Ainsi, on peut l’identifier dans ce poème du Bigourdan Jean-Pierre Pecondom, écrit en 1860, et intitulé Estreos d’et permé d’et an :

Le chariot de David, autre nom de la Grand Ourse
Le chariot de David

Gardatz eras set crabèras
Un lugran escarrabelhat,
Tres hustets e huserèras
Qui van decap ath Vedat;
Sus nos eth car de renversa,
De Noë era senta crotz;
Cèu estelat qui versa
Sus nosauts mila favors

[Regardez les sept chevrières / Une étoile brillante / Les trois coins et les filandières / Qui vont vers le Bedat ; / Sur nous le char retourné / De Noë la sainte croix / Ciel pur étoilé qui verse / Sur nous mille faveurs]. Traduction de Francis Beigbeder.

Vous noterez les constellations Set crabèras, Tres hustets, Huserèras, Eth car, Noë era senta crotz.

Quel est l’origine de la Grande Ourse ?

Joan Amades i Gelats (1890 - 1959
Joan Amades i Gelats (1890 – 1959)

Si nous n’avons pas d’information sur la Gascogne, nos voisins Catalans en ont une. Et l’ethnologue catalan Joan Amades (1890-1959) nous raconte, dans Costumari Català : La constel·lació de l’Óssa major és coneguda en molts pobles pel Carro. La veu popular diu que el carro del cel va ésser el primer que hi va haver i que, com que va representar un gran avenç per al transport, puix que abans tot s’havia de portar a coll d’homes o a bast d’animals, Nostre Senyor, desitjós que no es perdé- la mena d’aquell nou invent que representava un tan gran descans per a l’home, va fer posar el primer carro dall del cel, perquè sempre més se sabés com era i se’n pogués tornar a fer un altre.

[La constellation de la Grande Ourse est connue dans plusieurs villes sous le nom de Char. La légende raconte que le Char du Ciel était le premier qui exista et que, compte tenu du grand progrès qu’il représentait pour le transport, puisque, auparavant, il fallait tout transporter à dos d’homme ou a dos d’animal, Notre Seigneur, voulant que cette invention qui évitait à l’homme tant de fatigue ne se perde pas, a mis le premier char dans le ciel pour l’on sache toujours comment s’y prendre pour en faire un autre.]

Lo Car deu rei David

Jean-François Bladé
Jean-François Bladé (1827-1900)

Quant à Jean-François Bladé (1827-1900), il rapporte dans ses Contes de Gascogne, cette légende intitulée « Le Char du roi David », donc une légende de la Grande Ourse, et dictée par Pauline Lacaze, originaire de Panassac (Gers) : La nuit, quand il fait beau temps, vous voyez, du côté de la bise [nord], sept grandes étoiles et une petite, assemblées en forme de char. C’est le Char du roi David, qui commandait, il y a bien longtemps, dans le pays où devait naitre le Bon Dieu. Le roi David était un homme juste comme l’or, terrible comme l’orage. Voilà pourquoi le Bon Dieu le prit au ciel, quand il fut mort, et plaça son char où vous le voyez.

Lo car e los bueus [Le char et les bœufs]

Félix Arnaudin - Autoportrait
Félix Arnaudin – Autoportrait (1844-1921)

De son côté, Félix Arnaudin (1844-1921) publie dans les Condes de la Lana Gran, un conte qu’il a collecté. Il est intitulé Le Char et les Bœufs. Il parle donc de la Grande Ourse :
Le Char et les Bœufs sont sept grosses étoiles que l’on distingue  fort bien dans le ciel. Il y en a quatre qui sont les quatre roues du Char une autre le Timon, et les deux dernières représentent le Bouvier et le Bœuf. Il y a aussi une autre petite étoile que l’on peut voir au-dessus du Bœuf ; celle-ci est le Loup. Une fois, le loup avait mangé un des bœufs du bouvier. Et, naturellement, l’homme ne pouvait plus faire tirer son char par un seul bœuf. Alors, pour refaire la paire, il attrapa le loup et l’attela avec le bœuf, à la place de celui qu’il avait mangé. Et depuis, le loup et le bœuf tirent ensemble.

La punition de l’avare

Toujours Joan Amades rapporte cette légende d’une région catalane du nord, fort différente des précédentes :
La gent vella de l’Empordà deia que era la carreta de bous d’un hisendat molt ric, qui, un any de molta fam, tenia els graners abarrotats, mentre tothom es moria de gana. Perquè no volia vendre el blat per esperar que pugés més, el poble es va amotinar i anava a cremar-li els graners. L’avar, espantat, va carregar la carreta tant com pogué, i anava a fugir amb el seu blat, però Nostre Senyor el va castigar i se’l va emportar al cel. perquè els avars en prenguessin exemple.

