André Daguin renouvelle la gastronomie gasconne
La gastronomie est un sacré pan de la culture et du patrimoine gascons. André Daguin (1935 – ), l’inventeur du magret, ce « mousquetaire de gueule » comme le nommait le journaliste gastronomique Robert Courtine, en est un bel exemple. Le Gascon meurt comme tout le monde de cholestérol, mais comme l’a dit le poète Bernard Manciet, vit jusqu’à cent ans, de graisse d’oie et d’armagnac (extrait de Dieu est-il Gascon ?, Christian Millau). Dans la série Gascons de renom. Fait suite à Joseph du Chesne et Jean Laborde.
André Daguin, le seigneur cuistot
Héritant de ses parents et de sept générations d’hôteliers, l’Hôtel de France à Auch, il en prend la direction en 1957 et y restera quarante ans. Curieux de la cuisine traditionnelle, il n’aura de cesse d’interroger les femmes âgées. En effet, il est convaincu que les femmes cuisinent d’instinct. Et il les presse de questions sur l’élevage, la préparation des oies et des canards, les ajouts de ceci et de cela. Il détecte ainsi les détails qui changent le goût d’un plat, les erreurs qui gâchent un met. Avec un grand talent, il réajustera les informations collectées pour créer des plats délicieux.
Ses qualités de chef lui rapporteront à 25 ans sa première étoile Michelin et à 35 ans sa deuxième. La cuisine française says André Daguin (Auch, two stars) is not this school at all. It is the sum total of all the various regional French cuisines. (New York Times, 6 février 1977). Ainsi, il fera connaître Auch et la Gascogne en France et au-delà. Sa verve de Gascon, las suas cridadas (ses coups de gueule), lui attacheront bien des fidèles. Il se montre vif, malicieux, imaginatif, rebelle, trufandèr, il parle haut, aime le rugby et la joute à la fourchette.
Las sopas d’André Daguin
La soupe est incontournable en Gascogne. Alors le chef gersois va lui donner de la force comme son bouillon de queue de taureau ou de la noblesse comme cette mousse qui affinera le torrin blanc / tourin blanc. « Pour faire une bonne soupe, il faut le temps de trois mi-temps de rugby : les deux premières sur le terrain, équipes séparées, la troisième, équipes réunies pour raconter les deux premières » écrit Daguin dans son livre Le nouveau cuisinier gascon.
Les locaux aisés se pressaient dans son restaurant. Pourtant, ils n’appréciaient pas toujours ce que le chef leur avait préparé. Les soupes, les écrevisses ou les oscilles (carcasses d’oie salées et grillées) servies en leur mettant une grande serviette autour du cou les choquaient ou les rebutaient. Alors ils demandaient un autre plat, mais de sa cuisine Daguin répondait il n’y en a pas. Un jour, excédés, les clients se rebellèrent et exigèrent que le chef accédât à leur demande. La serveuse, timidement, demanda ce qu’on allait leur servir. Qu’on leur serve de la merde, hurla le chef irascible !
Inutile de dire que Daguin participera dès sa création en 2004, à l’émission de RMC, les grandes gueules.
André Daguin invente le magret
Si André Daguin est connu dans toute la France, l’Europe et le monde, c’est grâce à une création : le magret. Que faisait-on du filet d’oie ou de canard gras avant ? Du confit ! Les filets, les cuisses étaient salées, cuites doucement dans la graisse, conservées dans des topins. On les mangeait au fur et à mesure des besoins soit en les faisant cuire à la poêle soit en les mettant à la sopa. Le chef auscitain trouva que cela desséchait trop ce filet déjà maigre (magre en gascon) et, en 1959, il va proposer de nouveaux modes de consommation : grillé, séché, fumé. Il propose de franciser le mot et de l’appeler maigrait ou maigret. Ce sera le mot gascon magret qui s’imposera.
En 1965, il inventera le magret au poivre vert, devenu un classique de la cuisine. Et c’est sous cette forme que le magret partira à la conquête des autres régions du monde. Il doit d’ailleurs son succès international au journaliste américain Bob Daley qui écrivit en 1977 un grand article élogieux sur le New York Times après l’avoir goûté à Auch. Car, comme dit le gastronome Jean-Anthelme Brillat-Savarin (1755 – 1826) : La découverte d’un plat nouveau fait plus pour le bonheur de l’humanité que la découverte d’une étoile.
André Daguin cuisine le foie gras
The master of foie gras comme disent les Américains, nous apprend qu’un bon foie gras chaud est du canard et un bon foie gras froid est de l’oie. Daguin les a cuisinés de toutes les façons possibles, même les plus étranges ou les plus audacieuses comme son foie de canard à la choucroute qui mêle saveurs salée et acide.
Et d’affirmer lors d’une interview par Jean-Claude Narcy : Qu’on cesse de menacer le foie gras avec un couteau. Il faut manger la terrine comme une glace à la vanille avec une cuillère à entremets trempée dans de l’eau chaude.
Le président de l’UMIH
Jusqu’en 2008, Daguin est président de L’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH). C’est l’organisation patronale française rassemblant 90 000 entreprises du secteur de l’hôtellerie-restauration. Il travaillera à la baisse de la TVA pour la restauration. Son franc-parler fut parfois jugé trop brutal dans le monde ouaté de la politique et du lobbying.
Il s’associe aussi à des associations pour promouvoir des écoles hôtelières comme celle de Sala Bai, ouverte en octobre 2002, et qui forme gratuitement de jeunes cambodgiens défavorisés.
La cuisine gasconne vue par les Daguin, père et fils
En 2010, André Daguin et son fils Arnaud qui a monté une maison d’hôte Hegia, à Hasparren, Arnaud Daguin (première étoile Michelin de l’histoire décernée à une table d’hôte), écrivent un livre sur les deux visions de la cuisine gasconne, 1 canard 2 Daguin.
Références
Jet-set chefs, Robert Daley, New York Times, 6 février 1977
Le nouveau cuisiner gascon, André Daguin, Stock, 1981
Dieu est-il gascon, Christian Millau, 2006
1 canard, 2 Daguin, André et Arnaud Daguin, 2010
Je pense donc je cuis, Portraits & anecdotes, André Daguin, 2013