[Les anciens de l’Empordà disaient que c’était le char à bœufs d’un propriétaire très riche qui, une année de grande faim, avait les granges bondées tandis que tout le monde mourrait de faim. Parce qu’il ne voulait pas vendre le blé afin d’attendre qu’il monte davantage,  les gens se sont révoltés et allaient bruler ses granges. L’avare, effrayé, allait charger le chariot et allait s’enfuir, mais Notre Seigneur le punit et l’emmena au ciel pour que les avares s’en souviennent.]

Les autres noms de la Grande Ourse

Si les Romains y voyaient une ourse, les Egyptiens y voyaient un chien ou un taureau et les Hébreux un sanglier ou une ourse.

Cependant, on retrouve dans plusieurs peuples l’idée d’un chariot souvent tiré par des animaux et parfois même conduit par un homme. Ainsi, les Egyptiens l’appelaient le Chien de Typhon ou le Char d’Osiris, les Suédois le Chariot du dieu Thor et les Wallons le Char-Poucet.

D’ailleurs, le Dictionnaire étymologique de la langue wallonne précise :
Chaur-Pôcè (la Grande-Ourse, verb. : le char-Poucet) : des huit étoiles dont semble formée cette constellation, les quatre en carré représentent, selon les paysans, les quatre roues d’un char, les trois qui sont en ligne sur la gauche sont les trois chevaux, enfin, au-dessus de celle de ces trois qui est au milieu, il s’en trouve une petite qu’ils regardent comme le conducteur du char et qu’ils nomment Pôcè.

D’autres lui donnent un nom simple comme les Perses qui l’appellent les Sept grandes étoiles. Enfin, d’autres encore lui donnent un nom plus original comme les Indiens (d’Inde). Ils l’appelaient la Mer d’or, ou le Pays de Galle, histoire oblige, la Harpe d’Arthur.

On retrouve malgré tout l’idée du car ou des set estelas de la Gascogne.

Le Char d'Osiris, autre nom de la Grande Ourse
Le Char d’Osiris

Le rôle de la Grande Ourse

Trouver l'étoile polaire
Trouver l’étoile polaire

Pour les Egyptiens, la Cuisse du Taureau [la Grande Ourse] ordonnait l’univers. elle indiquait les points cardinaux et signalaient ainsi les saisons.

Il est vrai qu’elle permet de trouver l’étoile polaire. Ainsi, il suffit de prolonger la ligne qui passe par les deux étoiles qui constituent le bord extérieur de la casserole. Puis, de prolonger cinq fois la distance entre les deux étoiles.

 

 

 

Anne-Pierre Darrées

écrit en orthographe nouvelle

Références

La Grande Ourse est une table d’orientation très pratique au printemps, Le Monde, 7 avril 2018
Contes de Gascogne, Jean-François Bladé, 1886
Condes de la Lana Gran, Felix Arnaudin, 1912
Le Petit Poucet et la Grande Ourse, Gaston Paris, 1875
Dictionnaire étymologique de la langue wallonne, Charles Grandgagnage, 1837, p. 153
À la découverte du ciel, exposition château de Mauvezin (65)




Histoires de loup

Le loup a longtemps hanté les campagnes gasconnes. Et on lui a fait une chasse intensive, si bien qu’on aurait tué le dernier loup gascon à la fin du XIXe siècle. Le croyait-on disparu ? Le voilà de retour…

Les premiers Loups sont ducs de Gascogne

Alors que règnent les Mérovingiens, la Gascogne échappe à leur contrôle. Ce sont les Vascons qui la gouvernent. Certes, on en sait peu de choses, sinon par le biais de chroniqueurs francs qui les décrivent comme des « sauvages ».

Sanche I Loup de Gascogne
Sanche I Loup de Gascogne (? – 812)

Voilà que surgit Lop 1èr [Loup 1er], Duc des Vascons de 670 à 688. Lop II est Duc de 768 à 778. Étant considéré comme le responsable de la défaite de Roland à Roncevaux, le roi des Francs l’aurait fait destituer et exécuter.

Son fils, Sanche-Lop, est Duc de 800 à 812. Puis, il cède sa place à son frère Semen-Lop, Duc de 812 à 816. D’ailleurs, il serait le père du premier roi de Pampelune Eneko Arista.

En continuant, son fils Garcia-Semen gouverne pendant 2 ans avant de céder sa place à son frère Lop III Centolh, duc de 818 à 819. Bien que la fausse charte d’Alaon lui attribue deux fils : Centolh-Lop, vicomte de Béarn et Donat-Lop, comte de Bigorre, il semble qu’il n’ait pas eu de descendance.

Ensuite, on ne parle plus de Lops au duché de Gascogne.

Le loup ne s’attaque pas qu’aux troupeaux

François Grenier de Saint-Martin (1793-1867) - Petits paysans surpris par un loup
François Grenier de Saint-Martin (1793-1867) – Petits paysans surpris par un loup

Pierre Bordages, curé d’Estancarbon en Comminges écrit dans ses registres paroissiaux : « Le deux août 1761, les loups dévorèrent une fille de Pointis-Inard, on ne trouva que le crâne et les habits huit jours après. Le douze, ils tuèrent une fille de Villeneuve-de Rivière, la transportèrent assez loin, la mirent à nu et la meurtrirent. Le quatorze, ils tuèrent un garçon d’environ quinze ans à Beauchalot, et le seize, une femme de cinquante ans à Aulon, vers les huit heures du matin, et les autres à la même heure du soir, en gardant le bétail, ce qui mit l’alarme dans le pays, ces malheurs étant sans exemple ».

Jean-Marc Moriceau, professeur émérite d’histoire à l’université de Caen, a dépouillé des registres paroissiaux de 1580 à 1842. Il recense 18 000 cas de prédation de loups sur l’homme en France métropolitaine. Ainsi, il note que les loups attaquent surtout de jeunes enfants isolés. L’Auvergne, la Champagne et la Bretagne sont particulièrement concernées, alors qu’on n’en trouve presque pas en Normandie.

Les périodes les plus propices aux attaques de loups sont celles où on les chasse le moins, notamment pendant les troubles comme les Guerres de Religions.

La chasse aux loups / la caça a la lobatalha

Pour lutter contre les lops [loups], on organise de grandes battues et on verse des primes à ceux qui tuent des loups.

Blason marquis de Flamarens, grand louvetier
Blason du Marquis et du Comte de Flamarens, Grand Louvetier

Charlemagne crée la Louveterie / Lobateria en 813. À sa tête, un Grand Louvetier qui prête serment au roi. Il est assisté de Lieutenants et de Sergents de Louveterie / lobatèrs qui lui prêtent serment à leur tour. Gaston de Crossoles, Marquis de Flamarens est Grand Louvetier de 1741 à 1753, Emmanuel-François de Crossoles, Comte de Flamarens, occupe la charge de 1753 à 1780.

De plus, les seigneurs hauts-justiciers doivent organiser des battues tous les trois mois. Par exemple, le 13 mars 1712, on organise une chasse dans le bois du Marmajou à Vic de Bigorre. Les habitants doivent venir avec leurs fusils. Ceux qui sont absents sont pignorés de 3 livres et ceux qui tuent un loup sont récompensés. De même, le 12 mars 1775, la communauté de Lherm en Comminges délibère sur la dépense de 10 livres 11 sols occasionnée par une chasse aux loups ordonnée par le Subdélégué et « sur quel essaÿ il ne pareu que beaucoup de pies & de corbeaux, et non de loups, comme nen paroissant point dans ce paÿs, que fort rarement ».

Insigne d'un lieutenant de louveterie contemporain
Insigne d’un lieutenant de louveterie contemporain

Mais le versement de primes conduit à des abus qui entrainent la suppression de la Louveterie en 1787. Puis, les guerres de la période révolutionnaire entrainent la multiplication des attaques de loups sur les soldats, si bien que Napoléon la rétablit en 1804.

Les Lieutenants de Louveteries existent toujours. Et la loi de 1971 les charge de veiller à réguler les nuisibles et à maintenir l’équilibre de la faune sauvage.

Le Baron de Ruble, chasseur de loups en Gascogne

La loi du 3 août 1882 facilite la destruction des loups. D’après le Bulletin du Ministère de l’agriculture, on a tué 1 316 loups en 1883, 760 en 1886 et 515 en 1889. En 1940, il ne reste plus de loups en Europe, sauf en Espagne et en Italie.

Baron Paul-Joseph-Alphonse de Ruble (1799-1896)
Baron Paul-Joseph-Alphonse de Ruble (1799-1896)

Le Baron Paul-Joseph-Alphonse de Ruble (1799-1896) est Lieutenant de louveterie en 1830. Il habite le château de Bruca sur la commune de Blanquefort dans le Gers. En fait, il parcourt la Gascogne pour chasser le loup.

Pour mieux y parvenir, il croise des chiens et crée une race des Bleus de Gascogne appelés Chien de Ruble.

Finalement, en 1848, le Baron de Ruble tue le dernier loup du Gers entre Lectoure et Fleurance. La chasse nous est racontée par les témoins : « Huit heures dura la chasse, d’un train d’enfer, par monts et vallées, mais en vain. Harassés, hommes, chevaux et chiens durent s’arrêter. Plus madré qu’un ancien, le jeune loup avait disparu aux alentours d’un vaste étang… Dix-sept jours de suite, la bête fut relancée, poursuivie à outrance. Enfin les chasseurs l’emportèrent. Le loup squelettique fut forcé et l’hallali sur pied fut sonné. L’explication de ce mystère est que, chaque jour, la bête sur ses fins se réfugiait à la nage sur un minuscule îlot broussailleux au centre de l’étang. Elle en sortait la nuit pour aller se nourrir ».

Il est de retour

Présence du loup en Europe de l’Ouest (source Large Carnivore Initiative for Europe)

Que’s lobatèja [On crie au loup]. On a aperçu les deux premiers loups en 1992 dans le Mercantour. Il progresse rapidement : on le voit dans les Vosges en 2011, dans l’Aude en 2014, puis dans le Tarn. En Gascogne, on observe le premier loup à Troncens dans le Gers en 2012. Des rumeurs le font apercevoir en Béarn, en Bigorre, en Ariège. En fait, il revient dans toute l’Europe.

Le loup est un carnivore. Il mange des cerfs, des chevreuils, des sangliers mais ne dédaigne pas les lapins, les oiseaux, les œufs, les grenouilles et même les baies sauvages. On sait que la présence du loup contribue à réguler la population d’ongulés (cerfs, chevreuils, isards, chamois, sangliers, etc.) et à améliorer leur état sanitaire car il chasse les plus faibles et les animaux malades. Il s’attaque aussi aux troupeaux qui ne représentent que 8 % de son alimentation.

Le loup vit en meutes de 5 à 6 individus. À la recherche d’un nouveau territoire, un loup peut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres par jour. C’est ce qui explique que l’on en voit çà et là de manière isolée.

Aujourd’hui, le loup fait partie des animaux protégés. On en compte plus de 600 en France.

Un Plan national d’actions couvre la période 1998 à 2023. Il vise à limiter l’impact du loup sur l’élevage : installation de parcs électrifiés, achat de chiens de protection, gardiennage des troupeaux, lutte contre les chiens errants qui font aussi beaucoup de ravages dans les troupeaux. Lorsqu’on constate une attaque, la réglementation prévoit que l’éleveur reçoive des indemnisations.

Comparons chiens et loups

Sa place dans la culture populaire

Un si long voisinage avec l’homme n’a pas manqué d’inspirer nombre de contes et de fables.

Par exemple, La Fontaine écrit Le loup et l’agneau. Un auteur bayonnais anonyme (peut-être François Batbedat) traduit ses fables en gascon en 1776 avec le titre Fables causides de La Fontaine en bers gascouns :

Le Loup et l'Agneau - Les Fables de La Fontaine illustrées par G. Doré (Gallica)
Le Loup et l’Agneau – Les Fables de La Fontaine illustrées par G. Doré (Gallica)

Un agnét en ibe aigue pure
Que bebé delicademen :
Bin un loup cercan abenture ;
Lou querela brutalamen.
………………..
Atau sur lo prat, sus la bignbe,
Aus petits lous grans cerquen grigne ;
Qu’ous minyen, qu’ous gahen l’aryen.
Sauva qui pot dequere yén.

Jean-François Bladé (1827-1900) a recueilli plus de 10 contes populaires avec des loups : La Messe des loups, Le loup malade, La chèvre et le loup, Le loup et l’enfant, etc. Naturellement, le loup n’a jamais le beau rôle et fait les frais de l’histoire !

Le gascon est riche d’expressions comme Minjar com un lop [manger beaucoup et avec voracité], Hicà’s dens la gòrja deu lop [se jeter dans la gueule du loup], Un vente de lop [un ventre affamé], Un caishau de lop [une molaire ou quelqu’un de vorace], Qu’a entenut a petar lo lop [il a une grande connaissance], Tuar eth lop [faire bombance], Ací, que i a un lop [se dit quand on rencontre une difficulté], etc.

Le loup est également présent dans la toponymie gasconne : Lupiac, La loubèra, Pouyloubrun, etc.

Serge Clos-Versaille

écrit en orthographe nouvelle

Références.

Revue de Gascogne
Fables causides de La Fontaine en bers gascouns, 1776, Bibliothèque de l’Escòla Gaston Febus.
Dix contes de loups, Jean-François Bladé, La Bibliothèque électronique du Québec
Notice sur la vie et les travaux du baron de Ruble lue dans la séance du 11 août 1899,  Henri Thédenat
Le loup en France, Office Français de la biodiversité
Le loup ni ange ni démon, Site du WWF France